L'ENFANT-DEMON

Auteur : Il y a des gens qui m'appellent Clem, d'autres plus rares qui m'appellent Kagi, et quelques uns qui ne m'appellent pas et me crient « ARRÊTE DE T'EXCUSER ! » (TT). Mais ici, on m'appelle Stingmon.

Genre : Action/Adventure, la poésie ne vient toujours pas TT. Bon, j'en ai déjà pondu quatre ou cinq, ça devrait aller, non ? En tous cas, promis, il y en aura au moins une autre dans…assez longtemps.

Disclaimer : Gaara n'est toujours pas à moi, c'est pas just-euh ! Shukaku n'est pas à moi non plus, malgré tous mes efforts. Enfin, tant pis, il y a plein de OC qui sont à moi !

Couples : Voyons…Pas de relation amoureuse entre Shukaku et le vieux moine du chapitre précédent.

Vote : Satan : 1 voix, Seth : 1 voix, Sekhmet : 2 voix et Hydre : 2 voix. Personne n'a voté ce coup-ci… :-( Allez, faut pas être timide, les démons d'Abysse ont reçu la formelle interdiction de tuer les votants !

Hydre : Ouais, et c'est très chiant même. Par contre, on m'a rien interdit concernant l'auteur…

Sekhmet : JE VEUX LA TÊTE ! JE VEUX LA TÊTE !

Moi s'enfuyant : TT

Réponse aux reviews : Neuf commentaires…Je suis émue merci merci merci ! (snif) Toute ma reconnaissance à Dragonwing4, Aalynn, Akemi Luo, yune-chan66 et les anonymes auxquels je réponds directement ! Merci à tous :-)

Kao : C'est trop gentil ! Mon style d'écriture est poétique, tu ne pouvais pas me faire de plus beau compliment ! (snif snif snif) Je suis contente que Shukaku te plaise (et vu la fréquence à laquelle j'en parle, c'est une très bonne nouvelle pour toi XD) Désolée pour le retard, j'espère que ce chapitre te plaira !

Zoé : Une nouvelle fan de Gaara :-) dans mes bras, on se comprend ! Je suis ravie que tu aimes la manière dont j'exploite Shukaku, et j'espère que ma fic te plaira jusqu'au bout !

Tsunade-sama : Contente de te revoir ! J'espère que les flash-backs ne t'ennuient pas trop, et je m'excuse de les faire si longs…Mais quitte à imaginer l'enfance de Shukaku, autant y aller jusqu'au bout, non ? Bref, bonne lecture et merci pour ton piti commentaire !

Tilwith : Merci pour ta review ! Je vais faire de mon mieux pour que ma fic reste intéressante !

Et voilà:-) ! Pour finir : JE M'EN FICHE DE CE QUE VOUS POUVEZ BIEN PENSER JE POSTERAI MES CHAPITRES QUAND JE VOUDRAIS MOUAHAHAHA ! Hem…Désolée, j'ai fait ça sur ordre de mon petit frère, qui ne peut plus supporter de me voir m'excuser (et oui, c'était lui plus haut TT). Bon, maintenant que je me suis acquittée de mon devoir de sœur, je peux dire que je suis vraiment pas fière de moi pour avoir traîné autant, je suis sincèrement désolée TT ! J'ai été assez occupée ces derniers temps.

Enfin, pour me faire pardonner, voici un gros pavé de vingt-cinq pages World ! Bonne lecture à tous et à toutes dans le…


Chapitre 10 : Sur le chemin, quand le sable danse

Une douce lumière s'infiltrait dans le temple, franchissant les étroites fenêtres. La flaque dorée s'étalait sur les planches auburn du sol, faisait s'élever dans l'air matinal une légère odeur de poussière et de bois frais. Elle s'éparpillait en pétales brillantes contre les murs nus, posait sa main chaleureuse sur la nuque de l'adolescent agenouillé.

L'aube pointait. Il était temps.

Shukaku laissa échapper un soupir. On l'avait enfermé dans ces cachots qu'il connaissait si bien pendant près de deux mois, un record qu'il n'avait encore jamais atteint. Dès sa sortie, il avait été conduit au temple sous bonne garde, et sommé d'attendre. Le tout sans explication.

Il y était resté complètement immobile la nuit entière, assis sur les talons face à l'autel, les mains sur les genoux, la tête humblement courbée. Son visage calme, qui en six ans avait gagné en longueur et en finesse, donnait une vague illusion de recueillement. Illusion qui aurait été irrémédiablement déchirée si quiconque avait pu explorer son esprit et surprendre le cours de ses pensées, à cet instant :

« Je me fais chier, je me fais chier, je me fais vraiment chier… »

Ses pieds engourdis lui faisaient l'effet d'être rongés par un bataillon de fourmis enragées, il tombait de sommeil, il en avait par-dessus la tête.

Pourtant, il n'esquissa pas un geste. Bien que ses yeux fussent clos, il avait conscience de la présence des moines animistes, agenouillés autour de lui, qui le surveillaient attentivement. Les regards lourds de méfiance pesaient sur lui. Mais c'était une réserve d'une autre nature que celle que le jeune démon avait connue jusqu'alors.

S'il tournait imperceptiblement la tête sur sa droite, s'il espaçait légèrement, très légèrement ses paupières l'une de l'autre, si peu qu'on distinguait à peine l'éclat doré de ses pupilles, il pouvait saisir et observer ces expressions sévères. Au-delà du mur de pierre que reflétaient leurs prunelles, et qui conférait à leurs visages une dureté impassible, il y avait de la crainte, il y avait ce regard perçant des gens qui vous jugent étrangers, qui vous déclarent inconnus. Il y était accoutumé. Mais, au-delà de cette crainte, il y avait autre chose, quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant.

Incertitude.

Quand, parfois, il surprenait ces hésitations, il détournait son propre regard, fermait les yeux et se remettait à somnoler, un sourire un peu moqueur sur les lèvres. Pourquoi, au fait ?

Fierté, sans doute. Quand il songeait au trouble dans lequel il avait plongé ses professeurs et Suna tout entier, la poigne enthousiaste qui lui saisissait le cœur ne pouvait se nommer que fierté. L'orgueil tout naturel qu'un adolescent de quatorze ans pouvait éprouver, ayant soulevé par ses seuls actes une vague d'incompréhension et de remise en cause.

Somme toute, il était très content de lui.

-Relève-toi, Shukaku. Nous avons à parler.

La voix grave du moine le tira de sa torpeur. L'adolescent se redressa, étira les bras devant lui et bâilla profondément. Il était toujours engourdi, mais dans l'ensemble plutôt en forme. Il se tourna vers l'homme qui s'était adressé à lui.

Trapu, la peau cuivrée par le soleil, son crâne osseux un rien bosselé, le nez rouge et tordu, probablement brisé au cours de la mise au point d'un sortilège expérimental, l'individu était l'un des plus influents professeurs de Suna. Sa grande maîtrise des arts Shinto, ainsi que ses talents de tacticien, faisaient de lui un individu respecté dans tout le pays. C'était fou ce qu'une tête déformée comme la sienne pouvait abriter de cervelle, comme le faisait malicieusement remarquer Shukaku, chaque fois qu'il en avait l'occasion.

Cet homme de force et de savoir avait pour nom Akasuna no Shinchôsa. Il était issu d'une grande famille respectable, si respectable que personne n'eût pu suspecter qu'elle fût promise, bien qu'elle l'ignorât encore, à un avenir aussi inattendu que retentissant. Mais cela n'a pas grande importance pour notre histoire.

Shinchôsa, donc, se tenait dans l'embrasure de la porte, les bras croisés. Un pli soucieux barrait son front d'ordinaire impassible.

-Vous autres, vous pouvez disposer, dit-il à l'adresse des moines présents.

Et, invitant l'adolescent à le suivre d'un vague geste de la main, il s'éloigna sans lui accorder un regard.

Shukaku resta un moment indécis. Mais le comportement de l'homme avait éveillé sa curiosité, aussi décida-t-il d'obéir. Il s'élança à l'extérieur, heureux de sentir à nouveau la lumière du soleil sur son visage.

Arrivé sur le seuil, il s'immobilisa. C'était toujours une légère surprise que de se rendre dans l'oasis de Suna. L'air était plus doux, plus humide, la lumière tamisée par les feuillages nimbait le sol vert d'un bel éclat doré. La végétation, foisonnant autour du point d'eau, libérait un parfum entêtant qui avait presque étourdi le jeune démon, la première fois qu'il s'y était rendu.

Les bruits, en ces lieux, étaient autrement plus nombreux que dans les dunes : il y avait le son clair et chantant de la fontaine servant aux purifications, le froissement des feuilles quand les animaux s'aventuraient par là pour se désaltérer au lac, la rumeur étrange des arbres qui chuchotaient entre eux…

Le garçon franchit l'arche peinte en rouge qui délimitait l'entrée du sanctuaire. L'herbe humide et élastique caressait la plante de ses pieds nus à chacun de ses pas. Oubliant sa fatigue, il esquissa une petite danse sautillante, en partie pour obéir à ce que lui dictait sa joyeuse humeur, mais aussi pour disperser les fourmillements qui couraient le long de ses jambes.

Ranimé par l'oasis, il poussa dans le calme environnant un hurlement déchaîné. De nombreux animaux tressaillirent et filèrent se réfugier, se croyant découvert par quelque prédateur.

-Tes vociférations troublent l'harmonie du lieu. Tais-toi donc et écoute le calme.

Shukaku s'interrompit et adressa une grimace au vieux professeur. Celui-ci se tenait face au lac, contemplant l'onde comme s'il cherchait à l'intérieur le miroir sacré du culte Shinto. Il n'aimait pas cette façon qu'avait Akasuna no Shinchôsa de ne jamais regarder ses interlocuteurs en face. Mais, pour l'heure, il était curieux d'entendre ce que le moine avait à dire.

-Ta nuit de méditation t'a-t-elle permis de réfléchir ? Commença-t-il.

Avec un sourire goguenard, le démon répliqua :

-Nan, j'ai dormi et je me suis fait chier. Et vous ? Vous allez toujours pas m'expliquer pourquoi on m'a foutu dans les cachots pendant tout ce temps ?

Moment de silence.

-Je crois que tu mérites certaines explications, en effet.

Cette réponse inattendue déstabilisa quelque peu l'adolescent, mais il fit comme si de rien n'était et se prépara à entendre la suite. Shinchôsa considérait un chacal, sur la rive opposée du lac, qui buvait à longs traits. Il reprit la parole :

-Tout d'abord, sache que nous avons remporté la guerre contre Heiya il y a une semaine.

-Sans blague ? Mais le village était assiégé il y a deux mois !

-La Bataille devant les Murs a été décisive pour la suite. Les rangs ennemis se sont fait décimer alors qu'ils effleuraient la victoire. Tu t'en souviens, bien sûr. Ils ont pris peur, et ont reculé sous nos assauts. D'après les dires des prisonniers, ils redoutent un esprit maudit qui hanterait les adversaires de notre pays. Une âme guerrière qu'ils nomment entre eux « l'Esprit du Sable »…

« Quoi qu'il en soit, la Bataille devant les Murs a été l'une de leurs dernières offensives. Ils se sont eux-mêmes déclarés vaincus, pourrait-on dire. Le pays de la Plaine rejoindra les terres conquises de Kaze sous peu.

Le tacticien marqua une nouvelle pause.

-Ce que l'on ne peut pas exclure, toutefois…C'est le rôle inattendu que tu as joué lors de cette bataille.

-Et c'est pour ça, parce que je vous ai sauvé la mise, que vous m'avez enfermé pendant deux mois ? Interrogea encore Shukaku, une pointe d'agacement perceptible dans sa voix.

-Certaines choses vont devoir changer, à présent, continua l'homme sans relever l'intervention. Pour toi en particulier. Rien n'est encore sûr, cependant…Nous pensons avoir trouvé quelqu'un qui assurera ton apprentissage.

L'adolescent haussa un sourcil, et s'approcha du vieil homme. Cela devenait intéressant.

-Un nouveau prof ?

-Son nom est Muya no Kashiwa. Et quand tu le rencontreras, j'ose espérer que tu lui témoigneras tout le respect qu'il mérite.

-Muya no Kashiwa ? Ouais, ça me dit quelque chose…C'est un pèlerin, c'est ça ?

Shinchôsa leva les yeux au ciel et laissa échapper un soupir las.

-Muya no Kashiwa est l'un des plus anciens moines shintoïstes de Suna, jeune ignorant. Il est également le plus puissant manipulateur de Juuinjutsu connu à ce jour. Il a inventé près de deux cents sortilèges, ainsi que quatre cents techniques de Genjutsu. Les sorts qu'il nous a laissés ont été une aide précieuse, durant la guerre.

« Il a quitté le village caché du sable voici déjà un certain temps, pour perfectionner ses arts. Cela fait maintenant trente ans qu'il voyage à travers le monde.

-Un pèlerin, quoi.

Encore une fois, le moine préféra ignorer la remarque du demi-démon.

-Il est revenu à Suna il y a deux jours, et nous lui avons parlé de ton cas. Cet homme a…de grandes connaissances concernant les démons. Jusqu'à présent, il n'a accepté d'enseigner qu'à un fort petit nombre de privilégiés. Il a pourtant demandé à te voir. Il jugera alors si tu es ou non digne de devenir son élève.

Shukaku se tut un moment. En temps normal, il ne se serait certainement pas privé d'une réplique sarcastique telle que « OK, je jugerai s'il est digne d'être mon prof ! ». Mais pour l'heure, son esprit s'abîmait dans de toutes autres réflexions.

« Cet homme a…de grandes connaissances concernant les démons. »

De grandes connaissances…Ces mots continuaient de résonner entre ses côtes comme un coup de gong, le faisaient frissonner jusqu'à la racine des cheveux.

Son intérêt pour les démons datait de sa toute jeune enfance, probablement depuis ce jour où un certain médecin dont il avait oublié le nom avait annoncé solennellement : « Cet être est marqué par le Diable. »

Eh bien ! Puisqu'il était un « être », un « monstre » destiné à devenir démon un jour, autant savoir précisément à quoi s'en tenir. Une curiosité croissante s'était élevée dans son cœur. Qu'était-ce au juste qu'un démon ? Un être fort, qui faisait fi des règles et des foules, qui agissait seul, selon sa fantaisie, qui voyageait, détruisait…sans qu'aucun obstacle au monde ne pût l'arrêter.

Tout à fait ce dont il rêvait.

Aussi avait-il été fort désappointé, le jour de son arrivée parmi les moines animistes, qu'on lui interdît formellement de consulter les ouvrages traitant du sujet. A la place, on lui mettait entre les mains, presque de force, de volumineux écrits parlant de Suna, des arts Shinto, de la géographie, des valeurs du culte Shinto, et divers autres livres d'apprentissage. Sa curiosité avait été exacerbée, alors que de nouveaux problèmes s'imposaient à lui, autrement plus hasardeux.

Comment au juste devenait-on un démon ?

Il avait tourné et retourné cette question pendant plusieurs années, croyant tout d'abord qu'il suffisait de devenir le plus puissant possible. Mais, à un moment donné, il avait pris conscience de sa naïveté : les moines l'entraînaient scrupuleusement, lui enseignaient de nouvelles techniques et veillaient à ce qu'il progressât rapidement. Or, leur plus grande angoisse était justement que l'Esprit du Sable devînt un jour un véritable démon.

D'où il en avait conclu qu'il existait un moyen précis pour accéder au stade de créature démoniaque, un moyen qu'il ignorait et que ses professeurs lui cachaient avec toutes les précautions possibles. Sa curiosité avait laissé place à l'impatience.

Il avait fait quelques tentatives pour dérober ces ouvrages. Avaient suivi de longues semaines dans les profondeurs des cachots, sans manger, buvant à peine. Ces fréquentes périodes de captivité l'avaient rendu un peu pâle, en comparaison des visages couleurs de brique qui l'entouraient. Pour souligner son mécontentement, il avait orné ses longs cheveux de symboles bleu sombre en forme de crochets. Ces traces encombraient si bien sa toison claire qu'on l'eût crue naturellement bicolore.

Après quelques essais infructueux, et beaucoup de sévères brimades, il s'était lassé de ses efforts. De sa rébellion il ne restait qu'une sourde frustration, ainsi que les marques bleu sombre, auxquelles il avait pris goût. Mais il n'avait pas pour autant abandonné l'idée de mettre fin un jour à son statut de « demi ».

Il décida que rencontrer ce Muya no Kashiwa pouvait s'avérer enrichissant.

-Je dois le voir quand ? Interrogea-t-il enfin.

-Dès maintenant, si tu es prêt. Il est en ce moment même en train de méditer à la lisière de l'oasis.

Et, sur ces dernières paroles, il s'éloigna de l'adolescent. Les yeux baissés, pensif, ses pas semblaient le mener machinalement vers le portail écarlate du temple.

Shukaku ne perdit pas de temps à réfléchir. Il se dirigea vivement vers la lisière de l'oasis sans prêter attention à ce qui l'entourait. Ce qu'il ressentait était ardu à décrire, un mélange de curiosité, d'excitation et d'étrange appréhension. Peut-être entrevoyait-il, sans en prendre conscience lui-même, le tournant qui se dessinait sans bruit sur son chemin.

Le froissement de la végétation et l'humidité de l'air l'accompagnèrent encore un moment, et puis ils s'interrompirent violemment. Presqu'en un instant, l'herbe devient sable, les sons devinrent silence, la lumière doubla d'intensité.

Le jeune démon considéra gaiement les dunes scintillantes, que le vent faisait bruisser et se mouvoir. Son désert lui avait manqué.

-Tu es donc ce demi-démon, Shukaku.

L'adolescent sursauta, se tourna vivement sur le côté. Un vieil homme était assis en tailleur sur une roche, le dos bien droit, les yeux paisiblement tournés vers les dunes jaunes. Autour de ses épaules était ramenée une cape usée par les ans et les intempéries. Un sac de voyage et un bâton de pèlerin s'appuyaient contre la pierre, à ses pieds.

En fait, il ne devait pas être réellement vieux. Son nom signifiait le Chêne du Brouillard, et on retrouvait bel et bien quelque chose des troncs massifs, dans ce dos robuste. Son visage, perçant, impénétrable, semblait taillé à la serpe tant les traits étaient durs. On lui aurait donné soixante ans. Ses grandes mains noueuses montraient qu'il était encore habile. Ses larges épaules voûtées proclamaient qu'il était encore fort.

Pourtant, il y avait en lui on ne savait quoi de maladif. Une ombre dans ses yeux d'aigle, quelques rides qui donnaient à son visage une fatigue dont son corps ne semblait pas encore souffrir.

L'homme jeta à Shukaku un bref regard agacé :

-Que fais-tu ici ?

-Vous avez demandé à me voir, répliqua l'autre en haussant les épaules.

-Je te prierai de ne pas déformer mes paroles, jeune démon. Jamais il ne me viendrait à l'esprit de demander à rencontrer une créature sans cervelle telle que toi. Il serait plus juste de dire qu'après maintes suppliques des shintoïstes de Suna, j'ai accepté de tolérer ta présence pour un moment.

La réponse surprit tellement l'adolescent qu'il en oublia de relever l'insulte. Le pèlerin avait récité tout cela d'une traite, sans méandre ni hésitation, comme l'aurait fait Shukaku lui-même. Il n'était pas habitué à des propos si directs dans la bouche d'un humain. Il garda le silence.

Cela dura un certain temps. Muya no Kashiwa semblait avoir oublié la présence du demi-démon, debout près de lui. Il regardait les dunes en méditant, ses yeux se promenaient sur le décor. Et Shukaku demeurait immobile, la tête légèrement penchée sur le côté. Il attendait, sans trop savoir quoi.

-Les moines de Suna assurent ta formation, n'est-ce pas ? Interrogea-t-il brusquement.

Le garçon acquiesça.

-Les appelles-tu « professeur » ?

-C'est bizarre, comme question, rétorqua l'autre.

-Dis plutôt que tu ne la comprends pas.

Shukaku était maintenant sérieusement déconcerté.

-Quelques uns, les moins débiles, se décida-t-il à répondre, et votre question est quand même bizarre.

-Les appelles-tu « Maîtres » ?

L'adolescent ouvrit de grands yeux, puis éclata de rire.

-Bien sûr que non, ils sont plus faibles que moi ! A quoi ça servirait ?

Muya no Kashiwa poussa un long soupir. Il se laissa glisser à bas de son rocher, récupéra son bâton. Son regard parcourut le ciel, comme s'il cherchait à déterminer l'avancée de la mâtinée. Il farfouilla ensuite dans sa besace, les sourcils froncés, marmonnant quelque chose comme « bientôt plus de vivre…devrais passer par le village… » Enfin, il daigna se tourner vers le demi-démon :

-C'est d'une importance capitale, au contraire. J'ai accepté de te voir car certains ici placent des espoirs en toi. Personnellement, quelques minutes passées en ta présence me prouvent que tu n'es rien d'autre qu'un méprisable démon comme j'en ai déjà vu tant. Tu es trop arrogant pour témoigner du respect à quiconque, comment pourras-tu jamais devenir mon élève ?

« J'ignore les raisons qui t'ont fait agir lors de la Bataille devant les Murs, et je m'en désintéresse. Si tu viens vers moi sans souhaiter écouter mes paroles, il est hors de question que je perde mon temps avec toi.

Sur ces mots, il s'éloigna en direction du village. Ses épaisses sandales, élimées par les voyages, s'enfonçaient dans le sable tiède à chaque pas, sans troubler l'assurance de sa démarche.

-Hey, attendez ! S'exclama Shukaku en s'élançant à sa poursuite.

Il le rattrapa sans peine, et se plaça sur sa route avec un sourire goguenard. Cet homme jouait cartes sur table. Il n'était que trop heureux d'en faire autant.

-Vous savez des choses sur les démons, non ?

-C'est pour cette raison que tu t'es donné la peine de venir ? Demanda l'autre avec lassitude.

L'adolescent hocha vigoureusement la tête.

-Tu es toi-même un démon. Qu'ai-je à t'apprendre à leur sujet ?

-Les moines m'interdisent de me renseigner sur eux, marmonna Shukaku à contrecœur.

-Je vois. Donc, tu comptes me harceler jusqu'à ce que je te délivre les informations que tu souhaites, quitte à désobéir aux ordres qui t'ont été donnés.

Nouveau hochement de tête.

Le pèlerin leva les yeux au ciel. Sans un mot, il rouvrit sa besace et explora son contenu. Il en tirait divers rouleaux, les examinait un moment, les rangeait à leur place. Il s'attarda davantage sur deux rouleaux noirs et rouges, larges et courts. Ses grandes mains les manipulèrent avec précaution, et il prit un air satisfait.

Il jeta les deux objets à l'adolescent, qui les reçut avec stupéfaction.

-Qu'est-ce que…

-Tout ce que tu cherches se trouve dans ces rouleaux, coupa le vieil homme. A présent, laisse-moi tranquille.

Il partit sans un regard en arrière. Shukaku resta de longues minutes pétrifié. Il n'en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. Il s'était attendu à tout, absolument tout, mais certainement pas à un discours si tranchant. Ses mains fines serraient convulsivement les deux rouleaux qui lui avaient été confiés.

Il baissa les yeux vers eux, entrouvrit le plus volumineux afin de lire le titre : Les démons à travers l'Histoire . Le second s'intitulait plus sobrement : Le démon, un ennemi. Que faisaient ces bouquins dans le sac de voyage d'un pèlerin ? Et pourquoi les donner à un demi-démon, comme ça, sur un coup de tête ? Il releva la tête et surveilla les mouvements de Muya no Kashiwa avec une curiosité attentive.

Ses losanges dorés suivirent le dos de l'homme durant toute sa progression vers le village, des kilomètres plus loin. Il y avait longtemps qu'il ne percevait plus le faible bruit de ses pas dans le sable. Il l'observa s'approcher des murs, s'entretenir nonchalamment avec le garde. Celui-ci s'inclina profondément et s'empressa d'ouvrir les portes du village. Le pèlerin s'engagea dans l'ouverture.

Un instant avant que les lourds battants de pierre ne se refermassent sur lui, il tourna son regard vers les dunes, dans son dos. L'adolescent aurait juré que ses yeux perçants devinaient son propre regard, ce regard de démon qui l'épiait à cette distance infernale, et qu'ils le soutenaient.

« Bizarre, ce gars », songea-t-il.


La journée qui suivit passa à une vitesse ahurissante aux yeux du jeune démon. Jamais il ne se serait cru capable de se plonger dans la lecture au point de perdre toute notion du temps.

Ces rouleaux expliquaient tout. L'histoire des démons, leurs pouvoirs, la manière dont on déterminait leur nature…Tout était passionnant. Et puis, bien sûr, il y avait enfin la réponse à sa question. Le secret qui lui ouvrirait les portes vers le statut démoniaque. Le secret qui lui rendrait enfin son identité. Le secret qui l'arracherait à son statut de « demi ».

-Un sacrifice de six humains en hommage aux Six démons Fondateurs, récita-t-il à mi-voix, un don de sang, un sortilège, prêter serment. Ca a l'air si simple…

Le Serment. Le voir écrit, là, devant lui, couché sur le papier jaunâtre, le faisait frémir. Impatience ? Inquiétude ? Excitation ? Angoisse ?

Je jure de tout protéger

Et je jure de guérir

Je le jure sur mon sang

Je jure de périr

Et jure de tuer

Je le jure sur le démon que je suis

Je jure d'oublier

Et jure de détruire

Je le jure sur ma haine

Je jure d'oublier

Mon humanité si ancienne

Je le jure sur mon ressentiment

Et sur le démon que je suis

Il avait enfin la réponse. Ce n'était même pas difficile à réaliser. Pourtant, il ne ressentait pas l'ivresse triomphale à laquelle il s'était attendu. Ses pensées revenaient de plus en plus fréquemment s'attarder sur les paroles de Muya no Kashiwa.

Pensif, il referma le rouleau et le posa à côté de lui. Son regard vagabonda sur le décor ocre et austère, devant lui, que la chaleur faisait trembloter. Il s'était réfugié non loin des falaises, dans une étroite caverne de la roche. On était déjà en plein après-midi. Le sable, sous ses pieds, brûlait tel un tapis de braises. Il s'en apercevait à peine.

L'adolescent porta la main à son pendentif, et le fit lentement tourner entre ses doigts. C'était une habitude qu'il avait prise récemment. Le métal frais et lisse avait quelque chose de curieusement réconfortant. Il le fit miroiter à la lumière du soleil, et se mit à réfléchir.

Le pèlerin n'avait pas exactement été aimable avec lui. En fait, il lui avait clairement fait savoir la profondeur de son mépris. Et pourtant, il lui avait parlé directement, d'égal à égal, usant d'une franchise qu'il n'aurait jamais suspectée de la part d'un humain.

Les mensonges…Cela semblait être un jeu des humains pour le tourmenter. Evidemment, tous les habitants de Suna connaissaient cette faille dans l'âme des démons. Ils l'exploitaient allègrement.

Mentir pour l'éloigner.

Mentir pour le pousser à obéir.

Mentir pour se servir de lui.

Mentir pour le faire taire.

Mentir par jeu.

Mentir par crainte.

Mentir pour ne pas se donner la peine de dire la vérité.

Mentir parce que lui en était incapable.

Mentir, mentir, mentir, mentir, mentir, mentir.

Même certains moines shintoïstes l'avaient déjà trompé délibérément. Pour des gens qui prônaient la sincérité intérieure, ce n'était vraiment pas glorieux. Alors, cet homme qui le méprisait, pourquoi s'était-il montré si franc ? C'était un véritable paradoxe aux yeux de Shukaku.

« Si tu viens vers moi sans souhaiter écouter mes paroles, il est hors de question que je perde mon temps avec toi. »

L'adolescent médita cette phrase un long moment encore. Puis, il sauta sur ses pieds et se mit à rire. Un rire clair, joyeux.

Eh bien d'accord !


Le jour suivant, il se tenait perché au sommet des murailles, et sondait du regard le village tout entier. En bas, des cris offusqués, ainsi que quelques hurlements de terreur, avaient commencé à retentir. Les passants remarquaient l'adolescent goguenard, les jambes pendant dans le vide, qui les surveillait ironiquement, et ne paraissaient pas y prendre goût. Shukaku s'amusa un moment aux dépends des habitants, répondant aux cris apeurés par des vérités bien senties et souvent inimprimables, mais il se lassa vite.

Suna s'était encore développé. La guerre l'avait momentanément affaibli, mais leur récente victoire, ainsi que les nouveaux territoires qu'ils avaient conquis, avaient suscité un sursaut d'orgueil chez les habitants. Fier peuple du désert. L'honneur sera toujours le centre de tes querelles.

Les tentacules de roches, reliés au bâtiment central, s'étaient encore étendus. L'immense sphère de pierre s'élevait au-dessus de la ville, projetait ses longs bras de tous côtés, se dressait fièrement. Le village caché de Kaze no Kuni devenait une véritable cité.

Le garçon se redressa avec un petit cri joyeux. Il venait de remarquer, à l'extrémité opposée du village, une vieille cape élimée qui capta immédiatement son attention. Il bondit dans les airs, se réceptionna sur un petit nuage de sable et se laissa emmener jusqu'à son objectif.

-Encore toi, constata Muya no Kashiwa, alors que le jeune démon se laissait tomber à côté de lui.

Son sac semblait plus rempli qu'auparavant. Shukaku en déduisit qu'il s'était réapprovisionné. Le pèlerin déambulait maintenant le long de rues désertes, respirant l'odeur de poussière avec une calme nostalgie.

-As-tu trouvé ce que tu cherchais ?

-Ouais ! D'après leur classification, je suis un démon tanuki.

Il avait dit cette dernière phrase avec circonspection. Il ne se voyait pas vraiment en tanuki.

-Dans ce cas, pourquoi être revenu dans mes jambes ? Interrogea le vieil homme en soupirant.

-Il y a encore des choses que je veux savoir, répliqua Shukaku sans se départir de son sourire.

Sans qu'il en prît réellement conscience, une avidité croissante s'était formée dans son cœur. Il était en face de quelqu'un qui ne mentait pas. Il se sentait pareil à un prisonnier, qui jusque là n'a pu voir le jour que depuis des fenêtres opaques, et à qui on présente brusquement une ouverture sur l'extérieur. Avide de savoir. Avide de différencier la vérité du mensonge.

-Je n'ai pas l'intention de te supporter encore aujourd'hui, jeune démon. Je n'ai que mépris pour les représentants de ta race.

-Si vous les détestez tant que ça, pourquoi vous avez ces deux rouleaux sur vous ?

-Je me renseigne sur les êtres tels que toi, dit-il sereinement, car il est important de connaître son ennemi.

Il garda le silence un moment, les yeux levés au ciel, perdu dans ses souvenirs.

-Les démons sont des créatures dangereuses autant que méprisables. Lors de mes voyages, j'ai tué un grand nombre de demis comme toi.

Shukaku sursauta. Une vague de défiance s'empara de lui. Mais elle laissa bien vite place à son tempérament railleur. Il éclata d'un rire ironique.

-Alors les moines ont envoyé un croulant pour me faire la peau, c'est ça ? C'est pas gagné !

Il s'apprêtait à déverser toutes les paroles irrespectueuses que sa malice lui inspirait, mais la réponse du pèlerin le coupa dans son élan :

-J'aurais préféré qu'ils me le demandent. Un démon mort est un problème de moins. Ces gens, au contraire, pensent que tu peux te révéler utile pour leur village. Ton intervention lors de la guerre aura été la cause de ce projet.

« Quoi qu'il en soit, ils m'ont supplié de poursuivre ton apprentissage. C'est réellement agaçant. T'enseigner la discipline est l'une des dernières choses que je souhaite faire, et je songeais à rester ici pour prendre ma retraite. Tous ces sortilèges commencent à peser sur ma santé.

Il ajouta à voix basse, davantage pour lui-même que pour son interlocuteur :

-Je rends au Juuinjutsu ce qu'il m'a donné, semble-t-il. Je me demande…

-Vous êtes bizarre, comme moine ! Si vous pouvez pas me piffer, pourquoi vous avez accepté de me voir ? Et si vous êtes bon pour la retraite, pourquoi on vous a demandé de m'enseigner ?

-Ne t'a-t-on donc jamais appris à te taire ? Soupira le pèlerin, exaspéré. Que diable faut-il faire pour échapper à tes jérémiades ?

-A vous de trouver ! Répliqua l'autre en lui adressant un sourire rayonnant.

Muya no Kashiwa resta interdit. Ils se tenaient maintenant face à face, lui les bras croisés, bien droit, moqueur et plein de défi. Le vieil homme secoua la tête avec agacement, et s'adossa à un mur arrondi. Il y demeura un moment les yeux fermés, profitant peut-être de l'appui que lui procurait la paroi de pierre lisse. Enfin, il rouvrit les yeux, et leva vers Shukaku un regard plissé par la concentration.

-Bien, il ne me reste plus qu'à tenter de faire fonctionner tes méninges, semble-t-il. Réfléchis donc à ceci, et ne reviens me voir que lorsque tu seras certain, certain jusqu'au plus profond de ton âme, d'avoir trouvé une réponse satisfaisante : pourquoi désires-tu devenir un démon ?

Le garçon ouvrit de grands yeux interloqués, ce qui parut convenir au pèlerin. Il tourna les talons et repartit se perdre dans le dédale des ruelles. Le jeune démon le regarda s'éloigner, sans cette fois songer à le retenir.


Quelques jours s'écoulèrent encore. Shukaku s'entraînait, révisant les techniques qu'il n'avait pu mettre en pratique pendant ces deux longs mois de captivité. Mais même ses sortilèges étaient insuffisants pour savourer la sensation de liberté qui l'envahissait, aussi se désintéressa-t-il rapidement des rouleaux de techniques ouverts devant lui. Il se releva vivement, et poussa un long hurlement joyeux. Aucun bruit agaçant ne lui répondit. Evidemment, puisqu'il se trouvait au milieu des dunes, à l'écart des falaises, à l'écart de l'oasis et à l'écart du village, perdu au milieu d'un océan sec et doré.

Son pied frappa le sol poudreux à plusieurs reprises, et il laissa le vent s'enrouler entour de lui. La brise emportait avec elle de nombreux grains de sable, les dunes immenses semblaient onduler autour de lui, et il aimait ça. Alors, sans raison, par pur plaisir, il se mit à danser. Son corps s'arquait, ses mouvements s'accéléraient, se mêlaient au vent, au sable, au désert tout entier. Il ne savait pas exactement si un puissant démon était supposé se livrer à ce genre d'activité, mais il aimait ça. Alors il dansait.

Un démon, c'est avant tout quelqu'un de suffisamment fort pour pouvoir faire tout ce qu'il aime, non ?

-Si tu laisses tes rouleaux ouverts dans le sable, tu vas finir par les perdre, le réprimanda une voix derrière lui. Il est effrayant de voir que même les professeurs faits d'encre, tu n'as pour eux aucune considération.

Shukaku s'interrompit immédiatement, et fit volte-face. Muya no Kashiwa se tenait non loin de lui, et époussetait les livres de techniques qu'il venait de ramasser.

-Je vous ai pas entendu arriver, marmonna-t-il, frustré.

-Si tu savais le nombre de demis que j'ai surpris de la sorte…Répondit tranquillement le pèlerin.

Il s'assit en tailleur sur le sable, et se mit à lire le contenu d'un rouleau. Le tanuki hésita un moment, puis il s'installa avec décontraction, à quelques mètres du vieil homme, un bras appuyé sur le sol, l'autre posé sur son genou. Le moine paraissait absorbé dans sa lecture, et ne fit pas attention à lui.

-Je croyais que vous détestiez les démons, dit-il en ricanant, qu'est-ce que vous foutez là ?

-As-tu réfléchis au problème que je t'ai posé ? Fit l'autre, sans lever les yeux.

-Ca servait à rien. Je sais pourquoi je veux devenir un démon.

-Tu ne réponds pas à ma question.

Shukaku grogna. Il ne se laissait pas avoir, décidément.

-Oui, j'y ai réfléchi, soupira-t-il.

« Mais ça servait à rien, ajouta-t-il précipitamment en notant la brève lueur de triomphe dans le regard du pèlerin.

-Et à quelle conclusion es-tu parvenu ?

L'adolescent haussa les épaules.

-C'est chiant d'être un demi. En plus, comme je suis marqué par le Diable, il faudra bien que je devienne un démon un jour.

-Voilà un raisonnement des plus stupides, je te reconnais bien là. Ainsi, selon toi, devenir un être démoniaque est ta seule possibilité ?

Shukaku hésita, légèrement surpris.

-Peut-être, j'en sais rien…En tous cas, seule possibilité ou pas, elle me plaît bien !

Muya no Kashiwa secoua la tête d'un air las. Il se leva lentement.

-Tu es bien ignorant. Enfin, au fond il n'y a que toi que cela regarde. Si tu n'as rien d'autre à dire, je suppose qu'il ne me reste plus qu'à ramener ces objets avant que tu ne les perdes à nouveau.

-J'ai !

-Plaît-il ?

-J'ai encore des trucs à demander, répéta joyeusement le garçon.

Il se redressa lestement, et toisa le vieil homme. L'intérêt était clairement visible sur ses traits fins, qu'inondait le puissant éclat du soleil. Ses losanges dorés s'étaient agrandis dans l'orbe noir des pupilles, et on n'aurait su dire s'il avait l'air d'un monstre, ou d'un jeune adolescent de quatorze ans.

-Vous êtes un pèlerin, pas vrai ? Donc vous avez beaucoup voyagé ?

Le shintoïste haussa les sourcils. Pendant un court instant, l'ombre d'un sourire apparut sur son visage sévère.

-Alors tu souhaites passer ta journée à entendre les radotages d'un vieillard ? Te sens-tu seulement capable d'écouter mes paroles ?

-Ouais ! Approuva Shukaku avec assurance et sincérité.

Comme à son habitude…


La journée passa trop rapidement au goût du jeune démon. Muya no Kashiwa semblait ne jamais devoir manquer de paysages à décrire, de peuples à dépeindre, d'arts à expliquer, de combats à faire revivre. Plusieurs fois, le vieil homme s'était interrompu et avait fait mine de rentrer au village, mais toujours Shukaku s'y opposait, avec une précipitation croissante, et le pressait de continuer.

Le garçon était comme envoûté. Lui qui n'avait jamais rien connu d'autre que son village et les collines claires, ardentes, immobiles de son désert, il entrevoyait avec ébahissement des forêts grandes comme un pays, où il pleuvait presque tous les jours, où l'on ne pouvait faire un pas sans croiser quelque animal. Le sol était élastique, l'air moite, les arbres si hauts qu'on ne voyait qu'un amas confus de feuillage, en levant les yeux au ciel.

Il existait donc, dans ces contrées lointaines, des lacs plus grands que son désert, d'interminables lacs d'eau salée d'où s'élevaient des dunes mouvantes, fangeuses, féroces, capables de broyer les navires. Des lieux où, quand l'on regardait droit devant soi, et même avec des yeux d'or fondu, on ne distinguait rien d'autre que l'étendue bleue infinie se confondant avec le ciel.

Il y avait donc, au-delà des frontières de Kaze, des pays où il faisait toujours froid, même dans les plus hautes heures du soleil. Il y tombait des fragments froids et humides, qui étaient de l'eau sans en avoir l'apparence, qui étaient blancs, doux, friables, glacés, et qui fondaient lentement au contact de la peau humaine. Il en tombait parfois de telles quantités qu'on ne voyait plus le sol ni les routes, que la neige, car on l'appelait ainsi, recouvrait la terre d'un immense linceul, à perte de vue.

Dans la bouche d'un autre, Shukaku aurait eu bien du mal à croire ces merveilles. Mais Muya no Kashiwa énonçait tout cela patiemment, naturellement, en s'appliquant tout de même à imager ses paroles pour qu'un habitant du désert pût se les figurer. Ils ne remarquèrent pas le soir qui tombait, ni la fraicheur de la nuit qui descendait lentement jusqu'à terre, ni les éclats pourpres et flamboyants que déversait le crépuscule. L'adolescent réalisait à peine qu'il n'avait encore jamais manifesté tant d'attention pour quelqu'un. Il se sentait insatiable. Son esprit débordait d'images nouvelles, et il en voulait encore davantage. Il harcela le pèlerin de questions, le pressa de décrire ses batailles.

Depuis quelques temps, le vieil homme ne s'interrompait plus pour mettre fin à leur entretien, mais davantage pour exacerber la soif d'apprendre du garçon, et ainsi le pousser à poser de nouvelles questions. On pouvait noter qu'un mince sourire flottait sur ses lèvres, alors qu'il déroulait patiemment l'écheveau de ses souvenirs.

Il dépeignit les guerriers des autres pays, qui se battaient à l'aide de petits couteaux cachés sous leur manche, de longs sabres à la garde sertie de joyaux. Il décrivit des armées entières qui bataillaient à cheval, dont les bruits de sabots semblaient naître du fracas du tonnerre, qui soulevaient dans les vallées d'épais nuages à l'odeur de sang, de métal et de cendre. Il lui parla de minuscules aiguilles qu'on ne voyait ni n'entendait, quand elles venaient vous percer la chair. Et, bien sûr, il lui parla des démons.

Les véritables démons, tout d'abord. Il lui présenta des êtres immenses, doués de parole, mais à l'apparence animale, qui broyaient des cités entières de leurs pattes et léchaient à même le sol les fleuves de sang. Kashiwa en parlait avec dans la voix un clair accent de mépris.

Et puis il en vint aux demi-démons. Parfois d'inhumains vieillards, recroquevillés sur leur pouvoir comme des larves sur une charogne, creux de corps, vide d'âme. Mais surtout, il parla de jeunes êtres ivres de force et de haine, qui ne marchaient que pour tuer, qui ne parlaient que pour maudire, qui ne tendaient la main que pour briser, qui ne vivaient que pour périr. De jeunes personnes qui en appelaient au feu ou à l'eau, qui fendaient la terre d'un mouvement de bras. Des enfants qui tuaient ce qu'ils fixaient trop longtemps, qui empoisonnaient ce qu'ils touchaient.

A ce dernier mot, il remonta l'un de ses manches, et présenta au jeune garçon son avant-bras.

-Il s'agissait d'une petite fille, dit-il d'une voix égale, elle ne devait pas avoir plus de huit ans, et n'avait jamais reçu de nom. Elle s'appelait elle-même Ashura. Je l'ai tuée à la suite d'une demi-journée de bataille. Ce fut de peu qu'elle n'emportât ce bras avec elle…

Shukaku se pencha, et un léger frisson lui parcourut l'échine. La peau mat du pèlerin, barrée de fines cicatrices, présentait au niveau de l'avant-bras une hideuse déformation, un creux où la chair cerclait directement l'os. Cette dépression était d'une couleur sombre, répugnante, vaguement violette. On y reconnaissait clairement les empreintes d'une main d'enfant, fine, crispée, mortelle. Autour de la plaie se trouvait un nombre impressionnant de sceaux et de sortilèges, qui semblaient destinés à stopper la progression du poison.

-Même après l'application du sceau, il m'a fallu trois ans pour recouvrir pleinement l'usage de ma main gauche. Donner la chasse aux démons comporte ce genre de risques. Celle-là s'est montrée particulièrement véhémente. Elle criait beaucoup.

-Elle criait ? Répéta Shukaku, les sourcils froncés.

-Elle appelait à l'aide, murmura le pèlerin.

Il avait couvert la marque de sa manche, et avait baissé la tête mélancoliquement.

-Vous la haïssiez ?

-Je haïssais son choix.

L'adolescent croisa les bras, et annonça avec le plus grand sérieux :

-Dans ce cas, vous me mentez depuis le début. Vous ne détestez pas les démons.

-Cesseras-tu de m'accuser à tort et à travers, et de déformer mes paroles ? Se récria aussitôt Kashiwa. Je déteste les démons, je l'ai dit, et je le maintiens. Un démon n'est rien d'autre qu'un humain, mais un humain qui possède des caractères lui permettant de devenir un monstre, et que l'on appelle la Marque du Diable. Ces demis choisissent automatiquement de détruire et de tuer, ils abandonnent leur humanité comme une peau morte. Voilà pourquoi je les méprise.

Il inspira profondément, et reprit sur un ton plus serein :

-Tu m'as dit tout à l'heure que tu étais destiné à devenir un démon. Cependant, si tu ne prononces pas le Serment, tu resteras tel que tu es. As-tu déjà songé à cela ?

-C'est chiant d'être un demi, marmonna l'adolescent en secouant la tête. Je peux pas faire ce que je veux, on me ment pour se servir de moi, je vivrai pas longtemps. Les démons sont immortels, et ils se laissent pas marcher dessus. Ca gênera personne, de toutes façons, les humains veulent pas de moi.

-As-tu jamais fais quoi que ce soit qui mérite que l'on t'accepte ?

La question le prit de cours. Il resta un long moment silencieux, à se torturer l'esprit pour dénicher une réponse.

-Bah, récemment, répondit-il enfin, il y a bien eu la Bataille devant les Murs…

-Exactement, approuva le pèlerin. J'ignore quels ont été tes motifs, mais cette victoire aurait été hasardeuse sans ton intervention. Si je ne me trompe, ce fut la première fois que tu agis pour le bien de ton village. Et quelle a été leur réaction ? Une totale remise en cause. Comme je te l'ai déjà dit, les moines commencent à placer des espoirs en toi. Tu aurais pu décider de tourner tes attaques sur Suna, ce jour-là. Tu aurais alors acquis une solide réputation de monstre sanguinaire, comme tu le souhaitais. Il t'a suffit de faire ce choix pour gagner une certaine reconnaissance, mais surtout une nouvelle chance.

Shukaku ne dit mot, presque étourdi par ces étranges paroles. Au son de reconnaissance, il sursauta et porta la main à sa chaîne d'or, troublé. Il manipula un moment le pendentif, à travers le tissu de son kimono. Puis il prit conscience du regard de Muya no Kashiwa, qui le surveillait du coin de l'œil à la lumière déclinante, et il s'efforça de reprendre contenance.

-Une nouvelle chance ? Interrogea-t-il. De quoi vous parlez ?

Depuis un certain temps, le pèlerin s'était assis en tailleur, forçant le garçon à s'accroupir pour rester à sa hauteur. Il resta immobile un long moment, les mains sur les genoux, les yeux clos, profitant de la brise plus fraîche du soir.

-Tu as dit très justement que les démons étaient éternels, reprit-il enfin, mais les humains peuvent également accéder à l'immortalité. Il est certes plus dur d'y parvenir, mais c'est une éternité plus solide, et autrement plus désirable.

« Car qu'est-ce au juste que cette éternité démoniaque ? Être craint et maudit jusqu'à la fin des temps, vivre pour toujours sous l'apparence d'une bête sans cervelle ? Les démons perdent leurs âmes, et leur corps déformé par les maléfices perdure.

« Les hommes, eux, se débarrassent de leur lourde enveloppe corporelle, et distribuent leurs âmes aux générations futures. Pour ce faire, il leur faut affronter mille épreuves, sauver des vies, gagner des batailles, venir en aide au genre humain. Alors la reconnaissance de leurs semblables devient si forte qu'elle passe les siècles. Ces immortels se nomment des héros.

« Toi-même, avec la puissance que te confère ta Marque du Diable, il t'est possible de devenir un humain éternel. Voilà ta nouvelle chance. En fait, il ne te manque que la volonté et la cervelle. Mais elle, on l'acquiert rapidement en étudiant de façon rigoureuse.

Le vieil homme s'étira et bailla profondément. Il se redressa sans précipitation, et considéra le ciel noir avec une légère surprise. Finalement, il haussa les épaules, et se dirigea lentement vers les murs du village, au loin.

-Notre nature ne détermine pas notre vie à l'avance. Tout dépend de la voie que nous prenons. Je méprise les démons, non pas pour ce qu'ils sont, mais parce qu'ils ont choisi la voie la plus vile. Nos décisions ont bien plus de poids que tu ne sembles le croire, Shukaku.

-Vous partez ? Demanda celui-ci.

Il hésitait à le retenir. Sa tête bourdonnait d'avoir emmagasiné tant de phrases. Il avait besoin de réfléchir à tout cela. Et puis, il commençait à avoir sommeil.

-Demain, j'aurais quelque chose à te montrer, lui parvint la voix lointaine du moine. Il serait temps que tu prennes une décision. Reviens au même endroit, et nous terminerons cette conversation. Bien sûr, si tu me témoignes suffisamment de respect pour cela.

Une phrase en particulier réanima son esprit embrumé. Il y songea avec une certaine surprise. Prends une décision. Une douce sensation de chaleur naquit d'entre ses côtes. Il leva gaiement la tête vers le vieil homme, et acquiesça :

-J'y serai, Maître.

Muya no Kashiwa, qui s'était retourné pour accueillir sa réponse, lui adressa un bref signe de la main, et partit s'enfoncer dans le désert. Son sourire s'était élargi.


Shukaku s'élançait à travers les dunes, mi-courant mi-dansant, heureux comme il l'avait rarement été. Il poussait fréquemment des hurlements suraigus, sans raison, dans l'unique objectif d'animer un peu la silencieuse atmosphère matinale. Sa queue de cheval touffue fouettait le vide derrière lui, ses pieds ne faisaient qu'effleurer le sable, il lui semblait qu'il volait au gré du vent.

Il pouvait sans mal se repérer dans son désert, aussi trouva-t-il rapidement le lieu de rendez-vous. Muya no Kashiwa s'y trouvait déjà. Assis en tailleur, penché en avant, il paraissait absorbé à quelque ouvrage. Il leva légèrement les yeux à l'arrivée du démon. Il planait dans son regard une ombre maladive.

-Comme d'habitude, tu es bien bruyant…

-Ouais ! Approuva fièrement l'adolescent. Même après avoir mué, j'arrive à gueuler dans les aigus !

Le pèlerin secoua la tête avec amusement. Il inspecta son travail, manifestement achevé, et qui ressemblait à un curieux bracelet de griffes couleur sable. Une fine coupure entaillait son pouce, et laissait échapper un mince filet de sang. A l'intérieur du bracelet, on distinguait quelques écritures écarlates. Ces marques sanglantes, l'homme les regardait avec un curieux mélange de satisfaction et de gravité. Soudain, il fut pris d'une violente quinte de toux qui secoua son corps tout entier.

-Ca va pas ? Interrogea Shukaku, inquiété par le son rauque et caverneux qui s'échappait de cette large poitrine.

Kashiwa toussa encore quelques minutes sans répondre, aussi écarlate que le sang qu'il avait versé, et semblait-il prêt à suffoquer pour de bon. Puis la crise s'apaisa, et il put reprendre sa respiration. Quelques gouttes de sueur perlaient à son front. Il eut un soupir plein de fatigue.

-Ce n'est rien, Shukaku, dit-il dans un souffle. Je ne suis plus tout jeune, tu sais. Il m'est coûteux de pratiquer des sortilèges de ce niveau…

-C'est du Juuinjutsu ? Fit l'autre en se penchant pour mieux distinguer les écritures.

-En effet. Tu dois en avoir entendu parler comme étant l'art capable de réduire à néant les démons, n'est-ce pas ? Ne prends pas cet air écœuré, les démons ont leurs propres sortilèges, que les humains ne peuvent apprendre. Votre sang est plus riche que le notre, cet art est donc d'une autre nature. Je te montrerai des livres sur le sujet, si tu le souhaites.

-Ca serait cool ! Décida joyeusement le démon.

La voix du pèlerin s'était éclaircie à mesure qu'il avait parlé, et il paraissait maintenant aussi solide et sévère qu'à l'accoutumé. Rasséréné, Shukaku tira de ses manches deux rouleaux et les lui tendit.

-En parlant de bouquins, faut que je vous rende ceux-là.

Il s'agissait des deux rouleaux courts et larges, noirs et rouges, dont les titres étaient Les démons à travers l'Histoire et Le démon : un ennemi. Kashiwa les reçut sans surprise, et les rangea dans son sac.

-Vous aviez deviné que j'allais vous les rendre ? Interrogea l'autre, un peu vexé par le peu de réaction de la part de son interlocuteur.

-Tes agissements sont assez prévisibles, Shukaku, sourit le pèlerin.

Il lui tendit le petit objet ocre, que le démon examina attentivement. Le bracelet pouvait s'étendre ou se détendre, les minces griffes de pierre étant reliées entre elles par une fine lanière extensible.

-Utilise-le pour attacher tes cheveux.

Un peu surpris, le garçon s'exécuta, et passa la corde qui lui servait habituellement d'élastique à son poignet. L'objet griffu se referma sur sa chevelure, à la base de son crâne, la maintenant solidement. L'espace d'une seconde, il eut une sensation singulière, comme si quelque chose d'inconnu descendait le long de son dos, pénétrait sa chair et s'infiltrait dans ses méridiens. Il adressa à l'homme un regard interrogateur.

-Concentre la plus grande quantité possible de chakra, à présent.

Où voulait-il en venir ? Shukaku haussa les épaules, et commença à malaxer son chakra. Le vent se mit à souffler dans ses cheveux, dans ses vêtements, le sable frémit tout autour de lui. Le garçon sourit, et fit appel à une plus grande quantité d'énergie. Le sable s'éleva, ondula, se contorsionna dans les airs, capturant les rayons du soleil pareils à des chaînes de joyaux, monta de plus en plus haut…

-Qu'est-ce que… ! S'exclama-t-il brusquement.

Un obstacle. Quelque chose le bloquait, coupait net l'arrivée de son chakra. C'était comme une barrière, ou un couperet, un objet vif et tranchant qui s'abattait avec une sombre précision, selon une loi mystérieuse. Il retira précipitamment l'objet ensorcelé, et tout redevint normal.

-C'est le moment pour toi de faire un choix, Shukaku, dit Kashiwa avec sérénité, bien que son regard fût plus perçant que jamais, car tu te trouves à la croisée de deux chemins. On m'a demandé de te guider durant ton trajet. J'accepte cette tâche, si tu te montres digne de suivre la bonne voie. Je voudrais que tu conserves cet objet.

-Mais ça va me gêner ! Protesta le jeune démon avec mauvaise humeur. Ca bloque mon chakra ! Je vais me battre comme un pied, avec ce truc !

-Au contraire, il te rendra plus fort, expliqua patiemment le pèlerin, il t'élèvera au-dessus des autres demi-démons, qui n'ont jamais rien vu plus loin que leur propre personne. Vis avec ce handicap, combats avec ce handicap, même si ton adversaire en veut à ta vie, et ne le retire que pour protéger un humain. Alors tu mériteras la reconnaissance. Si tu resteras demi-humain, demi-démon, ce sera en raison de ton mérite, qui t'élèvera au-dessus des deux races. Mais il y a une promesse que tu dois me faire.

«Pour que je devienne ton professeur, il faut que je sois sûr que tu n'utiliseras jamais tes pouvoirs pour devenir un démon. Eloigne-toi de tes instincts démoniaques le plus possible, efface cette terreur animale que tu tiens de ta race pour le Juuinjutsu. Je te montrerai la voie à suivre. La voie noble, celle qui fera peut-être de toi un être digne de respect. Je suis là pour ça. Mais tu dois me faire ce serment…

Shukaku le considéra un long moment. Son regard songeur allait du vieux moine à l'élastique qu'il tenait encore entre les mains. L'élastique. Encore le vieux moine, qui contemplait paisiblement les dunes en attendant qu'il prît la parole. Il avait été d'une telle honnêteté ! Il lui avait déjà appris tant de choses ! Et il était autrement plus intelligent que les croulants adeptes du shintoïsme…

Le jeune démon sentit une bouffée d'affection monter en lui. Un sentiment très inhabituel. Il ressentait, sans doute pour la première fois de toute son existence, le désir de répondre aux attentes de quelqu'un. Chose qu'il peinait à comprendre, il voulait que Muya no Kashiwa soit fier de lui. Il retrouva le sourire, et rattacha sa toison couleur de sable avec le présent de l'homme.

-Garder un handicap pour devenir plus fort…Je crois que je comprends. Mais comment est-ce que je peux m'empêcher de pas aimer le Juuinjutsu ?

Le pèlerin planta son regard dans le sien.

-Tu souhaites donc devenir mon élève ?

-Ouais, bien sûr !

A nouveau, un léger sourire apparut sur les lèvres de l'homme. Il reprit tranquillement, bien qu'il peinât à masquer sa satisfaction :

-Si tu te montres trop démoniaque, tu craindras le Juuinjutsu comme un acide. Si tu crains cet art, tu le combattras de toutes tes forces, et tu oublieras le conseil que je t'ai donné. Tu te débarrasseras de ton handicap, par peur, pour sauver ta propre vie, tu te comporteras comme une bête.

« Ainsi, pour suivre la route sur laquelle je te guiderai, il faut que tu sois certain de ne jamais commettre une telle faute. Si tu désires suivre ce chemin, tu dois faire le serment de ne jamais retirer cet objet face aux créateurs de sorts. Jure, et je t'aiderai à trouver ta voie.

Shukaku savait précisément ce qu'il devait faire, par une sorte d'instinct dont il n'avait pas soupçonné l'existence. Il n'hésita pas. Pas un seul instant. Il s'approcha de Muya no Kashiwa, un sourire épanouit sur les lèvres. Son genou heurta le sable dans un bruit sourd. Il baissa la tête avec un dévotement joyeux. Et, plein d'entrain, il déclama :

-C'est juré, Maître !