Chapitre 42 : Renaître, grandir et guérir

Coucou ! Je voulais publier hier puis aujourd'hui est devenu l'hier de ce jour et ainsi de suite. Ce qui crée un retard inévitable. (Je vous assure !) Même si en réalité les examens et les devoirs de fin d'année sont une bien meilleure excuse. Je vous présente ce chapitre un peu en retard mais c'est un chapitre doux et agréable à lire, un chapitre qui offre une jolie transition vers la suite. Je l'aime bien ! Le prochain sera un peu plus... vif ? Alors profitez des moments simples et joyeux de celui-ci. Harry et Tom deviennent plus complices, on sent qu'ils ne sont pas loin de passer un véritable cap dans leur relation ! Bonne lecture à vous, n'hésitez pas à me laisser une review avant de partir.


La demeure des Tiare était une maison étrange, elle sentait la poussière et le bois. Elle paraissait triste et délabrée de loin et demeurait pourtant pleine de couleurs et de vie à l'intérieur.

Si elle avait été animée d'une conscience propre, d'une existence bien à elle, elle vous aurait conté toutes les belles choses qu'elle avait vues et vécues durant sa vie. Elles auraient fait des pauses dramatiques dans son récit pour pouvoir vous raconter sa tragédie.

Celle du jour où on l'avait abandonnée, où la famille qui l'habitait s'était déchirée et l'avait laissé esseulé durant de nombreuses années. Puis, souriante et heureuse, elle vous aurait laissé regarder à travers les fenêtres de chez elle. Parce que aujourd'hui, elle n'était plus seule.

Quatre personnes vivaient ici. Comme une famille, souffle le bois du parquet, chante le lambris qui tapisse les murs. Une famille un peu étrange, tout comme l'était l'ancienne et délabrée maison des Tiare. Dysfonctionnelle. Avec deux adultes qui tentaient de protéger deux enfants qui ne l'étaient plus depuis longtemps.

C'était parfait, la demeure était joyeuse parce que cette famille qui n'en portait pas le nom lui ressemblait beaucoup, avec des tuiles manquantes, un peu effrayante de l'extérieur mais pleine de joie et d'amour lorsqu'on prenait la peine de s'y arrêter quelques minutes.

Encore fallait-il être invité à y entrer. Ne vous faites pas prier, ouvrez discrètement la porte et observez, glissez-vous dans les ombres et suivez ce petit serpent.

C'est Diligitis, le jeune serpent des enfants déjà grands. Il aime fureter dans les placards, se promener dans les couloirs et tout explorer de la cave au grenier. Ce qu'il préfère par-dessus tout, c'est s'endormir sur les genoux de son maître, pendant que celui-ci lit de drôles de livres sur la magie. Parfois ils sont écrits dans une langue que le petit serpent comprend et dans ces moments-là, Diligitis à l'impression d'être très intelligent puisque lui aussi peut lire les livres que son humain aime tant regarder pendant des heures.

Il ne regarde pas que les livres. L'humain de Diligitis. Ce qu'il regarde le plus, c'est le meilleur ami de Diligitis, Harry.

Harry est le meilleur ami de Diligitis parce qu'Harry est gentil, doux et chaud comme une couverture. Il lui prête toujours beaucoup d'attention, lui parle avec des mots que le serpent comprend facilement et lui sourit tout le temps.

Diligitis aime beaucoup Harry. Mais il sait que celui qui aime le plus Harry, c'est Tom. Son humain aime Harry plus que tout au monde, plus que les livres et même plus que lui. Le serpent n'est pas jaloux de ça parce qu'il sait que son humain est amoureux et que lui aussi, un jour, il aimera quelqu'un davantage qu'il n'aime Tom.

Ou en tout cas, c'est ce qu'on lui a dit, Diligitis n'est pas sûr d'aimer un jour quelqu'un davantage que son humain. On lui a répondu "ce sera différent, tu verras quand tu seras grand" et Diligitis n'est pas d'accord parce qu'il se sent déjà très grand.

Il est grand et fort maintenant, il peut monter sur les tables tout seul et broyer des choses solides entre ses mâchoires. Et si ses mâchoires ne suffisent pas, il peut s'enrouler autour et serrer très fort. Diligitis se sent grand mais Tom lui a dit qu'il allait encore beaucoup grandir durant les années à venir. Qu'il serait peut-être même plus grand que lui un jour et Diligitis a hâte. Ça ressemble à quelque chose d'amusant.

En attendant de grandir, le petit serpent aimerait beaucoup jouer avec son meilleur ami, il voudrait l'emmener explorer la cave ou le grenier, lui montrer les jolies choses qu'il a trouvées partout dans la maison mais malheureusement, Harry est convalescent.

Tom lui a expliqué que cela voulait dire qu'il devait beaucoup se reposer et ne pas faire d'efforts. Diligitis a essayé d'expliquer qu'il suffisait de ramper et que ce n'était pas fatigant du tout mais son maître était catégorique. Harry ne pouvait pas. Il avait trop mal pour le moment.

Alors Diligitis joua seul. Ce qui était moins marrant, bien sûr. Il s'en lassa très rapidement et se donna une mission. Trouver la plus grosse proie possible et la ramener à Harry. Pour le guérir. Manger donnait beaucoup d'énergie ! Ça allait soigner Harry de sa convalescence, Diligitis en était convaincu. Cette drôle de maladie allait s'en aller très vite grâce à lui.

Fier de ses brillantes idées, le petit serpent partit à la recherche d'un gros rongeur ou d'un oiseau. Sur son chemin, il croisa l'un des deux humains qui sentaient fort, celui qui avait des écailles noires et un visage sévère. C'était le plus effrayant des deux selon Diligitis parce que l'homme le regardait toujours méchamment, avec méfiance comme s'il allait le mordre ou faire quelque chose de mal. Diligitis ne mordait pas les humains sauf lorsqu'il se sentait en danger. Ou alors les humains que Tom n'aimait pas.

Tom n'aimait pas beaucoup d'humains mais il y en avait certains qu'il détestait vraiment et ceux-là, Diligitis avait le droit de les mordre même s'il ne se sentait pas menacé. L'humain aux écailles noires et à l'odeur complexe, mélange d'herbes et d'autres choses que Diligitis ne reconnaissait pas, ne faisait pas partie de ceux-là. Alors il ne pouvait pas le mordre sauf si l'humain le mordait le premier.

Diligitis se dit que cela arriverait sûrement car cet humain-là paraissait toujours prêt à lui montrer les crocs. Peut-être parce que Diligitis avait dévoré le contenu du placard où l'homme avait rangé des ingrédients particulièrement rares, réservés aux potions et pas aux petits voleurs sans éducation.

Diligitis ignorait qu'il était le voleur en question. Innocent de cœur, le jeune serpent avait été élevé par un sorcier dont les principes étaient de ceux que l'on désapprouvait.

Quand l'un des deux humains plus vieux était là, l'autre ne l'était pas ou alors pas longtemps. C'était amusant. Ils se croisaient et Diligitis aimait les regarder. Ils étaient très différents de Tom et Harry.

Celui qui avait des écailles avec des drôles de motifs colorés regardait l'autre un peu comme Tom regardait Harry mais différemment aussi. Diligitis ne voyait pas bien ou était la différence mais il savait qu'il y en avait une. Les humains étaient des êtres compliqués et dans leurs regards il y avait beaucoup de pensées et de sentiments similaires et pourtant différents.

Le jeune serpent les trouvait émouvants, les regards que se jetaient les humains entre eux lorsqu'ils pensaient qu'on ne les voyait pas. Ça soufflait joie et tendresse et parfois ce n'était pas si heureux mais ça paraissait toujours sincère. Les humains étaient différents des serpents, ils pouvaient mentir avec leurs langues mais pas avec leurs yeux.

Diligitis trouvait ça beau. Dans son cœur encore vaillant, les humains étaient les siens plus encore que les serpents.

Il franchit le pas de la porte, lança un coup d'œil au ciel gris et lumineux et se faufila dans l'herbe encore humide du givre de la matinée passée, il allait se cacher derrière un gros rocher et attendre qu'un oiseau se pose près de lui. Il y en avait parfois à côté du marronnier.

Le petit serpent était content, il disparut rapidement entre les touffes d'herbes et les rochers, pressé à l'idée de bientôt pouvoir montrer ses trésors et ses endroits préférés à l'humain de son humain.

Humain qui, loin des préoccupations de son serpent, était en pleine relecture de ses propres notes sur le sortilège permettant de communiquer à distance avec d'autres sorciers.

Un sortilège trop compliqué qui criait voyage astral et Legilimancie et que le Seigneur des Ténèbres trouvait trop dangereux en l'état. Pour l'utiliser sans danger il fallait le coupler à quelques runes qui ancreraient l'esprit à l'espace et ceux-là n'étaient pas faciles à reproduire ni à manipuler. Il avait pratiquement réussi à créer quelque chose de stable et il se demandait si ça fonctionnerait. Pour ça, il fallait essayer…

Entre la copie minutieuse de deux runes, Tom levait fréquemment les yeux. Près de la fenêtre, sur la banquette qui avait été déplacée exprès, Harry Potter s'était assoupi, le visage collé contre la vitre, la main droite emprisonnée dans le rideau sur lequel il tirait distraitement il y a encore quelques minutes.

Cela ne faisait que quelques jours que le lion avait repris connaissance et Potter manifestait déjà, consciemment ou pas, la volonté de sortir au grand air le plus rapidement possible. Sa blessure le faisait encore souffrir, le sortilège immobilisant son bras gauche ne lui permettait pas d'agir comme il le souhaitait et il était encore très affaibli par son utilisation excessive de magie mais c'était plus fort que lui, dès qu'il ouvrait les yeux il voulait se lever, agir, faire quelque chose.

Il était évident que sa blessure et sa faiblesse actuelle lui était difficile à vivre. Ça allait durer encore un moment. Tom en avait conscience. C'est pour ça qu'au lieu de poursuivre ses recherches qui n'avançaient pas sur les Obscurials, il essayait de trouver un moyen pour qu'Harry puisse contacter Poudlard.

N'importe quoi pour chasser l'expression de douleur qui ne quittait plus le visage du Gryffondor depuis l'attaque.

Songeant que le lion allait se réveiller avec d'horribles courbatures s'il restait à dormir dans cette position, le mage noir jugea qu'il avait terminé son travail et qu'avec les informations qu'il avait, il ne pourrait de toute façon pas faire mieux. Alors il se leva, traversa la pièce et s'approcha.

Lorsqu'il se retrouva assez près pour pouvoir toucher le visage d'Harry, il réalisa qu'il y a quelques mois, lorsqu'ils venaient de se rencontrer, jamais Potter ne l'aurait laissé approcher si près de lui. Encore moins somnolent et blessé comme il l'était.

Aujourd'hui Harry lui accordait une confiance absolue. Tom put sans le moindre mal poser une main sur la joue du Gryffondor. Après un court instant, celui-ci ouvrit les yeux comme s'il ne les avait jamais fermés et lui siffla d'une voix ensommeillée.

§ Ta main est aussi froide que la vitre. §

Tom sourit mais ne fit pas un geste pour retirer sa main du visage de Potter. Harry avait la peau chaude, c'était agréable. Ses doigts picotaient et le contact l'électrisait, il n'avait aucune envie d'être coupé de cette sensation.

§ J'ai lu trop longtemps. Mon sang ne circulait plus correctement dans mes mains. §

Potter grimaça, il venait d'essayer de se servir de son bras immobilisé pour se dégager. Il envoya un regard noir à son épaule. Mécontent, il siffla à Tom, toujours un peu assoupi.

§ C'est pour ça que tu t'es levé ? Pour coller ta main gelée sur mon visage. §

Harry observa la bouche du mage noir se recourber dans un sourire amusé et Jedusor lui susurra, sa main s'attardant bien trop longtemps sur sa joue.

§ C'était l'une des raisons. §

De mauvaise humeur, le Gryffondor écarta la main du Seigneur des Ténèbres en relâchant sa prise sur le rideau avec une expression qui signifiait "ça suffit, éloigne-toi maintenant." Celui-ci l'ignora complètement et s'installa sur la banquette.

Comprenant que le Seigneur des Ténèbres ne comptait pas repartir, Harry demanda sans réelle curiosité. La douleur et l'inaction le rendaient grincheux.

— Tu avais d'autres raisons ?

Le mage noir le dévisagea puis précisa avec un sourire taquin, sûr d'éveiller l'intérêt du blessé.

— T'empêcher de t'endormir en milieu d'après-midi et te signaler que j'ai trouvé une solution pour stabiliser le sortilège permettant de contacter tes amis à distance.

Ce fut immédiat, plus efficace qu'un tour de magie, la mauvaise humeur de l'Oiseau-tonnerre s'effaça comme neige au soleil. L'expression d'Harry se transfigura, un sourire gagna les traits de son visage et il se leva, se tournant vers les travaux du Seigneur des Ténèbres laissés en plan sur le tapis de leur chambre.

Tom fut obligé de suivre le mouvement, entrainé malgré lui par l'enthousiasme du lion qui était déjà en train de lire ses notes et d'essayer de comprendre les opérations d'arithmancie qu'avait faites le mage noir pour combiner magie de l'esprit et d'espace.

Potter paraissait maladroit, assis sur le tapis dans son pull rouge trop large qu'il avait mis uniquement pour cacher sa blessure à ses propres yeux et à ceux des autres. Il aurait dû se reposer, ils auraient dû se reposer. Au moins une semaine mais ça faisait déjà trois jours entiers qu'ils dormaient, lisaient, puis dormaient encore. Sans sortir, sans bouger. Seulement interrompu par Rogue qui veillait à ce qu'ils mangent correctement.

L'homme venait au moins trois fois par jour leur jeter un regard empli de méfiance, bien souvent suivi de menaces.

Il les forçait à prendre des compléments alimentaires qu'il mélangeaient à tout ce qu'ils pouvaient boire ou manger. Tom le soupçonnait également de mettre des antidouleurs dans la boisson d'Harry midi et soir. L'homme semblait penser qu'ils n'étaient pas capables de prendre soin l'un de l'autre sans son aide.

Il était comme un geôlier qui les aurait emprisonnés hors du monde pour en éviter les dangers tout en étant persuadé que les laisser livrer à eux-mêmes les mènerait vers l'auto-destruction. Terrorisé à l'idée de les laisser affronter la réalité et pourtant incapable de les en extirper.

Severus Rogue était immobilisé. Tom tentait une fuite en avant et Harry livrait bataille les yeux clos. Ils menaient tous leurs propres combats désespérés.

Jedusor se déplaça derrière le Gryffondor pour lui retirer de la main les parchemins griffonnés.

§ Tu n'as jamais appris l'arithmancie à Poudlard et tu comprends à peine les bases de la magie runique, c'est illisible pour toi. §

Le mage noir avait raison, Harry le savait, il n'y comprenait strictement rien. Au lieu de tenter de saisir le sens des gribouillis élégants mais intraduisibles du Seigneur des Ténèbres, le Gryffondor lui décocha un regard mi-vexé, mi-impatient.

§ Explique-moi comment ça marche. Même sans le comprendre, je devrais être capable de le faire fonctionner. §

La magie n'était pas un savant tour de passe-passe, c'était instinctif, mélange de volonté et de connaissances. Si Tom avait toutes les connaissances nécessaires alors Harry se chargerait d'y ajouter la détermination. Pour être sorcier, il n'avait guère besoin de plus que cela. Ou en tout cas, dans l'esprit de celui qui depuis petit utilisait la magie avec autant de facilité qu'un membre de son corps, ça n'allait pas chercher plus loin. Il luttait davantage pour la faire disparaître qu'à la faire fonctionner.

Harry vit alors son confrère s'installer sur le tapis puis celui-ci pointa du doigt deux runes calligraphiées avec soin sur un seul et unique parchemin et précisa.

— Ce sont les runes de l'esprit et de l'espace, elles feront office de catalyseurs. En les combinant au sortilège de communication à distance, on doit pouvoir réussir à transposer un esprit dans un lieu choisi. Je ne suis pas certain de la précision du résultat mais avec une bonne maîtrise de la Legilimancie un utilisateur devrait pouvoir transplaner spirituellement dans l'endroit voulu.

Ce qui voulait dire que si physiquement le corps restait ancré à l'espace présent, l'esprit lui, serait alors capable de se déplacer et ainsi de communiquer avec une personne présente à plusieurs milliers de kilomètres de là. Fasciné par les possibilités que l'explication de Tom engendrait, Harry prit place à côté de l'ex-Seigneur des Ténèbres et il lui demanda, en essayant de définir laquelle des deux runes était celle de l'esprit et laquelle incarnait l'espace.

— Ça signifie que je vais pouvoir me rendre à Poudlard en les utilisant ?

Le mage noir garda le silence un moment puis il ajouta.

— En théorie c'est possible. La difficulté réside dans le fait qu'il faille une excellente maîtrise de la Legilimancie en plus d'une stabilité magique hors normes. Ces runes ne sont pas stables en l'état, c'est l'utilisateur qui est censé faire tenir le tout ensemble.

Au moment où il finit sa phrase, Tom ressentit la déception d'Harry comme si elle avait été sienne. Depuis l'attaque du Mont Greylock leur lien transmettait avec une force similaire les émotions de l'un à l'autre.

Désormais ils percevaient chaque nuance des émotions de l'autre avec autant de précision que les leurs. Ce qui créait une réfraction émotionnelle empirique.

Harry ressentait une émotion naturelle, dépourvue de la démesure insupportable de celles de Tom mais puisque le mage noir réceptionnait cette émotion et lui donnait la même force que les siennes, il la renvoyait à Harry par le biais de leur lien avec excès, à outrance.

Potter voyait alors toutes ses émotions et sensations amplifiées en plus de celles que Tom lui transmettait habituellement. Dans ce genre de situation, il était difficile à Harry de démêler ses propres ressentis de ceux du mage noir et c'était tout autant difficile pour Tom de ne pas prendre au sérieux la moindre sensation que lui livrait son âme-sœur.

La déception naissait, était partagée, se multipliait, retournait à son possesseur originel avec une force démesurée puis se répercutait de nouveau entre eux. Comme une bille de flipper dotée d'une énergie et d'une force sans cesse décuplée.

Ainsi les joies, les peines, les déceptions, la chaleur, le froid, la faim et même la douleur ou l'engourdissement du sommeil étaient partagés.

Sensations latentes entre leurs deux corps et pourtant sans cesse en mouvement. Leur connexion était d'une sensibilité et d'une précision monstrueuse. Inimaginable pour quelqu'un ne l'ayant jamais expérimenté.

Depuis son réveil, Harry faisait semblant de ne pas l'avoir remarqué. Il niait. Trop inquiet à l'idée des conséquences que pourraient avoir ce lien qui au fil du temps ne faisait que se renforcer. Il avait déjà sa blessure, la douleur et la fatigue à gérer alors il avait relégué le reste à plus tard.

Or lorsqu'il reçut sa propre déception avec la force d'un coup à l'estomac, l'Élu ne put que constater et accepter la réalité. Depuis l'épreuve leur lien avait passé un cap.

Le genre de cap qu'il aurait voulu ne pas franchir. Ce cap qui hurlait qu'ils s'appartenaient, liés au-delà de l'imagination.

Harry avait toujours refusé que cela aille si loin. Il y a quelques semaines encore, il s'imaginait qu'après Ilvermorny, ils se sépareraient. Il se répétait sans cesse que lorsque Tom serait libre des exactions de Voldemort, il le laisserait choisir son avenir sans intervenir. Se persuadant que quelques mois après l'obtention de leurs diplômes, ils pourraient emprunter des chemins différents…

C'était impossible maintenant. Inutile de se bercer d'illusions plus longtemps.

Les illusions les plus convaincantes finissaient toujours par se répandre en milliers d'éclats, tranchant la toile de la réalité un instant puis disparaissant. Laissant la vérité nue et fragilisée.

Et même Harry Potter n'était pas assez naïf ou aveugle pour croire une seconde de plus qu'avec la connexion qu'ils partageaient, le Seigneur des Ténèbres et lui pourraient avoir des destinées séparées. Vivre loin l'un de l'autre.

Ce serait un combat constant de lutter contre leur lien et Potter savait qu'il avait déjà trop de batailles à mener pour déclarer la guerre à un allié.

D'abord Agilbert Fontaine, d'abord sa magie et ce qui n'allait pas avec elle, d'abord la prophétie, d'abord… d'abord la paix. Puis lorsqu'il serait en paix… peut-être partirait-il en guerre contre l'indicible, l'invincible, l'impossible. Chaque chose en son temps.

En attendant, il allait devoir s'imaginer un avenir où Jedusor serait avec lui. Si avenir il avait alors le Seigneur des Ténèbres en ferait partie. Ce n'était ni rassurant ni alarmant, c'était évident.

Ce qui en découlait ne l'était pas. Néanmoins en cet instant particulier, Harry fit une croix sur l'idée qu'il s'était fait d'un futur où il aurait pu surveiller de loin les agissements du mage noir. Du coin de l'œil, sans pour autant partager son quotidien. Ce serait impossible, comme il lui était impossible aujourd'hui de l'ignorer quelques secondes.

Jedusor le regardait avec un regard inquisiteur, comme s'il savait parfaitement qu'il était en train de réfléchir à quelque chose qui les concernait tous les deux. Harry s'attendait à être interrogé par l'objet de ses réflexions mais celui-ci attrapa le parchemin avec les runes et l'étala devant leurs yeux. Reprenant leur conversation là où elle s'était arrêtée.

§ C'est moi qui vais réaliser le sortilège et nous irons ensemble. Si c'est possible pour un utilisateur, ça l'est pour deux. §

Harry retourna son attention complète sur le parchemin. S'il fallait une magie stable et un talent inné pour la Legilimancie pour réussir, il était sûr d'échouer. Qui plus est, depuis son réveil il n'avait pas essayé d'utiliser sa magie, Tom lui avait formellement interdit d'incanter ne serait-ce qu'un Lumos et Rogue avait renchéri en le menaçant de le renvoyer à l'hôpital s'il rouvrait sa blessure en s'évanouissant après avoir désobéi aux indications laissées pour lui par le médecin.

Repos total puis rééducation et d'après Rogue et Jedusor, il pourrait faire appel à sa magie de nouveau seulement lorsqu'il aurait retrouvé toute la mobilité de son bras.

Harry les avait écoutés sans vraiment prendre au sérieux leurs injonctions.

Cela faisait quelques jours maintenant qu'il était sorti du coma et il se sentait déjà mieux. Il pouvait se déplacer sans s'écrouler et même s'il se sentait fatigué, il avait l'impression que sa magie ne paraissait pas autant impactée que ça par sa blessure. Son épaule le faisait affreusement souffrir et il ne pouvait pas se servir de son bras gauche, certes, mais pour le reste ça avait l'air d'aller.

Pour être honnête, Harry avait même la sensation que sa magie ne paraissait pas aussi douloureuse qu'auparavant. Peut-être était-ce justement parce que son corps tout entier était douloureux et affaibli.

Toujours est-il qu'il avait l'impression que s'il faisait appel à elle, elle viendrait à lui plus librement qu'elle ne l'avait jamais fait. Ce n'était peut-être pas une bonne chose. Parce qu'Harry n'avait aucune idée de ce à quoi ressemblait sa magie lorsqu'il ne la divisait pas en petits morceaux pour qu'elle ressemble à celle des autres. Sa magie actuelle n'était pas morcelée. Elle paraissait entière et en attente.

Harry n'avait pas fait part de cette impression à Tom, jugeant que c'était probablement un ressenti passager et que si ce n'était pas le cas… c'était que ce changement avait eu lieu durant l'épreuve. Et quoi qu'il se soit réellement passé durant la première tâche, c'était mal et traumatisant pour Tom et en faire mention n'était pas… possible pour le moment.

Depuis son réveil et la conversation qu'il avait eue à ce moment-là, Harry évitait le sujet. Pour que Jedusor puisse aller mieux, lui aussi. Il avait autant besoin de repos que lui, même s'il ne souffrait d'aucune blessure physique.

Tom remarqua sans mal que Potter se perdait à nouveau dans ses pensées. Il ignorait si son manque de concentration découlait d'un épuisement réel ou si Harry était perturbé par quelque chose. Cherchait-il à récupérer ses souvenirs ? Ou y avait-il autre chose ? Difficile à dire. Potter était aussi facile à lire que difficile à comprendre.

Après un instant, Harry releva la tête vers lui et lui demanda, de but en blanc.

— Même si j'avais eu des connaissances en arithmancie ou en magie runique, tu n'aurais pas voulu que j'utilise le sortilège.

C'était une conclusion mais avec elle, il était évident que l'Élu cherchait à confirmer une théorie. Celle qu'il était en train de construire dans son esprit. Jedusor envisagea la possibilité que le lion ait déjà réussi à comprendre qu'il ne lui interdisait pas d'utiliser sa magie à cause de sa blessure mais pour une autre raison. Une raison en rapport avec l'état dans lequel avait été retrouvée la Manticore.

Harry ne devait pas utiliser sa magie sans être entièrement remis, ce point n'était pas discutable. L'Obscurus était toujours à la surface, le moindre problème pourrait le faire resurgir. Tant que Potter n'avait pas la force de reprendre complètement le contrôle de sa magie en la restreignant comme il le faisait avant, il n'était pas question qu'il l'utilise. Cette solution n'en était pas une et Jedusor savait que forcer Harry à enfermer de nouveau ses pouvoirs une fois remis sur pied le ferait souffrir mais il n'avait rien d'autre à lui proposer. C'était la douleur ou la mort. Et le Seigneur des Ténèbres avait depuis longtemps choisi sa voie.

Conscient qu'inventer un mensonge ne leur serait d'aucune aide, Tom garda le silence à ce sujet. Il préféra revenir sur un terrain moins glissant.

— Si tu souhaites parler avec tes amis aujourd'hui, il ne faut pas tarder. Rogue rentre dans moins d'une heure.

Harry fronça les sourcils mais acquiesça, visiblement l'idée que Severus Rogue les surprenne en train de jouer les apprentis sorciers, sans mauvais jeu de mots, était assez effrayante pour lui sortir de la tête ses réflexions.

Tom saisit sa baguette, attrapa le parchemin et tendit la main vers l'Oiseau-tonnerre.

L'Élu la regarda un instant, pas sûr qu'ils ne soient pas encore en train de faire une bêtise qui leur vaudrait d'autres problèmes puis Jedusor lui adressa un regard confiant.

Plein de l'assurance du prodige qui savait pertinemment que ses recherches avaient abouti à quelque chose d'exceptionnel. La magie pouvait faire des choses fantastiques pour peu qu'on la laisse aux esprits comme celui de Tom qui transcendaient les règles pour en créer d'autres.

Harry voulait voir Hermione, lui parler, rassurer ses amis sur son état, faire quelque chose d'autre que dormir et penser toute la journée. C'était ce que Tom lui proposait. Comment aurait-il pu refuser ?

Il attrapa la main du Seigneur des Ténèbres et celui-ci ne tarda pas avant d'emprisonner ses doigts en les entrelaçant aux siens. Une seconde plus tard, Harry ressentit la sensation désagréable du transplanage, à la différence qu'il eut l'impression que ce n'était pas son corps qui était tiré puis compressé en tout sens mais son esprit. Ses propres pensées. Son âme presque.

Pendant un instant terriblement effrayant Harry sentit son esprit se mélanger avec celui de Tom, comme deux pelotes de laine qui se seraient déroulées pour se renrouler l'une dans l'autre puis, l'instant d'après, c'était fini. Ils étaient de nouveau deux parties distinctes ayant autrefois appartenu à un tout.

Ils s'écroulèrent sur la pelouse terreuse, à moitié gelée de Poudlard, l'école de magie anglaise.

Harry eut la drôle d'impression d'être désincarné en relevant la tête. En tentant de s'asseoir, il se rendit compte que son bras n'était plus immobilisé et que son épaule ne le faisait pas souffrir. Il jeta un coup d'œil à celle-ci et constata sans mal dans son cou et sous le pull qu'il avait enfilé plus tôt que les marques affreuses, cicatrices circulaires d'une morsure qui avait failli lui arracher l'épaule et le bras, étaient toujours là. Il était toujours blessé.

Il n'avait plus mal. Pas parce qu'il était guéri, seulement parce que ce corps qu'il voyait actuellement n'était qu'une projection mentale, il n'était pas réel. Il avait déjà vécu quelque chose d'étrangement similaire dans les limbes, lorsqu'il était mort et avait rencontré Dumbledore dans un lieu qui ressemblait beaucoup à la gare de King's Cross à la différence que celle-ci était vide et blanche comme un mirage. Ici, Poudlard avait l'air bien réel.

Harry resta un instant à contempler le château, ébahi à l'idée qu'il pût être ici et en même temps dans la maison d'Ulrich Tiare.

La surprise laissa rapidement la place à la joie et il s'écria, en se relevant. Son corps tout à coup léger, dépourvut de douleurs et de fatigue.

— Tom, tu as réussi ! On est à Poudlard !

N'ayant aucune réponse, il se retourna pour trouver Tom assis, les yeux rivés vers le château avec une expression de surprise, visiblement encore plus abasourdi que lui.

Harry lui adressa un sourire involontaire et lui tendit sa main gauche, celle dont il ne pouvait pas se servir normalement.

Jedusor regarda son bras, fronça les sourcils puis secoua la tête, dubitatif à l'idée d'avoir réussi dès leur première tentative.

— N'utilise pas ton épaule même si tu peux ici, on risque de ressentir le contrecoup physique de tout ce qu'on fera lorsqu'on reviendra.

Le Gryffondor murmura quelque chose qui ressemblait fortement à rabat-joie mais le Seigneur des Ténèbres fit comme s'il n'avait rien entendu. Laissant le lion à sa joie enfantine de découvrir un nouveau tour de magie.

Après tout, ils étaient ici pour Potter. Pour lui rendre le sourire. Tom ne se demanda pas un seul instant à quel moment les rares sourires d'Harry étaient devenus si importants pour lui. Ils l'étaient depuis la première seconde. Celle, déterminante, où il avait aperçu Harry Potter dans la Grande Salle de Poudlard. Après sa perte de mémoire, après sa renaissance.

Renaître. C'était la première fois que Tom Jedusor voyait les choses sous cet angle-là. Sa renaissance.

Pour une raison qu'il ignorait, ce mot prenait une forme et une couleur toute particulière ici et maintenant. Dans le parc du château qui l'avait vu grandir.

Pour pouvoir renaître il fallait accepter d'être mort.

Le Seigneur des Ténèbres ne pouvait pas l'accepter. Tom ne le fit pas complètement non plus mais l'idée d'être mort pour renaître comme il l'avait fait ne paraissait pas si terrifiante. C'était un premier pas vers l'acceptation de sa condition de mortel. Un pas minuscule. Qui le rendait plus humain que jamais.

Harry et Tom avaient changé depuis qu'ils avaient quitté Poudlard.

Jedusor avait étoffé sa palette d'émotions. Y ajoutant l'amour, la culpabilité, la joie, le bonheur, la chaleur, le courage, l'espoir… laissant sa haine et ses peurs se teinter de couleurs qu'il n'avait jamais soupçonnées exister.

Harry quant à lui, était passé du Survivant qui comme un automate, une arme ayant perdue son utilité, se contentait d'obéir aux directives qu'on lui donnait à… quelque chose de différent. Plus libre. Comme un oiseau qui dans le tonnerre de l'existence se cherchait un rêve. Une destination.

Ils avaient trouvé, dans cette tempête colorée et striée d'éclairs, un double à protéger.

Si Poudlard semblait immuable, figée dans l'existence, eux ne l'étaient pas. C'est en revenant à un endroit où rien n'a bougé qu'on réalise le mieux à quel point on a changé.

Tom suivit Harry à travers le parc, si Potter ne ressentait aucune gêne et semblait même être libéré de ses douleurs et du poids de son corps, le Seigneur des Ténèbres lui devait maintenir leurs deux esprits ici tout en entretenant la connexion avec leurs corps laissés à l'autre bout du monde. Conserver une conscience des deux simultanément lui demandait beaucoup de sa concentration et il ne pouvait pas autant profiter de la vue que le faisait Harry.

Il le suivait presque inconsciemment lorsque le lion s'arrêta tout à coup, ils étaient arrivés aux alcôves menant à la cour intérieure permettant d'entrer par la grande porte au moment où le Gryffondor se retourna vers lui.

Sa joie avait laissé place à de l'inquiétude et de l'appréhension, il jeta un œil aux portes à une centaine de mètres d'eux puis il se retourna vers lui.

— À l'heure qu'il est, ils sont certainement en cours.

— Sûrement, si l'emploi du temps n'a pas changé.

— Si j'entre à l'intérieur tout le monde va… enfin tu sais, je vais certainement devoir répondre à pas mal de questions avant de pouvoir les voir.

Les habitants de Poudlard, élèves et professeurs allaient leur sauter dessus pour savoir ce qui s'était passé à Ilvermorny. Actuellement ils ressemblaient à des fantômes, les premiers élèves qui les croiseraient risquaient de prendre peur, de s'évanouir, voire de créer une émeute. Après le mouvement de panique, il faudrait tout expliquer et probablement aller voir la directrice.

Jedusor n'était pas certain de pouvoir garder la connexion assez longtemps pour que la panique se calme et qu'Harry puisse, après ça, voir ses amis. En réalité il se demandait même s'il serait capable de tenir un quart d'heure. C'était déjà désagréable alors qu'ils n'étaient là que depuis une minute ou deux.

Qui plus est, leurs corps n'étaient pas réellement ici alors il ne pouvait pas utiliser la magie pour prévenir Hermione Granger de leur présence. Si ça avait été possible, ils auraient pu lui demander de descendre avec les amis d'Harry et ils auraient pu parler à l'abri des regards, dans le parc.

Potter sembla réfléchir un moment à une solution. Il lui demanda s'il était possible d'utiliser un sortilège en particulier, Tom nia, il évoqua la possibilité d'utiliser certains passages secrets qu'il connaissait pour entrer et sortir facilement du château mais ils ne savaient pas où se trouvait Granger et les autres alors cette possibilité n'était, elle non plus, pas envisageable.

Les cours à Poudlard n'étaient pas toujours donnés dans les mêmes salles, seuls certains professeurs avaient des salles de classe attitrées et l'emploi du temps changeait en cours d'année. Généralement ça arrivait lors d'un changement de professeur ou après les vacances de Noël pour introduire une nouvelle matière ainsi que des options comme l'étaient les cours de divination par exemple.

Potter passa quelques instants à tourner en rond autour des piliers soutenant les alcôves qui encadraient la cour intérieure alors que Tom était trop concentré sur la maintenance du sortilège pour pouvoir l'aider. Il était à demi ici à demi dans leur chambre et plus le temps passait plus il se sentait dissocié. La force qu'il utilisait pour les maintenir à la fois dehors et dedans le rendait de plus en plus fébrile. Il ne tiendrait pas.

Il s'essoufflait, sans être en train de courir, sans faire quoique soit de physique, puisque son corps était immobilisé sur le tapis de la maison des Tiare, Tom sentait son souffle se raccourcir. Comme si tous les muscles de son corps étaient sollicités pour le ramener là où ils étaient censés être.

Potter le remarqua à l'instant où Tom verbalisa, dans l'intimité de ses pensées, j'ai des difficultés à respirer. Harry lui retourna complètement son attention et fronça les sourcils.

Jedusor sut ce que Potter allait lui dire bien avant que celui-ci n'ouvre la bouche. Leur lien était d'une évidence transcendante lorsque leurs deux corps ne faisaient plus barrière. Rien ne pouvait les empêcher de lire l'un dans l'autre.

— Tu te sens mal ?

Harry contempla le visage fermé du Seigneur des Ténèbres. Pour n'importe qui d'autre, il aurait certainement eu l'air en colère. Effrayant. Les traits tirés, la posture trop rigide, drapé dans les robes aux teintes les plus sombres qu'il avait pu trouver dans la commode de la chambre qu'ils avaient empruntée.

Il avait grandi. Harry s'en rendit compte avec stupéfaction. Lorsqu'il s'approcha de l'ex-Seigneur des Ténèbres, le Gryffondor se rendit compte que Tom était plus grand. Ce n'était pas flagrant. Peut-être ne faisait-il que deux centimètres de plus que lui mais ils faisaient encore la même taille il y a peu de temps.

Voldemort était un homme très grand. Ce n'était pas étonnant que Tom grandisse. C'était un peu choquant quand même pour Harry. Sans raison valable, le lion n'avait pas imaginé que Tom allait grandir, vieillir comme lui. L'humanité du mage noir paraissait surréaliste pour le Survivant.

Ce Tom-là, un peu plus grand, les traits concentrés et le souffle court dans ses vêtements d'un autre temps, ne ressemblait plus beaucoup au Tom de seize ans qu'il avait rencontré lors de sa deuxième année. Fier et prétentieux dans son uniforme de seconde main. Il n'était pas non plus le Seigneur des Ténèbres en devenir des souvenirs d'Albus Dumbledore. Sombre et malade dans sa tenue de mage noir.

C'était un Tom différent, très similaire à ce qu'il avait dû être au même âge mais divergent, du genre à utiliser des sortilèges trop compliqués et trop dangereux seulement parce qu'il voulait le rendre heureux. Le sortir de l'ennui induit par sa convalescence.

Ce Jedusor-là s'éloignait du chemin qu'il avait pris par le passé.

Tout à coup, sous les yeux stupéfaits du jeune Seigneur des Ténèbres, Potter se mit à sourire.

Il l'attrapa par le bras et siffla.

§ Encore une minute et on s'en va. §

Dans l'incompréhension totale, Tom fut contraint d'accompagner Harry et ce qui devait arriver arriva. Ils entrèrent dans le Hall de Poudlard, furent très vite reconnus et créèrent une panique sans nom. De celle que l'on voit rarement bouleverser le quotidien calme de l'école de magie. Sauf quand Potter est dans les parages.

Ledit Potter se concentra sur les premiers élèves venus qui lui paraissaient assez calmes et sérieux pour passer un message, des Serdaigle de troisième année, visiblement surpris mais pas au point de céder à la panique.

— Je ne peux pas rester longtemps alors j'aimerais que vous passiez un message à Hermione Granger pour moi, d'accord ?

Les petits sorciers aux couleurs bleu et bronze acquiescèrent sans oser rétorquer ou poser des questions. Ce qui était difficile pour des élèves de la maison la plus curieuse de Poudlard.

— Le message est : je vais bien. Je suis en sécurité et je pourrai certainement lui écrire d'où je suis en ce moment. Dites-lui que je lui enverrai bientôt un hibou et qu'elle n'a pas à s'inquiéter.

Puis, devant la cohue qui s'était rassemblée autour d'eux, Harry Potter se retourna vers Tom Jedusor dont il tenait toujours le bras et ajouta.

— Message passé ! On rentre ?

Ils disparurent une minute avant l'arrivée de la directrice qui avait été prévenue d'urgence par de jeunes élèves de Gryffondor qui avaient couru jusqu'à son bureau pour l'appeler.

Minerva McGonagall resta un long moment dans le Hall ce soir-là. À écouter les élèves témoins du phénomène en tentant de tirer au clair ce qui s'était passé. Tous s'accordaient à dire que Potter et Gaunt étaient venus à Poudlard. Le message fut transmis aux huitièmes années et la rumeur courut qu'Hermione Granger aurait pleuré de soulagement tout en maudissant Harry Potter pour sa manie de réaliser l'impensable.

Des décennies plus tard, la légende d'élèves capables de transplaner d'un bout à l'autre du monde seulement par la pensée demeura comme l'un de ces contes fantasques et amusants que les enfants pouvaient lire dans l'Histoire de Poudlard. Jamais aucun sorcier ne put expliquer comment les héros de cette histoire avaient fait. De nombreux chercheurs y consacrèrent beaucoup d'énergie mais personne ne réussit jamais à obtenir un résultat aussi marquant.

En réalité, il manquait quelque chose d'essentiel aux sorciers qui avaient essayé par la suite. La foi. Celle de Potter et Jedusor.

Une foi inconsidérée. Cette certitude que ça allait marcher, que tout était possible. Que la magie avait tous les pouvoirs.

C'était faux bien sûr, même la magie avait ses limites et ses failles. Ou peut-être pas... à trop y croire, on limite l'infini. On définit les bordures de l'impossible. On fait des faits des légendes.

Lorsqu'ils rouvrirent les yeux, trempés de sueurs, à bout de souffle, écroulé l'un sur l'autre sur le tapis de leur chambre, Harry et Tom n'avaient pas l'impression d'avoir fait une prouesse magique.

Non, pas du tout. Le premier était seulement content d'avoir réussi à passer son message et le second prenait l'expérience comme un échec personnel. Après tout, il avait pensé être capable de tenir assez longtemps pour que l'Élu puisse voir ses amis, ce qui n'avait finalement pas été possible.

Harry tentait de récupérer son souffle, conscient de Jedusor couché en travers de lui, encore plus essoufflé et épuisé qu'il ne l'était. Le mage noir avait raison, ils ressentaient le contrecoup physique de ce qu'ils venaient de faire. Potter soupçonnait d'ailleurs Tom d'avoir pris sur lui la plus grosse partie de ce contrecoup.

Lui se sentait haletant, courbaturé et fatigué mais ça ne faisait pas une grande différence avec son état d'avant le sortilège. Tom quant à lui semblait avoir couru un 5000 mètres en 15 minutes.

Après une bonne minute à reprendre son souffle sans trop se soucier de leur état actuel, Harry entendit quelqu'un gravir les escaliers qui menaient à leur chambre.

Dans le flou de sa fatigue, son esprit tira l'alarme Rogue et c'est ce qu'il siffla à Jedusor en se redressant difficilement en position assise, époumoné.

§ C'est Rogue… il est en avance… §

Inspiration, expiration. Tom s'écarta de quelques centimètres de lui pour s'asseoir, passant une main devant son visage, tentant péniblement d'avoir l'air moins essoufflé qu'il ne l'était réellement.

Harry en fit de même, s'essuyant le visage, tirant sur son pull qui le collait dans le dos et… trop tard. Rogue allait les trouver dans cet état et il serait furieux et allait réclamer des explications. Longues et épuisantes.

L'Oiseau-tonnerre entendit la poignée de porte tourner sur elle-même puis un cliquetis qu'il ne reconnut pas et quelques secondes plus tard, Severus Rogue martelait la porte en les menaçant de la réduire en cendres.

En rouvrant les yeux, Harry vit Jedusor baguette à la main en direction de la porte de leur chambre. Le mage noir sentit son regard sur lui, le lui rendit et sourit. Alors que Rogue traitait la porte de tous les noms d'oiseaux qu'il connaissait.

Harry sentit une émotion qu'il n'avait plus ressentie depuis longtemps se manifester en lui et il se mit à rire. Se laissant retomber sur le dos, hoquetant, à moitié en train de rire, à moitié en train de récupérer son souffle.

Tom en fit de même en se laissant tomber à côté de lui. Leur hilarité commune incontrôlée dura un court instant. Ponctué par les menaces colorées du Maître des Potions qui passait ses nerfs sur la porte que Tom avait protégée et verrouillée.

Puis Jedusor releva les bras au-dessus de sa tête de manière à libérer sa poitrine et il lui souffla, un bonheur fulgurant irradiait de lui. C'était la première fois qu'il riait comme ça.

§ On pourrait le laisser dehors. §

Rogue. Nos problèmes. Harry le comprit sans mal. La plupart du temps, il refusait de jouer à ça avec Jedusor. De se laisser aller à la pensée de et si

Et si on laissait Rogue dehors. Et si on fuyait à l'autre bout du monde. Et si on éliminait nos ennemis et qu'on prenait le pouvoir pour nous. Et si on s'aimait. Je t'offrirai le monde. Un mot de ta part et je mettrais tout en œuvre pour tout détruire, te protéger. S'il faut tuer, je le ferai. Je nous rendrais immortels. Tu ne me quitteras plus jamais. On sera heureux.

Jedusor était dangereux. Lui donner la main, c'était accepter qu'il prenne aussi son bras, son corps tout entier. Sans rien lui laisser de libre arbitre. Ce serait d'une simplicité enfantine de se laisser aller à la folie du mage noir. De le laisser prendre les décisions importantes. D'être à deux l'équivalent d'un seul. Lorsqu'il se sentait fatigué, durant de courts instants, Harry songeait que dans un univers parallèle, un monde pas si éloigné de celui-ci, il aurait probablement fini par céder.

Pas ici. Pas aujourd'hui. Pas dans son monde. Il n'avait pas choisi la fuite, la simplicité, la facilité.

Toutefois, comme pour rendre grâce à cet univers imaginaire où il aurait épousé les ambitions folles du Seigneur des Ténèbres pour se libérer de toutes ses responsabilités, Harry souffla.

§ Qu'est-ce qu'on ferait après ? §

Après avoir détruit chaque danger, lorsque le monde t'appartiendra, lorsqu'il n'y aura plus d'ennemis. Toi, le Seigneur des Ténèbres et moi, Harry Potter, dis-moi qu'est-ce qu'on fera ?

Jedusor se tut. Entre eux, il y avait tout ce qu'ils échangeaient et tout ce qu'ils n'avaient pas besoin de se dire. Harry regarda le plafond en attendant sa réponse et au moment où il se dit que le mage noir ne dirait rien, celui-ci lui répondit en anglais. Avec une sincérité désarmante, les bras en croix.

— Je ne sais pas. On fera ce que tu voudras.

Ça sonnait comme la réponse fragilisée d'un enfant qui n'avait jamais imaginé qu'il y aurait un après. Lord Voldemort n'avait jamais prévu autre chose que de détruire. Conquérir, asservir, se venger, utiliser les lois sorcières pour dominer. Pas une seule fois, il s'était imaginé ce qu'il ferait une fois tout ça accompli.

Tom ne l'avait pas fait non plus. Les ambitions du Seigneur des Ténèbres n'étaient plus les siennes mais ils ne savaient pas ce qu'il ferait sans elles ou lorsqu'il les aurait réalisées.

Il avait pu répondre à la question d'Harry seulement grâce à son nouvel objectif. Aimer, protéger et s'assurer qu'Harry irait bien. Qu'il l'aurait pour l'éternité. Faire en sorte que Potter lui rende ses sentiments. Autant de nouveaux objectifs qu'il était possible d'en avoir tant qu'ils gravitaient autour d'Harry Potter.

Potter devait s'en douter. Celui-ci s'assit à côté de lui, en lâchant des yeux le plafond alors que Tom laissait les siens se poser sur le dos du Gryffondor. Harry avait les épaules un peu plus larges que les siennes, il était plus musclé. Il lui murmura dans le silence qui s'était créé entre eux.

— Je veux me battre. Je ne fuirais pas.

Jedusor capitula. Admiratif. Il n'était pas d'accord. Ne comprenait pas pourquoi Potter souhaitait mener de front les combats qu'on lui avait mis sur les bras mais puisque c'était son souhait, ce serait le sien. Il l'aimait.

Peut-être avaient-ils plus de chances de rester en vie ainsi.

Le mage noir se redressa, se leva et déverrouilla la porte derrière laquelle le potionniste fulminait. Dans le même mouvement, il tendit la main à Harry qui s'appuya sur lui pour se relever et lorsque Rogue entra dans leur chambre comme un Hippogriffe auquel on aurait manqué de respect, Potter lui chuchota à l'oreille.

§ Mon pire cauchemar. §

Ce à quoi Jedusor se sentit obligé de répliquer, l'âme légère.

§ Je ne le permettrais pas. §

Ses rêves, les pires comme les meilleurs, étaient à lui. Eux aussi.

À suivre…


Réponses aux reviews des invités !

Lokison : Coucou ! Ton message m'a fait super plaisir ! Je suis vraiment heureuse que tu adores DISSEMBLANCE et moi aussi je suis passionnée par son écriture ! :) Oh ! Est-ce que tu as lu DISS' en une semaine ? Chapeau à toi ! Elle doit être proche d'un bon pavé de 800 pages maintenant ! xD