L'ENFANT DEMON

Genre : Argh ! J'ai déjà fourni un effort surhumain pour écrire un Romance/Drama convenable avec le couple le plus improbable possible, m'en demandez pas trop ! XD Je retourne à mon bon vieux Action/Adventure. Il y a encore un peu de poésie, qui va tendre à diminuer notoirement dans les prochains chapitres ! Mais s'il vous plait, donnez votre avis sur celle de CE chapitre ! Elle est vraiment importante pour moi, croyez-moi ou non !

Disclaimer : Alooors…Gaara est à Masashi Kishimoto, les OC sont à moi (bien qu'inspirés de démons, monstres, dieux, esprits déjà existants), Shukaku n'est pas à moi non plus, mais il est OOC…Si par le plus grand des hasards, il y a apparition d'un autre personnage de ce cher Kishimoto, vous le reconnaîtrez ! Ouf !

Couples : Qu'est-ce que j'ai pas dit, encore, moi ? Ah oui ! Je vais peut-être vous casser le moral, mais il n'y a pas de GaaraXCerbère dans ce chapitre. XD

Excuses : Je me jette à genoux devant vous tous, Ô lecteurs et lectrices, et implore très humblement votre miséricorde pour l'impardonnable faute dont je me suis faite victime, en ayant retardé insensiblement et sans aucune pitié la parution de mon 5ème chapitre ! XD

Réponses aux rewiews :

Hitto-sama : Une rewiew ! Une ! Merci Hitto, pour le bon moment que j'ai passé devant ma messagerie ! (toute contente) Je suis désolée d'avoir fait subir tout ça à Kyûbi, surtout que tu as l'air de l'apprécier…Mais c'est pas ma faute, je t'assure ! Ca m'arrive pour tous ceux dont on chante trop les louanges ! On me cause d'Itachi PARTOUT, et paf je peux plus le piffer, ce moins que rien ! On me cause du super-puissant Kyûbi, j'ai plus qu'une envie, c'est le voir se faire ridiculiser ! TT Le Quatrième Hokage a tout intérêt à se méfier, en ce moment, parce qu'il est pas loin d'y passer à son tour ! Hem…Passons aux démons ! En fait, j'ai immédiatement pensé aux enfants d'Echidna (certains saisiront l'allusion) pour les cinq Fondateurs, et Satan pour le chef d'Abysse semblait être un choix logique ! C'est vrai que j'aurais pu mettre des démons japonais…Mais je peux fournir une explication : étant donné qu'Abysse est la ville où se rassemblent tous les démons, on peut supposer qu'il n'y a pas que des démons japonais !

Gemmer : Bouh ça a coupé dès la première ligne ! Je déteste ça, méchante ! TT (Lol) Enfin, merci quand même ! J'espère que la suite te plaira aussi !

Kaorulabelle : Ui ! Gentil Shukaku ! Merci pour la rewiew !

Nadramon : On a déjà parlé et reparlé de mon chapitre pendant des plombes, alors je me contente de te remercier et de te faire un gros « smack » baveux juste pour t'énerver ! XD

Tsunade-sama : Lol, c'est sûr que Shukaku me fait bien rire aussi ! J'adore écrire ses répliques ! Est-ce que tu sais qu'au départ, Satan était supposé être un petit garçon avec des airs princiers ? J'ai fini par préférer ma version de la petite Satan tantôt gaie et tantôt râleuse, en partie pour mettre plus de filles en scène ! XD

Dragonwing : Woah ! Dans mes bras, Dragonwing ! Tous ces compliments…Je vais finir par tomber malade de joie ! XD Aaaargh…T'as de bons yeux, par contre…Ce vouvoiement de la part de Gaara est une lamentable erreur de ma part, je suis DESOLEEEEEE ! TT Je vais m'arranger pour corriger ça ! Non, Gaara n'a pas (encore) sa calebasse. Je pense que dans son état, il doit être encore trop faible pour la reconstituer, non ? Les cheveux de Shukaku…TT TT TT TT Zut, je croyais que ça coulait de source, pourtant…En fait, sa queue de cheval « symbolise » la queue de son démon (cf les Bijuus et leurs queues de cheval), et donc pour qu'on arrête de le traiter de « démon à queues », il doit se la couper ! Soit dit en passant, c'est quand même zarb cette version du démon à une queue membre des démons à queueS, nan ? Ca me laisse un peu perplexe…Comme beaucoup de trucs pas beaucoup plus constructifs… Bon, je m'arrête là ! Mais je m'arrête pas de gagatiser sur tes compliments ! XD (gagatise, gagatise…)

Aquatik : Appliquer sa version…du…AH NON ! Tous tes profs vont me tomber dessus, au secours ! XD Et oui je suis méchante avec Kyûbi ! Très méchante même…(explication dans la réponse à Hitto-sama) Merci pour tes compliments sur mes poèmes ! (youpiiiii !)

Twin Sun Leader : Naruto…Bah en fait, je ne suis pas vraiment à l'aise quand j'écris sur l'équipe sept, va savoir pourquoi…TT On devrait pas en parler beaucoup, désolée…Ou alors vraiment très tard ! L'apparence de Shukaku…En fait, j'ai un secret à révéler à ce sujet…ALORS TOUS CEUX QUI VEULENT SAVOIR POURQUOI SHUKAKU A CETTE APPARENCE LISENT ! Quand j'ai réfléchi à mon personnage, j'avais en tête « un homme assez jeune, désinvolte, impoli, mais puissant ». Du coup, sans vraiment m'en rendre compte, dans ma tête, Shukaku ressemblait à…Zelos Wilder dans Tales of Symphonia ! XD Si, si, je t'assure ! Au départ, il n'était même pas supposé avoir de queue de cheval…L'idée était de Nadramon, et je l'ai adaptée à mon goût ! Bref, Shukaku est donc devenu un jeune homme grand et mince, un peu malgré moi ! A ce stade, je ne peux plus tellement modifier son physique…L'apparence fait partie du personnage, et le personnage fait partie de l'histoire…Voilà ! Merci de m'avoir laissée une si longue rewiew !

Sosaria : Je ne pense pas que Naruto ira à Abysse, désolée…J'espère que je réussirai à maintenir une histoire intéressante quand même !

Karasu999 : Niark niark niark, dégustez Bijuus ! XD Sinon, ne t'inquiète pas trop pour l'incantation, ça me dérange pas du tout ! Faut pas me prendre trop au sérieux quand je râle lol !

Ehwinn : Ouiiii ! Des compliments sur mon style d'écriture ! Mirci mirci mirci ! Je suis contente que la relation entre Shukaku et Gaara t'ai plu, je voulais vraiment faire quelque chose d'attendrissant avec ces deux-là ! Quant aux couples…OC ? Personnage connu ? Surprise, mais une chose est sûre : ce sera du hétéro !

Fiiiiou ! Enfin le cinquième chapitre ! Il se sera fait attendre, celui-là ! Avant de commencer, j'ai pas mal de trucs à éclaircir :

Je commence par ma sœur. Il serait peut-être temps que je lui refile sa part de droits d'auteurs…En effet, cette très chère Nadramon m'a beaucoup aidée, lors de longues discussions, à parfaire le caractère de certains personnages (Shukaku, tout d'abord, et d'autres que je désignerai en temps et en heure…). Sans parler des nombreuses fautes qu'elle me corrige ! Donc, un grand merci à Nadramon, sans qui ma fic ne serait pas ce qu'elle est !

Ensuite, il y a quelques petites fautes qui se sont glissées dans le chapitre précédent : Gaara qui vouvoie Shukaku dans une phrase, et Sphinx dont on parle au masculin…En fait, Sphinx est une dame, désolée à ceux qui la voyait en garçon…Je m'arrangerai pour corriger ces deux erreurs !

Enfin, j'ai très légèrement modifié le poème Pas une main ne se tendra du chapitre 2. Plus précisément, j'ai changé deux alexandrins que je trouvais un peu discordants/franchement ignobles. Alors, je m'en remets à vous pour choisir entre l'ancienne version et la nouvelle : dans le second quatrain, j'ai pensé à Cent regards semblent dire, cent regards insensibles au lieu de Cent regards semblent dire, cent regards impassibles. De même, dans l'avant-dernier (ou le dernier, étant donné que le véritable dernier est une reprise du premier (argh XD)), au lieu de Quand tu sens cette foule scander dans un sourire, j'ai voulu mettre Pour toi dans cette foule acérée d'un sourire…Qu'en pensez-vous ?

Dernière précision : j'ai mis en bas de la page quelques informations sur l'identité de certains démons rencontrés, que j'ai récoltées sur Internet. Je vous conseille plutôt de les lire après avoir lu le chapitre, puisqu'elles peuvent contenir des renseignements sur l'histoire…Enfin, c'est comme vous voulez, après…Voilà ! C'était tout ! Place à l'histoire dans le…


Chapitre 5 : Entre les mondes

Shukaku avait à peine terminé d'esquisser son signe qu'une rafale de vent s'élevait devant lui. Elle se précipita sur Gaara, l'assaillant de toutes parts, projetant sur lui les pierres qu'elle avait arrachées au sol. Le garçon demeura immobile, impassible. Au dernier moment, le sable surgit de sa calebasse et l'enveloppa. Les projectiles rebondirent contre l'obstacle. Quand le vent eût cessé de souffler, le cocon protecteur se détendit brusquement, se précipitant sur l'attaquant sous forme de multiples mains minérales. Surpris, le démon bondit en arrière, esquiva une offensive, en bloqua une autre, enchaînant un certain nombre de figures. Sa manœuvre s'acheva par un sort Fûton qui repoussa les ultimes tentatives de son hôte.

-Pas mal, gamin ! Conclut-il joyeusement. On dirait que tu as enfin repris des forces !

L'interpellé hocha la tête et fit lentement onduler le sable autour de lui, prêt à parer une nouvelle attaque. Le tanuki s'en aperçut, non sans un soupir las.

-Ah, non ! Ca fait une demi-heure qu'on s'entraîne, j'en ai ma claque ! On verra ça demain.

Un temps d'hésitation, puis nouveau hochement de tête. Gaara replaça le bouchon qu'il tenait à la main sur sa gourde. Shukaku s'éloignait déjà en direction de la sortie du parc qui avait servi à leur entraînement. Comme à son habitude, il marchait d'un pas vif et nonchalant, suffisamment lentement toutefois pour que son hôte n'ait aucun mal à le suivre.

Il y avait maintenant trois jours que le jeune shinobi était à Abysse. Trois jours pendant lesquels il avait achevé sa guérison, avait restauré son chakra et s'était efforcé de réfléchir posément à sa situation. Et, bien sûr, le démon avait insisté pour lui faire visiter sa cité. Gaara avait désormais l'impression d'avoir vu tout ce qu'il y avait à voir, d'avoir appris tout ce qu'il y avait à apprendre sur la ville des démons.

Ainsi, il savait maintenant qu'Abysse était à peu près l'équivalent d'un village de ninjas tel que Konoha ou Suna. Très vaste, les quelques centaines de démons qui la peuplaient quittaient rarement ses murs. Les tâches nécessaires pour subvenir aux besoins de la cité étaient distribuées entre eux sous forme de missions. La plus impérative était, bien évidemment, l'obtention de ce que Shukaku nommait « essence vitale », et qui était indispensable au sortilège de camouflage maintenu par Satan. Il s'agissait en fait, comme Gaara avait fini par l'apprendre, d'un fluide qui ne s'obtenait qu'en détruisant la vie humaine, animale et végétale. Le liquide bleuté apparaissait en quantité dérisoire après traitement du sang et de la sève mêlé. On imaginait les difficultés que pouvait rencontrer un démon à s'en procurer dans le désert…

En dehors de ces missions, les habitants jouissaient d'une liberté presque totale, bien qu'on ne pût passer l'unique porte sans en spécifier la raison au gardien d'Abysse, Cerbère.

Finalement, du point de vue de Gaara, la ville était un asile agréable, une fois le premier temps de stupeur passé. Il s'y sentait tout de même peu à l'aise, avec tous ces êtres au chakra surpuissant autour de lui. Shukaku, malgré sa décontraction et sa tendance innée à la raillerie, s'était montré étrangement compréhensif, le laissant s'enfermer dans un mutisme songeur quand il le sentait d'humeur mélancolique. Le démon ne l'avait jamais interrogé sur ce qu'il comptait faire, à présent. Il semblait d'ailleurs s'en ficher comme d'une guigne. Shukaku ne se préoccupait jamais de l'avenir, qu'il fût proche ou lointain. Il agissait au jour le jour, au gré de ses fantaisies, c'est à dire de manière totalement imprévisible.

Gaara emboîta le pas à son démon. Il avait pris l'habitude de ne pas trop s'éloigner de lui. Son chakra, il s'en était vite aperçu, était toujours étroitement lié au sien, bien que leurs corps fussent désormais distincts. C'était une sensation étrange, qui lui permettait de prévoir les attaques qu'allait lancer le démon, en fonction de la quantité d'énergie dont il avait besoin.

-VIENS ICI, SALE BLAIREAU ! Vociféra une voix derrière eux.

Gaara, doté de bons réflexes, parvint à s'effacer sur le côté juste avant que la tornade rouge qui les avait pris en chasse ne le percute. Le tanuki, plus imaginatif, préféra comme esquive une cascade aérienne, qui laissa le temps au projectile démoniaque de passer sous lui. Il se réceptionna sur le sol, une grimace agacée sur le visage.

-Et meeerde…Marmonna-t-il en s'ébrouant. Encore Sekhmet. Jamais tranquille avec cette folle.

Gaara garda le silence, trop occupé à considérer avec étonnement la nouvelle arrivante.

Il s'agissait d'une femme, grande et svelte, d'âge mûr. Elle était vêtue d'une tenue de combat étincelante, avec des protections de métal sur sa poitrine et les articulations de ses membres. Un casque lui recouvrait tout le crâne, et s'agrémentait d'une courte pointe acérée, au-dessus du front. Il laissait tout de même passer ses longs cheveux ondulés, couleur de plomb fondu, qui tombaient librement sur sa taille. Elle avait la peau très sombre, un visage étrangement félin, avec ses dents qui ressemblaient à des crocs, et de longues mains pourvues de griffes. Mais surtout, une lueur presque démente luisaient dans ses yeux rouges.

-ALLEZ ! BATS-TOI ! Reprit-elle, repartant à l'assaut.

-Tu m'excuses, gamin. Soupira l'interpellé.

La seconde suivante, le Kazekage déchu tentait vainement de se dépêtrer du buisson dans lequel son démon l'avait propulsé. Après quelques efforts, il se retrouva abrité entre le buisson et un tronc d'arbre. Il put ainsi suivre des yeux la suite des évènements.

Shukaku avait retroussé les manches de son kimono. Il adopta une posture de combat, de profil, les bras à demi-fléchis devant lui, laissant supposer qu'il userait de Taijutsu. Le sable, autour de lui, se mit à frémir, puis il s'éleva et se rassembla sur ses bras et ses jambes, formant des plaques minérales contre ses avant-bras, ses poignets et ses genoux. Il s'agita encore, et brusquement de longues lames de sable recourbées surgirent des protections. Ainsi armé, il se jeta sur la démone lionne.

-Allez ! Donne tout ce que t'as ! Clama-t-il, retrouvant déjà son entrain.

L'autre répondit par un grondement de fureur. Ses griffes, imbibées de chakra écarlate, s'allongèrent imperceptiblement. Et la lutte s'engagea.

Les deux adversaires avaient tous deux recours au Taijutsu et pourtant, leurs techniques respectives étaient radicalement différentes. La déesse de la guerre défendait son titre : ses coups de griffes pleuvaient, entrecoupés de violents coups de genoux et de pieds, quand l'attention du tanuki faiblissait. Ses mouvements étaient courts et précis, quoique rendus un peu excessifs par la colère.

Shukaku, pour sa part, ne changeait en rien sa méthode coutumière ; c'est à dire qu'il agissait comme bon lui semblait. Il bondissait en tous sens, prenant parfois d'inutiles risques dans l'exécution de ses figures. Malgré tout, il parait et ripostait avec une espèce d'aisance naturelle, ses acrobaties se terminant invariablement par un coup ou une parade de ses armes de sable. Sa stratégie ne manquait pas d'une certaine élégance, contrairement à ce que Gaara aurait pu croire, l'ayant connu sous son apparence démoniaque. Mais il ne faisait aucun doute que les deux opposants n'en étaient pas encore à dévoiler leur véritable puissance. Malgré toute la hargne qui l'animait, cette confrontation ressemblait davantage à un échauffement. Un prélude au combat réel.

Shukaku bloqua un coup latéral arrivant sur sa gauche et amorça une riposte. Mais, ce faisant, il commit l'erreur de pivoter sur lui-même, créant ainsi une ouverture. Sekhmet ne laissa pas passer l'erreur et lui lacéra le dos de son autre main, le forçant à s'aplatir au sol pour éviter le gros de l'attaque.

Cependant, alors que le démon se laissait prestement tomber à terre, elle perdit l'équilibre, tirée elle aussi vers le bas. Appuyé sur son bras droit, Shukaku la considérait d'un air narquois. Elle aperçut trop tard le piège qui s'était refermé sur sa main : le sable constituant la lame qui avait bloqué sa première offensive s'était subitement déformé, pour s'enrouler autour de son poignet. La chute du tanuki entraînait alors, inexorablement, la démone avec lui.

-Un partout ! Tu t'es fait avoir, ma vieille ! Railla celui-ci.

Et il lui décocha un violent coup de pied dans le ventre.

Sekhmet fut catapultée dans les airs avec un grognement de douleur. De longues lames de sable se précipitèrent sur elle, l'attaquant de toutes parts. La femme-lionne se mit à tournoyer frénétiquement dans le vide, en cet instant en tous points semblable à un javelot de bronze. Des vagues de chakra, d'un rouge orangé, émergèrent de ses griffes et l'enveloppèrent entièrement, cinglant au passage les nuées de sable qui l'assaillaient.

Elle se réceptionna face à Shukaku, son chakra tourbillonnant autour d'elle. Son expression était maintenant teintée d'une folie meurtrière.

-Tu passes aux choses sérieuses, alors ? Fit le démon. Sa voix trembla légèrement sous l'effet de l'excitation.

Et, subitement, il poussa un hurlement suraigu, immédiatement suivi d'un rire quasi hystérique. Un flux de chakra monta en lui, l'entourant d'une tempête noire et or. Sekhmet effectua vivement des signes incantatoires, puis joignit son index et son majeur devant ses lèvres tandis qu'elle prenait son inspiration.

-Kâton ! Rugit-elle d'une voix soudain caverneuse. Megami no Kazan ! Le volcan divin !

Une véritable tornade ardente se déchaîna, si immense qu'on ne pouvait distinguer si elle surgissait de la bouche de la lionne ou de l'intégralité de son corps. La température monta à une telle vitesse que l'herbe, autour d'elle, se recroquevilla et noircit sans même s'enflammer. Dans son abri, Gaara vit certaines feuilles du buisson roussir. Le sable dut l'envelopper pour le protéger des brûlures.

Shukaku ne perdit pas de temps en réflexions et s'élança immédiatement dans les airs, échappant de justesse au feu divin. La stupidité de la démarche arracha à son opposante un sifflement de mépris. Dans cette position, il lui était impossible d'esquiver les prochaines attaques ! Les flammes surgirent à nouveau, lancées vers le ciel à la poursuite du démon.

Celui-ci, loin de perdre la face, arborait son éternel sourire moqueur, nullement impressionné par l'offensive. Alors que sa descente s'amorçait et que le sort se rapprochait dangereusement, ses jambes se replièrent et se détendirent brusquement, comme s'il cherchait à fouetter le vide. Sekhmet poussa un hurlement interloqué en le voyant s'élever encore plus haut. Il continua ses acrobaties aériennes, prenant appui tantôt sur ses pieds et tantôt sur ses mains, aussi à l'aise dans les airs que s'il avait été pourvu d'ailes.

Gaara comprit brusquement la nature de sa démarche : il s'agissait en fait d'une version améliorée de son nuage de sable ! Les minuscules particules, qu'il parvenait à maintenir en suspension malgré le poids qu'elles soutenaient, se fixaient sur ses paumes et la plante de ses pieds et lui servaient de points d'appui, lui permettant ainsi une immense liberté de mouvement.

Toutefois, si son esquive se révélait efficace, il ne parvenait pas à passer à l'offensive. Le jeune shinobi sentait le chakra s'agiter de manière désordonnée dans leurs deux corps, sans que le démon ne parvienne à le malaxer convenablement. Etrange…Comment pouvait s'expliquer cette incompétence ? Jusqu'à présent, Shukaku n'avait subi aucune difficulté de ce genre, à sa connaissance…Voyons…Le flux d'énergie semblait tiraillé, divisé. Il s'agitait convulsivement, comme si on lui intimait plusieurs positions à la fois.

Gaara sursauta. C'était lui, bien sûr ! Le chakra résonnait dans leurs deux corps ! Or, lui s'efforçait de camoufler le sien pour demeurer indiscernable, tandis que Shukaku s'évertuait à composer du Ninjutsu ! Tiraillé entre leurs deux impératifs, le chakra devenait plus ardu à manipuler.

Sans perdre de temps, le shinobi malaxa son propre chakra. Il s'efforça ensuite de le diriger en un flux serré vers son démon.

Shukaku écarquilla les yeux de surprise, puis son sourire s'élargit. Il pirouetta pour esquiver une nouvelle nuée ardente et, renversé en arrière, il esquissa quelques signes tout en prenant son inspiration :

-Fûton ! Mugensajin daitoppa ! La déferlante de sable!

Le sortilège provoqua un véritable cyclone. Le vent dissipa le feu de la démone, écartant dédaigneusement les loques du Kâton, et se rua sur elle. Celle-ci cessa de vomir ses flammes et s'aplatit à terre dans sa tentative pour diminuer l'impact de l'offensive. Heureusement pour elle, les plaques de son armure augmentaient son poids, sans quoi elle aurait été balayée, elle aussi. Shukaku se précipita vers elle avec un glapissement strident, le vent sifflant tout autour de lui. Son chakra s'était condensé, autour de lui, et venait maintenant allonger ses armes de sable. Celui de la démone, qui avait à présent une consistance d'aspect liquide, dégoulinait sur ses membres comme de la lave.

Ils se jetèrent l'un sur l'autre et roulèrent sur le sol avec des cris de fureur. La folie meurtrière des deux démons approchait de son paroxysme. Le combat se prolongeait sous la forme d'un féroce corps à corps, au cours duquel leurs chakras respectifs s'affrontaient à l'état pur. Shukaku perdait progressivement l'avantage, grognant de souffrance chaque fois que la lave qui constituait l'énergie de la démone l'atteignait. Il avait beau se démener comme un diable, ses blessures devenaient au fur et à mesure plus sérieuses, son sang trempait sa tenue…

-AH ! NON ! Rugit brusquement Sekhmet.

Elle se jeta en arrière, mettant promptement fin à l'affrontement. Elle l'observa avec mauvaise humeur, les mains sur les hanches. La lionne ne paraissait pas se préoccuper de ses blessures. Pourtant, il y en avait de sérieuses. Son œil droit crevé, répandant une traînée sanguinolente sur sa joue, entre autres…

-Chaque fois que je t'affronte, c'est la même chose ! Quand est-ce que tu comptes donner toute ta force ? Y EN A MARRE ! Mais tu te laisserais crever par flemme, ma parole ! Moi qui croyais que ça ce serait arrangé, maintenant que tu es un démon Millénaire !

Shukaku se relevait péniblement, la respiration haletante. Il était assez mal en point, lui aussi. Son kimono était déchiré en plusieurs endroits, et il boitait. Son bras droit, ensanglanté, pendait inutilement sur son côté, comme s'il était incapable de le remuer.

-Rah, t'es pas possible, toi ! Râla-t-il. Encore un kimono de fichu ! Tu t'es jamais dis que ça pouvait coûter CHER ?

-Peuh ! Répliqua la lionne avec dédain. Aussi, quelle idée de se battre dans cette espèce de pyjama ! Mets une armure et ça ira mieux. MAIS CA NE REPOND PAS A MA QUESTION ! Je parie que tu t'es pas non plus donné à fond, quand on t'a enfermé dans ta bouilloire.

-Et pourquoi pas ? Fit-il en haussant les épaules. J'y suis resté que deux siècles, après tout ! On va pas en mourir…Tu m'as attaqué pour vérifier ça, ou c'est juste que t'as pété les plombs ?

La déesse égyptienne de la guerre le gratifia d'un sourire rayonnant.

-Je m'ennuyais à mourir, tu vois. Répondit-elle d'un ton plus posé. Et je me suis dit que c'était peut-être ton cas aussi ! Rien de tel que ce genre de rencontre pour se remettre en forme, non ?

-On va dire ça, ouais…Ricana le démon, arborant ironiquement son bras inutilisable. Si ça, c'est la forme, va donc te frotter à l'un des Fondateurs ! T'en sortiras avec une pêche d'enfer !

-C'est à voir, c'est à voir…J'irais d'abord me battre contre un Illustre, tant qu'à faire. Au fait, qu'est-ce que c'est que cette chose que tu promènes avec toi ?

Gaara soupira. Il n'était pas dupe, et se rendait bien compte que la « chose » en question n'était autre que lui. Aussi s'extirpa-t-il de sa cachette, se débarrassant au passage des quelques brindilles qui s'étaient prises dans ses cheveux, et fit face à la démone. Celle-ci le dévisagea de son œil unique. Une profonde désapprobation se lisait sur son visage.

-Mon nom est Gaara du désert. Dit-il avant de se renfermer dans son mutisme.

-Yep, c'est mon hôte ! Poursuivit joyeusement Shukaku. Je l'ai récupéré, en rentrant de mission.

-Et qu'est-ce que tu veux faire avec un humain ? C'est pour ton quatre heure ?

-Rah, toujours à causer de bouffe quand on te parle d'humains ! Mais c'est une maladie, chez toi ! Pour ta gouverne, il s'agit de mon filleul.

Sekhmet écarquilla son œil de surprise. Elle jeta de nouveau un regard sur le shinobi. Après un temps d'analyse, elle afficha une moue dédaigneuse.

-Une créature de son espèce, ça ne sert à rien. En plus, il te gène. Tu devrais t'en débarrasser.

L'expression de Shukaku se modifia, subitement impénétrable. Ses deux losanges d'or se rétrécirent dans leurs prunelles noires. Il éclata de rire, mais le son qu'il produisait était différent. Plus ironique, plus acide, il avait une consonance presque métallique.

-Marrant ! Railla-t-il, une fois calmé. On jurerait que t'as répété mot pour mot tout ce qu'on a pu te sortir, dans tes premières années. T'as dû l'entendre plutôt régulièrement, cette réplique, pour la connaître par cœur. Mes félicitations, ma vieille !

Ses pupilles dorées s'allumèrent d'une étrange lueur. Il porta lentement sa main à la base de sa queue de cheval, et passa un doigt sous le curieux élastique qui retenait ses cheveux. Gaara n'y avait jamais réellement prêté attention, mais cet objet avait quelque chose de...particulier. Il était constitué de petites griffes recourbées de couleur sable, rassemblées sur une corde, qui paraissaient mordre la nuque du démon. D'où lui venait cette impression d'anomalie ? Le jeune ninja l'ignorait.

-Satan lui a permis de s'abriter à Abysse, tu vois. Reprit-il. Mais si t'as quelque chose à dire contre sa présence ici, Sekhmet la Millénaire, on peut toujours en parler dans le langage que tu comprends.

De nouveau, la stupéfaction se peignit sur le visage de la démone lionne. Elle fit s'entrechoquer ses griffes un moment avec hésitation, s'interrogeant visiblement sur la conduite à adopter. Finalement, elle tourna les talons et s'éloigna vivement, prenant tout de même le temps de lâcher une dernière réplique, un tantinet irritée :

-Bah, c'est ton problème, après tout. Quant à un combat, j'ai eu ma dose, merci bien. Contente quand même de te voir motivé, pour une fois !


-Sekhmet est une folle, mais c'est pas la pire d'Abysse. Loin de là. Marmonna Shukaku.

Le soleil déclinait depuis un bon moment, déjà. Ils étaient retournés dans la demeure du démon, pour laisser à ses blessures le temps de se cicatriser. Les plaies des démons guérissaient vite, aussi existait-il peu de baumes de soin.

-Pfff, mais ça m'arrangerait si elle pouvait empêcher ses fusibles de sauter à tous bouts de champs. Chaque fois que je me bats contre elle, je finis estropié !

Gaara hocha la tête. C'était une démone d'une grande puissance…Et ce chakra liquide continuait de l'intriguer.

-Quel âge a-t-elle ? Demanda-t-il après un silence.

-C'est bien le problème : elle a près de 4000 ans ! Même si je me donnais à fond, j'aurais du mal à l'avoir ! Enfin, après ses crises, elle est à peu près vivable.

Le démon poussa un nouveau soupir, puis reporta son attention sur son ouvrage. Il tenait à la main le verre brisé qui avait autrefois contenu les herbes aromatiques. Sur la table s'étalait le reste des débris. Armé d'un petit marteau, il entreprenait de rendre au tout son apparence d'origine. Après avoir calé un tesson à la place qui lui revenait, il frappa sur l'interstice à petits coups réguliers, en dosant son chakra avec application. La fissure s'estompa progressivement, jusqu'à ce que le débris fût de nouveau soudé au verre. Le tanuki considéra son travail avec satisfaction, puis il se saisit d'un autre fragment.

Gaara le regardait avec curiosité. Ce n'était pas tous les jours qu'on voyait quelqu'un réparer un verre avec un marteau !

Il laissa ses pensées vagabonder un moment. Depuis un certain temps, il cherchait à éclaircir quelque chose, sans réellement savoir quoi. Un détail, un minuscule détail qui lui échappait, mais il avait le pressentiment que cet oubli avait une importance capitale. De quoi pouvait-il bien s'agir ?

A force de réfléchir, il ressassa dans son esprit son arrivée à Abysse. Même aujourd'hui, elle demeurait très floue dans ses souvenirs. Shukaku parlait beaucoup, comme d'habitude. Il chantait une chanson étrange. Laquelle, déjà ?

-C'est un faible murmure, un soupir adouci

C'est un souvenir qu'on croyait oublié…

La suite lui échappait. Peut-être ne l'avait-il même jamais entendue.

C'est en s'apercevant que Shukaku avait levé les yeux de son atelier et le fixait avec étonnement qu'il se rendit compte qu'il avait récité les vers à haute voix.

-Tu connais le chant d'entre les mondes, gamin ? Interrogea celui-ci, sincèrement surpris.

-Non…Hésita son hôte. Je t'ai juste entendu en réciter une partie. De quoi s'agit-il ?

-Oh, un vieux chant de démon. Fit-il en haussant les épaules. Quand j'ai débarqué, il y a mille ans, on avait déjà oublié d'où il venait. Personne sait plus trop ce que tout ça veut dire.

Voyant que le garçon demeurait perplexe, il prit son inspiration et se mit à chantonner. Sa voix s'était soudainement faite plus calme, plus pensive.

-C'est un faible murmure, un soupir adouci

C'est un souvenir qu'on croyait oublié

C'est le rappel d'une chanson perdue

Une main qui se tend vers un rêve

C'est une larme qu'on essuie

Un sourire à son aurore

Un battement de cœur

Un souffle de vent

Un pas vers toi

Un secret

Une âme

Sens

C'est un ancien présent luisant entre tes doigts

C'est une voie, au loin, rejoignant les monts

Un bruit de pas martelant le silence

C'est un sourd grondement, inaudible

Au-delà d'une porte close

C'est une voix dans la brume

Un chemin dans la nuit

Une idée opaque

Immatérielle

Un lien sombre

Un doute

Vois

C'est un être si frêle, un esprit vulnérable

C'est un monstre, pourtant, une âme insensible

C'est le second reflet de ton miroir

Un regard que l'on ne peut comprendre

Un sablier tournant sans fin

Un enfant à deux visages

Une arme à deux tranchants

Une clé fragile

Un grand pouvoir

Deux aspects

Au loin

Dis

Connais-tu le chant d'entre les mondes ?

La mélopée fut suivie d'un silence méditatif.

-C'est un beau poème. Murmura finalement Gaara.

-Ouais, renchérit le démon, il est un peu long, il veut rien dire, ça prend la tête, mais à part ça il est bien !

Et il se replongea dans son ouvrage. Ses sourcils se froncèrent progressivement tandis qu'il entreprenait de fixer un fragment particulièrement sournois et minuscule. Alors qu'il se décrochait et tombait sur la table pour la énième fois, une veine se mit à palpiter sur sa tempe. Il administra brusquement à son travail de violents coups de marteau, faisant trembler toute la table. Ce qui restait du verre fut impitoyablement mis en pièces jusqu'à devenir une poudre méconnaissable. Shukaku considéra le résultat avec ennui.

-Et meeerde. Soupira-t-il en repoussant les débris. C'est pas mon fort, la réparation.

Il étouffa un bâillement et se mit à jongler avec son outil.

-C'est bien moi, ça, gamin ! Commenta-t-il avec un petit rire ironique. Je sais rien réparer, du coup j'ai un outil, mais je l'utilise pas ! Je me demande ce qui m'a pris de récupérer ce machin. J'ai un fichu coup de barre, moi. Je vais aller dormir, si ça te fait rien.

Et, comme il s'était habitué à ce que Gaara était rarement enclin à la discussion, il ne releva pas son silence. Il partit dans sa chambre sans attendre de réponse, pestant à voix basse contre les blessures qui lui avaient été infligées.

Gaara aurait pu lui adresser un « Bonne nuit. » tout juste audible, comme il le faisait parfois. Mais l'idée ne l'effleura même pas. Il demeurait figé sur sa chaise. Une phrase continuait de résonner dans son esprit.

« J'ai un outil, mais je ne l'utilise pas. »


Gaara ne pouvait toujours pas dormir. Même à présent, malgré l'accord qui l'unissait à Shukaku, celui-ci menaçait de le dévorer par l'intermédiaire de son chakra. Réflexe de démon.

« Ecoute, gamin. Avait expliqué le tanuki, le premier jour. Les démons bouffent les humains, surtout s'il s'agit de leurs hôtes. Tant que t'es réveillé, ça pose pas de problème, je peux me retenir. Mais essaye donc de te mettre de la bouffe dans la bouche et de tenir avec toute une nuit, je peux t'assurer que tu finiras par mordre dedans ! »

Shukaku avait pu refouler ses pulsions de meurtre à deux reprises. Mais mieux valait ne pas trop forcer sa chance, avec un démon. Par ailleurs, la seconde fois, le tanuki était lui-même trop épuisé pour tenter de dévorer qui que ce fût, vidé qu'il était par la perte de son propre sang. Le possédé demeurait donc éveillé en permanence.

Il y a des habitudes qu'on ne perd pas facilement. Peu après le départ du démon, Gaara était sorti s'installer sur le toit ocre et arrondi de la demeure. Il observait pensivement le ciel noir, faiblement éclairé par le maigre croissant de lune, où les nuages commençaient déjà à s'amonceler, masquant les étoiles. La nuit, la cité des démons avait un aspect surnaturel. Les singulières habitations, toutes de tailles et de formes différentes, ainsi que les passerelles et autres chemins aériens, formaient dans les ténèbres des ombres fantomatique, comme de longs serpents qui ondulaient entre ciel et terre. C'était un spectacle dont on ne se lassait pas aisément, et pourtant le garçon n'y prêtait qu'une vague attention. Il réfléchissait, intensément, la tête entre ses mains, un peu fébrile. Cela semblait logique, pourtant…Comment avait-il pu ne pas y songer plus tôt ?

Et, en même temps…Cela ne voulait rien dire, ne faisait que remettre les choses en question. Pouvait-on s'y fier ? Y attacher de l'importance ? Mais pouvait-il ne pas le prendre en compte ?

Non. Impossible. Il ne voulait pas…renoncer si facilement. Il fallait qu'il se raccroche au plus petit détail, à la moindre incertitude…Il voulait, devait croire que tout n'était pas encore perdu. Il fallait continuer à chercher !

Mais…Avait-il encore la force d'avancer ? Pouvait-il s'entêter à ce point ? Le voulait-il, seulement ?

Il en était là de ses réflexions, et le décor nocturne commençait déjà à pâlir, s'éclairant d'un début de lueur matinale, quand un bruit de pas le fit lever la tête. Il scruta les alentours, de ses yeux sans pupille habitués à l'obscurité.

Il y avait bel et bien une large silhouette, sur un sentier sinueux, qui se dirigeait nonchalamment vers la maison de Shukaku. Il marchait lentement, en se balançant légèrement, le nez en l'air. Paisible, il parcourait le chemin invraisemblable, suivant même les détours et les boucles que celui-ci traçait, en pleine rêverie. Gaara le suivit du regard avec une méfiance teintée de curiosité, tandis qu'il zigzaguait et tournait en rond. Il ne paraissait pas hostile…Au bout d'un temps relativement long, il arriva enfin à une distance suffisamment réduite pour qu'il parvienne à le distinguer plus clairement.

C'était un homme, grand et large comme un tronc d'arbre, vêtu d'un manteau brun tout à fait quelconque. En dépit de son apparence un peu lourde, sa démarche était souple, presque féline, quoique un peu endormie. Toutefois, le premier détail qu'on remarquait chez lui, c'était la crinière désordonnée, fauve, qui formait une fantastique couronne autour de sa tête carrée. Il faisait trop sombre pour déterminer quoi que ce fût de plus.

L'individu pénétra dans le petit jardin entourant la demeure du démon. Arrivé là, son regard se posa lentement sur la forme sombre, assise au sommet de la sphère, et qui n'était autre que Gaara. Le démon avait des yeux fort curieux, de grands yeux placides d'animal, sans blanc visible, d'un brun sombre. Il considéra un moment le garçon, avec douceur, presque sans surprise. Finalement, il leva les bras et croisa ses paumes sur son front, dans ce qui devait être un geste de salut. Le Kazekage déchu nota que ses larges mains étaient pourvues de courtes griffes de tigre. Il s'adressa alors à lui, d'une voix calme, un peu assoupie :

-Force et santé à ton corps, paix et harmonie à ton âme, jeune humain. Je ne crois pas t'avoir rencontré par le passé, aussi retiens qu'on me nomme Baku le Millénaire, et ce depuis un faible nombre d'années. Vingt-quatre, tout au plus. Es-tu bien, comme le laisse suggérer le lieu où tu te trouves, l'hôte et filleul de Shukaku le Millénaire, qui a pris notre cité pour asile ?

Les curieuses formules du nouveau venu le laissèrent un moment perplexe. Pourtant, il s'était plus ou moins habitué aux personnages singuliers qui peuplaient Abysse, ainsi qu'à leurs us et coutumes pour le moins déstabilisants. Celui-ci ne semblait nullement agressif…Il se décida donc à répondre à son salut par une inclinaison de la tête, qui pouvait également être prise comme un signe d'assentiment à sa dernière question. Cette brève réponse parut suffire au démon, qui se dirigea sans plus de cérémonie vers la porte arrondie, à laquelle il asséna un unique coup. Unique…mais retentissant ! La sphère de pierre fut parcourut d'une vibration qui manqua de faire perdre l'équilibre à Gaara. Le bruit de tonnerre qu'il produisit aurait suffi à réveiller l'intégralité des habitants d'Abysse…

Un nouveau vacarme vint répondre au premier. Une sorte de craquement, cette fois, qui avait dû être provoquée par la chute d'une armoire, ou d'un meuble quelconque. Réveiller le démon tanuki en sursaut semblait conduire à des résultats…explosifs. Le dénommé Baku demeura impassible, sans s'émouvoir de ces bruits, ni des grognements étouffés qu'on parvenait à distinguer, à l'intérieur.

Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit, dévoilant un Shukaku ensommeillé. Un kimono blanc, un peu fripé et élimé, venait remplacer celui que Sekhmet avait mis en pièces la veille. Il lui restait encore quelques séquelles de son combat, de fines cicatrices sur son visage et les parties visibles de ses membres. Il semblait également chercher à ménager le plus possible son bras droit, qui restait collé à son corps, sur son côté. Sa queue de cheval était faite, mais encore plus désordonnée que d'habitude, comme s'il l'avait conservée pendant la nuit. Il cligna quelques instants des yeux en baillant. Enfin, il parut reconnaître la personne qui se tenait en face de lui, car son regard s'alluma d'une lueur plus joyeuse :

-Tien, regardez qui voilà ! Fit-il d'une voix rendue pâteuse par la fatigue, mais non dépourvue de sa moquerie habituelle. Baku ! Tu viens bouffer mes rêves ?

-Force et santé à ton corps, paix et harmonie à ton âme, Shukaku. Répondit l'autre de sa voix paisible, sans relever la plaisanterie de son congénère. Les conséquences de mon intrusion m'attristent, et j'espère n'avoir pas trop troublé ton sommeil. Cependant, on m'a voici déjà plusieurs heures sommé de venir te trouver. Le temps de repos que t'as accordé Satan la Fondatrice expire, et en ton état de démon Millénaire, la mission à laquelle je suis aujourd'hui convié te concerne tout autant que moi-même.

Shukaku écouta tout ce discours, en se balançant d'un pied sur l'autre pour tromper son impatience. Quand l'autre eût fini, il lui jeta un coup d'œil méfiant, et interrogea, mi-suspicieux, mi-rieur :

-Le pied ! Je commençais à me dire que ça devenait barbant, de glander ! Mais juste pour savoir…C'est à quelle heure, cette mission ?

-Elle aura lieu ce matin même, aux alentours de dix heure.

Le démon haussa un sourcil, regarda d'un côté puis de l'autre, considérant les ténèbres où ne pointait qu'un début d'aurore. Il éclata d'un rire ironique.

-C'est sympa d'être venu me prévenir ! On a tout juste six heures pour y aller ! Fit-il, sarcastique.

Il leva la tête vers son hôte.

-Dis donc, gamin, t'aurais pas pu lui dire de me laisser un peu pioncer, par hasard ?

Gaara se laissa tomber sur le sol, aux côtés des deux démons, un peu hésitant. Il ne savait pas exactement s'il était à propos de le saluer, dans ce genre de circonstances, mais ce n'était pas vraiment ce qui le préoccupait. Fallait-il lui parler de tout cela ? après tout, lui-même n'était encore sûr de rien…

-J'ignorais son identité et ses intentions. Lui semblait te connaître. Se décida-t-il à répondre. Shukaku…Il y a quelque chose qui…

-QUOI ? Je t'ai encore jamais parlé de notre bouffeur de rêves national ? Coupa le tanuki, dont la voix s'éclaircissait et gagnait en puissance de secondes en secondes. Bah t'en as loupé une, dis-moi ! C'est un cas, cette grosse chimère !

Ladite chimère suivait passivement du regard les nuages sombres qui défilaient, nullement touché par les plaisanteries railleuses de son comparse.

-L'aube ne fait que poindre, semble-t-il. Constata-t-il, comme s'il venait à l'instant d'avoir pris connaissance de l'heure. Voyez : son éclat brumeux ne se répand même pas sur ces nuées noires. Nous sommes bien matinaux, et l'on ne nous attend nulle part de si bonne heure. Pourquoi ne pas déambuler par-delà notre cité, en attendant ? Quand le décor défile, les heures ne s'en écoulent qu'avec davantage de fluidité…

-Toujours aussi zarb quand tu causes ! Railla le démon, mis définitivement de bonne humeur par le curieux discours de Baku. Allez, va pour une ballade ! T'es OK, gamin ?

L'interpellé se contenta de hocher la tête.

Après un rapide petit-déjeuner, ils se mirent donc en route, se dirigeant vers le côté opposé de la ville. Shukaku et Gaara eurent le mauvais réflexe de tenter de s'adapter au pas souple et assoupi de l'esprit japonais. En effet, celui-ci marchait extrêmement lentement et s'évertuait à suivre tous les méandres du sentier, boucles, détours et sinuosités. Cela ajouté à son léger balancement lui faisait une démarche qui pouvait s'apparenter à celle de la très respectée Godaime, le soir à la sortie d'une taverne. Le shinobi devait souvent demeurer immobile sur une boucle, à attendre patiemment que le démon ait fini de tourner, tandis que le tanuki jouait à imiter son pas le plus exactement possible, ce qui ne frustrait pas son modèle outre mesure. Le groupe qu'ils formaient devait faire peine à voir…

-Je te constate blessé, Shukaku. Dit brusquement Baku, rompant le silence.

-Oh, ça…Fit l'autre en soulevant avec dédain son bras droit. Les fusibles de Sekhmet ont lâché hier, rien de grave. Ca risque de gêner, pour la mission ?

-Il se pourrait que tu en conçoives du désagrément, en effet. Mais tu ne devrais pas avoir de difficulté si ce jeune humain te prête son aide, il me semble…

Il se tourna vers Gaara, qui se tenait légèrement à l'écart, la tête baissée, plongé dans ses pensées.

-Je crois ignorer ton nom, et il ne serait pas correct de toujours te désigner par ces ennuyeuses périphrases telles que « jeune humain » ou encore « filleul et hôte de Shukaku le Millénaire »…Comment te nomme-t-on ?

-Gaara du désert.

-Hmm…Je pense être en mesure de m'en souvenir. Offriras-tu ton aide aux démons, en l'occasion de la mission confiée à ton possédant ?

-Je ferai mon possible. Dit-il après un court instant de réflexion. En quoi consiste cette mission ?

-Le Temps est un ennemi sans scrupule, même pour des démons éternels tels que nous. S'il ne pourrit pas nos chairs ni ne ternit notre sang, il fissure la roche et détruit nos murailles…La façade Ouest des murs d'Abysse s'est détériorée en maints endroits, et il nous appartient d'y apporter les pierres qui lui font défaut avant qu'elle ne s'affaisse. Le principe est simple, la manœuvre aisée à comprendre, mais le travail est long et éprouvant. Aussi serons-nous près de quarante Millénaires pour le réaliser.

-Encore de la réparation ? Râla Shukaku. Avec ce que j'ai fait au verre, je vais plutôt lui achever son boulot avant l'heure, à ton ennemi sans scrupule ! Tu t'occupes de doser le chakra, gamin !

Ce serait la première fois que le ninja utiliserait son chakra à ce genre de fin. Il avait regarder son démon s'exercer avec son marteau, mais c'était à peine s'il avait saisi le principe. Cela semblait demander de la concentration, et de la patience. D'où peut-être les lacunes du tanuki en ce domaine.

-Très bien. Se borna-t-il à répondre. Et il reporta son attention sur l'aurore qui nimbait peu à peu le décor de sa lumière blafarde.

Shukaku était bel et bien éveillé, à présent. Il parlait sans cesse, se mettait brusquement à accélérer le pas sans raison, avant de revenir gaiement vers les deux autres. Il soulignait ses discours par de larges gestes, racontant jusqu'à plus soif des anecdotes de son séjour chez les humains, coupant parfois la parole à son imperturbable compagnon.

Gaara renonça rapidement à suivre le fil de cette pseudo conversation. Il fallait dire que les habitations alentours suffisaient à détourner l'attention. Le jeune shinobi ne s'était encore pratiquement jamais rendu dans cette partie de la ville. Il considéra avec curiosité des constructions hautes comme les bâtiments administratifs de Suna, en forme de pyramide renversée. La porte, qui se situait à mi-hauteur, ne pouvait être atteinte qu'au moyen d'une passerelle voltigeuse décrivant une spirale autour de la pointe. Il y avait également des maisons en forme de champignons, d'artichauts ou de pommes de terre. Il y avait de petits cubes au toit plat recouvert de grands arbres tordus d'où pendaient des lianes qui traînaient jusqu'à terre. Il y avait une maison placée sur pilotis, au milieu d'un grand lac, dans un parc. Il y avait des tentes curieusement disposées, se composant de multiples pièces reliées par des tunnels de tissu…C'était varié et foisonnant.

Le soleil se levait, masqué par les nuages. Il ne diffusait qu'une triste lumière blanche. La ligne sombre de la muraille commençait à se profiler, à l'horizon. Si on se fiait à la position du soleil, le groupe s'approchait de la façade Ouest. Un autre facteur venait confirmer cette hypothèse : quelques démons se mettaient à surgir des habitations, et se dirigeaient vers cette même façade. Ils n'étaient pas bien nombreux, pour le moment, et pour la plupart ils marchaient sans faire attention aux autres. Certains allaient au pas de course, parcouraient les passerelles aériennes avec nonchalance. D'autres suivaient le même sentier que Gaara, sans s'occuper des fantaisies qu'il traçait. Ils dépassaient les deux démons, en leur adressant parfois un signe de tête ou quelques mots de sympathie. Shukaku et Baku paraissaient connaître nombre d'entre eux.

-HEY ! S'exclama soudain Shukaku. MAIS C'EST SETH ! Ca va comment, vieux chacal ?

Il donna dans le dos du démon qui venait de les doubler une claque monumentale, qui manqua de lui faire perdre l'équilibre. L'interpellé, un homme roux à la peau très sombre, vêtu d'un pagne, de sandales et d'un large pectoral d'or, se tourna vers lui d'un air hargneux. Il le fixa un bon moment en grinçant des dents, agitant ses oreilles pointues de chacal dans son mécontentement. Le tanuki soutint son regard en riant avec insouciance.

-Ca fait un bail qu'on s'est pas vu ! Reprit-il joyeusement. Cinq siècles, c'est ça ? Bah t'es enfin revenu de ton désert, dis-moi ! Ca te fait combien, maintenant ? 8000 ans ? T'es toujours pas devenu Illustre ? Horus l'est depuis déjà huit cent ans, tu sais !

Le dieu de la destruction laissa échapper un grondement de rage au son du nom tabou. Ses prunelles jaunes se rétrécirent tandis qu'il considérait les blessures du démon. Il porta la main à la curieuse faucille qu'il portait accrochée à son pagne.

-Toi…Gronda-t-il d'une voix rauque. Je te trouves bien sûr de toi, pour un jeune Millénaire. Si je ne te connaissais pas depuis que tu as débarqué ici…Je te ferais passer l'envie de faire le mariol !

Il parut hésiter à se jeter ou non sur le démon, quand son regard haineux s'arrêta sur un point, quelque part derrière l'épaule de Gaara. Il se figea brusquement, ses pupilles dilatées par quelque chose qui ressemblait à de la peur. Il rangea précipitamment son arme et s'éloigna d'un pas vif, soufflant tout de même à Shukaku :

-Il y a du sang séché sur tes avant-bras. Cache-le, on ne sait jamais…

L'autre éclata de rire, mais réarrangea son kimono de façon à bien masquer ses blessures.

-Force et santé à ton corps, paix et harmonie à ton âme, Ying Long le Millénaire. Dit respectueusement Baku en se tournant vers le point que fixait le dieu égyptien, les deux mains croisées sur son front. Le shinobi pivota pour regarder à son tour.

Derrière eux déambulait un vieil homme, ses bras croisés disparaissant entièrement dans ses longues manches. Il était assez petit, avait de longs cheveux blancs rassemblés en une natte et de fines moustaches qui tombaient sur son torse. Le manteau qu'il portait, très ample, semblait composé d'écailles nacrées, qui scintillaient comme des coquillages à chacun de ses mouvements. Du haut de son crâne surgissaient des rameaux de cerf, et il avait autour du cou un collier serré, agrémenté d'une petite bille de verre qui paraissait incrustée dans sa gorge.

Si Baku avait semblé un rien distrait et endormi à Gaara, ce n'était rien en comparaison du nouveau venu. Il se déplaçait avec une grande lenteur, suivait avec la même rigueur scrupuleuse que le mangeur de rêve le chemin invraisemblable. Il ne prêtait aucune attention à l'agitation extérieure, ses yeux ne se posaient jamais nulle part, toujours dans le vague. Il leva tout de même la tête à l'appel de son nom :

-Salut à toi, Baku le Millénaire, dévoreur de songes. Et à toi pareillement, Shukaku le Millénaire, esprit du sable, ainsi qu'à toi, éphémère dont j'ignore le nom. Mais sait-on si la fleur que l'on piétine, ou le papillon que l'on voit périr à la naissance ne distinguent pas une dimension plus vaste et libre que la notre, les faisant vivre mille ans quand nous n'en ressentons qu'une heure ? Puisse le vent de toutes les contrées lointaines souffler pour votre fortune, et le torrent de la vie bouillir encore longtemps dans vos veines.

-Salut à toi, Ying Long le Millénaire, maître des shootés ! Déclama Shukaku, tentant de singer le timbre du démon. Puisse le torrent de la vie te secouer un peu les puces ! Ca va comme tu veux ?

-Le vent de l'éternité sera toujours vainqueur sur nos murailles. Soupira-t-il avec une paisible lassitude. Et nous, pauvres insectes que nous sommes, luttons avec ferveur contre l'implacable courant du Temps. Mais il nous faut cependant continuer notre ouvrage. La persévérance dans l'effort, si vain soit-il, fait la valeur de l'homme comme le mérite de la bête.

La conversation reprit. Les deux démons parlaient peu, mais quand ils le faisaient, ils prenaient tout leur temps pour mettre sur pieds leurs longues phrases métaphoriques. Cette tendance formait un beau contraste avec Shukaku, que la présence des deux endormis semblait ravir. Ils l'écoutaient avec ce qui ressemblait à de l'affection patiente. Gaara demeurait toujours muré dans son silence, soulagé de constater que le tanuki était suffisamment occupé avec eux pour le laisser en paix.

A dire vrai, le dragon Millénaire l'intriguait. Il ne paraissait ni agressif, ni même réellement puissant…Etait-ce vraiment lui qui avait effrayé Seth, ce démon de 8000 ans ? Quel âge pouvait-il avoir ? Il considéra un moment le dos du vieillard. Il possédait en effet une grande quantité de chakra, mais…Il était difficile à percevoir, ardu à mesurer, comme la surface d'un lac endormi. Etrange…Mais ni Baku ni Shukaku ne semblaient se méfier de lui.

La matinée avançait. Les démons en route vers la muraille avaient encore grandi en nombre : ils devaient être près d'une vingtaine, certains encore ensommeillés. Le mur était bien visible, désormais : on pouvait constater que de nombreuses crevasses abîmaient sa surface. Son sommet était inégale, des pierres manquaient, d'autres étaient dans un tel état d'usure qu'elles ne valaient guère mieux. La mousse avait rongé cette portion comme une maladie, s'infiltrant dans le moindre interstice entre les roches.

Il y avait quelque chose d'inhabituel, dans ce mur : il était lisse, d'une forme bien rectangulaire, et pourtant on ne distinguait aucun espace entre les pierres, rien qui trahît la façon dont elles étaient disposées. D'ailleurs, la forme des quelques blocs qui étaient tombés à terre était franchement curieuse, parfois même purement indescriptible.

D'autres démons attendaient, face à lui. Les derniers retardataires finirent par arriver. Alors, Seth bondit lestement sur le sommet du mur, et s'adressa à la petite foule :

-Ecoutez-moi bien, les jeunots ! Comme je suis le plus âgé ici, c'est à moi que les Fondateurs ont ordonné de superviser cette mission. Alors, tout le monde saute par-dessus cette satanée muraille et attend dehors ! Et que ça saute VITE ! Vous aurez pas tous les jours l'occasion de vous barrer d'ici comme ça, alors profitez-en ! On se bouge ! Et pour les niais qui seraient pas au courant, vous êtes toujours sous la protection du sortilège de Satan tant que vous restez près du mur ! Alors le premier que je vois s'éloigner des autres, il se prend ma faucille dans le derrière ! C'est compris ?

Les jeunots en question ne se le firent pas répéter et bondirent à la suite du dieu égyptien.

-Toujours aussi à l'aise devant un auditoire, celui-là ! Railla Shukaku en sautant à son tour.

Ying Long ne répondit rien. Peut-être n'avait-il pas écouté. D'ailleurs, il semblait qu'il n'avait pas été non plus très attentif au discours de Seth. En tous cas, loin de s'élancer par-dessus les murs comme on l'attendait de lui, il se borna à marcher paisiblement sur la surface pierreuse, à la verticale.

Gaara s'apprêtait à franchir l'obstacle à son tour, quand une grosse main griffue se posa sur son épaule.

-Pardonne mon ignorance, si par ma proposition j'en viens à mettre en doute tes capacités de ninja. Dit doucement Baku. Mais tu n'es pas démon, et en cela ta force est inférieure à la notre. Veux-tu de mon aide ?

Le garçon le regarda un instant avec surprise, puis il hocha négativement la tête.

-Ca ira. Répondit-il simplement. Il n'avait pu s'empêcher de se sentir touché.

Il esquissa un signe, qui lui permit de se téléporter hors de l'enceinte d'Abysse. Les autres démons achevaient de pleuvoir du haut de la muraille. Le shinobi parcourut du regard la plaine dans laquelle ils avaient atterri, à la recherche de Shukaku. Il le repéra finalement, assis en tailleur à quelques mètres, et s'approcha. Les quarante autres démons attendaient la suite des ordres.

Seth était monté sur une petite butte, d'où il dévisageait avec mauvaise humeur les membres du groupe.

-Bon, on dirait que tout le monde est là ! Allez, au boulot ! On va commencer par virer toute cette mousse ! Que tous ceux qui se débrouillent comme des pieds au Fûton laissent la place aux autres !

Lui-même commença à faire ses signes. Shukaku se releva en soupirant.

-Et meeerde…On dirait que je suis bon pour les sortilèges. Je la retiens, Sekhmet…

Il leva péniblement son bras droit, et composa laborieusement ses signes tout en malaxant son chakra. Après quoi, il se tourna vers la muraille.

-Fûton ! Rugit-il. Mugensajin daitoppa ! La déferlante de sable !

D'autres incantations se firent entendre. Les rafales venteuses vinrent griffer la roche. La mousse, arrachée, tomba en loques à leurs pieds. Quelques pierres chutèrent, décrochées par des attaques un peu excessives.

-SI J'ATTRAPE LE FILS DE MACAQUE QUI S'AMUSE A DEMOLIR LA MURAILLE, IL VA M'ENTENDRE ! Glapit Seth. Maintenant, tous les manipulateurs de Dôton se rassemblent et nous font du matériel ! Le premier qui fait l'imbécile d'une manière ou d'une autre s'en prend une !

Gaara était presque persuadé que Shukaku, avec la puissante déferlante qu'il avait envoyée dédaigneusement, était ledit fils de macaque qu'injuriait le chacal. Mais il ne fit aucune remarque et se contenta de s'écarter pour laisser la place aux détenteurs de techniques Dôton. Jusqu'à présent, le travail n'était pas exactement dans ses cordes…

Une vingtaine de démons se rassemblèrent en un large cercle, et formèrent la même série de signes. Gaara nota qu'ils ne s'accordaient qu'avec maintes difficultés…Vingt voix caverneuses s'élevèrent enfin.

-Dôton ! Kakoogan no Sabaku ! Le désert de granit !

A l'intérieur du cercle, le sol se mit à trembler. Une corne de roche surgit de l'herbe, s'éleva à la verticale comme un menhir. Une autre suivit, plus large, et une autre, et encore une. Des plaques de granit recouvraient peu à peu la plaine, surgissant à un débit de plus en plus rapide. L'herbe disparaissait progressivement, la plaine prenait des allures de carrière…

-Stop ! STOP, BANDE DE MALADES ! On en a assez pour fabriquer une maison à ma forme démoniaque, là ! Les maîtres glandeurs vont pouvoir se remuer un peu ! Cassez-moi ça en morceaux ! En vitesse !

Le sortilège s'interrompit, et les démons se répartirent plus ou moins joyeusement sur la surface rocheuse obtenue. Une multitude d'invocations provoqua une rumeur grave, tout autour. Des explosions retentirent. Gaara retira le bouchon de sa calebasse, et envoya du sable sur le parterre de granit. Il s'acharna quelques instants sur un endroit précis, d'où ne tarda pas à surgir un bloc de forme inégale. Les autres se contentaient volontiers de pavés de pierre, dont l'apparence était parfois tout bonnement indescriptible, aussi en concluait-il que l'aspect des pierres n'avait pas grande importance. Les mains minérales saisirent le bloc, le soulevèrent et l'envoyèrent sur le petit tas qui avait commencé à se former, autour des démons. Après quoi, le shinobi les renvoya sous terre.

Ce n'était pas un exercice très fatiguant, en fin de compte. Broyer la roche pour augmenter sa réserve de sable ne lui posait pas de problème, alors la briser en morceaux plus larges…Les quarante Millénaires œuvraient sans difficulté, parlant entre eux avec désinvolture tandis qu'ils extrayaient de larges rochers informes. Le petit tas de pierre, au milieu d'eux, ne tarda pas à devenir une vaste colline.

-OK ! Ca ira comme ça ! Interrompit Seth, qui depuis un certain temps surveillait l'avancée des travaux avec intensité. On va passer au VRAI travail, maintenant ! Tous ceux qui se sont sentis fatigués en cassant les cailloux peuvent numéroter leurs abattis dès maintenant, ça leur servira ! Pour les jeunots qui seraient ignorants au possible, je rappelle la procédure : vous prenez un caillou, vous le lancez sur la muraille SANS LA DEMOLIR et vous le soudez avec votre chakra ! Si je vois un imbécile balancer des pierres sur un autre imbécile, je me charge de le lapider ! C'est compris ?

Les yeux de Gaara s'agrandirent légèrement. Souder ?

Shukaku apparut derrière lui, souriant d'une oreille à l'autre. Manifestement, le travail de démolition n'avait pas été pour lui déplaire.

-Tire pas cette tronche, gamin ! Le taquina-t-il. C'est pas si compliqué : tu charges le plus de chakra possible dans un bloc, et quand il entre en contact avec la muraille, tu concentres l'énergie tout autour sur le mur pour le faire adhérer. Enfin, quand je dis que c'est facile…Moi, j'aime pas trop ça. Mais si je te file de mon chakra, ça devrait être dans tes cordes, je crois. Essaie, pour voir !

Le garçon acquiesça, et souleva un bloc avec son sable. Du coin de l'œil, il observa les autres démons envoyer les rochers, eux-mêmes ou au moyen de techniques diverses, et les incruster dans la muraille. Il sentit également une fantastique quantité de chakra exploser dans ses méridiens, et il s'empressa de le malaxer pour contenir le flux. Il en concentra ensuite une partie dans le roc qu'il avait soulevé tout en faisant se balancer légèrement les mains de sable pour lui donner de l'élan. C'était un bloc d'un grand poids…

Quand il le jugea suffisamment chargé en chakra, il le projeta contre le mur. Il fallait rester attentif. Le bloc heurta la paroi de pierre, faillit retomber. Gaara enfonça son chakra dans la muraille, comme les griffes d'un chat accroché à un tronc d'arbre. La pierre demeura un moment en équilibre instable contre l'obstacle vertical, vacilla un peu, glissa vers le sol. Le shinobi se crispa sous l'effort, ferma les yeux, tenta de resserrer son emprise sur la roche. Le bloc s'immobilisa lentement, et amorça sa remonté, rampant sur le mur comme une araignée vers une surface abîmée. Là, le garçon concentra son chakra sur les interstices, entre les deux surfaces de pierre. Pierre et pierre. Un espace entre les deux. Il fallait juste rapprocher la pierre, raccourcir l'espace. Impassible, attentif, il appuya lentement sur la roche, qui commença à se déformer pour épouser la forme de la paroi. C'était lent, c'était fastidieux. Pourtant, peu à peu, l'espace entre les roches rétrécissait, s'effaçait en certains endroits, raccourcissait, raccourcissait encore...

Gaara ouvrit les yeux, un peu essoufflé. Etait-ce terminé ? Il observa la muraille. Même en consacrant plusieurs dizaines de secondes à son examen, il ne parvint pas à retrouver l'endroit où il était venu ajouter la pierre. Shukaku considéra le travail avec satisfaction.

-Et voilà ! Je me disais bien que c'était plutôt pour toi, ce genre de travail ! Tu vois que tu te débrouilles ! Allez, au suivant !

La matinée s'écoula lentement, ponctuée par les roches soudées, les chamailleries des démons et les glapissements réguliers de Seth. La tâche n'était plus si compliquée, une fois qu'on en avait compris le fonctionnement. Mais elle demeurait éprouvante : malaxer de telles quantités de chakra si longtemps était épuisant, même pour un ninja comme Gaara. Souder la roche demandait une concentration de tous les instants, ainsi qu'une grande précision. De grosses gouttes de transpiration coulaient sur son visage et dans son dos, ses méridiens l'élançaient douloureusement. Cependant, il se rendait compte qu'il se fatiguait bien plus vite que les démons, aussi s'appliquait-il à ne pas perdre le rythme. Mais pouvait-il espérer continuer jusqu'au bout ?

Cette dernière phrase lui fit penser à Naruto Uzumaki, ce ninja aux principes étranges. Sans aucun doute, si lui s'était retrouvé à faire une tâche quelconque, et qu'il aurait constaté que celle-ci était bien trop éprouvante pour son niveau, il se serait jeté dessus avec trois fois plus d'entrain, comme s'il espérait tomber raide mort le plus vite possible. C'était bizarre, Gaara ne comprenait pas bien cela. Cette tendance semblait presque suicidaire. Alors, pourquoi riait-il ? Parce qu'il était persuadé que, à bout de forces, il continuerait tout de même ?

Sans qu'il sût trop pourquoi, cette pensée le fit sourire. Il se remit à l'ouvrage. Après tout, c'était un bon entraînement…

Finalement, et alors qu'il commençait à se demander comment il parvenait encore à se tenir debout, la voix rauque de Seth retentit, au milieu du bourdonnement de ses oreilles.

-Bon, ça pourrait avancer moins vite, on va dire. On a bientôt fini. Allez, pause de trente minutes ! Ceux qui ont apporté à bouffer partagent avec les autres !

Le jeune shinobi laissa retomber le bloc qu'il venait de soulever. Un brouillard noir, dû à la fatigue, se forma immédiatement devant ses yeux. Il se passa une main sur le visage, pour se débarrasser de la sueur qui le recouvrait, et pour chasser les quelques mèches qui étaient venues se coller à ses tempes. Après quoi, il put enfin regarder autour de lui.

C'était un vaste chantier, tout autour. L'ancienne plaine, qui n'était plus qu'un désert de granit, était percée de maints trous inégaux, envahies par des débris de roche de tailles variées. Les autres démons avaient déjà commencé à s'asseoir, seuls ou par petits groupes. Pour la plupart, ils étaient simplement essoufflés, mais Gaara constata non sans surprise que certains semblaient au moins aussi fatigués que lui. Il y avait des démons harassés qui tentaient vainement de reprendre un rythme cardiaque normal. D'autres, ignorant la nourriture qu'on leur proposait, s'étaient allongés à même le sol et dormaient profondément. De tout jeunes démons Millénaires ? Ou des démons qui n'étaient pas habitués à ce genre de travail ?

Shukaku étouffa un bâillement, et se laissa tomber en position assise. Il n'avait pas fait grand chose, à vrai dire, et seule la consommation prolongée de son chakra lui avait fait dépenser des forces. Il considéra son hôte avec amusement.

-T'es en nage, gamin ! Assieds-toi et mange un morceau, sinon tu vas tomber dans les pommes pour de bon !

Le garçon s'exécuta, s'installant non loin de son démon. Là, il demeura immobile, à essayer de reprendre son souffle.

-Cet ouvrage semble avoir éprouvé ta résistance, Gaara du désert. Constata une voix douce, réduite à un murmure fatigué, derrière lui. Mais il me faut avouer être surpris de te voir encore conscient parmi nous. Je ne peux qu'espérer que tu me pardonneras d'avoir douté de tes capacités…

Baku s'assit lourdement près de lui, et lui tendit un panier de fruit. Le ninja en pris un, qu'il commença à manger avec reconnaissance. Le mangeur de rêves semblait à bout de forces, lui aussi. Son corps trapu se soulevait par saccades, sa crinière était collée à ses tempes par la sueur, son visage en était trempé.

-La puissance n'est pas pour moi un sujet de vantardises…S'excusa-t-il. Ces travaux ne tardent jamais à me vider de mes forces.

Il se servit lui-même, puis posa le panier à côté de Shukaku. Un silence relativement long suivit, pendant lequel chacun s'occupait de mastiquer. Le tanuki engloutit quelques fruits, puis il s'allongea et se prépara à faire un somme. Baku, ayant achevé son repas, se tourna vers Gaara, qui observait pensivement le ciel nuageux. Il se contenta un moment de le regarder, comme s'il hésitait à rompre la méditation du garçon, puis il prit la parole :

-On m'a auparavant conté les raisons de ta venue en ces lieux peuplés de démons, Gaara du désert, toi qui est humain. Ainsi, malgré les trahisons que tes semblables t'ont fait subir, tu as reculé au moment de devenir l'un des nôtres.

Les paroles étaient assemblées comme pour lui adresser un reproche, et pourtant le ton paraissait…presque admiratif. Un peu surpris, le garçon hocha la tête.

-Je ne saurais te dire si le chemin que tu as pris mène à la lumière. Cependant…Peut-être est-ce parce que chaque être se sent tiraillé par le chemin qu'il n'a pas emprunté et qu'il ne parvient plus à voir…Il est possible que mon jugement se révèle erroné, mais ce choix me semble être le signe d'une grande sagesse.

-Vous-même…Vous avez choisi le chemin opposé.

-La vérité est en ta faveur. Mais vois-tu, la perspective de devenir un démon n'a pas toujours été pour moi un sujet de soulagement, ou même de joie simple. Lors de mes premières années, mes années humaines, je jugeais avec une certaine sévérité, parfois avec dépit, cette marque du Diable que j'avais sur moi. Mes aspirations étaient pour la plupart harmonie et calme : j'ai longtemps désiré une vie paisible, qui ne soit éreintante ni par sa durée ni par ses rebondissements…Il m'a semblé qu'en devenant un démon, je renoncerai au peu de tranquillité que je pouvais espérer obtenir.

« Mais les humains ont été bien cruels, avec moi. Ou est-ce plutôt moi-même qui, sans le vouloir ni même en prendre conscience, me serait comporté en monstre ? Je ne sais pas. Je n'ai jamais aimé tuer, le sais-tu ? La simple action de manier mon chakra, ce chakra trop illimité, m'ennuie et m'épuise. Et les humains n'apprécient pas qu'on les tue, n'est-ce pas ? De ces pensées communes auraient dû jaillir un accord. C'est ce que j'ai longuement cru.

« Et pourtant, j'ai maintes fois tué. A qui en incombe la faute ? Je n'en sais rien. Une seule chose peut être admise comme une vérité : j'ai tué, autour de moi, et j'ai failli être tué à mon tour. J'ai détruit des villages, dont j'avais longuement admiré l'architecture. J'ai été trahi par des gens qui m'étaient chers. Je cherchais la paix, mais elle ne venait pas. L'idée de renoncer à cette lutte sanglante pour l'humanité s'est peu à peu imposée à moi. J'ai encore longuement hésité. Un jour, je me sentais humain, une nuit je me savais monstre. A maintes reprises, je me découvris simple demi, fragment de démon égaré dans une peau humaine. Et il m'est apparu, je me suis persuadé, au fil des jours, des saisons et des années, que les demis ne se mêlaient pas aux humains, et que le calme ne venait pas quand on voyageait en quête de l'impossible. Je suis devenu démon. Peut-être ai-je été lâche. Peut-être ai-je été sage. Peut-être ai-je juste été simple d'esprit. Je n'aurai probablement jamais la réponse. Mais c'est une malédiction qui frappe quiconque prend une décision qu'il désapprouvait au départ : l'appel de ce chemin que nous avons regardé sans le suivre, la tristesse de ne pas savoir s'il mène à une lumière plus vive que celle que l'on a atteint.

« Je ne saurais te dire quelle en est la raison, mais le chemin que tu suis me paraît emprunt de sagesse. Peut-être est-ce là simplement une preuve de ma propre petitesse d'esprit…

Un long silence suivit le discours du démon, uniquement troublé par les rumeurs des autres conversations, des disputes et des débuts de bagarre.

-Je ne sais pas si ce chemin est le bon. Dit lentement Gaara. Mais…je crois que je continuerai. Je pense que c'est plus ou moins ce qu'il voulait dire…On m'a dit qu'il ne fallait pas renoncer.

Le démon hocha la tête. Un sourire bienveillant, un peu triste, était apparu sur son visage.

-SUITON ! RYÛSENKOKU ! LA SENTENCE DES DRAGONS !

Un abominable craquement retentit. La carrière vibra avec une telle violence que certaines roches s'affaissèrent et se brisèrent au sol. Gaara bondit sur ses pieds, imité par Baku et Shukaku, promptement réveillé. Le bouclier de sable les entoura tous les trois, juste à tant pour les préserver des dragons aqueux qui se ruaient sur eux. Les créatures se heurtèrent à la paroi minérale, la firent ployer et se tordre malgré la grande quantité de chakra que le tanuki lui confiait. Ils ne devaient pas être la cible principale de l'attaque, car les dragons se lassèrent rapidement et s'élancèrent dans une autre direction.

Le sable retomba, leur dévoilant le décor, alentour. Le parterre de roche s'était craquelé en maints endroits, le sol était devenu inégale et dangereux en moins d'une demi-seconde. Des torrents d'eau surgissaient des fentes, se rassemblaient en des dizaines de dragons qui partaient à l'assaut des démons, de la muraille et de la plaine. Les autres êtres démoniaques se défendaient chacun de leur côté contre les agressions, sans songer à se rassembler.

-Et meeerde…Marmonna Shukaku, un brin essoufflé. Me dites surtout pas que Ying Long a pété un fusible !

Le mangeur de rêves ne répondit pas. Son regard placide s'était assombri, soudain voilé d'inquiétude.

Le démon tanuki s'élança vers l'épicentre du carnage, suivi de près par Gaara, qui s'appliquait à esquiver les assauts aqueux. Ces monstres étaient puissants, mais peu organisés. Ils étaient nombreux, néanmoins, et de nouveaux ne cessaient de surgir des geysers. Le jeune shinobi songea à cette voix grave, démente, qui avait prononcé l'incantation. Pouvait-on l'attribuer à l'imperturbable Ying Long ? Il repensa à la brève expression de terreur apparue dans les yeux de Seth, ce démon de huit mille ans. Et cet avertissement qu'il avait rapidement murmuré à Shukaku.

Ils dépassèrent quelques démons Millénaires, blessés plus ou moins gravement, et arrivèrent à l'endroit d'où semblaient provenir toutes les attaques.

Il y avait un vieil homme, au milieu du sinistre. Il luttait contre un petit nombre de démons, tournant furieusement sur lui-même pour leur faire face à tous. Ses yeux, auparavant dénués de toute expression, étaient maintenant injectés de sang et paraissaient lancer des éclairs. Ses cheveux nattés, ses fines moustaches et son manteau étaient secoués par un vent impalpable. Les écailles qui constituaient le vêtement cliquetaient et reflétaient la lumière à un rythme endiablé. Une tempête de chakra bleu sombre tourbillonnait autour de lui. Ses longues manches fouettaient le vide, tandis qu'il faisait de brusques mouvements de bras vers ses adversaires. Pulsions meurtrières…Gaara connaissait bien cela.

-Le démon lui-même entonne le chant de l'agonie entre les griffes du typhon. Rugit Ying Long de sa voix psychotique. Son flot impétueux est le courant de la mort !

Un démon se jeta sur lui en hurlant. L'autre répondit par un geste de ses deux bras. Son chakra percuta l'assaillant, qui partit s'écraser contre une roche. D'autres vinrent le remplacer.

Un dragon les chargea par derrière. Gaara s'effaça vivement sur le côté pour l'esquiver, tandis que Shukaku bondissait dans la direction opposée. Avant qu'il ne disparaisse de son champ de vision, le shinobi nota qu'une lueur d'excitation s'était allumée dans le regard du démon. Mais il était trop occupé à maintenir en place son esquive et sa défense pour s'en inquiéter.

La bataille enflait de secondes en secondes. Outre les monstres aqueux qui ne cessaient de grandir en nombre, les autres démons présents se mêlaient peu à peu à l'affrontement. Excités par le vacarme, ils commençaient à se battre entre eux, sans se soucier de reconnaître leurs adversaires. Le dragon chinois provoquaient des dégâts indescriptibles. A lui seul, il agressait de ses Suiton l'intégralité des habitants d'Abysse présents. Nombreux étaient ceux qui s'élançaient contre lui. Mais l'avantage du nombre était maigre : les êtres démoniaques ne parvenaient pas à accorder leurs efforts. Ils se battaient chacun de leur côté, s'attaquaient à quiconque croisait leur regard.

Gaara appela à lui le bouclier de sable pour détourner le Fûton envoyé par un démon. Le tumulte continuait de lui vriller les oreilles. Dans ce genre de mêlée, il ne pouvait espérer s'en tirer qu'en misant sur la défense. Passer à l'offensive était hors de question. Il chercha du regard un lieu susceptible de lui donner une meilleure vue des évènements.

-EH ! TOI, LE MIOCHE HUMAIN !

Il tourna vivement la tête. Seth accomplissait de louables efforts pour le dévisager tout en tournoyant pour repousser les démons à l'aide de sa faucille. Il s'en tirait avec une certaine aisance, et ne semblait pas atteint par la folie générale. Mais il était indéniablement furieux.

-S'il te reste un soupçon de cervelle, pas comme les autres ahuris, rends-toi un peu utile et vas prévenir Hydre ! Je vais retenir ce dragon !

Et, voyant que le garçon demeurait perplexe :

-LA PORTE DE L'HYDRE AU CENTRE D'ABYSSE, ABRUTI ! APPELLE-LE PAR SON NOM POUR LE FAIRE VENIR ! ALLEZ, ACTIVE !

Sur ce, il serra la main sur son arme et partit se perdre dans le gros du combat.

Gaara ne perdit pas de temps à réfléchir. Il esquiva un nouveau Suiton, forma un unique signe pour se téléporter au sommet de la muraille. La mêlée était plus impressionnante encore, vue d'en haut. Pendant quelques instants, il chercha un signe quelconque de la présence de Shukaku, mais tant de hurlements se faisaient entendre, dans toutes les gammes différentes, qu'il était impossible de le repérer à l'oreille. Finalement, le choix logique était d'obéir aux ordres de Seth, et de trouver Hydre…

Mais que voulait-il dire par « porte de l'Hydre » ?

Le garçon se tourna vers la cité, si immense que, même de là où il était, il ne parvenait pas à la voir entièrement. Au centre d'Abysse…Il y avait bien quelque chose, au loin. Quelque chose qui ressemblait à une gigantesque sphère d'énergie, tournant lentement à l'intérieur d'une coupole. Gaara matérialisa sous lui un petit nuage de sable, et s'élança dans cette direction.

Jamais il n'intima une telle vitesse à son sable. Une minute après s'être mis en route, il put mettre pied à terre, haletant. Il s'était mal rétabli de ses efforts matinaux…De plus, maintenant qu'il était loin de Shukaku, il lui était plus difficile de contrôler son chakra, tiraillé en permanence par les caprices du démon en furie.

Devant lui se dressait un bâtiment qu'il avait déjà contemplé, quelques jours auparavant. Cet immense palais de marbre, aux tours effilées comme des aiguilles, encadré par les statues des six Fondateurs…Il se trouvait, pour la seconde fois, face au centre d'Abysse, le lieu où siégeait Satan la Fondatrice. Il resta un moment immobile. Seth ne pouvait parler d'un autre lieu, en évoquant le « centre d'Abysse »…Mais maintenant, que fallait-il faire ?

Un détail, qu'il n'avait pas remarqué la première fois, attira son attention. La sculpture du toucan était dressée au-dessus de la porte principale, la plus grande, celle qui sautait aux yeux. Mais ce n'était pas la seule entrée. Sur les côtés, sous chacune des autres statues, il y avait une haute porte étroite, plus discrète. Il se dirigea vers celle, sur la façade située à la gauche du toucan, qui semblait gardée par un dragon aux têtes multiples. Il dut concentrer du chakra dans ses paumes pour parvenir à repousser le lourd panneau de pierre.

L'intérieur était autrement plus restreint que le couloir principale, mais le plafond en clé de voûte était tout aussi éloigné. En fait, le lieu ressemblait à un petit sanctuaire de marbre, faiblement éclairé par des fenêtres, percée en hauteur. Au centre de la salle se trouvait un vaste trône aux accoudoirs griffus, un peu plus petit que celui de Satan, et dépourvu de piédestal. Il était vide.

« APPELLE-LE PAR SON NOM ! »

Gaara prit son inspiration, et cria aussi fort qu'il put :

-HYDRE LE FONDATEUR !

Après quoi, épuisé par ses efforts, il se pencha en avant, les mains sur les genoux, à regarder les gouttes de sueur qui coulaient de son front se détacher lentement et tomber sur le sol.

-Un môme…Lâcha une voix traînante. C'te bordel, pour venir me faire chier à l'heure du repas, ça pouvait pas être autre chose, tien !

Le shinobi releva la tête. Un adolescent, vautré sur le large trône, le toisait avec mauvaise humeur. Il devait avoir dix-sept ans, du moins en apparence. Entièrement vêtu de noir, il portait également quelque chose qui ressemblait à une longue cape noire et épaisse, qui paraissait divisée en de multiples et larges cordons. Son visage était très fin, un peu cireux, et était d'autant plus pâle que ses cheveux coupés en brosse étaient sombres, parcourus de reflets verts. Une de ses oreilles était percée, et ornée d'un grand anneau d'or. Il y avait quelque chose de reptilien, dans ses yeux mobiles, qui pour le moment ne diffusaient qu'une mauvaise humeur un peu menaçante.

-Tss, devoir rappliquer à chaque fois qu'un petit crétin m'appelle dans ce sanctuaire de mes deux, tu parles d'un cadeau. Je la retiens, Sphinx, avec ses belles phrases et ses règles à la con ! Comme si j'étais bon qu'à ramener ma tronche à n'importe quelle heure de la nuit parce qu'un Secondaire a perdu son hochet…Toi, le gamin, t'as tout intérêt à me refiler une bonne excuse pour être venu dans les dix prochaines secondes. Les mioches, c'est comme les faibles et les cons : ils me les cassent !

Après avoir fait la connaissance de la maîtresse d'Abysse, ce démon-là paraissait tout à fait à sa place sur le trône de marbre. Aussi, sans manifester de surprise, il énonça son message le plus succinctement possible.

-Le démon Ying Long le Millénaire a été pris de pulsions meurtrières à l'extrémité Ouest d'Abysse. Quarante démons Millénaires sont sur place, en train de se battre.

Ces deux phrases suffirent à faire se redresser le monstre grec sur son siège. Il sauta à terre et s'approcha de Gaara. Le démon devait faire une tête et demi de plus que lui.

-Ying Long, marmonna-t-il, autant dire qu'on est dans la merde…Y a pas un con qui soit foutu de se débrouiller avec lui, parmi les Millénaires. Je suppose qu'ils ont tous pété les plombs quand le dragon a commencé à se battre. Et c'est à moi de m'y coller avant qu'ils nous démolissent toute la muraille. Pff…

Il se dirigea rapidement vers la sortie, aidé de son chakra, et s'élança en direction du champs de bataille. Gaara lui emboîta difficilement le pas. Les attaques de Shukaku, là-bas, le déconcentraient énormément dans ses efforts pour malaxer son chakra…

Arrivé sur le sommet de la muraille, Hydre contempla le sinistre en reniflant dédaigneusement. L'unique attaque de Ying Long continuait d'agir : Le sol vomissait des centaines de dragons qui harcelaient les combattants et explosaient contre la roche au milieu de gerbes d'eau. Certains démons gisaient à terre, blessés plus ou moins gravement, mais pour la plupart ils se démenaient comme des diables en poussant des hurlements d'illuminés et des cris de rage. De grosses volutes de poussière masquaient le terrain ravagé.

Gaara scruta les silhouettes inanimées du regard, et cru reconnaître, un peu à l'écart, une large forme recouverte d'un manteau brun. Mais aucune trace de Shukaku. D'après les brusques élancements, le long de ses méridiens, il devait toujours être en train de se battre…

-Bon, il doit être à peu près au centre. Supposa Hydre. Allez, here we go.

Une quantité fantastique de chakra monta en lui.

Lentement, les lourds cordons qui formaient la cape du Fondateur se soulevèrent, gorgés de chakra. Ils formèrent bientôt autour de sa tête une forêt de serpents noirs. Le flux d'énergie qui les traversait augmenta encore en puissance. Un sifflement bas, menaçant, monta de chacun des cordons. Leur extrémité se déforma soudain, dessinant un museau de reptile et une mâchoire garnie de crochets. Deux centaines d'yeux s'ouvrirent en même temps, d'innombrables petits yeux jaunes, féroces.

L'adolescent se laissa tomber du haut de la muraille.

L'effet fut fulgurant : Une bonne dizaine de démons furent projetés de tous côtés, la fumée parut se déchirer. Les multiples têtes de serpent partaient dans toutes les directions, coupaient chaque offensive, balayaient chaque adversaire.

Gaara sauta à terre à son tour. Que fallait-il faire, à présent ? L'autre n'avait probablement pas besoin de lui pour calmer la situation. Aussi décida-t-il de demeurer en retrait, et de surveiller les évènements.

Sans froncer un sourcil, Hydre parcourait rapidement le champs de bataille, regardant de tous côtés, enjambant les blessés sans faire attention à eux. Enfin, il s'immobilisa devant ce qui semblait être l'objectif de sa recherche.

La bave aux lèvres, les yeux exorbités, Ying Long était plus fou que jamais. Du sang frais parsemait son manteau, du sang qui pouvait être le sien autant que celui de ses victimes. Il était blessé, en certains endroits, mais ne paraissait pas s'en rendre compte. Son regard de dément restait fixé sur l'homme roux, à la peau sombre, acculé contre une roche, contre lequel il envoyait ses lianes de chakra bleu foncé.

Le démon chacal était en mauvaise posture : de nombreuses blessures parcouraient ses membres et son torse, son oreille droite pendait sur le côté, presque totalement arrachée, et sa cheville formait un angle inquiétant, sans doute brisée. Appuyé à la pierre, il s'efforçait de rester debout, tout en parant avec dextérité les assauts de son adversaire à l'aide de sa faucille, elle-même empreinte d'un flux de chakra couleur sable qui s'agitait sporadiquement.

A la vue du Fondateur, le dragon s'immobilisa. Il tourna lentement vers l'adolescent son visage convulsé par la folie. Seth le remarqua également.

-Pas trop tôt. Croassa-t-il avec mauvaise humeur.

Et il tomba à genoux en crachant du sang.

Ying Long, se désintéressant du démon huit fois Millénaire, envoya ses lianes de chakra en direction du Fondateur. Il continuait d'entonner ses paroles funestes, sa voix tremblante de rage.

-Le courant de la mort broie la roche et déchire les falaises ! Son flot impétueux traîne après lui les cadavres des démons ! Ressentez, oui, entonnez le chant de l'agonie ! Ressentez le courant de la mort !

L'autre ne remua pas. L'une de la centaine de têtes fouetta le vide, repoussa l'attaque.

-T'es bruyant. Tu fais chier. Répliqua succinctement le Fondateur.

Et il se jeta en avant. Les cordons noirs le protégèrent d'une nouvelle offensive. Le dragon Millénaire commença à esquisser des signes. Hydre réagit au quart de tour : douze têtes d'ébène s'allongèrent brusquement. Le démon bondit en arrière à la dernière seconde, mais dut interrompre son sortilège. Ses yeux flamboyaient. Sa lourde natte et ses vêtements se débattaient toujours, agités par le torrent de son énergie. Il commença à courir, si vite qu'on le discernait à peine, et tenta de prendre le Fondateur à revers.

Celui-ci, plus jeune par sa physionomie, était bien plus souple que le vieillard. Il sauta lestement sur une roche, repéra du coin de l'œil son adversaire. A sa gauche. Il s'aplatit au sol pour esquiver un dragon aqueux, que les cordons achevèrent de balayer. Une trentaine d'autres têtes se jetèrent sur Ying Long, qui bondit immédiatement dans les airs, propulsé par son chakra. Trois serpents atteignirent leur cible. Leurs crochets empoisonnés s'enfoncèrent profondément dans l'épaule du vieil homme. Celui-ci hurla de douleur. Une lame de chakra bleu s'abattit sur le cou des serpents. Hydre les retira en catastrophe, n'échappant que de justesse à une triple décapitation. Toujours dans les airs, le dragon Millénaire esquissa une série de signe, joignit les mains devant lui.

Il s'abattit sur le sol avant d'avoir pu ouvrir la bouche. Soixante serpents noirs l'avaient fouetté en même temps. Ils s'enroulèrent autour de ses jambes et de ses bras, le ficelèrent solidement.

Hydre chassa les rares gouttes de sueur qui perlaient sur son visage d'un revers de main, tout en considérant le vieillard qui gigotait furieusement sur le sol. La manœuvre l'avait à peine essoufflé. Sans se départir de son expression agacée, il fit un rapide geste de la main. Un soixante et unième serpent se détendit à son tour, s'approcha de la gorge de Ying Long. Celui-ci se débattit de plus belle. En pure perte. La tête de dragon s'approcha encore, ses mâchoires se refermèrent sur la petite bille de cristal, dans le cou du démon, et l'arracha d'un coup sec.

L'adolescent récupéra négligemment l'objet, et relâcha son étreinte sur le démon Millénaire. Les cordons retombèrent, privés de chakra, et partirent reformer la cape noire du Fondateur.

Dès l'instant où la sphère avait été arrachée à Ying Long, celui-ci avait cessé de se débattre, et sa technique Suiton de se déchaîner. Il resta un moment allongé sur le sol, avant de commencer enfin à se relever, très lentement, péniblement. Quand il tourna son visage vers Hydre, son regard était redevenu paisible et lointain, quoique un peu troublé.

-Qu'est-ce que tout cela ? Demanda-t-il en regardant vaguement autour de lui. Quelque grondement du destin, éveil brusque des puissances enfouies de la terre se serait-il déroulé sous mes yeux, au mépris de mon âme ?

Il remarqua le champs de bataille ravagé par son sortilège, les nombreux démons qui gisaient à terre en gémissant sourdement, ceux qui s'étaient immobilisés dès l'interruption du sort, indécis, et les rares qui continuaient à se battre. Il parut alors comprendre.

-Le vent de la folie emporte les âmes qui n'ont su trouver paix et harmonie en ce monde. Commenta-t-il. Je suis chagrin d'avoir provoqué, par la faiblesse de mon esprit, pareil cataclysme. J'implore votre pardon, seigneur Hydre, vénérable Fondateur.

-C'est ça, c'est ça. Grogna ledit vénérable Fondateur. Emmène le chacal voir Chimère, tu l'as bien amoché, on dirait. Après ça, tu vas rentrer chez toi et éviter de me faire chier pour le restant de la journée. J'te rendrai ton truc demain, quand je serai sûr que ton boulon s'est remis en place.

Un sortilège Raiton, envoyé au jugé par l'un des derniers combattants, se rua dans le dos du Fondateur. Il ne l'esquiva que de justesse, en s'effaçant en catastrophe sur le côté. Il se redressa, furieux, et frappa violemment son pied contre le sol. Une légère onde de choc parcourue l'ex clairière, figeant sur place les derniers démons déchaînés.

-MAIS ARRÊTEZ VOS CONNERIES, MERDE ! Embarquez les blessés et FOUTEZ-MOI LE CAMP ! Si je vois un seul estropié qui traîne hors des murs dans les dix prochaines secondes, je le soude à la muraille !

Les êtres démoniaques s'empressèrent de ramasser ceux qui étaient incapables de marcher, et de franchir à nouveau les murs de la cité. Ying Long se pencha difficilement, passa un bras autour des épaules de Seth, qui n'accepta l'aide qu'en jurant entre ses dents, et partit à son tour.

-Hey, gamin, tu veux pas m'aider à transporter ce poids lourd ?

Gaara se retourna brusquement. Shukaku, haletant, écorché en maints endroits, mais l'air très content de lui, traînait difficilement le corps massif de Baku à l'aide de son unique bras utilisable. Le dévoreur de rêves avait reçu une blessure sérieuse à la jambe, et ses efforts lui avaient fait perdre connaissance.

-Bah, c'est bon, il en a vu d'autres ! Le rassura le tanuki, en remarquant que son hôte examinait le blessé. On est habitué à ça, chez nous ! Par contre, c'est pas pour être méchant avec lui, mais y a des fois où il est vraiment très lourd ! Si tu pouvais le transporter avec ton sable, ça m'arrangerait bien !

Il marqua un temps de silence, le temps de dévisager le jeune shinobi des pieds à la tête. En le découvrant parfaitement intact, son sourire s'élargit d'un bon décamètre.

-En tous cas, belle performance, gamin ! Réussir à survivre au milieu d'une mêlée de démons, même si c'est pour aller se réfugier dans les jupes d'Hydre au bout de deux minutes, c'est pas mal du tout pour un humain !

Gaara ne répondit pas, ne sachant trop si ce commentaire devait être appelé une insulte, un compliment un peu moqueur ou une simple taquinerie. Il se contenta de former un nuage de sable sous l'esprit japonais, et de le soulever du sol.

Hydre le Fondateur, depuis un certain temps déjà, surveillait d'un œil attentif et pour le moins hargneux la retraite des démons. Au bout d'un moment, lassé, il forma un signe pour se téléporter, non sans marmonner au passage un :

-Y a des fois où je me dis que le monde existe rien que pour me faire chier…

La demeure de Baku était située assez loin au Nord. Shukaku et Gaara s'y dirigeaient sans se presser, en partie parce que le tanuki avait grand besoin de reprendre haleine.

-Wow ! S'exclama celui-ci au bout d'un moment. Les combats avec Ying Long, qu'est-ce que ça décoiffe !

Sans raison apparente, peut-être par simple excitation, il éclata de rire. Puis, comme pour illustrer son propos, il passa une main dans sa queue de cheval désordonnée.

Le Kazekage déchu était perplexe. Seth, au début de leur mission, avait affirmé être le plus âgé des démons présents. Pourtant, lors de son affrontement contre le dragon Millénaire, il s'était indéniablement fait écraser. Même Hydre, l'un des six Fondateurs d'Abysse, avait eu quelque difficulté à le maîtriser.

-Shukaku, se décida-t-il à dire, quel âge a Ying Long ?

L'interpellé ne répondit pas tout de suite. Il porta la main à son menton et observa pensivement le ciel, en pleine réflexion.

-3730…Répondit-il lentement. Ou 31, je sais plus.

Le garçon s'immobilisa. Trois millénaires ? Plus jeune que Sekhmet ? Comment était-ce possible ?

-Mais…Protesta-t-il. Dans ce cas, Seth est largement plus ancien que lui ! Comment se fait-il que…

-Certains démons…Sont naturellement plus puissants que d'autres. Il existe des démons Secondaires qui pourraient tenir tête aux Fondateur. C'est rare, vraiment très rare…Je t'expliquerai tout ça un jour, peut-être. Là, je crois que je suis plutôt d'humeur à pioncer tout l'après-midi ! J'ai du sommeil en retard.

Gaara n'insista pas. Ce n'était pas dans ses habitudes. Et puis, dans l'immédiat, il avait d'autres sujets de préoccupation que les critères de puissance des démons. Pendant sa mission matinale, et plus précisément durant sa discussion avec Baku, il pensait avoir trouvé la réponse à sa question. Mais tout de même…

Cette nuit, il allait encore falloir qu'il réfléchisse.


Et voilà, fini pour l'instant ! Quelques infos :

Baku : Esprit japonais bienfaisant (cherché exprès pour toi, Hitto-sama ! ), représenté avec un corps de cheval, des pattes de tigre et une tête de lion. Quand on se réveille après un cauchemar, on peut en appeler à Baku en disant « Baku, mange mon rêve ! », pour se rendormir et oublier son cauchemar !

Ying Long : En chinois, Ying Long désigne un dragon arrivé à maturité (3000 ans). C'est-à-dire qu'il possède désormais une ramure de cerf, qui lui permet d'entendre (les dragons plus jeunes sont sourds). Le dragon possède des écailles « bénéfiques » et un plus petit nombre d'écailles « maléfiques ». C'est donc une créature pacifique, bien qu'elle puisse se laisser aller à des fureurs dévastatrices. Mais il suffit, pour le rendre à nouveau complètement inoffensif, de lui prendre la perle qu'il garde toujours précieusement entre ses griffes !