Auteur: Yohko

Genre: philosophage en règle et yaoi! SanzoGoku

Note: bon ben voilà ces deux OS deviennent un arc et je vais essayer d'en faire ua moins une troisième. On verra kiz


Sanzo fumait.

Comme tous les soirs, assis devant la fenêtre dans l'obscurité pâle éclairée seulement par la lune, Sanzo fumait.

Il avait depuis longtemps cessé de fixer son regard sur le paysage enténébré ou les volutes de fumées qui s'élevaient lascivement dans l'air calme et silencieux. Il se contentait de regarder droit devant lui, dans le vide, retraçant sur le mur face à lui les images qui lui traversaient l'esprit.

Souvent elles étaient teintées de sang. Images de massacres sans pitié, de compagnons blessés ou mourants.

Image de son maître bien sûr. Il ne pouvait s'empêcher de le regretter, mais il ne réussissait jamais à revoir sur ces foutus murs de chambres anonymes que les derniers moments. Pourtant bien souvent pendant la journée, d'anciennes paroles ou des sourires effacés lui revenaient avec la subtilité d'un parfum.

Non, décidemment, seul le sang venait colorer ces visions nocturnes.

Souvent y étaient associés ses compagnons d'une manière ou d'une autre. Surtout Goku. Dans ses souvenirs, Goku était toujours de paire avec trois choses : les combats, la nourriture et la surprise.

Effectivement, le macaque l'avait souvent surpris, plus que n'importe qui d'autre. Il était loin de la fine psychologie d'Hakkaï puisqu'il n'avait strictement rien à faire des autres, mais il savait assez bien prévoir les réactions de certaines personnes. Utile au combat.

Mais face à Goku, il était désarçonné. Il l'avait pris pour un gamin, un imbécile, un dangereux psychopathe, un fou pur et simple, et même un animal.

Pourtant il n'était rien de tout ça, il s'en rendait bien compte lorsqu'il revoyait sur ces murs sombres l'expression avide de son protégé au combat. Ses yeux alertes, projetant déjà ses futurs coups. Le pli ricanant, sans pitié de sa bouche.

Ce vide dans son regard lorsque l'adrénaline retombait et qu'il prenait conscience de tout ce sang versé.

Sanzo soupira doucement. Ca, c'était plus récent. Goku se prenait trop la tête ces derniers temps. Il appréciait toujours autant le combat en lui-même bien sûr, mais depuis peu toutes les vies qu'il prenait le marquaient visiblement. Trop pour Sanzo en tout cas.

Lui n'avait jamais regretté, il en était incapable. C'était comme une vengeance continue pour son enfance volée qu'il menait contre le monde entier – bien qu'il soit tout à fait incapable de l'analyser ainsi.

Hakkaï avait déjà connu trop de morts pour se soucier de quelques victimes de plus, et Gojyo prenait très bien en main le problème, et pensait trop au jour le jour pour se soucier du passé en général.

Et avant, Goku était comme lui.

Mais à présent, Sanzo en venait même à douter de cette certitude. Et si en réalité il en avait toujours été ainsi ? S'il commençait simplement à révéler ses vraies réactions au grand jour ?

Même dans ce cas, c'était mauvais signe.

Sanzo ne l'admettait jamais, mais il avait une ferme tendance à considérer tout changement comme un mauvais signe. Un problème à régler, et vite.

Il écrasa son mégot et s'étira un peu, grimaçant au tiraillement que provoquait le mouvement à la blessure fraîchement refermée ornant son épaule. Encore un généreux cadeau d'un yokai dégénéré, qui lui rappelait cruellement à quel point il était faible comparé à ses compagnons.

Tous se remettaient de leurs plus rares blessures bien plus vite que lui, et il avait beau râler à propos du poids qu'ils étaient accrochés à ses chevilles, parfois il craignait presque d'être le vrai boulet.

Presque.

Il ralluma une cigarette et reprit sa contemplation abstraite. Goku, une fois de plus.

La seule raison qui l'empêchait d'intervenir avec son talent de diplomate habituel pour résoudre le problème, c'est que ça n'était justement pas si problématique.

Après tout, ces moments de passage à vide teintés de ce qui ressemblait presque à du regret ne duraient jamais plus de quelques secondes, puis le singe leur revenait aussi exubérant et affamé qu'avant. Dommage, d'ailleurs.

Et il avait la flemme de s'imposer une longue conversation où il devrait faire l'effort d'exprimer ses pensées profondes au macaque, qui après tout ce temps passé à ses côtés ne pouvait que deviner les couches externes de son esprit.

Leur vie de tous les jours n'en était pas perturbée. Ca ne valait pas la peine qu'il fasse un effort, si ?

Le seul paradoxe étant qu'il venait de passer au moins une semaine à revoir, nuit après nuit, le visage de Goku orné de cette expression vide si loin de son caractère. Il en venait à se demander s'il n'était pas hanté.

Et la question le hantait depuis une semaine : devait-il vraiment intervenir ?

Sa routine en était une fois de plus dérangée. Lui qui d'habitude ne supportait pas les choix en suspens et les réglaient en quelques minutes…

Finalement Sanzo écrasa sa cigarette dans le cendrier déjà plein et se leva doucement, dépliant souplement ses membres musclés et très, très courbaturés.

Il ouvrit la fenêtre, le froid de cette nuit d'automne le frappant délicieusement. Puis il balança les cendres et resta appuyé, considérant la noirceur du ciel. Il finit par décider que se coucher n'était pas une option s'il voulait s'épargner une migraine au réveil le lendemain.

Etait-ce le bruit de la fenêtre rouillée ou simplement l'envie qui le tiraillait sûrement depuis longtemps d'entrer ? Des coups légers furent frappés à la porte.

Sanzo soupira en refermant la fenêtre. Il pouvait vraiment pas se décider plus tôt ? Maintenant sa migraine était vraiment garantie.

Le battant s'entrebâilla doucement et Goku entra.

« Qu'est-ce tu veux ? »

« J'arrive pas à dormir… »

« Et alors ? Tu veux une berceuse ? »

Stupide singe. Mais c'était peut-être mieux qu'il soit venu de lui-même, ainsi il n'aurait pas à aller contre ses principes en allant de lui-même se soucier de quelqu'un d'autre.

Goku vint s'asseoir sur le lit. Le blond ne put retenir un soupir devant la démonstration, si elle était encore nécessaire, de son obstination sans faille.

« Qu'est-ce que c'est ton problème ? »

« Rien. »

« Si c'est rien pourquoi tu viens faire chier ? »

Goku soupira et se laissa aller en arrière, couché sur le lit.

Sanzo se leva en grognant et alla s'asseoir sur la chaise pertinemment posée à son chevet, les bras croisés sur le dossier.

« Bouge-toi j'ai pas toute la nuit. »

Mais le châtain sembla changer soudain de dispositions et se leva.

« Rien, laisse tomber. Bonne nuit Sanzo. »

Il s'avança vers la porte. Sanzo ne bougea pas.

« Reste ici. »

« Non je… »

« Reste ici ! »

Le singe s'arrêta, la main sur la poignée, tête baissée.

« Sanzo… Qu'est-ce qui m'arrive ? Je comprends plus rien… »

Il serra les dents, et le moine le vit contracter les muscles dans son dos.

« Avant je m'en foutais. J'oubliais tout, mais là j'arrête pas de revoir le sang… »

Il se mordit les lèvres, comme pour retenir ses paroles, mais elles jaillirent sans qu'il puisse les arrêter.

« Est-ce que je deviens dingue ? »

Le silence retomba tandis que Sanzo pondérait la confession.

Au bout de quelques secondes Goku ouvrit la porte, décidé à ne pas faire le con plus longtemps. Il n'aurait jamais dû venir.

Mais le blond intervint à nouveau.

« Rentre. »

« … »

« Rentre et ferme la porte imbécile ! »

D'ordinaire le châtain aurait immédiatement obéi, sans doute. Mais il était fatigué, à bout de nerfs et complètement paumé. Alors il n'amorça pas un geste, restant simplement là dans l'espoir qu'une puissance supérieure allait apparaître pour lui mettre un pain ou faire disparaître ses doutes.

« Tch. »

Sanzo se leva soudain et fut en deux enjambées au battant qu'il referma brutalement, repoussant son protégé à l'intérieur.

« Va t'asseoir. »

« Non. »

« Va t'asseoir ! »

« Non ! »

Goku hurlait sans même savoir pourquoi il s'en prenait ainsi au blond.

Leurs regards brûlants s'affrontaient, jusqu'à ce que Sanzo rompe de lui-même le contact – pour mieux attraper les épaules de son problème du moment.

Oui, Goku avait vraiment changé. Ou était simplement méchamment sur les nerfs, ce qui ne lui accordait aucune grâce à ses yeux. Restait à limiter les dégâts.

« Goku. C'est pas grave. »

« Ah ouais ? Mais en attendant moi je maîtrise plus rien, je dors plus ! J'en ai marre du sang bordel ! »

« Du sang on en voit tous ! »

« Mais… »

« On est tous hantés un jour où l'autre par nos actes et notre passé. C'est le propre de l'homme. »

Le ton neutre sembla calmer soudain Goku qui se détendit visiblement, une lueur d'incompréhension ne demandant qu'à être dissipée dans les yeux. Il voulait régler le problème.

« Crois-moi, poursuivit le moine presque rassuré d'avoir la situation en main, le seul truc que tu puisses faire c'est trouver un moyen de faire avec. On l'a tous fait. »

« Mais pourquoi maintenant ? »

Sanzo soupira violemment et alla retrouver sa place sur la chaise tandis que Goku se rasseyait sur le lit.

Pourquoi fallait-il que ça lui tombe dessus ? Hakkaï aurait été bien plus doué pour lui expliquer et réfléchir avec lui à tout ce qu'il voulait – et surtout il aurait été volontaire.

« Peu importe. Maintenant t'as deux choix. Ou tu continues à chouiner comme un gamin et c'est moi qui te tues, ou tu te démerdes comme tout le monde pour que ça te bouffe pas et j'attendrai que tu sois vraiment inutile pour te tuer. »

Le jeune homme – penta centenaire mais ça ne se voyait vraiment pas – sembla peser le pour et le contre, et finit par fixer ses yeux dans ceux de Sanzo.

« D'accord. »

« Bien. Maintenant casse-toi j'ai sommeil. »

Goku se leva avec hésitation, puis au bout de deux secondes à tourner les phrases dans sa tête s'arrêta brutalement.

« Sanzo ? »

« … QUOI ? »

« Je peux dormir ici ? »

Regard de la mort sans pitié.

Regard de l'agneau sans toison.

Bataille.

« Hors de question. »

Regard du chien battu abandonné sur l'autoroute par quarante à l'ombre.

« Dehors. »

« Je… J'ai peur de pas pouvoir m'endormir, demain je serai trop crevé pour servir à quelque chose, ça fait deux nuits que je dors pas. »

Plus que le ton et les yeux baissés, ce fut la confession qui surprit une fois de plus Sanzo.

J'ai peur.

A part les deux ou trois premiers jours où il l'avait recueilli, il n'avait jamais entendu Goku avouer avoir peur de quelque chose.

Et plus que tout il comprenait parfaitement bien que son éventuelle vulnérabilité n'était pas la seule raison. Il avait peut-être trouvé une raison au problème, mais la peur et le doute le marquaient encore.

Finalement il se leva et alla allumer une nouvelle cigarette.

« Tapis. »

Le sourire jaillit instantanément sur les lèvres de Goku.

« Merci ! »

« Ouais… »

Le jeune homme se rassit sur le tapis, dos contre le lit.

« Et toi… T'as des souvenirs comme ça ? »

« Tu le sais bien. »

« Non, à part ton maître. »

« Bien sûr que oui. Comme tout le monde. »

Le silence revint, jusqu'à ce que Sanzo écrase sa cigarette et vienne s'asseoir sur le lit.

« Dors maintenant. »

Ils s'allongèrent.

Au bout de quelques minutes à se tourner dans tous les sens et à se recroqueviller, le châtain se releva doucement et posa son menton sur les draps, les yeux plus brillants que quelques secondes auparavant. Sanzo l'aurait juré.

« Quoi encore ? »

« J'ai froid. »

« Retourne dans ton lit ! »

Devant l'infime hésitation puis l'obéissante retraite de son protégé, le blond regretta presque d'avoir été si dur.

Et se demanda vaguement pourquoi avoir enfin la paix le dérangeait à ce point. Puis il décida que cette question était superflue et qu'il n'appréciait pas de voir Goku ainsi soumis.

Il lança son bras juste à temps pour intercepter avec une délicatesse inaccoutumée le menton de son vis-à-vis.

« Viens là… »

Sans rien dire, Goku vint s'allonger à ses côtés tandis qu'il rabattait le drap sur eux. La situation ne les gênait pas, ils avaient vécu trop longtemps ensembles pour être encore trop pudiques.

Constatant qu'il se recroquevillait comme lorsqu'il était blessé ou éprouvait une peine trop forte, Sanzo retint un énième soupir qui lui aurait arraché les lèvres à force, puis passa son bras au-dessus du jeune homme pour le ramener contre lui.

Goku ne se fit pas prier et vint se serrer contre le corps pour une fois accueillant.

Sentant un bras passer autour de sa taille tandis que sa main libre se retrouvait enlacée dans celle du châtain, Sanzo grogna.

« T'attends pas à ce que ça se reproduise. »

Goku se contenta de sourire dans son torse, le mouvement le chatouillant presque agréablement.

« Bien sûr, ça je m'en doutais Sanzo. »

« Tais-toi. Dors et tais-toi. »

Le moine resta assez raide pendant quelques secondes, peu habitué à ce genre d'étreinte.

Puis il finit par se relâcher, laissant son bras se caler correctement autour de Goku et ses lèvres venir caresser la crinière étonnement douce.

Contre lui, le jeune homme soupira tranquillement en pressant sa main.

« Sanzo… Merci. Sans toi… »

« Dis pas n'importe quoi. C'est normal. Si toi t'es vulnérable on le devient tous un peu plus. »

Une fois de plus Goku sourit, puis embrassa tendrement le torse qui se soulevait contre lui.

« Bonne nuit… »

Sanzo fut une fois encore plus que surpris. Puis décidant que c'était simplement une question d'atmosphère et de mauvaises ondes de la lune, déposa un baiser sur les cheveux qui lui chatouillaient les lèvres.

Et c'est le sourire aux lèvres qu'ils finirent tous les deux par s'endormir.

Le lendemain Goku se réveilla, croyant émerger d'un rêve.

Encore ensommeillé, il voulut se dégager du lit – et ne comprit que trop tard que ça n'était certainement pas les draps qui l'enserraient si fermement et si doucement à la fois.

Il regarda avec un air coupable Sanzo émerger doucement à son tour.

« Goku ? Qu'est-ce que tu fous là ? »

Puis le brouillard matinal se dissipa et il se décontracta.

« Quelle heure ? »

« Chais pas. »

Le soleil semblait à peine se lever. Goku décida qu'ils avaient bien droit à un peu de répit et se rallongea à sa place encore chaude.

Sanzo grogna.

« Je croyais t'avoir dit que ça se reproduirait pas ? »

« Encore un peu… S'il te plaît… »

Curieusement et malgré son aversion bien connue des suppliques, Sanzo sembla accepter et repassa son bras par-dessus les épaules d'un châtain ravi.

Et il devait bien s'avouer que cette nuit n'avait pas été si mauvaise.

Il n'avait même pas la migraine.

Une fois de plus Goku l'embrassa d'un air absent, sur la clavicule. Et une fois de plus il répondit en essayant de ne pas trop se prendre la tête, ses lèvres effleurant la joue offerte.

Il aurait dû prévoir que ça finirait ainsi, se maudit-il lorsqu'il vit le visage de son protégé se rapprocher du sien.

Puis lorsque le baiser explosa dans chacune de ces cellules avec une intensité qu'il n'aurait jamais cru connaître, il décida que c'était prévu dès le départ. Pour son amour-propre.

Goku lui, avait cessé de douter. Et savourait les lèvres répondantes.

Finalement Sanzo rompit le contact. Goku se leva aussitôt en souriant.

« Je vais réveiller les autres ? »

« Bah. Laisse-les dormir. On part pas tout de suite. »

« Je peux rester ? »

« … »

Et Goku prenant ça pour un oui se rassit en souriant.

Et Sanzo finit par admettre qu'effectivement, les changements n'étaient pas tous mauvais.