Chapitre 44 : L'oiseau en cage rêve des nuages
Coucou ! Bonnes vacances à tous ! :D Je suis tellement heureuse d'être en vacances, pour fêter ça je vous offre le chapitre 44 ! J'espère qu'il va vous plaire, j'ai beaucoup travaillé dessus. Laissez-moi beaucoup de reviews ! (Pour fêter les vacances et pour me dire ce que vous pensez de ce chapitre ! :) Oh et j'ai le projet de traduire DISSEMBLANCE en anglais pour le fandom anglophone, j'ai déjà travaillé sur le prologue et le premier chapitre mais je ne sais pas si c'est lisible ou pas (mon anglais est plutôt moyen...) alors si l'un ou l'une d'entre vous est bilingue ce serait chouette si cette personne pouvait aller y jeter un œil et me dire si c'est vraiment horrible ou pas (auquel cas, je retirerais ma traduction). Merci d'avance !
Harry savait qu'il était un monstre. Il le savait depuis son enfance. Sa famille le lui avait rappelé à chaque instant. Avant d'être un petit garçon, avant d'être un sorcier, avant même d'être un homme… il était déjà un monstre. Il savait ce qu'il était.
Tout comme un oiseau sait qu'il a des ailes pour voler. Pourtant lorsque cet oisillon fut poussé du nid, il chuta et ses ailes se cassèrent. Il survécut en dépit de toute logique mais par la suite, il n'essaya plus de voler. Il fit comme si ses ailes n'existaient pas et même lorsqu'on les pointait du doigt, il niait.
C'est faux. Elles ne sont pas là.
Il renia ses ailes et réprima chaque pulsion qui le poussait à les battre. Lorsqu'on vint lui dire qu'il était né oiseau, il en fut heureux et partit avec les autres. Il apprit à faire comme ceux de son âge, sauf qu'il savait que quelque chose clochait chez lui. Il était obligé de ruser pour pouvoir utiliser ses ailes sans les battre.
Ce n'est pas grave, se répéta-t-il sans cesse.
Il était un oiseau même sans voler de ses propres ailes. Il oublia presque qu'elles demeuraient dans son dos. Qu'elles ne faisaient que grandir et s'allonger, le démangeant de plus en plus.
Puis un jour, elles furent si grandes qu'elles se déployèrent sans son consentement. Le propulsant vers le sol de nouveau…
⁂
Tom fut réveillé par le croassement d'un corbeau qui se posa sur le rebord de la fenêtre de leur chambre. Le volatile lui lança un regard perçant, poussa un cri rauque puis partit comme il était venu, tel un mirage.
L'ex-Seigneur des Ténèbres se sentit confus pendant un instant alors qu'une angoisse sourde montait crescendo dans sa poitrine. Il comprit pourquoi lorsqu'il se redressa. Harry ne dormait pas à ses côtés.
Il n'était pas tard, le soleil venait à peine de se coucher et la nuit était claire, limpide et lumineuse. Comme l'étaient parfois les nuits sans nuages. Harry et lui s'étaient assoupis après une énième partie de cartes. Le Gryffondor avait décidé qu'ils ne joueraient plus aux échecs et Tiare leur avait donné un vieux paquet de cartes moldues. Un paquet qui ne comportait qu'une quarantaine de cartes cornées et dont les images étaient pratiquement effacées par le temps. Étrangement, il avait plu à Potter tout de suite et le Survivant avait gagné chaque partie de bataille qu'ils avaient jouée avec.
Parce qu'Harry était naturellement chanceux et que les jeux de cartes se gagnaient davantage grâce à un tirage au sort qu'a la stratégie. Ou en tout cas, c'était comme ça que Jedusor justifiait ses sept défaites consécutives. Ils avaient ensuite convenu du fait qu'ils pourraient jouer aux échecs et aux cartes alternativement. Pour égaliser. Peut-être même s'amélioraient-ils là où l'autre était bon et vice-versa.
C'est ce qui les avait amenés à jouer l'intégralité de l'après-midi jusqu'à ce que le soleil se cache et que le Seigneur des Ténèbres s'endorme. Il n'aurait pas dû se réveiller seul parmi les cartes et les pièces d'échecs éparpillés dans leurs draps défaits.
Pourquoi Harry n'était-il pas à côté de lui ?
D'habitude, Jedusor se réveillait systématiquement lorsque Potter tentait de lui fausser compagnie pendant leur sommeil. Cela n'empêchait pas le lion d'essayer fréquemment de quitter la chambre sans le réveiller le matin ou en pleine nuit.
Harry n'était pas un dormeur tranquille. Il se roulait en boule dans un coin de leur lit, faisait parfois des cauchemars, parlait dans son sommeil. Il se réveillait fréquemment pour s'asseoir sur le bord du lit et regarder le sol durant des heures. Il quittait la chambre avec pour prétexte qu'il avait soif ou besoin d'air et refusait qu'ils se tiennent la main toute la nuit ou dorment dans les bras l'un de l'autre.
Ils finissaient par le faire quand même. Lorsque le Gryffondor était las de lutter contre ses insomnies.
Tom avait un bon sommeil. Ou en tout cas, c'était le cas lorsque Harry était avec lui. Auparavant ses nuits étaient courtes et peuplées de monstres. Potter les avait fait fuir par sa seule présence et depuis, à part quelques cauchemars récurrents sur l'attaque survenue au Mont Greylock, le mage noir n'avait plus de mauvais rêves.
Il fermait les yeux et dormait correctement tant qu'Harry n'était pas loin. Lorsque Potter s'éloignait trop ou trop longuement, le manque finissait par le réveiller avec la désagréable sensation qu'on lui avait arraché une partie de lui-même pendant son sommeil.
Harry ne pouvait habituellement pas faire plus d'un pas ou deux sans le réveiller. Sauf cette fois.
Le creux où Potter s'était assis avant qu'il ne s'endorme était froid. D'ailleurs, toute la pièce semblait froide.
Était-ce seulement une sensation due à son absence ?
Le mage noir lança un regard à la cheminée pour constater que le foyer était vide. Il ne restait que des braises du feu qui était encore là il y a quelques heures.
Harry avait certainement souffert du froid et était parti. Peut-être était-il allé chercher du bois et d'autres couvertures. Les nuits se faisaient de plus en plus froides. L'hiver avait désormais gagné sa bataille et régnait en maître sur le Mont Greylock. Tel un tyran nomade, revenant chaque année pour reprendre ses droits sur les terres qui étaient les siennes.
Toujours est-il que Tom aurait dû se réveiller. Ainsi il aurait pu utiliser sa magie pour invoquer directement le bois dans le foyer et le faire brûler. Ou transfigurer n'importe quoi en couverture. Voir même augmenter sensiblement la température de la pièce par un enchantement de chaleur. Des dizaines de possibilités. Toutes avaient un point commun, elles nécessitaient la magie dont Harry était privé.
Potter ne l'aurait jamais réveillé pour lui demander de l'aide. Il préférait se lever discrètement, trouver une solution par lui-même et revenir avec en espérant qu'il ne remarquerait rien.
Harry était comme ça. Peu importe le nombre de fois où il lui avait répété qu'il voulait l'aider et être là pour lui. Potter ne demandait pas d'aide. En réalité, Tom le soupçonnait de ne pas du tout y penser. L'Élu n'avait probablement jamais songé appeler au secours pour quoi que ce soit dans sa vie.
Contrairement à lui. Tom se souvenait avoir eu l'envie d'obtenir de l'aide quelquefois.
Celle d'Albus Dumbledore notamment. Même s'il n'était jamais passé à l'acte. Sauf avec Harry. Chaque regard qu'il posait sur lui n'était-il pas un appel au secours constant ? Une supplication muette pour obtenir de lui tout ce qu'il pourrait lui donner ?
Ce n'était pas tout à fait ça. Réduire ses sentiments à un appel à l'aide serait une insulte. De celles qu'il ne pourrait permettre.
L'intensité des émotions qu'il ressentait pour Potter troubla sa vision un instant et il réalisa que le manque le rendait instable.
Un trou commençait à se former dans sa poitrine. Minuscule pour le moment, il ne ferait que s'élargir s'il n'allait pas retrouver Potter. Sa dépendance le fit presque sourire. Lui qui avait été un enfant taciturne muré dans une solitude maladive, le voilà dans l'incapacité de supporter celle qu'il avait poursuivi toute son existence.
Se réveiller seul était une sensation horrible.
Il se leva et son mouvement fit tomber une pièce d'échecs qui vacilla avant de s'immobiliser sur le parquet. Il se pencha inconsciemment, attirée par elle, la ramassa et remarqua qui s'agissait du Roi blanc. La pièce maîtresse de Potter. Celle qu'il mettait échec et mat incessamment. Pour une raison qu'il ignorait la tenir dans sa main ne fit qu'empirer l'angoisse et la solitude qu'il ressentait.
Il glissa cette pièce inanimée à l'effigie d'un roi en armure dans la poche de son pantalon et laissa ses doigts la serrer pendant qu'il sortait de la pièce et descendait les escaliers. À défaut de pouvoir refermer sa main sur celle d'Harry comme il aurait aimé le faire, il utiliserait cet objet qui lui était rattaché pour maîtriser ses émotions.
Le Seigneur des Ténèbres était parasité par ses propres sensations, ses propres ressentis, son sentiment d'abandon grandissant. Cette paralysie était habituelle alors il n'avait pas compris que son ressenti actuel était différent. Différent de quand Harry ne le quittait qu'un instant pour réapparaître la minute suivante.
C'est en arrivant au bas des escaliers que Tom voulut utiliser leur lien pour dénicher plus rapidement le Gryffondor. Il échoua. Cet échec ne fut pas la pire de ses découvertes. Il eut beau essayer d'accéder encore et encore à leur lien d'âme, il n'y parvenait pas.
Ce n'était pas comme si celui-ci avait disparu, il était toujours là, il l'aurait immédiatement senti s'il s'était disloqué. Non. C'était comme si l'extrémité de leur lien, celle qui était connectée à Harry était vide.
Pas sectionnée ou manquante, elle était complète mais reliée à rien. Ce n'était pas un rien absolu, une absence totale. C'était plutôt comme un trou noir. Causée par la perte brutale de quelque chose plutôt que par sa non-existence.
Comme si on avait aspiré la vie qui était reliée à la sienne. Le laissant avec un lien d'âme sans âme-sœur. Peut-être était-ce ça que ressentaient toutes les personnes qui n'étaient pas dans la même situation que lui ? Tom ne se souvenait plus. Il ne savait pas comment il avait survécu avant sa rencontre avec Potter.
En fait, si, il savait. Dans la souffrance.
Tom céda à la panique apocalyptique qui avait grandi en lui et propulsa tout ce qu'il ressentait à travers le lien. Il se mit à courir à la recherche de Potter. Tentant de percevoir sa présence magique, physique, n'importe où dans la maison.
La solitude explosa en lui, déversant des torrents de sensations liées au manque. Il suffoquait, étouffé par ses émotions asphyxiantes.
Pour la première fois depuis la création de son Horcruxe, il eut la vive impression de perdre la maîtrise de ses pouvoirs magiques. Cette perte de contrôle le laissa indifférent, trop perdu qu'il était dans sa recherche frénétique.
Il ne lui fallut que quelques minutes pour le trouver. Harry Potter était dans la remise dans laquelle ils stockaient le bois.
Cette remise était à l'écart de la maison, il fallait traverser la cour pour pouvoir y accéder. Tom y pénétra dans la pénombre de cette nuit tranchante, froide et dénuée de nuages, sans se soucier d'y être allé pieds nus avec ses vêtements de nuit.
Lorsqu'il entra par la porte ouverte, il ne ressentit pas la présence d'Harry à l'intérieur. Ni magique ni même physique. Il ne ressentit rien mais ses yeux virent. L'autre côté du lien restait désespérément silencieux alors qu'il voyait de ses propres yeux Potter se tenir devant lui.
Il crut perdre l'esprit deux fois avant de pouvoir faire le moindre mouvement.
Harry était assis comme un pantin désarticulé contre le mur que formait le stère de bois entreposé là.
Ses yeux étaient grands ouverts. Grands ouverts et blancs.
L'iris de ses yeux était pâle et lumineux alors que des émanations de magie - aussi sombre que l'absence complète de lumière - s'échappaient de son épaule blessée. La chemise qu'il portait avait été comme arrachée par quelque chose. Laissant sa cicatrice à nu.
§ Harry ! §
Lorsque son corps pétrifié l'y autorisa, Tom se jeta sur lui. Il l'appela une centaine de fois, le secoua et c'est en tentant de vérifier son pouls, qu'il comprit pourquoi le lien était relié à un trou noir.
Son cœur ne battait plus. Pas de battements. Aucun souffle. Pas de vie.
Non… ce n'est pas possible.
Tom pouvait voir la magie de l'Obscurus s'échapper de la cicatrice de morsure d'Harry, il pouvait voir l'éclat surnaturel de ses yeux mais il ne pouvait pas entendre son cœur battre. En réalité, même s'il voyait sa magie à l'œil nu, il ne ressentait pas sa présence. Il ne sentait rien.
C'était un cauchemar. Il était en train de faire un mauvais rêve, rien de plus. Il essaya de s'en persuader en tentant désespérément de réveiller son âme-sœur.
Harry ne pouvait pas… il ne pouvait pas. Il ne pouvait, n'avait pas… pas le droit… PAS… POUVAIT PAS !
PAS. PAS. PAS. PAS. PAS. PAS… mort ?
Cette incertitude fit céder les dernières bribes de lucidité auxquelles se rattachait Tom. Il gémit, ne pouvant supporter la sensation de son cœur en train de se déchirer. Au-dehors le ciel s'ouvrit comme s'il avait été coupé en deux et le Seigneur des Ténèbres perdit pour de bon la maîtrise de ses pouvoirs. Le toit de la remise vola en éclat en proie à une déferlante de magie noire.
Tom n'était plus conscient de ce qu'il faisait ou de ce à quoi il pensait. Il n'était qu'une masse à l'agonie. Un corps convulsé, une âme en train de s'émietter.
Il serait probablement mort ici et maintenant si quelque chose ne l'avait pas subitement ramené à la raison.
Il pensa l'avoir rêvé puis il en fut de plus en plus certain. Le trou noir au bout du lien n'était pas, n'était plus, plus rien. Il distingua la présence faible et éthérée d'Harry dans ce vide. Comme un écho de son esprit resté attaché au néant.
Il se ficha de savoir si c'était ou non une illusion inventée par son âme en train d'agoniser, il propulsa toute sa magie à travers leur lien et attrapa cette présence, la tira de toutes ses forces auprès de lui. Il le fit sans se préoccuper des conséquences, même si Harry revenait comme un Obscurus incontrôlable cela lui importait peu tant qu'il était VIVANT.
Tom ne sut pas combien de temps cela lui prit pour sentir de nouveau la présence de son âme-sœur alors que celui-ci était dans ses bras mais lorsque ce fut le cas, il n'eut pas de demi-mesure.
À l'instant précis où Harry reprit sa place à l'extrémité de leur lien, sa magie se libéra autour d'eux. Tom avait consommé toute la sienne pour le ramener alors il se retrouva complètement impuissant face à la libération totale des pouvoirs de l'Obscurial.
Harry Potter n'était plus un sorcier ce soir. Il était un Obscurial, un Obscurus complet pour la première fois de son existence. Il n'y avait plus de semi-forme humaine comme ça avait été le cas face à la Manticore.
Il s'incarna dans l'espace comme le font les Obscurus. Comme un trou noir bouillant d'énergie magique dévorante, comme une bête pourvue de milliers de griffes incorporelles. Comme une véritable nuée de petites lames noires qui s'agitaient dans un chaos incommensurable. Un maelström d'énergie grouillant et vivant. Hurlant.
Si la remise s'était effondrée auparavant, elle fût complètement dévorée à présent. L'Obscurus était aussi immense et imposant que la demeure des Tiare et il hurlait, un cri inhumain, complètement déformé, qui raisonna dans toute la montagne comme un avertissement.
Les animaux, insectes et autres créatures magiques aux alentours désertèrent les lieux en ajoutant leurs cris de frayeur au chaos ambiant.
Tom était agenouillé en face de l'Obscurus le plus puissant de la Création.
Il aurait dû être effrayé. Vouloir fuir. Mais son esprit brisé, blessé, ne faisait que répéter.
Il est vivant. Il est vivant. Il est vivant. IL EST VIVANT ! Vivant. Vivant.
Il se réjouissait de ressentir toute sa présence. Aussi bien à l'intérieur de lui qu'au-dehors. Le lien était de retour à la normale et c'était aussi agréable que ça faisait MAL.
Harry souffrait le martyre mais le sentir souffrir et souffrir avec lui, c'était vivre encore. Ça allait. C'était bien même.
Plus jamais rien. Plus jamais vide. Plus jamais seul.
Ses émotions ne firent qu'empirer la fureur de l'Obscurus qui semblait se tordre de douleur en détruisant le paysage sur son passage. Bourdonnant d'une puissance tellement écrasante que Tom n'était pas sûr de pouvoir ne serait-ce que se lever face à elle.
La douleur partagée l'handicapa complètement. Bientôt Tom se retrouva à serrer sa poitrine, recroquevillé à genoux sur le sol.
Il avait des difficultés à respirer correctement, ne voyait plus rien, n'entendait plus rien, ses membres ne répondaient pas à ses demandes pour bouger. Il était juste là. Vivant avec lui sa douleur comme si elle était sienne.
Le supplice sembla durer une éternité. Peut-être même deux. La sienne et la mienne.
Avant que cela ne s'arrête. Avec autant de brusquerie et d'impulsivité que cela avait commencé, cela prit fin.
La douleur stoppa net et Tom retrouva ses capacités sensitives et motrices. Il les utilisa aussi rapidement que possible pour se diriger vers la présence qu'il sentait proche de lui.
Il trouva Harry serrant ses genoux contre lui dans les décombres. Pleurant et tremblant, couvert d'égratignures, quelques particules sombres continuaient de danser autour de lui. Comme des étincelles.
Il fondit sur lui pour le toucher. Pour s'assurer de sa présence. Entendre les battements de son cœur, sentir son odeur. Être en contact avec sa magie si particulière, se noyer dans sa présence. Sentir sa peau contre la sienne. Remplir son âme de lui.
Potter le laissa faire. Ses yeux verts étaient pleins de larmes, ses lèvres tremblaient. Tom voulut l'embrasser et il amorça le geste pour le faire mais avant qu'il n'aille au bout, un sursaut de conscience l'en empêcha. Il avait promis. Même avec cette connaissance, l'envie le dévora, le plaçant dans une position où sa faible conscience ne pouvait pas grand-chose contre ses désirs primordiaux.
Pour ne rien regretter, il couvrit la bouche d'Harry avec sa main et pressa ses lèvres contre celle-ci. Déposant ses lèvres contre le dos de sa main. Cela eut pour effet de faire entrer en contact les yeux de Potter avec les siens. Puis quelque chose d'inattendu se produisit, Harry retira la main qui les séparait et ferma les yeux. Tom céda et l'embrassa.
Ce n'était pas comme le baiser fragile précédant sa déclaration, ce n'était pas comme celui violent et brutal qu'il lui avait volé dans la salle de classe désaffectée. Ça ne ressemblait pas non plus à celui qu'il avait reçu d'Harry sur le Mont Greylock, qui n'était qu'un effleurement inconscient.
Ils s'embrassèrent réellement pour la première fois. Avec réciprocité et maladresse. Tom sentit son cœur endolori par tout ce qu'il venait de vivre, se mettre à tambouriner. Son corps tout entier lui sembla battre comme un cœur. Pulser comme le faisait leur lien. Entortillé étroitement autour d'eux, tout comme paraissait l'être ses entrailles en cet instant.
Ce fut trop court et trop intense tout à la fois. Harry fut celui qui rompit le contact le premier. Il s'écarta de lui, ouvrit les yeux, les détourna, couvrit sa bouche de son bras dénudé de tout vêtement et ses joues, encore humides de larmes, se teignirent de rouge.
Jedusor ressentit le besoin irrépressible de recommencer immédiatement ce qu'ils venaient de faire. Il l'aurait probablement fait si Potter ne s'était pas mis à parler.
L'écouter était presque aussi bon que de l'avoir, vivant, dans ses bras. Presque.
§ Je… suis désolé. §
L'esprit du mage noir devient blanc et vide une seconde entière avant qu'il ne répète. Pas sûr de la raison pour laquelle il venait d'obtenir des excuses.
§ Tu es désolé. §
Leurs sifflements paraissaient être des croassements douloureux et plaintifs mais ni l'un ni l'autre n'y prêtèrent attention.
Harry rencontra de nouveau son regard, puis sembla jeter un œil aux alentours avant de resserrer ses bras et ses jambes contre lui. Tom ne put que regarder son épaule blessée rouler, libérée de toute entrave. La cicatrice de morsure était imposante, encore boursouflée et douloureuse à regarder mais elle lui parut étrangement belle. Comme l'était aussi celle qu'il portait sur le front.
Harry était beau.
Les yeux de Potter suivirent les siens comme aimantés et il comprit probablement le fond de sa pensée puisqu'il déclara.
§ Je ne suis pas sûr. §
Jedusor s'entendit répondre alors qu'il se retenait de poser ses mains n'importe où sur Harry.
§ De quoi ? §
La déclaration qui suivit secoua profondément le mage noir.
§ De t'aimer. §
Tom s'attendait à ce qu'Harry lui parle de l'Obscurus, de sa perte de contrôle, du fait qu'il avait probablement récupéré ses souvenirs maintenant qu'il avait passé le cap de la transformation complète. De ce qu'il s'était passé pour qu'ils en arrivent là. De tout. Mais pas de ses sentiments pour lui. Le fait que Potter l'avait laissé l'embrasser cette fois et répondu à son baiser aurait dû le mettre sur la voie.
Tom ne put empêcher le tsunami dévastateur d'émotions que cette déclaration créa en lui. La joie était une émotion faiblarde à côté du goudron de satisfaction qui se déversa dans ces veines déjà malmenées.
Il siffla pour s'habituer à l'idée.
§ Tu n'es pas sûr de m'aimer ? §
Un vague éclair de panique traversa leur lien et Tom le vit se répercuter dans les yeux du Gryffondor.
Cette panique appartenait à Harry. Sa déclaration paraissait impulsive, pratiquement inconsciente. Comme si la première chose que Potter avait pu faire en revenant à la vie était de se rendre compte de ses sentiments pour lui. Il y avait des chances pour que ce soit irréfléchi, influencé par leur lien. Cette déclaration pouvait ne pas avoir autant de valeur que si elle lui avait été faite dans d'autres conditions. Pour autant Tom ne put réfréner l'espoir qu'elle fit naître en lui.
Dans le pire des cas, même si le lion venait de parler sans réfléchir, cela signifiait qu'il ressentait quelque chose pour lui.
Potter savait ce qu'il allait lui dire et le redoutait mais Tom prononça les syllabes suivantes tout de même.
§ Tu ressens quelque chose pour moi. §
Peut-être aurait-il dû diminuer le ton victorieux de cette déclaration. Peut-être aurait-il pu restreindre les sentiments possessifs et amoureux qui l'étranglèrent pratiquement lorsqu'il referma sa bouche. Mais il ne le fit pas.
Avoir failli le perdre, avoir failli mourir, avoir failli, failli de toutes les façons possibles et imaginables, était suffisant. Il n'allait pas non plus déguiser ou réduire ses émotions. Il ne le pouvait pas.
Potter lui avait arraché sa capacité à se restreindre.
Pour une raison qu'il ignorait, Harry ressentait des sentiments pour lui. Même s'il n'était pas certain que ce soit de l'amour, il l'avait embrassé.
Si ce n'était qu'un geste inconsidéré apporté par leur lien, si sa déclaration n'était que quelques mots incohérents prononcés dans la confusion, ça ne changeait rien. C'était arrivé. Les imprévus avaient autant de valeurs que les autres évènements. Autant de poids. Il n'y avait pas de retour en arrière possible.
Jedusor catalogua cette journée comme étant à la fois la pire et la meilleure de sa vie.
Le mage noir laissa flotter ses sentiments entre eux alors que Potter cachait sa tête contre ses bras serrés autour de ses genoux, créant une sorte de barrière entre lui et le monde. Son être tout entier paraissait noyé entre la confusion et la douleur.
Il murmura sans le regarder, perdu, épuisé.
§ Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas… §
Il releva son visage vers lui et sa tête dodelina, Tom précipita ses mains autour de lui. Les posant sur ses joues, le retenant en agrippant sa nuque.
§ Ne t'endors pas ! §
Ne pars pas. Reste avec moi. Pitié. Pitié. Ne t'endors plus jamais.
Harry fit un effort pour garder les yeux ouverts, le fixant comme il le fixait lui-même.
Ils gardèrent le silence un instant avant que Potter ne siffle ce qui ne fut qu'un murmure. Ses yeux verts voilés par les ténèbres.
§ Je suis un monstre. §
Tom sentit son âme entière gronder. Il siffla aussi promptement qu'il lui était possible de le faire.
§ Les monstres n'existent pas. Tu es un Obscurial. §
Ce mot sembla réveiller son âme liée. Harry écarquilla les yeux en répétant le dernier mot qu'il venait de prononcer.
§ Obscur… ial ? §
L'entendre dans la bouche de Potter le fit tressaillir. Ce que le Survivant remarqua, il se tassa davantage sur lui-même comme pour disparaître sous terre. Tom ne l'aurait jamais laissé faire une chose pareille.
Il répliqua, ne sachant quoi dire d'autre de réconfortant.
§ Moi aussi, j'en suis un. §
Potter sembla choqué par sa déclaration pendant un instant avant d'en tirer la bonne conclusion.
§ C'est ce qui ne va pas avec notre magie. §
La raison pour laquelle Tom avait créé un tas d'Horcruxes, était devenu Voldemort, avait poursuivi l'immortalité si férocement. La raison pour laquelle Agilbert Fontaine lui voulait du mal. La raison pour laquelle sa magie lui échappait, la raison pour laquelle utiliser un simple Finite Incantatem pour libérer son épaule avait causé sa… mort.
Pourquoi n'était-il pas mort ?
Tom était venu le chercher.
Harry souffrait, sa tête lui faisait mal, son corps tout entier lui paraissait écorché à vif et il ne comprenait pas ce qu'il venait de lui arriver.
Il se souvenait avoir quitté la chambre dans l'objectif de prendre l'air et de ramener du bois puisque le feu était en train de s'éteindre et lorsqu'il était arrivé à la remise, il avait pris conscience qu'avec un bras en moins il ne pourrait pas transporter autant de bûches qu'il le voulait alors il avait pensé que puisque son épaule ne lui faisait plus mal, il n'avait qu'à retirer le sortilège d'immobilité sur celle-ci. Il ne comptait pas vraiment utiliser sa magie, juste lever le sort. Ce qu'il avait fait.
Puis plus rien. Il voulait annuler un sort, sa magie l'avait annihilé, lui. Il n'avait pas eu mal. C'était plutôt comme si un instant il était là et celui d'après, il n'était plus nulle part.
Mort. Il était déjà mort une fois face à Voldemort durant la guerre. Il était revenu grâce à l'Horcruxe en lui et aujourd'hui, c'était Tom qui était venu le chercher. Le tirer du vide.
Tirer était la bonne expression. Harry avait la sensation d'avoir été arraché de force à la mort, d'avoir été ramené envers et contre tout. Son retour s'était fait dans l'agonie. Si mourir ne lui avait pas causé la moindre douleur, revenir l'avait plongé en enfer dès la première seconde.
Il n'était pas revenu entièrement, c'était comme si sa magie était revenue avant lui. Libérée de son corps. Libérée de toute entrave physique. Il en avait perdu le contrôle. Sa renaissance avait transformé les caractéristiques de sa magie. Faisant de lui une sorte de créature immatérielle et monstrueuse. C'était sa véritable forme. C'était ce qu'il était en réalité.
À l'intérieur de lui, c'est cette chose qui le griffait parfois. Elle était revenue avant lui et maintenant elle ne pourrait plus jamais être modifiée par lui. Comme il le faisait auparavant pour la faire ressembler à celle des autres.
Un Obscurial.
Ce qu'il était. Ce qu'ils étaient.
Leur point commun. Leur dissemblance.
Deux monstres liés à une prophétie les invitant à s'entretuer.
Revenir à la vie proche de Tom l'avait empêché de se laisser consumer par cette chose à l'intérieur de lui. Il n'allait pas laisser ce truc monstrueux tuer quelqu'un qu'il tentait de protéger. Sa magie n'avait pas le droit de s'attaquer à Tom. Pas s'il pouvait l'en empêcher.
D'ailleurs ce n'était pas réellement de la magie. Ça lui paraissait plutôt être une sorte de parasite en train de le dévorer vif. Lui arrachant son propre corps.
Pouvait-il encore se considérer comme un sorcier ? Allait-il pouvoir lancer des sortilèges normaux après aujourd'hui ?
Certainement pas. Tout allait être différent.
La peur le rongea de l'intérieur et Harry eut un réflexe qu'il n'aurait jamais voulu avoir. Il s'accrocha à sa connexion avec Tom pour éviter de se laisser submerger. Pour que la peur ne le fasse pas redevenir ce monstre. C'était tout ce à quoi il arrivait à penser. Ne pas redevenir le monstre, ne pas redevenir le monstre. Ne pas mourir encore.
Il prit pleinement conscience du fait qu'il était presque mort. Que ce parasite le tuait à petit feu depuis un moment déjà. Que Lord Voldemort avait fait le choix des Horcruxes pour éviter ça et que ça n'avait pas fonctionné. Que lui et Tom étaient condamnés.
Harry s'entendit ajouter, d'une voix éteinte qui lui parut à peine être la sienne.
§ On va mourir. §
Ce n'était que le reflet de ses pensées énoncées à haute voix.
Jedusor sentit l'intégralité de son corps se refroidir. Son sang se figea dans ses veines et le moindre mouvement le fit souffrir comme si l'intérieur de ses muscles était prisonnier de congères. Il savait qu'Harry ignorait tout des Obscurials, sa confusion le prouvait. Pourtant, l'Élu avait deviné ce que leur condition impliquait.
Mort. Harry était presque mort.
C'est sans cacher son désespoir qu'il se força à remuer les lèvres.
§ Je ne te laisserai pas mourir. §
Jamais.
Les êtres vivants meurent, Tom en avait conscience. Il avait grandi dans un endroit où la mort était omniprésente, avait passé son adolescence à lire les nouvelles au sujet d'une guerre où des obus étaient lâchés sur la population, où Gellert Grindelwald tuait sorcier et non sorcier pour imposer sa vision des choses, prendre le contrôle de leur monde.
Il n'était pas ignorant. Il savait que la mort était la fin de la vie et qu'il n'existait pas d'autre point final mais il s'y refusait. Il n'allait pas disparaître.
Aucun d'eux. Potter allait vivre peu importe le prix.
Leur lien dut faire transparaître toute sa fragilité puisque Harry se rapprocha de lui pour l'étreindre. Pour le consoler. Tom réalisa qu'ils tremblaient tous les deux lorsqu'il entoura Potter de ses bras. Agrippant son dos et sa taille de ses mains, utilisant tout ce qui lui restait de forces pour se tenir à lui.
Il ne le laisserait jamais partir.
Harry Potter n'avait pas, n'aurait jamais, son autorisation pour mourir. Il allait vivre et resterait avec lui. Peu importe s'il le faisait dans la douleur et la peur.
Leur âme était la même. Si l'un d'eux mourait, l'autre deviendrait l'itération principale de leur âme. Ce qui signifiait que lors de son incarnation suivante, Tom serait seul. Il n'aurait plus d'âme sœur, le phénomène ne se reproduirait pas une seconde fois. Il naîtrait et mourait seul.
Je ne veux pas. Je ne veux plus être seul.
Ils passèrent un moment avec l'autre pour seul monde, seul univers. Jusqu'à ce que leur intimité leur soit arrachée par une voix à la fois trop forte et trop assourdie.
— Vous pouvez vous lever ?
Lorsque Harry releva difficilement la tête, il remarqua Severus et Ulrich, les épaules basses, le visage livide, à quelques mètres d'eux.
Depuis quand étaient-ils là ? Il l'ignorait… n'était même pas sûr de savoir depuis quand lui-même était ici.
La question provenait d'Ulrich. Il paraissait à la fois être le plus effrayé et le plus solide des deux.
Le lion résista aux sentiments de honte et de crainte qui se déversèrent en lui. Il ne voulait pas qu'on le regarde, qu'on le juge, qu'on lui fasse du mal. Sa monstruosité n'aurait pas dû être vue. Allaient-ils être en colère ?
Comme son oncle. Un souvenir flou percuta sa mémoire endommagée et il le refoula avec violence. Ses pensées étaient incohérentes et incontrôlables. Il avait peur et il avait mal.
Jedusor reçut ses émotions et se tendit tout à coup. Harry le vit relever la tête, lancer un regard mauvais à leurs professeurs puis il le ramena contre sa poitrine. Si Tom avait pu montrer les dents et gronder comme une bête protégeant le dernier de ses semblables, il l'aurait fait.
Harry eut la vague pensée qu'ils ne devraient pas avoir peur. Pas de Severus et Ulrich. Même s'ils étaient des monstres… ils ne leur feraient pas de mal, n'est-ce pas ? Sa propre hésitation le fit grimacer. Sa vision se noircit et il se sentit sombrer, ses forces l'abandonnèrent. Il s'affaissa et eut un moment d'absence durant lequel il lutta désespérément pour refaire surface.
Lorsque Potter s'écroula dans ses bras, Tom ne put rien faire d'autre que de prendre sa main dans la sienne.
Aucune pièce d'échecs ne pourrait jamais remplacer cette sensation.
Harry resta semi-conscient plus ou moins longtemps. Une durée pendant laquelle leur lien sembla se raccourcir, le tirer incessamment vers la conscience. Cet état désagréable dura jusqu'à ce qu'il réussisse à rouvrir les yeux. Lorsqu'il y parvint, le décor avait complètement changé.
Ils étaient revenus à l'intérieur de la maison dans laquelle ils vivaient depuis un moment maintenant.
Harry se rendit immédiatement compte que sa douleur avait diminué à son réveil. Il avait un goût amer dans la bouche, écœurant et persistant. Le goût des potions qu'on lui donnait quand il atterrissait à l'infirmerie…
Il eut la pensée que son monde était trop vif alors que les émotions impitoyables de Tom venaient rencontrer les siennes avec une force renouvelée.
Si vivant… si brutalement vivant.
Tom était éveillé et il allait bien. Assez pour précipiter ses émotions comme un raz-de-marée sur lui.
Expirer profondément. Cligner des yeux. Se racler la gorge. Entendre une discussion. Recevoir les émotions de Tom. Tenter d'apercevoir quelque chose.
Sa vue était toute floue, ses lunettes avaient disparu il y a un moment, seule son ouïe était opérationnelle.
— Heureusement l'antidote contre les effets de l'Endoloris semble fonctionner. C'est l'antidouleur le plus fort que j'ai, maintenant qu'ils l'ont pris je ne vois pas ce qu'on pourrait faire d'autre. Cet antidote a déjà des propriétés toxiques, le combiner avec un autre est impossible.
Une autre voix, plus rude, plus coupante, répliqua avec humeur.
— Au vu de la quantité que tu leur as fait ingurgiter, je serais étonné qu'ils puissent avaler autre chose sans vomir.
Finalement il eut le tintement de fioles qu'on range les unes contre les autres et la présence des deux personnes s'atténua, laissant le silence apaiser ses sens.
§ Tu verras mieux avec ça. §
Un silence trop court.
Jedusor paraissait impatient, il posa ses lunettes sur son nez et son monde trop vif se transfigura en un tableau trop précis. Une toile où il était assis avec une couverture sur les épaules, sur un canapé qu'il n'avait jamais vu, avec Jedusor replié dans un fauteuil en face de lui. Un fauteuil si proche qu'il en était collé au canapé, sans un centimètre d'espace entre les deux.
Harry tenta de se redresser et remarqua vaguement qu'il était encore torse nu avec son pantalon de pyjama. Peu de temps devait être passé. Le Survivant se sentit étourdi et utilisa les accoudoirs du fauteuil du Seigneur des Ténèbres pour se stabiliser.
Lorsque sa tête cessa de tourner, il la releva et se retrouva nez à nez avec Tom. Les yeux de mage noir virèrent carmin et Harry se rappela brusquement qu'ils s'étaient embrassés.
En fait, Tom avait essayé de se retenir, c'est lui qui…
Merlin. Qu'avait-il fait ?
Le Gryffondor sentit son visage devenir brûlant alors qu'il s'éloignait rapidement.
Il avait perdu la raison, c'était la seule explication possible. Sa tête se remit à tourner et il fut obligé de se coller au dossier du canapé pour ne pas s'écrouler. Il grogna un truc incompréhensible - même pour lui - et au moment où il fut capable de rouvrir les yeux, il se rendit compte que Tom en avait profité pour s'approcher de lui. Beaucoup. Beaucoup trop.
Le regard du Seigneur des Ténèbres fit un aller-retour entre ses yeux et ses lèvres avant de se pencher davantage vers lui et de murmurer dans un fourchelang parfait.
§ Tu n'es pas sûr de m'aimer. Ce qui signifie que tu n'es pas contre, que tu y penses. §
Mais de quoi parle-t-il ? Harry se rappela vaguement avoir dit quelque chose comme ça. Quelque chose au sujet de ne pas être sûr de ses sentiments.
Son souffle se fit plus court alors que Tom achevait.
§ Laisse-moi obtenir cette certitude. J'accomplirai tout ce qu'il faut pour. §
Les sentiments possessifs, passionnels, à la fois purs et violents que leur lien lui transmit auraient suffi à alarmer n'importe qui. Malheureusement ils étaient accompagnés de douceur, d'amour, de joie, d'une volonté profonde de protection et étaient portés par une dévotion inébranlable.
Si bien qu'Harry se sentit déchiré entre l'affolement et ce sentiment auquel il avait donné le nom d'amitié et qui l'empêchait de blesser les sentiments de Tom.
Depuis longtemps le Survivant se savait incapable de causer volontairement de la peine à Jedusor. Il se sentait proche de lui. Parfois même redevable. Il avait envie de le protéger, de l'aider. Lorsque celui-ci n'était plus dans son champ de vision, il s'inquiétait. Il pensait à lui tout le temps. Leur lien n'arrangeait rien.
Leur relation était paradoxale. Si le lien les rapprochait inexorablement, la prophétie les poussait à s'entretuer. Tom l'aimait, Voldemort le haïssait. Ils étaient des monstres condamnés. Le monde les voyait comme des ennemis et ils étaient amis.
Être amis compliquait déjà leur situation. Ne serait-ce pas pire s'ils devenaient autre chose que des amis ?
S'il mettait tout ça de côté ; l'influence du lien, de la prophétie, l'inimitié passée du Seigneur des Ténèbres, l'amour de Tom, les attentes de la population sorcière, leur condition de… d'Obscurmachins, que ressentait-il réellement pour Tom ?
C'était plus fort que de l'amitié. Harry se rendit compte qu'il n'avait jamais ressenti une amitié aussi forte. Il aimait beaucoup Hermione, comme une sœur. Mais il n'aimait pas Tom… comme un frère.
S'il n'aimait pas Tom comme un frère alors de quelle manière l'aimait-il ? Il l'avait laissé l'embrasser plus tôt.
Cette pensée le fit pratiquement suffoquer.
Tom l'aimait… de manière romantique. Comme James et Lily s'étaient aimés.
Et lui ? Est-ce qu'il aimait Tom comme son père avait aimé sa mère ?
Dans une autre vie, s'ils s'étaient rencontrés par hasard au détour d'un café moldu, dans un monde sans magie peut-être… peut-être que ça aurait été plus simple.
Harry grimaça. À qui allait-il faire croire cela ? Même s'ils étaient nés moldus dans un monde sans magie, même sans lien, même sans rien de toutes ces choses qu'il avait citées comme problématiques. Rien n'aurait été différent. Tom aurait été son ennemi, son ami, son…
Potter se refusa à aller plus loin. Coupant court à toutes ses pensées sur le sujet.
Ce n'était pas le moment, il se sentait groggy. Comme flottant dans son propre corps. Probablement à cause du médicament qu'on lui avait donné, réalisa-t-il. Ses conclusions ne pourraient qu'être faussées par cet état. Il y penserait plus tard, un autre jour. Lorsque son esprit ne serait pas autant embrumé, lorsque le Seigneur des Ténèbres n'aurait pas son visage aussi proche du sien. Lorsque… lorsque ses autres problèmes seraient réglés. En outre, Tom était probablement sous l'influence du même médicament.
Le lion réussit à siffler, en tentant de rester maître de ses propres émotions, malmenées par celles du Seigneur des Ténèbres.
§ Tu es trop proche. §
Jedusor s'éloigna de moins de vingt centimètres et lui adressa un sourire imperceptible. Puis il se rapprocha de nouveau et embrassa le bord de sa mâchoire avant de se reculer dans son siège et de siffler.
§ Tu ne le regretteras pas. §
Le bonheur irradiait littéralement de leur lien comme un poison. Harry n'avait même pas eu le temps de réagir, il ne fit que toucher l'endroit où Tom l'avait embrassé après coup, une expression choquée sur le visage.
Depuis quand "tu es trop proche" signifie "fais ce que tu veux" ?
Potter n'eut pas le temps de s'appesantir sur la question, de réprimander Tom ou même de penser à ce que sous-entendaient les paroles du Serpentard puisque c'est ce moment que choisirent leurs professeurs pour revenir vers eux.
⁂
Cette nuit-là, l'oiseau comprit qu'il ne pourrait plus jamais cacher ou renier ses ailes. Il n'était plus seul dans le ciel. Il devait battre des ailes pour ne pas tomber. Il se mit à rêver. Il rêva d'une vie où ses ailes ne seraient pas montrées du doigt. Il rêva d'ailes si grandes qu'elles lui permettraient d'atteindre les nuages. Des ailes que personne ne pourrait mettre en cage.
Il rêve et craint, il a peur que ses ailes ne lui retirent ses rêves. Il craint les oiseaux du ciel et ceux du sol mais il poursuit son vol.
L'oiseau aspire à la liberté.
À suivre…
Réponses aux reviews des invités :
Elanna : Je te remercie ! Tom est le personnage le plus complexe à l'écriture et pourtant j'essaie souvent de me plonger dans sa manière de voir les choses pour pouvoir écrire avec ses yeux. Ce chapitre-ci est d'ailleurs principalement écrit avec Tom comme seul regard extérieur (ce qui l'a rendu particulièrement difficile à écrire) mais ça me plaît de pouvoir décrire les choses de son point de vue de temps en temps ! Hâte d'avoir ton avis sur ce chapitre !
