Chapitre 41 : Présences silencieuses
Bonjour ! (Ce sera certainement le matin d'ici à ce que j'arrive à publier mon chapitre.) Je suis en retard, je sais. D'habitude je n'ai pas d'excuses valables à part les cours mais cette fois-ci, c'est un peu différent. Le soir même de la publication du chapitre précédent j'ai été percutée par une voiture (alors que je marchais sur le passage piéton.. dans le noir mais bon ce n'est pas une excuse !) et donc, hôpital, et drôle de coïncidence (ou pas... franchement je ne trouvais pas ça drôle du tout sur le coup... d'ailleurs j'ai encore peur en traversant la rue), c'est mon épaule gauche qui a pris le choc, résultat j'ai eu le bras gauche (et l'épaule bien évidemment) immobilisé pendant un certain temps. Puis de la rééducation et me voilà ! J'ai encore un peu mal (comme si mon épaule était reliée à mon bras par un vieil élastique) mais ça va mieux. Alors pour fêter ça, je vous publie ce long chapitre (10 000 mots, 30 pages) où Harry, lui aussi, va sur le chemin de la guérison ! (Point positif, décrire la douleur après l'avoir vécue, c'est plus facile ! On voit du positif où on veut...) Bonne lecture, en espérant que ce chapitre vous plaira !
Aveugle et sourd, Harry prétend à la vie.
Comme s'il n'y avait rien eu avant, comme s'il n'y aurait jamais rien après, l'air emplit ses poumons, déchirant sa poitrine au passage. Arrachant son esprit à l'inconscience avec impatience.
L'air qu'il respirait était chargé de cette présence rassurante et néfaste pour lui. À la fois douce et oppressante. Elle incarnait avec une précision monstrueuse tout ce qu'était et avait été Tom Jedusor. Un criminel au passé chargé d'une vie parcourue dans le sang. Meurtrier né. Se sentant isolé avant de pouvoir ressentir quoi que ce soit d'autre. Un innocent torturé par un concours de circonstances infortunées. Une âme solitaire éclatée en morceaux comme pour pouvoir prétendre être deux.
En une seule bouffée d'oxygène, Harry eut un aperçu de l'entièreté de l'existence du mage noir. Comme si le simple fait qu'ils respirent le même air était suffisant pour connecter irrémédiablement leurs existences. Les lier au-delà du temps et de la distance.
Alors malgré la douleur, les ténèbres dans son cœur, malgré l'absence de ses sens l'ayant abandonnée à la souffrance, Potter n'avait pas peur. Pas peur de s'éveiller dans un endroit effrayant et inconnu. Pas peur de bouger même si son corps hurlait qu'il devait garder l'immobilité.
Il n'avait rien à craindre s'il pouvait percevoir la magie si distincte, si liée à la sienne, qui animait l'être pour lequel il tenait absolument à être présent.
Quelque chose, une image floue et fugace dans son esprit, lui rappela sans qu'il sache d'où elle lui venait, que Tom avait failli mourir. Que le soulagement profond et vif qu'il ressentait en inspirant pour la première fois n'était pas complètement sien. C'était un sentiment, une émotion partagée. Qu'ils ressentaient de la même manière l'un pour l'autre.
Dans la brume de ce premier instant de retour à la réalité, Harry songea que c'était la première fois que le lien transmettait simultanément deux émotions parfaitement identiques, à l'un comme à l'autre. La première fois qu'ils étaient égaux sur la force de leurs sentiments.
Puis la bulle dans laquelle il nageait, semi-conscient, éclata avec cruauté. Le laissant à la barbarie du monde auquel il appartenait.
Harry ouvrit les yeux et alors que la lumière brûlait ses rétines laissées trop longtemps dans l'obscurité, son ouïe fut agressée par le son strident de bips sonores tout autour de lui.
Le plafond blanc et l'odeur métallique ne l'aidèrent pas à se sentir mieux et, partiellement et parallèlement à la réalité, des souvenirs désordonnés lui revinrent en mémoire.
La première épreuve, le Mont Greylock, les balises qu'il lui fallait activer, Tom se tenait à ses côtés. Il était en danger. L'Élu ne savait plus pourquoi ou comment mais il était certain que le Seigneur des Ténèbres était en danger et qu'il devait le protéger.
Ce simple mot déclencha une image affreuse, entièrement assombrie dans son esprit, où il était penché sur Tom, une douleur affreuse le déchirait de l'intérieur et il… il ?
Il ne savait pas. Il ne savait plus. Qu'avait-il oublié ? Manquait-il un morceau à sa mémoire ?
Harry ne savait même plus ce qui les avait attaqués. Ses souvenirs étaient précis jusqu'à ce qu'il quitte la tente avec Tom. Il se souvenait de quelque chose, un monstre attendait dehors. Il les avait attaqués ? Non, il avait attaqué Tom. Qui avait attaqué Tom ? Le monstre ou lui ?
Qu'est-ce que.. Est-ce qu'il...
Sa tête lui faisait affreusement mal, il referma les yeux une seconde, tentant d'ajuster sa vue floue, et dans un mouvement maladroit et involontaire, il tenta de bouger son bras gauche. La douleur fulgurante que déclencha ce simple mouvement le fit hurler. Un cri rauque, sa voix se cassant irrémédiablement, sa gorge trop sèche pour émettre le moindre son.
Confusément, Harry tenta de se redresser sans vraiment y parvenir et le sentiment de ne pas pouvoir utiliser son corps comme il le souhaitait ne fit que l'affoler davantage.
On lui cria alors, le son lui parvenant derrière les bips sonores qui l'empêchaient de se concentrer sur son environnement.
— Cessez de bouger ! Vous voulez mourir ? Restez couché et ne bougez plus.
Potter reconnut la voix de Rogue ce qui eut le don de le faire obéir, il y avait quelque chose d'inexplicablement rassurant à entendre le Maître des potions lui crier après. C'était normal, que Severus Rogue le réprimande parce qu'il mettait stupidement sa vie en danger. C'était familier. Affectueux presque.
Le Survivant supposa que celui-ci avait réussi à stopper les bips incessants qui lui perçaient les tympans, puisque après son intervention ceux-ci se turent enfin. Le silence que cela provoqua lui permit de clarifier les pensées et les sensations qui se bousculaient dans sa tête. Il devait mettre sa douleur de côté, elle le parasitait.
Harry commença par réguler son souffle erratique et il entendit le Maître des potions soupirer profondément à ses côtés. Un ces soupirs particuliers qui flottaient, traînant derrière eux une flopée d'autres maux. Plein de soulagement, de gratitude, de lassitude, d'espoir et de colère à la fois.
Concentré sur sa respiration pour réguler la douleur qui pulsait à travers son corps, le lion entendit à peine le médicomage responsable des soins intensifs entrer. Il ne savait toujours pas où il était et il n'avait pas compris qu'il se trouvait dans un hôpital. Il ne s'en souciait pas pour le moment. Une seule chose le préoccupait. Une seule personne avait son attention complète et intégrale.
Le responsable échangea quelques mots avec le Maître des potions puis il repartit. Potter ne capta pas un mot de leur conversation, trop focalisé sur son objectif et lorsqu'il eut assez de force pour ça, il prononça, aussi clairement que possible.
— Tom ?
Puis, sûr qu'il poserait ses yeux sur lui, quoi qu'il se soit passé, Harry se redressa, juste assez pour plonger les siens dans la direction d'où il savait provenir de la magie du mage noir.
Lorsque leurs regards se croisèrent Potter sut que quoi qu'il se soit passé, c'était grave. Parce que le Seigneur des Ténèbres était debout là, à un mètre de lui, comme paralysé, incapable de faire le moindre mouvement. Visiblement hésitant, affecté, prudent, blessé, perdu. Inquiet.
Harry avait trop mal pour saisir les émotions violentes et sans le moindre sens qui percutaient leur lien avec une force démesurée. Elles lui semblaient être là depuis des lustres, à frapper à la porte de son âme en attendant qu'il y réponde. Il n'arrivait pas à les comprendre mais son cœur se mit à battre de manière compulsive, bêtement heureux qu'il soit là. Entier et vivant, à ses côtés.
Son cœur cognait à tout rompre car même si Harry avait essayé de se rassurer en pensant que Tom serait là, une partie de lui s'était mise à imaginer que peut-être, il lui avait fait du mal, qu'il l'avait tué. Qu'il s'était inventé sa présence pour se rassurer.
L'Élu n'avait pas réussi à abattre ses incertitudes à ce sujet. Celles qui lui disaient que si quelque chose de grave se passait alors c'était lui, Tom et la mort. Que ce serait toujours comme ça.
À cet instant le champion de Poudlard lâcha dans l'un de ces soupirs particuliers, flottants.
§ Tu es là. §
Comme si ces trois mots portaient avec eux le poids du monde, Jedusor s'écroula. Il franchit la distance trop grande qui les séparait encore et lorsque Harry inspira de nouveau un autre corps pesait sur sa poitrine, sur son côté droit, celui qui ne le faisait pas trop souffrir.
Il avait mal et pourtant il se sentait heureux. Il n'était pas sûr que ce sentiment soit le sien mais la joie qui vibrait en lui était plus forte que toutes les souffrances du monde. Avec elle, il avait l'impression d'être invulnérable.
Son bras valide attrapa le corps tremblant contre le sien et il ne put rien faire d'autre.
Prisonnier de cette étreinte aussi désespérée que délicate. Aussi rude que vacillante. Une seconde passa avant qu'il n'entende un sifflement au creux de son oreille.
§ Ne me laisse plus jamais. §
Ça ressemblait à un ordre, une supplique catégorique, une demande autoritaire et pourtant fragile. Elle fut suivie par une déclaration pleine d'un désespoir rageur, intarissable.
§ Je pensais t'avoir perdu. §
Tom se redressa avec lenteur au-dessus de lui, assis sur le bord de son lit, il glissa ses mains contre son visage et Harry ne put que remarquer qu'il y avait sur le sien la trace de sillons creusés par des larmes et des cernes trop sombres. Des détails qui firent se demander au blessé combien de temps était passé depuis l'épreuve sur le Mont Greylock.
Depuis combien de temps Jedusor l'attendait-il ?
Pendant quelques secondes qui lui semblèrent durer une éternité, ils restèrent là, Harry ne pouvait détourner les yeux des orbes rouges qui le détaillaient avec une possessivité affirmée. Encore accrue, s'il la comparait avec les précédents regards que le Seigneur des Ténèbres avait posés sur lui. Leur situation avait empiré.
L'intensité des sentiments que lui portait le mage noir semblait s'être aggravée.
Avec un temps de retard, Harry eut la pensée qu'il aurait dû se sentir gêné d'être ainsi dévisagé, qu'il aurait dû empêcher Jedusor de se comporter comme il le faisait. Parce qu'ils n'étaient pas seuls et que même s'ils l'avaient été, Tom n'était pas censé poser ses mains sur lui comme il le faisait. Mais Harry n'eut pas la force d'être gêné, de se sentir piégé, d'avoir peur de leur relation.
Pas la force d'éloigner Tom de lui, de combattre la sensation de manque qu'il savait que leur éloignement allait provoquer.
Alors Potter laissa Jedusor se rassurer, le regarder jusqu'à graver son image dans son esprit. Il referma seulement les yeux, trop épuisé, son corps lui paraissant trop douloureux et il se sentit dériver de nouveau vers l'inconscience lorsqu'il entendit.
§ Promets-moi de te réveiller. §
Il cligna une fois des yeux, ça ressemblait à un ordre ça aussi, trop désespéré cependant pour provoquer son insurrection. En essayant d'ajuster sa vue, il remarqua qu'il ne portait pas ses lunettes, ce qui expliquait pourquoi tout était si flou autour de lui. Tout, sauf le visage de Tom.
C'est dans une réponse presque automatique, qu'il siffla.
§ Promis. §
Tout devint sombre de nouveau, mais dans les ténèbres qui l'engloutirent, une corde était apparue. Aussi mince qu'une ficelle, elle portait le nom de promesse et elle l'aiderait à remonter à la surface. Là où patientait le Seigneur des Ténèbres, isolé lorsqu'il ne se tenait pas à ses côtés.
Lorsque Potter se rendormit, Jedusor retomba dans cette presque aphasie qui le rendait mutique et cette fois-ci, Severus Rogue n'essaya pas de le sortir de cet état. Parce que Voldemort était resté assis sur le matelas d'hôpital où dormait Potter et qu'il continuait de le regarder avec cette expression illisible. Possessive, assoiffée, dangereuse, à la fois soulagée et désespérée.
Nul doute que l'approcher n'était pas une bonne idée.
Les médecins défilèrent, talonnés de près par les heures. La nuit se déroula ainsi, Severus et Ulrich étaient restés là, à surveiller Potter et Gaunt. Le jour se leva peu à peu et l'hôpital silencieux devint chaotique. Rogue vit que cette agitation extérieure avait un effet sur le comportement du Seigneur des Ténèbres. Cela sembla le guérir progressivement de l'état de choc dans lequel il avait été retrouvé sur le Mont Greylock…
Tom pouvait se vanter d'avoir un esprit vif.
Habituellement en perpétuel mouvement.
Ses pensées ne s'arrêtaient jamais. Il analysait ce qu'il se passait autour de lui, réfléchissait au concept de magie, créait quelques sortilèges trop compliqués qu'il finissait par abandonner dans les méandres de sa mémoire. Captait le regard d'un autre sorcier ou pire un moldu, dont les yeux le traitaient inlassablement de monstre et prenait la décision de l'ignorer après avoir listé toutes les possibilités qu'il avait pour le faire souffrir, le tuer.
Il laissait ses yeux se reposer sur Potter, incapable de le lâcher du regard, le décrivant, imprimant le moindre mouvement de son corps, la moindre inflexion de sa voix dans son esprit. Calculant le nombre de secondes qu'il faudrait à celui-ci pour le remarquer derrière lui, pour lui envoyer un regard qu'il connaissait par cœur.
Ce regard qui le brûlait de l'intérieur. Le simple fait de se tenir à ses côtés le remplissait d'une euphorie difficilement contrôlable, mélangeant irrémédiablement ses pensées à ses émotions. Ces émotions péniblement fortes qui parasitaient son esprit trop précis.
Jedusor avait l'habitude d'avoir les idées encombrées, bruyantes, d'avoir des pensées chaotiques qui se mêlaient sans cesse à des sentiments obsédants.
Il n'avait jamais connu le silence. Jusqu'à maintenant. C'est ce qu'il expérimentait pour la première fois depuis que Potter s'était écroulé dans ses bras. Des pensées silencieuses. L'esprit vide. Un manque de désordre, de confusion mêlée à la précision marginale avec laquelle son mental avait pris l'habitude de détailler la moindre petite chose se déroulant devant ses yeux. On l'avait laissé dans le noir. Comme mort à l'intérieur de son propre corps.
L'absence d'Harry, la peur de le perdre, avait causé une défaillance majeure dans la manière qu'il avait de fonctionner. Le simple fait qu'il soit dorénavant capable de comprendre, d'examiner et de réagir à cette défaillance prouvait qu'elle était partie.
Harry. Prononcer son prénom dans son esprit créait une agitation absolue en lui. Une agitation agréable. Familière. Commune. Dans un instant d'introspection rare, Tom se rendit compte que si Potter n'était pas revenu à lui, il serait resté à l'attendre dans le noir. Comme une coquille vide. Ça lui allait. Être condamné à attendre son âme-sœur. C'était approprié, il l'avait bien mérité.
Quelque chose de similaire lui était arrivé lorsqu'il avait appris qu'Harry et lui étaient des Obscurials. Sauf qu'à ce moment-là Potter l'avait suivi et il lui avait permis de retrouver pied dans le silence de ses pensées.
Le mage noir lança un regard au blessé à ses côtés, il ne savait pas comment l'aider, n'avait rien pour le soigner, rien pour le secourir, rien pour le garder près de lui, il ne pouvait qu'attendre.
Pour rassurer son cœur sanglotant encore à cette idée, il se dit que si Potter mourrait, il pourrait tenter de le ramener. Il avait les connaissances pour essayer. Rien n'était impossible avec la magie. Jedusor l'aurait ramené à lui. Potter n'avait pas son autorisation pour mourir. Harry n'irait nulle part sans lui.
Cette pensée était récurrente dans son esprit, il ne pouvait plus réfléchir sans qu'elle ne vienne le hanter. Pour la contrecarrer, il s'était mis à se répéter qu'Harry lui avait promis de se réveiller. Potter tenait ses promesses. Elles étaient importantes pour lui.
Il se réveillerait.
Il fallut un moment à Tom pour ancrer dans son esprit sa présence dans un hôpital, avec des médicomages. Avec Severus Rogue et Ulrich Tiare qui le dévisageait comme s'il représentait un danger imminent pour le reste de l'humanité.
C'était là qu'on les avait amenés après qu'ils aient été retrouvés sur le Mont Greylock, après ces vingt-quatre heures que Tom avait passées dans le désespoir complet au chevet d'un blessé qu'il ne pouvait soigner.
Lorsque Jedusor réussit à remettre parfaitement en place les rouages de son esprit, il put penser plus clairement à la situation. À Harry qui avait pris cette forme incomplète d'Obscurus pour les sauver. À la première tâche. À Agilbert Fontaine pour lequel ses envies de meurtres s'étaient décuplées. À cet hôpital de plus en plus bruyant et désagréable, l'empêchant de réfléchir sur ce qui importait.
Harry haïssait les hôpitaux. Les infirmeries et tous les endroits blancs et aseptisés qui lui évoquaient des souvenirs douloureux. Tom ne les aimait pas non plus. Il ne voulait pas rester ici et il ne voulait pas que Potter se réveille dans un endroit qu'il détestait.
Jedusor savait qu'Harry était arrivé à un point de non-retour en prenant cette forme épouvantable. En se réveillant ici, dans un endroit où il pourrait se remémorer les violences subies alors qu'il était enfant, Potter risquait de faire de nouveau appel à l'Obscurus.
Tom espérait que l'Élu ne garderait aucun souvenir de sa perte de contrôle mais même sans ses souvenirs, il demeurerait plus instable que jamais. Maintenant que ses restrictions avaient été détruites, il n'y aurait plus de retour en arrière possible. Jedusor supposa qu'Harry ne pourrait plus retenir sa magie comme il le faisait auparavant. Le compte à rebours était lancé.
Le Seigneur des Ténèbres était déterminé, il trouverait un moyen pour annihiler la magie destructrice qui dévorait Harry. Si les Horcruxes avaient pu le faire pour lui, alors il devait y avoir un moyen.
Tout d'abord ils devaient sortir.
Cet hôpital était un danger. Harry devait se réveiller dans un lieu où il pourrait se sentir en sécurité, loin du directeur d'Ilvermorny, loin de tout ce qui pourrait faire resurgir l'Obscurus. Ce serait la première étape pour l'aider.
Potter l'avait sauvé, c'était à son tour.
Ulrich consulta l'heure et lorsqu'il remarqua qu'il était presque midi, il songea à aller chercher quelque chose à manger pour Severus et lui, mais lorsqu'il se tourna vers son confrère, il trouva celui-ci en train d'observer le jeune Seigneur des Ténèbres, qui s'était levé.
Tiare tourna son regard vers le mage noir au moment où Jedusor se penchait vers le visage de Potter, collant un instant son front au sien dans un geste d'une tendresse inouïe, impensable pour un être forgé par les ténèbres.
Puis Gaunt se détourna du patient alité pour leur déclarer, d'une voix sans appel.
— Trouvez un moyen pour nous faire sortir d'ici.
C'était la demande, l'ordre, que Tom avait donné à Severus Rogue et à Ulrich Tiare il y a quatre nuits désormais.
Il avait été exaucé.
Rogue et Tiare avaient tout fait pour les sortir de l'hôpital le jour même et ils avaient réussi. Recourant aux menaces, à l'intimidation et à des lois sorcières qui disaient que des sorciers étrangers ne pouvaient pas être retenus contre leur gré dans un hôpital qui n'appartenait même pas à leur gouvernement.
Sortir n'était pas une chose si difficile à réaliser, savoir où aller était autrement plus compliqué.
Tom savait qu'il ne pouvait pas rentrer à l'école. Il ne le supporterait pas. Côtoyer d'autres sorciers était au-dessus du seuil de tolérance qu'il possédait lorsque Harry n'était pas là pour veiller sur lui.
Les rôles étaient inversés. Il était celui qui devait veiller sur l'autre et cela n'était jamais arrivé auparavant. C'était la première fois de son existence que Jedusor se sentait responsable de quelqu'un. Harry avait besoin de lui. Potter était généralement celui qui veillait à ce qu'ils aillent bien, Tom le faisait aussi mais d'une façon différente.
Le Gryffondor prenait toutes les responsabilités qui pesaient sur eux. Tom n'avait jamais eu à être correct, poli, responsable, indépendant ou tolérant avec qui que ce soit parce que Harry s'occupait de tout ça pour deux. Il veillait à ce qu'ils soient en sécurité et en bonne santé. Il prenait soin de conserver une réputation stable, une image valable aux yeux de la société. Tout en se chargeant de vérifier qu'ils avaient ce qui était primordial à ce semblant d'équilibre qu'il avait instauré pour eux. Nourriture, sommeil, contacts sociaux, stimulations intellectuelles et physiques.
L'Oiseaux-tonnerre ne s'en rendait certainement pas compte. Il faisait tout ça naturellement car il était celui des deux qui parvenaient le mieux à atteindre et maintenir cet équilibre. Harry était sa stabilité.
Tom était déséquilibré. Incapable d'autonomie sans auto-destruction. Son instabilité était la seule chose à peu près stable qu'il possédait. Elle et la force démesurée de ses émotions. Peut-être que ces deux éléments étaient liés.
En perdant l'attention d'Harry, Tom ne perdait pas seulement sa présence à ses côtés, celle qu'il désirait si fort que le manque le rendait malade, il perdait aussi toute notion d'équilibre.
Retourner à Ilvermorny lui était impossible. Voir d'autres êtres humains, vivre dans cette société qui avait presque tué Harry, était hors de question. Il n'en avait pas la force sans l'aide du Survivant. Tom savait que si on l'y forçait il commettrait des erreurs. Ce genre d'erreurs qui pourrait le conduire à Azkaban.
Rogue en était parfaitement conscient. Le jeune Seigneur des Ténèbres n'avait pas eu besoin de l'informer à ce sujet. C'était évident. Évident que sans Potter le Seigneur des Ténèbres était désaxé. Hors du monde.
Comme si l'univers avait basculé, changeant l'angle avec lequel il voyait les choses. Sans Harry sa vision du monde était tronquée, étriquée par les ténèbres.
Le Maître des potions avait proposé de louer une chambre, un appartement, n'importe quoi, dans New-York où ils pourraient attendre que le Gryffondor aille mieux. Pour pouvoir réfléchir à la suite. Maintenant qu'Harry avait fait appel à la force de l'Obscurus, la donne changeait.
Tom le savait. L'idée l'obsédait, il ne pensait plus qu'à faire des recherches à ce sujet. Il devait retarder l'échéance. Enrayer la machine. S'il devait attendre le réveil du lion, il ne le ferait pas les bras croisés. Il allait mettre ces tristes heures, ces longues minutes d'agonie, à profit, pour tenter de le sauver.
Il devait faire des recherches, expérimenter, et il ne pouvait pas le faire n'importe où. Et certainement pas dans une auberge au milieu de la plus grande ville sorcière d'Amérique. Il leur fallait un endroit sûr.
En entendant cet argument, Ulrich Tiare avait proposé quelque chose. Apparemment Rogue lui avait expliqué un certain nombre de choses sur eux, sur leur situation. Le mage noir ne savait pas si l'homme savait qu'Harry et lui étaient des Obscurials. En tout cas, il semblait avoir compris que ce qui s'était passé sur le Mont Greylock avait un rapport avec la magie de l'Élu et que c'était pour cette raison que le directeur était fasciné par le héros du monde sorcier.
Ces éléments étaient suffisants pour comprendre sa décision de ne pas vouloir revenir tout de suite à Ilvermorny.
Tiare avait quelques contacts avec Agilbert Fontaine, ce qui avait tendance à éveiller la méfiance de Tom mais si Rogue avait suffisamment confiance en lui pour lui dévoiler des éléments importants alors le Seigneur des Ténèbres était capable de l'envisager comme un allié.
Un allié sur lequel il garderait un œil attentif tout comme il le faisait déjà avec Severus Rogue. Il ne faisait confiance qu'en Harry. Les autres n'étaient que des pions dont il se servait pour tenter de garder la tête hors de l'eau.
Il manipulait ses atouts. C'est comme ça qu'il fonctionnait.
Ulrich avait proposé qu'ils aillent à l'ancienne demeure des Tiare. Malgré sa proposition, le professeur d'Ilvermorny ne semblait pas très à l'aise avec l'idée.
L'ancienne demeure des Tiare était une vieille bâtisse perdue au bas des montagnes, à une cinquantaine de kilomètres d'Ilvermorny à peine. Proche de l'école, éloignée du reste du monde.
La localisation parfaite.
Jedusor avait compris depuis un moment déjà que Tiare avait une histoire familiale compliquée. Une histoire qui justifierait le comportement des sorciers Américains envers cet homme. Le MACUSA et même les civils n'avaient aucune sympathie pour Ulrich Tiare. Le seul endroit où il n'était pas regardé de travers était Ilvermorny.
Le jeune mage noir n'était pas surpris d'apprendre que Tiare était le dernier enfant vivant d'une famille de sorciers qu'il imaginait liée à l'école Américaine. Il ne s'attarda pas sur les détails. Ce qui était arrivé à cette famille ne le concernait pas. Chacun avait des cadavres dans son placard et ceux d'Ulrich Tiare n'étaient pas son problème. Il avait des choses plus pressantes à régler. Des choses infiniment plus importantes.
C'est sans demander son avis à Rogue qu'il accepta la proposition du professeur Tiare.
Rogue ne s'opposa pas à sa décision et ils quittèrent l'hôpital pour se rendre dans la maison inhabitée des Tiare. Là où Harry serait en sécurité.
Après que cette décision fut prise, Tom se souvient des événements avec confusion, comme s'ils s'étaient déroulés dans le brouillard. C'était toujours plus ou moins le cas lorsque Potter n'était pas là pour le guider dans la brume.
Il ne quittait que rarement le blessé du regard. Vérifiant avec une constance maladive que son état restait stable. Son épaule était broyée mais elle se remettrait avec le temps. Le plus grave n'était pas une blessure que les médicomages pouvaient soigner, Harry avait fait appel à toutes ses forces pour utiliser sa nature d'Obscurus puis l'enfermer de nouveau. Cette fatigue mêlée à la douleur de ses blessures était l'ennemie principale.
Les enfants qui faisaient appel à cette force en mouraient consumés. Parfois dès la première utilisation. D'autres fois parce qu'ils avaient été trouvés et exécutés par d'autres sorciers. Harry devait se reposer pour se remettre. Pour ne pas finir dévoré de l'intérieur par ses pouvoirs.
Utiliser tant de magie mettait l'organisme en péril. Potter avait réussi par miracle à la rappeler à lui, désormais son organisme devait récupérer et sa magie devait retrouver une place plus naturelle. Sans être ni en retrait ni au-devant de la scène. Pour ça il était nécessaire que le lion se repose au moins jusqu'à ce que sa blessure à l'épaule soit guérie.
Malgré ses doutes et cette impression d'être un funambule marchant sur un fil tendu à travers le brouillard, le Seigneur des Ténèbres se souvenait d'avoir transporté Harry dans cette maison abandonnée le soir suivant son réveil momentané.
Tom se rappelait vaguement avoir pensé que la maison des Tiare ressemblait un peu au manoir des Jedusor. Seule au milieu d'une plaine immense. Elle était plus petite que ne l'était le manoir qu'il n'avait vu qu'une seule fois. Celui où avait vécu son père moldu.
La maison des Tiare se dressait au bas des montagnes comme une porte sur la vallée toute entière, certaines fenêtres étaient condamnées par des planches, le toit était dépourvu de tuiles en plusieurs endroits. Sa façade était envahie d'un lierre épais qui poussait et se répandait, colonisant chaque mur visible de l'extérieur.
Autrefois, il y a une vingtaine ou une trentaine d'années peut-être, elle avait dû avoir une belle apparence mais, à présent, la demeure des Tiare n'était plus qu'une bâtisse délabrée, déserte.
La magie faisait des miracles. Rogue et Tiare s'étaient occupés de faire en sorte que la maison soit habitable. Pendant que Tom veillait sur Harry, installé dans la première chambre qu'il avait trouvée et réhabilitée lui-même.
Le reste du temps était passé selon ce schéma. Rogue et Tiare se chargeaient de rendre viable la vieille maison pendant que Tom veillait sur Harry, en étudiant des livres trouvés dans la bibliothèque à moitié effondrée de la famille d'Ulrich.
Il ne dormait pas ou peu. Ne mangeait que lorsque Rogue le forçait à le faire par la menace et passait son temps à étudier des sortilèges et rituels de magie dans des livres théoriques difficilement compréhensibles. Il le faisait dans l'objectif de trouver quelque chose, n'importe quoi, pour aider Harry mais aussi parce qu'il savait que s'il n'occupait pas son esprit, l'attente le rendrait fou.
Après le deuxième jour, le médicomage privé auquel il avait fait appel pour s'occuper de la blessure à l'épaule d'Harry leur affirma qu'il pouvait retirer les bandages et pansements. À présent que les plaies étaient refermées il valait mieux les laisser à l'air libre. Il avait placé un sortilège d'immobilisation sur l'épaule de l'Élu en précisant qu'il ne devait pas la bouger lorsqu'il se réveillerait. Ajoutant que cela ne devrait plus tarder maintenant que son état s'était amélioré.
Tom avait décidé après ce constat que le médicomage ne leur servait plus à rien. Il lui avait effacé la mémoire d'un Oubliette et l'avait renvoyé chez lui. Sous le regard parfaitement désapprobateur des deux professeurs de potions qui n'avaient pourtant fait aucun geste pour l'arrêter. Ils le désapprouvaient mais comprenaient ses motivations.
Mieux valait que ce médecin n'aille pas raconter ce qu'il savait. Peu importe si c'était des informations importantes ou non, les médias n'attendaient que ça. Avoir des détails.
Personne n'irait plus jamais étaler la vie privée d'Harry dans les journaux sans son consentement. Tom y veillerait personnellement. Rogue lui avait montré le journal où la photographie de la Manticore trônait en première page et Gaunt vouait une haine sans bornes aux médias depuis ce moment.
Ilvermorny avait été prévenu que Potter et lui seraient absents jusqu'à ce qu'ils soient guéris de leurs blessures.
Lorsque les cours reprirent, Tiare et Rogue se relayèrent au poste de professeur. Faisant en sorte que l'un d'entre eux soit toujours présent pour surveiller le Seigneur des Ténèbres et vérifier Potter. La maison des Tiare était désormais habitable et même s'il restait quelques ajustements à faire, y vivre était tout à fait possible et même agréable sur bien des aspects.
Les deux jours qui suivirent les travaux se déroulèrent simplement. Le matin, Severus Rogue prenait la place de professeur de potions à Ilvermorny et rentrait à la maison pour le déjeuner. À ce moment-là, il mangeait avec Ulrich puis pendant que Tiare faisait cours aux élèves d'Ilvermorny, Rogue se chargeait de vérifier que Jedusor avale au moins quelque chose et prenait des nouvelles d'Harry. À la nuit tombée Ulrich revenait, les deux hommes dînaient ensemble puis Severus partait pour dormir à Ilvermorny pendant qu'Ulirch restait dans la maison de ses parents. Le jour suivant, ils échangeaient la garde de nuit.
Ainsi les Serpents cornus avaient toujours un responsable présent de jour comme de nuit. Rogue avait accepté le rôle de directeur suppléant de la maison des Serpents cornus un peu par défaut et Ulrich Tiare avait pris le rôle de gardien du Seigneur des Ténèbres. Ils s'épaulaient, s'aidant à gérer la situation.
C'était très épuisant pour l'un comme pour l'autre mais ils s'estimaient heureux car malgré la fatigue et l'inquiétude, ils parvenaient à dormir et à manger correctement. Ce n'était pas le cas de Thomas Gaunt.
Ulrich Tiare voyait bien que la santé de mage noir se dégradait. Malheureusement il lui était impossible de faire quoi que ce soit pour le jeune homme. Déjà Rogue avait des difficultés à lui faire entendre raison, lui n'avait aucune chance. Si la détresse du mage noir était claire, cela ne le rendait pas moins effrayant. Il paraissait plus menaçant, plus impressionnant. Si le désespoir détruisait habituellement quelqu'un, ici il ne faisait que renforcer l'aura meurtrière que Gaunt traînait derrière lui.
Comme si le mage noir se protégeait en agissant plus froidement. Il n'était pas difficile d'imaginer le Seigneur des Ténèbres qu'avait été Lord Voldemort dans sa jeunesse en l'observant. Le garçon paraissait être sur le point de basculer. Ulrich espérait de toutes ses forces que Potter se réveillerait bientôt.
Heureusement le médicomage ne s'était pas trompé, ses blessures refermées, il était plus facile pour l'Élu de récupérer. C'est la nuit entre le quatrième et le cinquième jour que cela se produisit. Le retour du héros.
Harry Potter avait assez de force pour ouvrir de nouveau les yeux.
Les ouvrir sur le monde sensible. Reprendre contact avec la vie avec plus de lenteur, de langueur, qu'il ne l'avait fait la première fois.
Cette fois-ci sa poitrine ne lui sembla pas se déchirer sous son souffle. Celui-ci n'était plus ni erratique ni douloureux. Respirer lui était plus naturel.
Harry n'eut pas l'impression d'être aveugle et sourd, son premier contact avec le monde se fit par la vision du plafond au-dessus de lui. Éclairé faiblement par une bougie. Et il entendait le silence, lui et toute sa profondeur. Une brusque expiration le brisa puis il revint tout de suite. Un autre souffle plus tremblant, le bouscula une seconde fois. Ces souffles-là ne lui appartenaient pas.
Tout était sombre autour de lui, si bien qu'Harry n'était pas sûr d'à quoi ressemblait la chambre dans laquelle il s'était réveillé. Le lit dans lequel il était paraissait plus grand, plus large que ceux auxquels il était habitué. Et en face de lui, loin devant, il percevait des fenêtres dont les rideaux n'étaient pas fermés, laissant l'obscurité nocturne se répandre dans la pièce. Il était très tard, ou trop tôt.
Lui se retrouvait ici, cloué au lit, comme paralysé. Son corps et son esprit lui paraissaient lourds et lents, maladroits et engourdis. Encore un peu endormi. Il avait la drôle d'impression d'avoir dormi plusieurs nuits d'affilée. D'avoir des difficultés à accéder à la conscience. À connecter ses sens à la réalité.
Il faisait sombre et le monde était flou, ça ne l'aidait pas beaucoup. Il avait l'impression d'être dans un rêve. Un songe où il serait bloqué, affaibli, à moitié assoupi.
Il tenta de faire un geste, de dire quelque chose, de faire n'importe quoi mais son corps ne lui répondit pas tout de suite, comme anesthésié. Trop lourd.
Du genre têtu, le lion s'apprêtait à forcer pour bouger sa main qu'il voyait au-dessus des draps du lit sur lequel il était allongé, la toisant du regard avec colère lorsqu'elle bougea enfin.
Sauf que ce n'était pas lui qui avait réussi à se mouvoir. Sa main avait été soulevée par une autre. Cette main dans la sienne il la connaissait. Ses yeux remontèrent vers son possesseur et Harry entendit le silence se réveiller.
S'agiter. Si le silence avait pu crier il aurait fait ce bruit-là.
Il eut l'impression désagréable de sentir son âme bramer à l'intérieur de lui. Bondir, se lançant à toute allure sans avertissement. Rebondissant comme une balle de caoutchouc dans sa poitrine.
Jedusor était le seul capable de réveiller le silence.
Celui dans lequel il avait ouvert les paupières. Tout à coup, ses sens, ses émotions, ses pensées faisaient trop de bruit. Une cacophonie mélodieuse à laquelle il aurait préféré assister de loin. Plutôt que de la ressentir en chœur dans sa propre tête. Réveil difficile. Image réconfortante.
Tom apporta sa main à ses lèvres, à son visage et Harry sentit immédiatement une goutte d'eau rouler dessus. Passer du dos de sa main à sa paume pour venir entre ses doigts. Une larme. Qui poursuivit sa course jusqu'à la chute, s'écrasant sur les draps.
La cacophonie enfla. Qui a déjà entendu le silence assourdissant d'une larme qui échoue sur les couvertures ?
Le silence était bruyant et Harry savait qu'il n'était ni sourd ni aveugle. Il ne prétendait plus à la vie, il était vivant.
On les a réveillés, lui et le silence.
Il tenta de prononcer un mot, de siffler n'importe quoi mais il lui était impossible de le briser, ce silence trop bruyant.
Ses souvenirs se mélangeaient à ses ressentis et les images de la première tâche se superposaient à celles de son précédent réveil et Harry se demandait combien d'heures, combien de jours, il avait dormi cette fois-ci.
Il se souvenait de la douleur et constata qu'il souffrait bien moins mais à quel prix ?
Tom n'allait pas bien. Même dans la pénombre floue, c'était criant. Tom souffrait, avait souffert. Ce qui était une indication claire du fait que peu importe le temps qu'il avait passé inconscient, c'était trop long.
Harry savait qu'ils n'étaient plus au même endroit que celui dans lequel il s'était réveillé la première fois mais il se dit que les questions attendraient. Qu'il s'appesantirait sur les détails plus tard. Lorsqu'il serait sûr d'être capable de le faire. Lorsque son cœur aura arrêté de se serrer et de se démener dans sa poitrine.
Une pulsation puis le silence. Un battement et plus rien.
Il tenta d'ouvrir la bouche pour dire quelque chose. Demander à Tom comment il allait ou tenter de le rassurer sur son état mais il n'y parvint pas. Aucun son ne voulait passer la barrière de ses lèvres.
Tom secoua la tête négativement pour lui indiquer de ne pas parler. Lui aussi ne semblait pas capable d'utiliser ses cordes vocales. Harry remarqua l'épuisement du jeune Seigneur des Ténèbres dans ce simple geste et ce constat l'inquiéta. Il ne pouvait pas voir avec précision les traits de son visage mais il était capable de ressentir sa fatigue.
Au lieu de réfléchir il écouta son instinct. Ses réflexes. Il utilisa les forces qu'il avait rassemblées pour abaisser la main que Tom tenait et saisir le buste du mage noir. Le tirant faiblement dans sa direction.
Vers le petit espace libre dans le lit, entre la chaise où Tom était assis et lui.
Un geste qui voulait dire : viens, dors, approche-toi, reste près de moi, repose-toi, tout va bien et je suis là. Simultanément.
Harry ne s'en rendit pas compte mais il était celui qui retransmettait ses émotions à l'autre en cet instant et son geste les répercuta.
Tom lui obéit sans résister une seule seconde. Il se coucha à ses côtés sans prendre la peine de se couvrir des draps. Gardant sa main dans la sienne de peur qu'il ne le lâche ou disparaisse tout à coup. Harry sentit le silence s'endormir de nouveau et il sut qu'ils se réveilleraient ensemble. Que la prochaine fois qu'il ouvrirait les yeux, ils le feraient à deux. Cela chassa toutes ses peurs et il partit rejoindre le silence.
L'aurore vint presque trop tôt. Répandant une lumière blanche, typique des soleils pâles et froids du début de l'hiver, de la fin de l'automne.
Harry eut cette sensation particulière en s'éveillant d'avoir fermé les yeux seulement quelques secondes tout en sachant qu'il avait dormi des heures entières. Le temps que la nuit noire se change en journée ensoleillée.
La première chose qu'il fit fut de tourner la tête, presque trop vite, provoquant une douleur désagréable dans son cou, une douleur qui se répercuta sur son épaule gauche, celle qui le faisait souffrir et qu'il ne semblait pas pouvoir bouger du tout.
Mais il ne s'en soucia pas trop car en tournant la tête, ses yeux atterrirent directement dans ceux trop sombres du Seigneur des Ténèbres. Marron foncé au lieu de rouge.
Tom avait l'air épuisé, il ouvrit et referma les yeux, à peine réveillé. Puis il sembla remarquer les yeux verts qui le dévisageaient et comme par magie, ses iris se tintèrent tout à coup d'une couleur flamboyante. Assoiffé. Vibrante. Rassurante et chaleureuse.
Harry prit une seconde de plus pour détailler le mage noir, il était allongé de manière à tenir entre le bord du lit et lui alors qu'il restait beaucoup de place de l'autre côté. Il portait une robe noire, qui n'était ni son uniforme de Poudlard ni celui d'Ilvermorny et qui paraissait toute froissée. Son visage portait les marques d'un épuisement conséquent. Il avait des cernes sous les yeux, qui criaient qu'il n'avait pas dormi correctement depuis des jours. Ses cheveux étaient en désordre, comme les siens sauf que ceux de Jedusor avaient tendance à boucler.
Harry était presque sûr que Tom avait l'air plus pâle qu'il ne l'était habituellement. Sa peau paraissait diaphane. Contraste saisissant avec ses cheveux bruns et ses yeux rougeoyants.
Le Gryffondor le percevait clairement même sans ses lunettes.
Le Seigneur des Ténèbres semblait l'étudier de la même manière qu'il le fît et pour une fois, Harry ne se sentait pas gêné d'être ainsi observé. Peut-être parce qu'il venait de faire la même chose pour s'assurer de la présence de Tom.
Lorsqu'il eut l'impression d'être capable de le faire, il se concentra pour siffler, sans trop réfléchir.
§ Bonjour. §
Il ne savait pas quoi dire d'autre et ça paraissait être une manière simple de casser le silence. Son sifflement lui parut grinçant. Sa gorge lui fit mal, comme s'il n'avait pas utilisé ses cordes vocales depuis des siècles. Cela eut tout de même un effet sur son vis-à-vis dont le regard s'intensifia. Difficile d'avoir l'air plus avide, heureux et soulagé tout à la fois.
Jedusor se rapprocha de lui, comme s'ils n'étaient pas déjà assez proches l'un de l'autre. Dévorant son espace vital, se redressant en s'étirant. Leur proximité ne serait jamais assez forte pour le contenter. Pour suffire à son désir de les voir liés.
Harry se sentit sourire, avant même d'entendre les mots que le Seigneur des Ténèbres prononça. Devinant ce qu'il allait prononcer par avance en réponse à son bonjour maladroit.
§ Il le sera. §
Ce jour ne peut être que bon car il n'y a pas un seul jour de mauvais lorsque tu es là. Ne pars plus. Ne me laisse plus jamais.
Il n'était pas difficile de lire dans l'esprit du Seigneur des Ténèbres lorsqu'il affichait aussi clairement ce qu'il ressentait et pensait. Tout son corps hurlait : Je suis si heureux et ne t'en va pas.
Jedusor était épuisé mais il paraissait soulagé et cela le rassura un peu. Harry sentit qu'il devait demander tout de même, pour être sûr, parce qu'il se sentait inquiet à ce sujet.
§ Ça va ? §
Ça paraissait être une question trop simple pour exprimer ses inquiétudes mais le Gryffondor avait l'impression qu'elle les englobait toutes. Les exprimant entièrement.
Tom fronça les sourcils et réaffirma sa prise sur la main qu'il n'avait pas lâchée depuis la nuit.
§ Je suis celui qui est censé te demander comment tu te sens. §
Harry supposa que c'était vrai. Il ne se souvenait pas comment c'était arrivé mais il savait qu'il était blessé. Son épaule. Il le sentait. Elle n'était pas… il y avait quelque chose qui n'allait pas avec son épaule gauche. Tout son bras paraissait engourdi d'ailleurs. Douloureux aussi.
Tom tenait sa main droite et Harry était capable de sentir ses doigts entre les siens, de les bouger, de serrer sa main. Il avait l'impression qu'il ne pourrait pas en faire autant avec la gauche. Quelque chose n'allait définitivement pas avec son bras.
C'est en détournant le regard, se redressant pour jeter un œil à son épaule et à son bras gauche qu'Harry siffla.
§ Je me suis blessé. §
Il ne voyait rien, sauf la couverture vert foncé dans laquelle il avait dormi.
Il était blessé, ça paraissait être un constat trop ordinaire, qui sonnait faux dans sa bouche alors il ne fut pas étonné en entendant Tom lui siffler.
§ Tu m'as protégé, ce n'est pas toi, c'est cette créature. Elle voulait nous tuer. §
Alors qu'Harry essayait de mieux voir, Tom lui demanda et ça semblait important alors il l'écouta.
§ Tu te souviens de ce qui s'est passé ? §
Potter fronça les sourcils en retournant son attention vers lui et Tom retint son souffle. Il espérait que Harry n'ait aucun souvenir, qu'il ne se souvienne de rien. Tout comme il avait oublié que son oncle l'avait battu lorsqu'il était enfant.
Harry se redressa en position assise, la tête baissée, se découvrant des couvertures du lit. Tom autorisa ses yeux à regarder le torse du Gryffondor. Porter un t-shirt ou une robe aurait été contre-indiqué avec ses plaies récemment refermées. Sa blessure s'étendait du côté gauche de sa nuque jusqu'à son bras, la clavicule et l'omoplate avaient été broyées puis ressoudées par magie. Il portait des plaies en arc de cercle de plusieurs centimètres, boursouflées et rouges, là où la peau avait été déchiquetée par les crocs de la Manticore. Toute la zone était d'une couleur bleu violette affreuse, douloureuse à regarder, qu'il espérait voir disparaître dans les jours à venir.
À côté, la cicatrice de brûlure présente sur sa hanche paraissait n'être rien d'autre qu'une tache de naissance particulièrement reconnaissable.
Potter ne semblait plus aussi impatient de constater sa blessure maintenant qu'il lui avait posé la question sur ses souvenirs. Il s'était découvert mais n'avait pas essayé de regarder de quoi ça avait l'air. Il semblait être perdu dans ses pensées, essayant probablement de reconstituer l'enchaînement des événements.
Tom voulait lui dire de ne pas le faire, de ne pas essayer de se souvenir mais il ne pouvait pas. Parce que s'il lui demandait de ne pas essayer de se souvenir alors il allait devoir lui expliquer pourquoi il ne le voulait pas.
Le mage noir ne pouvait qu'espérer. Espérer que l'instinct de préservation du Gryffondor serait assez fort pour que sa mémoire oblitère d'elle-même les souvenirs liés à sa perte de contrôle. À l'utilisation de ses pouvoirs d'Obscurial.
Après quelques secondes qui lui parurent durer des mois, Harry tourna de nouveau son visage vers lui. L'air désemparé, il lui souffla.
§ Je… je n'arrive pas à me rappeler ce qui s'est passé après que l'on se soit levés lorsque nous étions dans la tente. Il y avait quelque chose de menaçant dehors et… je sais qu'on est sortis mais je ne me souviens de rien de précis après ça. §
Il s'arrêta, cherchant quelque chose dans son regard qu'il n'obtint visiblement pas parce qu'il l'interrogea.
§ Tu le savais ? Tu n'as pas l'air surpris, qu'est-ce qui ne va pas avec ma mémoire ? §
Jedusor sentit qu'il devait saisir cette chance, pour convaincre le lion avant qu'il ne se pose trop de questions.
§ Les médicomages disent que j'ai une amnésie traumatique à cause du choc, je me demandais si ce serait la même chose pour toi. §
C'était le plan. Faire croire à Harry qu'ils avaient perdus tous les deux la mémoire. Il en avait convenu avec Severus et Ulrich. Si Harry ne se souvenait pas des événements alors il ferait semblant de ne pas le faire non plus. Pour que le Survivant ne se pose pas la question de savoir pourquoi il avait oublié. Pour qu'il puisse répondre je ne sais pas lorsque Harry lui demanderait ce qui s'était passé. Pour que Potter ne puisse jamais le soupçonner d'avoir effacé sa mémoire.
Ce n'était pas le cas. Il n'avait pas retiré ses souvenirs à Harry. Tout son plan reposait sur le fait que le lion aurait réellement oublié les événements liés à sa perte de contrôle. Si ça n'avait pas été le cas, il aurait dû agir autrement. Heureusement le scénario le plus probable se réalisait. Il pouvait suivre son plan sans accroc.
Potter le regarda avec surprise puis il eut l'air attristé et Tom ressenti de la culpabilité. Ce ressenti ne perdurerait pas. Il essayait de sauver Harry, pas de lui faire du mal. Malgré cette certitude, il eut la désagréable sensation d'être coupable de trahison en faisant semblant de souffrir d'une amnésie qu'il n'avait pas.
C'était la meilleure solution. Il en était convaincu, il avait eu le temps d'y réfléchir. C'était ça ou se confronter à l'Obscurus. Il laisserait Harry connaître la vérité lorsqu'il aurait trouvé comment réparer le problème qu'ils avaient avec leurs pouvoirs.
Tom fut surpris d'entendre, alors qu'il tentait de se persuader qu'il avait fait le bon choix.
§ Je suis désolé. J'imagine que tu espérais que je me souvienne de ce que tu as oublié. Mais mes souvenirs sont flous, la première image claire qui me vient c'est celle de mon réveil. Le reste ressemble à des images d'un rêve incohérent. §
Harry tenta encore de se remémorer ce qui s'était passé sur le Mont Greylock mais rien ne vint. À part cette image horrible, complètement assombrie, où il était penché vers Tom.
Après un instant, le lion réalisa, comment Tom savait qu'une créature l'avait blessé si lui non plus, n'avait pas de souvenirs ? Quelque chose ne collait pas. Il le lui demanda.
§ Tu as dit qu'une créature nous avait attaqués, que c'est elle qui… §
Il s'arrêta, pas certain de la manière dont il devait terminer sa phrase. Sans savoir pourquoi, Harry fuyait du regard sa blessure depuis qu'il l'avait entraperçu tout à l'heure. Il appréhendait, parler avec Tom l'empêchait d'imaginer l'état de son épaule.
Le visage du Seigneur des Ténèbres sembla pâlir davantage, ses yeux s'assombrirent et il souffla dans un fourchelang difficile.
§ Je ne voulais pas te le montrer mais je vois difficilement comment t'expliquer sans ça. §
Puis il fit un mouvement de la main, celui de l'Accio en informulé et un journal atterrit dans sa main. Il le regarda avec mépris, dégoût presque, puis il lui tendit. Harry fut obligé de lui lâcher la main pour le récupérer, puisque son bras gauche ne répondait toujours pas à ses injonctions.
Leurs doigts s'accrochèrent une seconde et à l'instant où le contact se brisa Harry sentit leur lien s'ouvrir. Béant, comme un gouffre les reliant par le vide. Il tenta d'en faire abstraction, essayant de concentrer son attention sur le journal.
La photo en première page lui donna la nausée, il ne la regarda pas trop longtemps. Il avait pitié de cette créature démembrée. Aucun être vivant ne devrait mourir d'une façon aussi horrible. À la place, il lut l'article en première page. Celui où son nom se répétait inlassablement.
« HARRY POTTER, CHAMPION DE POUDLARD, TUE UNE MANTICORE ! »
À la fin de sa lecture, il dit d'une voix blanche, avec un anglais sifflant.
— C'est moi qui ai fait ça.
Tom le dévisagea avec intensité puis déclara.
— C'est ce qu'a dit Evan Diggory. On a été attaqués par une Manticore sur le Mont Greylock et tu l'as combattue puis vaincue.
Harry sentit quelque chose remuer en lui et il en eut la certitude. Une certitude dégoûtante et affreuse. Non, ce n'était pas juste ce qu'avait dit Diggory aux médias. Il le savait. Il le sentait. Sans s'en souvenir, l'Élu savait qu'il était celui qui avait fait ça.
Tom ne pouvait pas utiliser sa magie, Diggory avait été battu, sa partenaire s'était enfuie pour appeler les secours. Le coupable c'était lui. Pas parce que ça semblait évident mais parce qu'il le savait. Comme une connaissance profonde. Un savoir intrinsèque.
Il répéta.
— Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. C'est moi qui l'ai tuée. Je le sais.
À cela Harry sentit leur lien lui transmettre des émotions brusques et confuses et il se tourna vers Tom. L'interrogeant du regard. Le mage noir lui demanda tout de suite.
§ Tu te rappelles l'attaque ? §
Le lion secoua négativement la tête. Non, il ne se rappelait rien. C'était différent d'un souvenir. Il tenta de le verbaliser.
§ Ce n'est pas quelque chose dont je me souviens. Je le sais. Comme je sais qu'il a quelque chose que tu ne me dis pas. §
Tom encaissa difficilement cette phrase.
Il réalisa à quel point il était épuisé et à côté de la plaque lorsqu'il comprit qu'il s'était complètement mépris sur la situation. Bien sûr que Potter verrait à travers lui. Harry n'était plus un enfant. C'était plus difficile de se mentir à soi-même lorsqu'on était plus âgé.
Potter était lucide. Plus que lui, sur beaucoup de choses. Sur le monde, ses dangers, ses propres peurs, ses défauts, ses aptitudes et sa dissemblance. Celle de sa magie. Harry était instinctif. Il ne fonctionnait pas comme lui, il savait instinctivement ce qui allait et n'allait pas. Ce qui était et n'était pas. Les vérités et les mensonges. Pas besoin de legilimens avec un esprit comme le sien. Il se contentait de ressentir les évidences. Alors il savait. Qu'il avait tué la Manticore et que Tom lui cachait quelque chose à propos de cette attaque. Pas parce qu'il avait analysé sa manière d'agir ou réfléchit aux incohérences mais seulement parce qu'il sentait que quelque chose n'allait pas. Probablement sans savoir ce qu'était cette chose-là.
Le héros du monde sorcier agissait d'abord par instinct puis songeait aux conséquences. Ça lui permettait de passer au travers des manipulations et des mensonges sans difficultés.
Il partait du principe que son instinct ne se trompait jamais. Il avait une confiance aveugle en ses ressentis primitifs, plus qu'en l'être humain en face de lui.
Le Seigneur des Ténèbres se sentait bête d'avoir omis la différence fondamentale entre Harry et lui. Potter prévalait l'action à la réflexion.
Tenter de tromper quelqu'un qui ne cherchait pas à comprendre de quoi était faite la tromperie, ni pourquoi ni comment, se contentant de la constater et de la faire remarquer ; c'était troublant. Voué à l'échec lorsque la tromperie reposait sur la capacité de la cible à remettre en question des évidences.
Potter ne remettait pas en question ses instincts. Même lorsqu'il constatait que quelque chose n'allait pas avec sa magie. Ce n'était pas du déni, il niait consciemment les choses qui lui faisaient peur. Il savait que ça n'allait pas, il était lucide sur la question. Il prenait la décision de ne pas s'en préoccuper. Probablement parce qu'une partie instinctive de lui savait qu'il était un Obscurial. Il se protégeait de tout, même de lui-même.
Tom n'était pas capable de ça. Harry était stable et lucide quand il était autodestructeur et dément.C'était comme ça.
Harry observa le mage noir se perdre dans ses pensées et il lui sourit un peu, pour rassurer Tom au sujet de ce qu'il lui cachait. Parce que leur lien lui transmettait de l'angoisse, une panique abyssale et un sentiment global de fragilité, de faiblesse qui ne correspondaient pas aux émotions que Tom lui transmettait habituellement.
Il ne savait pas à quoi Jedusor était en train de penser mais il était évident qu'il lui cachait quelque chose. Le Seigneur des Ténèbres était peut-être un très bon menteur avec le reste du monde mais avec lui il était tout juste capable de déguiser la vérité.
Potter voulut insister, lui demander de lui raconter ce qu'il savait et ne lui avait pas dit mais il ne le fit pas. Parce que Tom avait le droit de mentir. De temps en temps. Pour se protéger. Lorsqu'il allait mal et était épuisé. Ça ne paraissait pas si grave. Harry n'était même pas sûr de vouloir savoir.
S'il était réellement celui qui avait tué la Manticore alors il ne voulait pas savoir comment. Parce qu'il était sûr de se haïr s'il apprenait qu'il avait fait souffrir un être vivant volontairement. Il se détestait déjà d'avoir dû tuer cette bête pour se protéger.
Il n'était pas certain que ce que le Seigneur des Ténèbres lui cachait ait un rapport avec l'attaque ou avec quelque chose qui se serait déroulé après mais dans tous les cas, Tom devait avoir ses raisons.
Jedusor le surpris lorsqu'il siffla, en tentant de modérer la force des émotions qu'il lui communiquait.
Il le fit comme un aveu, avec sérieux.
§ Tu as raison. Tu as tué la Manticore et je te cache quelque chose. §
Son attitude le fit presque sourire. Depuis quand le Seigneur des Ténèbres avouait-il cacher sciemment des informations au lieu de détourner son attention vers un autre sujet ?
Harry souffla, plus amusé qu'autre chose.
§ Les Serpentard sont de terribles menteurs. §
Jedusor rétorqua immédiatement, lui aussi avait l'air d'être sur le point de sourire.
§ Ne te moque pas. §
Puis plus sérieusement.
§ Je ne t'ai pas menti, les médicomages m'ont diagnostiqué un choc traumatique mais je suis resté conscient après l'attaque. Je me souviens d'avoir essayé de te maintenir en vie durant les 24 heures qu'on a passées à attendre les secours. Je me souviens de l'hôpital et c'est moi qui ai demandé qu'on en sorte. §
Jedusor lui avait rarement paru aussi démuni qu'en lui racontant ça. Harry ressentit l'envie de le prendre dans ses bras. Sans savoir si c'était un désir que Tom lui transmettait ou le sien propre. Pour apaiser ses craintes, lui faire oublier le calvaire qu'il avait subi par sa faute. Tout ça parce qu'il était du genre à se battre contre des créatures dangereuses puis à tomber inconscient, souvenirs en moins et blessures en trop. S'attirer des ennuis mortels n'était pas une nouveauté pour lui. Faire souffrir les êtres qui lui étaient chers non plus.
Il soupira. Il était certain que Jedusor ne lui avait pas tout dit et il se doutait que si le mage noir avait effectivement perdu des souvenirs comme lui, peut-être les avait-il déjà récupérés. Ou qu'il savait comment les faire revenir. Toujours est-il que Tom paraissait trop fragile pour subir un interrogatoire.
Pour changer de sujet et aider un peu le mage noir avec ses émotions trop fortes, il demanda dans un anglais terriblement enroué.
— D'accord, tu nous as fait sortir de l'hôpital et on est où là ?
Harry étudia la pièce du regard. Tom lui tendit ses lunettes qu'il replaça sur son nez avec reconnaissance. Tout devient presque trop net, la lumière et les couleurs pourtant pâles lui firent mal aux yeux.
Ils étaient dans un lit double en bois sombre avec une banquette accolée aux pieds du lit. En face d'eux, il y avait une fenêtre dont les rideaux en lin avaient été laissés ouverts en grand. Sur sa droite, derrière Tom, il y avait la chaise sur laquelle le mage noir était assis hier et deux portes parfaitement identiques. Sur sa gauche c'était une armoire, une commode, une coiffeuse avec un miroir fissuré et un grand tapis à motifs sur le sol.
Le tapis croulait sous les livres, sous les papiers et parchemins griffonnés, un pentacle avait été dessiné à la craie dans un coin sur le parquet et une bouteille d'encre menaçait de tomber, en équilibre précaire entre un cahier corné et un machin qui ressemblait vaguement à un télescope qu'on aurait monté à l'envers. Tourné vers la fenêtre.
Le soleil était éblouissant mais le ciel demeurait blanc, le lambris sur les murs paraissait très ancien. Tout comme les meubles.
Ils ne se trouvaient pas à Ilvermorny, l'école dégageait une aura particulière. Cet endroit dégageait tout autre chose. Quelque chose de plus calme, de presque mélancolique. Une mélancolie qui appartenait à ce lieu. Comme s'il pleurait les années perdues, les moments joyeux qu'il avait vécus.
Tom lui révéla très vite et sans difficulté que c'était la maison d'Ulrich Tiare et qu'ils étaient venus ici parce que l'hôpital était un endroit affreux où les journalistes campaient dans l'espoir de prendre une photographie de lui. Harry l'imagina sans difficulté.
Tout comme il imagina très bien à quel point ça avait dû être difficile pour le Seigneur des Ténèbres d'affronter tout ça seul.
Le Gryffondor demanda, repassant en fourchelang, ses cordes vocales n'étaient plus habituées à parler, la langue des serpents était plus facile.
§ Ça fait combien de temps depuis l'épreuve ? §
Combien de temps était-il resté inconscient ? À quel point la blessure qu'il évitait du regard était-elle grave ?
Tom fronça les sourcils, confus, et Harry réalisa qu'il ne savait pas. Pour Jedusor ça faisait une éternité et l'éternité était longue. Peu importait qu'elle dure quelques secondes ou des années entières.
Qu'ils soient séparés quelques minutes ou des siècles, il le ressentait avec autant d'intensité, sans la modérer.
Potter fut un peu inquiet à l'idée que Jedusor n'ait pas vu la différence entre le jour et la nuit, le matin et le soir depuis l'épreuve. Un choc traumatique ? Les médecins n'avaient peut-être pas tout à fait tort. Mais ce n'était certainement pas à cause de cette attaque. Tom ne craignait pas les Manticores ou n'importe quelle autre créature peu importe à quel point elles étaient dangereuses. Il avait peur de la mort. De la sienne, de la leur. S'il avait subi un choc c'était lors d'un face à face avec la mort.
Le lion put pratiquement deviner l'état de son épaule grâce à ça. Tom avait craint de le perdre. Il le savait mais depuis son premier réveil à l'hôpital cette peur ne s'était pas apaisée. C'était une indication claire sur sa situation.
Jedusor récupéra le journal, vérifia la date de parution sur celui-ci et lui indiqua avec perplexité.
§ Environ une semaine. On est restés 24 heures sur le Mont Greylock, une journée entière à l'hôpital peut-être plus, et quelques jours ici. Ça fait plusieurs nuits qu'on est là. §
Potter lui sourit franchement en répliquant.
§ Je suis sûr que tu ne connais même pas la date d'aujourd'hui. §
Ce à quoi le mage noir contre-attaqua.
§ J'avais d'autres préoccupations. §
Harry hocha la tête désigna du regard le tapis et plaisanta.
§ Tu étudies les différentes manières d'éradiquer une espèce dangereuse ? §
C'était dit sur le ton de l'humour mais il ne fallait pas s'y tromper, c'était une véritable interrogation. Tom le comprit sans mal. Se leva, attrapa sa baguette et ordonna ses affaires d'un sort avant de préciser sous couvert d'humour, lui aussi.
§ Tu n'es jamais loin de la vérité. Il faut croire que je suis facile à lire. §
Potter se pencha en avant et lui adressa ce regard sérieux qu'il ne réservait qu'à lui. Celui qui signifiait.
Je suis celui qui connaît ton présent, ton passé, ton futur, le fond de ton âme.
Ce n'était pas qu'il était facile à lire, c'était que Potter était un lecteur entraîné. Qui avait fait ses armes inlassablement contre la même histoire.
Ça contentait ses désirs d'exclusivité de savoir qu'Harry était le seul à pouvoir lire en lui.
Lorsqu'il tourna de nouveau la tête vers le lion, Tom l'aperçut en train de balancer ses jambes de l'autre côté du matelas pour se lever.
Il l'arrêta tout de suite.
§ Ne te lève p- §
Trop tard, le Seigneur des Ténèbres eut juste le temps de le rattraper avant que le griffon ne s'écroule et comme lui-même était épuisé, il se fit entraîner vers le sol.
Il sentit sa tête cogner contre le parquet et il grimaça. Harry grogna quelque chose qui devait ressembler à une excuse alors qu'il était dans ses bras et le mage noir se sentit obligé de marquer l'évidence.
— Tu ne peux pas te lever et marcher après plusieurs jours dans le coma.
Potter utilisa son bras droit pour se dégager un peu et grinça.
— Ça ressemble à quelque chose que dirait Rogue.
— C'est professeur Rogue et il aurait raison. Vous êtes complètement inconscient si vous pensez être capable de mettre un pied devant l'autre sans aide.
Harry releva la tête pour voir Ulrich Tiare dans l'embrasure de la porte juste devant lui.
L'homme lui adressa un sourire cordial, chaleureux et soulagé, puis il ajouta.
— Néanmoins je suis heureux de vous voir éveillé. Vous nous avez fait une belle peur.
Sous les yeux d'Ulrich, le Seigneur des Ténèbres se redressa en entourant Potter de ses bras, comme un petit garçon jaloux et excessif, vexé que l'on parle à son amoureux sans sa permission.
Potter se laissa faire sans se plaindre, s'asseyant sur le parquet avec des gestes incertains et maladroits, visiblement son corps ne lui obéissait pas correctement.
Gaunt lui tournait le dos mais Ulrich était sûr que le Seigneur des Ténèbres le maudissait d'exister et de détourner l'attention de l'Élu sur quelqu'un d'autre que lui. Sa magie le poussait pratiquement à l'extérieur de la chambre. Difficile de faire plus clair.
Il aurait pu lui hurler "SORTEZ" que ça aurait eu moins d'effet.
Le professeur se racla la gorge sous le regard interrogateur de l'Oiseaux-tonnerre qui ne semblait ne rien remarquer d'anormal dans le comportement de son… son ?
Ulrich était toujours hésitant sur la définition précise des liens qui unissaient Harry Potter à Thomas Gaunt.
Toujours est-il qu'il n'était pas le bienvenu et qu'il ne voulait pas s'attirer les foudres de l'un des plus dangereux sorciers de tous les temps.
Il sourit à Potter avec indulgence, conscient que le garçon ne réalisait certainement pas à quel point Gaunt avait besoin de lui. De sa présence et de son exclusivité et cela pour au moins autant de temps qu'il en avait été privé. Pour récupérer, recharger ses batteries. Éviter un drame.
Comme l'élimination des membres du MACUSA et la décapitation du directeur d'Ilvermorny. Un exemple parfaitement hasardeux, croyez-le.
Il tira sa révérence en laissant les garçons avec un avertissement.
— Je vais prévenir Severus que vous êtes réveillés et durant ce temps, vous êtes priés de ne pas vous attirer d'ennuis. J'en aurais pour moins d'une heure. D'ici là la maison ne brûlera pas, vous ne tomberez pas dans les escaliers et vous ne vous disputerez pas. Je compte sur vous.
Il laissa la porte ouverte et descendit les escaliers pendant que Potter maugréait.
— Nous ne sommes pas des enfants.
Il éleva la voix en réponse, souriant, trop apaisé pour ne pas se sentir plus léger.
— Heureux de l'entendre !
Après tout la dernière fois qu'ils avaient été laissés hors de vue, ils avaient combattu une créature classée XXXXX, un animal rare qui vivait d'ordinaire en Grèce et non en Amérique. Avec eux, l'impossible devenait prévisible.
La présence de Tiare s'évanouit lorsqu'il saisit la poudre de cheminette pour Ilvermorny et c'est à cet instant que Tom prit Harry dans ses bras. Avec précaution, comme s'il était quelque chose de fragile et précieux qu'on avait manqué de briser. Harry ne put que se laisser gagner par les émotions de tendresse et d'affection, de réconfort et d'amour que le lien continuait de retransmettre malgré leur étreinte et il arrêta de fuir sa blessure du regard. Elle ne lui faisait plus peur.
Sur le parquet délaissé de la maison inhabitée des Tiare, les joies passées animaient désormais le présent avec la même intensité.
À suivre...
Réponses aux reviews des invités !
Lana : Merci beaucoup pour ton petit message, heureuse que tu trouves DISS' fascinante !
katymyny : Coucou ! Merci beaucoup pour tes nombreuses reviews, je ne sais pas si tu verras ce message, il me semble que tu as encore une bonne moitié d'histoire à lire pour venir jusqu'ici mais je vais te répondre et tu me liras quand tu arriveras ici ! :) Si tu arrives à apprécier DISS' alors que le couple ne te plaît pas de base, alors c'est une victoire pour moi ! Pour la Marque des Ténèbres, tout comme pour le Horcruxe, on part du principe que tout ce qu'a fait le Tom de 16 ans est de retour mais que le Voldemort qui a marqué Severus par exemple, ne l'est pas. Par conséquent la Marque des Ténèbres n'est pas revenue. Cette marque n'est pas liée à l'âme d'un Tom de 16 ans mais directement à Voldemort lorsqu'il a décidé de marquer ses partisans. Severus est un personnage important de cette l'histoire ! :) (Parce que j'aime bien lui donner des cheveux blancs XD) Ulrich aussi, le pauvre il s'est engagé dans une sacrée aventure ! Je ne dirai pas que Tiare est un pion pour Fontaine mais c'est sûr que Fontaine le considère comme une sorte de vassal. J'aime beaucoup écrire des détails sur Ilvermorny, on va en apprendre progressivement plus sur cette école au fur et à mesure ! Agilbert Fontaine n'est pas un personnage de mon imagination (enfin, si, je lui ai donné un caractère) mais il a été créé par Rowling ! Et je pense que sa famille doit avoir des origines européennes, ce serait logique, beaucoup d'européens sont partis pour l'Amérique pour des raisons diverses et variées (souvent des conflits dans leur pays d'origine). Oui, Harry et Tom ont un lien très fort et tenter de l'ignorer ne fait que l'amplifier ! Je ne dirais rien sur Ellias mais j'aime bien préciser que non, ce n'était pas un Obscurial (Fontaine dit clairement qu'il ne savait pas grand-chose sur les Obscurials auparavant et il lit un livre pour en savoir plus) et que oui, le MACUSA est, d'une certaine manière, responsable de sa mort. Encore merci pour tes reviews et à bientôt !
Jadore : Je te remercie pour ta review ! Je suis super heureuse quand on me dit qu'on trouve DISS' bien construite (je passe un temps fou à hésiter sur des éléments du scénario x) J'adore décrire les émotions et construire la relation entre Harry et Tom pas à pas, c'est vraiment la raison pour laquelle j'ai commencé à écrire cette histoire !
