L'ENFANT-DEMON
Auteur : Mon dernier surnom, c'est Clem la Ramasse, parce que j'atterris toujours sur le ventrequand jem'exerce au salto sur le trampolinedu cours de gym…
Genre : Action/Adventure, poésie normalement, mais je suis à sec !
Disclaimer : Gaara appartient plus que jamais à Masashi Kishimoto, Shukaku aussi. Pour l'instant, tous les autres sont à moi, sauf erreur de ma part que je vous prierais de ne pas prendre en compte.
Couples : Comme les relations pédophiles ne me plaisent que fort modérément, voire pas du tout, il n'y aura pas de ShukakuXKashiwa dans cette fic.
Vote : Seth : 1 voix ; Satan, Hydre et Sekhmet : 2 voix
SEKHMET : Marrant, on devient nombreux.
SATAN : Hydre, donne une fourmi ! Hydre ! Donne une fourmi ! DONNE UNE FOURMI !
HYDRE : Vous me cassez les (biiiip), Satan-sama.
Réponse aux reviews : oO…Pas d'anonyme ni de sœurette à l'horizon…On dirait que cette rubrique va rester vide pour aujourd'hui. Un grand merci à Baka-chan, Aalynn, yune-chan66, dragonwing4, Hitto-sama, Thealie ainsi qu'à tous mes lecteurs ! Je vous aime ! ;-)
Rien à faire…J'écris très lentement et de façon totalement irrégulière (soupir). Mes sincères excuses à tous ceux que mes udpates aléatoires agacent au plus haut point. Hem, j'ai tout de même une excuse : le chapitre 12 fait 21 pages World. Bon chapitre à toutes et à tous (apparemment, il y a plus de filles que de garçons, par ici…)
Chapitre 11 : Etincelant, quand le sable danse
Le soleil était levé depuis longtemps. Ses rayons ardents brûlaient l'air et la poussière du sol, et faisaient de l'horizon un trouble voile, opaque et tremblotant. Les immenses dunes de sable vacillaient telles des chandelles de poudre jaune, les tracés fantastiques que le vent y avait laissé ondulaient sans cesse, à mesure que le sable s'écoulait.
Le désert…Rien, et tant de choses.
Une explosion retentit. Un bruit soudain, puissant comme le tonnerre, qui brisa le silence solennel du lieu et résonna longuement dans le lointain. L'une des dunes d'or se déchira au même instant, libérant dans les airs une immense gerbe de sable qui s'éleva, fangeuse et dentelée comme un pic de falaise, et s'éparpilla de tous côtés.
La détonation avait été accompagnée d'un bref cri de souffrance, haut et clair, gai et douloureux, masqué par la puissance du premier son. Il fut rapidement étouffé par les nuées de sable qui s'abattirent sur le sol dans un vaste périmètre.
Un moment, tout redevint calme.
Il y eut, au milieu du sinistre, un sursaut dans le sable qui n'était pas dû au vent. Une unique saccade, puis une autre. Une main se fraya péniblement un chemin jusqu'à la surface, une main longue et fine qui se crispa sur le sol instable, tentant d'y prendre appui. Les soubresauts cessèrent, et une bosse de forme humaine se forma dans la dune, se détachant lentement de sa prison de poussière brûlante. Une seconde main surgit.
Les grains minuscules s'écoulèrent sans bruit, fluides comme les molécules d'un liquide. Un corps commençait à apparaître. Il se redressa, chancelant, une cascade de sable glissa de sa chevelure. Ce fut la première chose identifiable : une longue queue de cheval bicolore, couleur sable parcourue de motifs bleu sombre en forme de crochets. Son propriétaire était un jeune homme de grande taille, dix-neuf ans peut-être, élancé, le teint un peu pâle pour un habitant du désert, vêtu d'un ample kimono de toile.
Un moment, il parvint à rester debout, vacillant comme un mirage, et puis il s'effondra face contre terre. Sa voix s'éleva, assourdie par le sable :
-Et meeeeerde…
On l'aura compris, il s'agissait de Shukaku.
Renonçant à mettre de nouveau ses jambes à l'épreuve, il s'assit en tailleur et entreprit de reprendre son souffle. Ses pieds nus traçaient machinalement des dessins dans le sable, tandis qu'il contemplait le ciel sans nuage, la respiration sifflante. Il transpirait abondamment, et dans ses yeux noirs et or brillait une lueur fiévreuse, qui ne les rendait que plus aveuglants.
Lentement, il leva une main jusqu'à son front et l'essuya d'un revers de manche. La sueur était glaciale, sa main tremblait. Malgré la chaleur insupportable, au-dehors, tout son corps frissonnait comme s'il se fût égaré dans la neige.
Et pourtant, Shukaku souriait.
Il resta immobile un certain temps, calmant sa respiration, se frictionnant les bras pour se débarrasser de ce froid étrange qui l'envahissait. Enfin, il se redressa précautionneusement. Il fut pris d'un court vertige, mais jugea tout de même avoir repris des forces. Le démon promena lentement son regard sur le décor ravagé, les monticules de sable jetés pêle-mêle par-dessus les dunes. Une tâche noire attira son attention. Il se dirigea vers elle, trébuchant à plusieurs reprises.
Maintes fois, il aurait pu enlever l'élastique qui maintenait sa queue de cheval, retirer ces petites griffes de pierre qui s'agrippaient à sa toison et bloquaient l'arrivée de son chakra. Débarrassé du sortilège, son chakra noir et or aurait vite eu raison de ses blessures.
L'idée ne l'effleura même pas.
Il parvint à la hauteur de la chose noire à moitié enfouie qu'il avait aperçue, perdue dans l'hécatombe de poussière jaune. Il poussa un soupir agacé, se pencha et la retira de sa prison de sable. Il s'agissait d'un volumineux rouleau d'ébène, grand comme le bras de Shukaku. Le jeune homme l'épousseta rapidement. Dire que cette chose ne contenait qu'un seul sortilège…
Il soupira de nouveau, se laissa tomber sur le sol en position assise et ouvrit le rouleau sur ses genoux. Une longue, longue suite d'instructions et d'incantations se déroula devant lui. Pour la plupart, elles étaient écrites d'une encre brune, fine et odorante. Du sang, sec depuis des décennies. Shukaku considéra nonchalamment son pouce entaillé.
Un sortilège difficile, impensable…Il y avait quelques années à peine, jamais l'idée de tenter une telle chose ne l'aurait traversé…
Il se pencha sur les minuscules écritures, suivant leur progression de son index. Il y avait déjà plusieurs mois qu'il s'exerçait, et toujours aucun résultat…De toute évidence, il lui manquait certains éléments pour maîtriser ce sort. A moins bien sûr que cette répugnance instinctive qui drainait sa santé et sa force à chaque essai n'en fût la cause…C'était un doigt hésitant, presque craintif, qui courait le long du parchemin.
Le démon s'en aperçut, et interrompit son geste. Un moment il demeura surpris, et légèrement honteux. Son comportement le fit éclater de rire.
En fait, l'entreprise n'était pas dénuée d'intérêt. Elle était presque excitante dans son danger même. Jamais il n'avait tant souffert de ses entrainements, jamais sa résistance n'avait été mise à si rude épreuve. Tout bien considéré, c'était un pari intéressant.
Apprendre un sortilège de Juinnjutsu.
Aller contre sa nature elle-même, jouer avec l'une des rares armes capables de l'éliminer.
Vraiment intéressant.
Son rire se prolongea, sans raison, pour le plaisir de rire. Il paraissait presque excessivement joyeux, insouciant, mais quelqu'un d'attentif pouvait y distinguer une unique fêlure. En prêtant l'oreille, on pouvait même identifier cette faille :
La douleur.
Une quinte de toux secoua tout son corps, son rire mourut sur ses lèvres. Il crispa sa main sur sa poitrine, soudain incapable de respirer. Le froid devenait insupportable, son sang le brûlait. Il demeura prostré sur le sol, griffant son torse à travers son kimono dans ses efforts pour reprendre son calme. Une nouvelle quinte de toux, rauque, effrayante, lui laboura la gorge. Cette fois, il cracha du sang.
Après un long, long moment, il retomba enfin sur le sable, épuisé, trempé de sueur. Sa respiration produisait un son presque grinçant. Ce Juinnjutsu avait un tel effet sur lui, c'en devenait agaçant…Lire le sortilège lui donnait la nausée, tracer les signes de son sang le faisait trembler de fièvre. Pas étonnant que les démons fuissent ce genre d'art comme la peste…Shukaku sourit, ironique, presque fier.
Intéressant, en effet.
Son énergie lui revint lentement. Il reprit précautionneusement sa position initiale, assis en tailleur face à son sortilège, et tâcha de tout relire avec davantage de sérieux. Ignorant son écœurement presque physique, il alla jusqu'au bout de sa lecture. Après quoi, il mordit son pouce, et commença à écrire sur le sable, sans s'inquiéter de ce que les grains minuscules s'infiltraient dans sa plaie.
Depuis combien de temps avait-il pris cette décision, déjà ? Trois mois ?
Depuis ce serment, ce premier véritable serment qu'il avait prononcé, Shukaku était devenu l'élève officiel de Muya no Kashiwa. Pour le jeune démon, c'avait été le début d'une nouvelle existence, plus exigeante, moins libre, mais si exaltante ! Jusqu'à présent, et malgré les blessures parfois sérieuses qu'il avait reçues, jamais il n'avait éprouvé le moindre remord.
La première initiative de Kashiwa avait été d'intensifier le nombre et la puissance des sorts appris à son élève. Il l'avait aidé à perfectionner ses techniques, les avait modifiées pour les adapter à la puissance unique de Shukaku. Il l'avait soumis à un entrainement très strict pour améliorer la maîtrise de son chakra, la puissance de ses coups et la résistance de son corps. Il l'avait assis devant ces vieux livres d'apprentissage qui le faisaient grincer des dents, et forcé à en mémoriser la majeure partie.
Enfin, il avait insisté auprès du village et des moines pour qu'un grand nombre de missions fussent confiées au jeune homme. Des missions dangereuses, cruciales, que l'on n'aurait jamais songé à mettre entre les mains du démon de Suna, de peur de voir la cité toute entière réduite en cendres. Mais le respect presque religieux qu'avaient les villageois pour le vieil homme eut raison de toutes leurs réticences.
Cette époque devait rester dans l'histoire du village comme une ère de formidable épanouissement, où la puissance du pays du Vent croissait chaque jour, encouragé par le travail acharné de leur monstre des sables.
L'une des grandes découvertes de Shukaku avait été le voyage. Lui qui n'avait encore jamais quitté son désert, il se vit autorisé à accompagner son maître sur les interminables sentiers qui les amenaient là où le pouvoir légendaire de Kashiwa était sollicité. La renommée du pèlerin était telle qu'on le réclamait jusqu'au-delà des frontières du maintenant immense pays du Vent.
Pour la première fois, le jeune démon avait vu la forêt, la mer, la neige, les innombrables autres cités que le monde abritait. Ces voyages étaient toujours pour lui une source de joie extrême où, incapable de contenir son excitation, il jouait à poursuivre l'horizon, plus exubérant que jamais, jusqu'à ce que son maître le rappelle sévèrement à l'ordre.
La seconde révolution de son existence était le bateau. Une grande découverte que ce drôle d'engin fait de bois et de toile, qui glissait sur les vagues ciselées au milieu d'une étendue bleue sans fin apparente. Shukaku avait passé de bons moments agrippé au sommet du mât, à sentir le vent vif et salé lui fouetter le visage tandis qu'il observait les mouettes. Il y en avait également eu de moins bons, comme les heures qu'il avait passées recroquevillé au fond du navire à regarder défiler le paysage, verdâtre, nauséeux et hurlant de rire sous le regard goguenard de Kashiwa.
Muya no Kashiwa…Comme il était étrange pour un être indiscipliné comme Shukaku, de penser à quelqu'un comme à son maître ! Sans aucun doute, c'était cet homme qui marquait le réel changement entre ce qui lui apparaissait maintenant comme son ancienne et sa nouvelle vie.
Toutes ces années, il avait été pour lui un professeur exigeant et sévère, n'hésitant pas à confronter son élève à de sérieux dangers, et encore moins à lui faire clairement savoir ce qu'il pensait de son comportement et de sa motivation. Les phrases cinglantes ne manquaient jamais de sortir, à la moindre bavure. Des phrases crues et violentes, sans peur ni hésitation ni hypocrisie. Des phrases vraies.
Du point de vue de Shukaku, c'était cette sincérité si rude qui faisait toute la valeur du personnage, loin devant sa puissance, son savoir ou même ses nombreux souvenirs de voyage, que le jeune homme ne se lassait pourtant jamais d'écouter. Cette facette de son caractère rendait si précieux ses rares sourires teintés de fierté, et ses légers hochements de tête approbateurs devant les progrès de son élève…
Parfois, le pèlerin s'agenouillait aux côtés de Shukaku, lui expliquait patiemment la réalisation d'un sort, le déroulement d'une guerre, ou les valeurs des guerriers, d'une voix calme, presque affectueuse. Le jeune démon demeurait incroyablement sage et attentif. On l'eût cru hypnotisé par cette expression bienveillante, si rare dans les yeux perçants de Kashiwa.
En ces éparses occasions, il se serait ouvert les veines sur un simple mot de son maître.
Cinq années avaient passé de cette manière. Le démon tanuki avait grandi, plus puissant et plus gai que jamais. D'adolescent, il était devenu un jeune homme, et ses yeux dorés étincelaient toujours de ce même éclat insouciant. C'étaient trois choses que mille ans d'enseignements ne pouvaient voler à Shukaku : son rire, ses cris et ses danses.
A ce moment-là, trois mois exactement avant de se tordre de souffrance en pratiquant du Juuinjutsu, Shukaku dansait.
Sur ses bras, ses jambes et son visage, il y avait maintes égratignures, quelques brûlures, et de rares traces de coups. Ces quelques estafilades n'étaient que le produit de ses exercices quotidiens, et peut-être des missions qu'il avait effectuées ce jour-là. Il les avait déjà oubliées.
Un imperceptible bruit de pas le fit tendre l'oreille.
-Est-ce ainsi que tu t'entraînes, Shukaku ? Interrogea une voix fatiguée, dans son dos.
L'interpellé s'immobilisa, le corps encore arqué par ses mouvements souples, une expression de pur ravissement sur le visage. Il partit d'un grand rire suraigu.
-JE VOUS AI ENTENDU VENIR ! JE VOUS AI ENTENDU ! Clama-t-il en sautillant vers Muya no Kashiwa.
La remarque fut gratifiée d'un soupir las, alors que le vieil homme s'installait sur le sable.
Cinq années s'étaient écoulées depuis leur pacte. Le Chêne du Brouillard demeurait massif, mais souple et vif comme un oiseau de proie. Ses connaissances n'avaient fait qu'augmenter, si cela était encore possible. N'importe quel individu non prévenu lui aurait donné vingt ans de moins que ce qu'il avait réellement.
Pourtant, il s'affaiblissait.
Ce n'étaient pas tant les rides commençant à crevasser sa peau qui accusaient cette lente descente. Ces lignes dures, sur son visage taillé à la serpe, semblaient être davantage l'œuvre de sa sévérité que de son âge…
Non, ce n'était pas le problème.
Des cernes noirs et profonds commençaient à cercler ses yeux d'aigle, leur donnant une profondeur fiévreuse. Ses mouvements s'étaient imperceptiblement ralentis, son souffle se faisait parfois –rarement– caverneux. Mais pour l'heure, Shukaku n'y songeait pas. Il s'assit avec décontraction aux côtés de son maître, et lui adressa un sourire rayonnant. L'autre répliqua par l'un des regards paisiblement glacials dont il avait le secret.
-Ca fait la quatrième fois que je vous entends approcher depuis que vous m'enseignez ! Reprit joyeusement le tanuki. Je fais des progrès, non ?
-Pas au niveau comportemental, manifestement, rétorqua froidement le pèlerin. Faut-il que tu n'aies aucune matière grise à remuer pour que tu bouges à ce point ?
-Eh ! C'est pas sympa, ça ! Protesta l'autre. Belle façon d'encourager un élève ! Moi qui me donne tout ce mal pour être un peu moins con !
Cette fois, Muya no Kashiwa ne put retenir le sourire narquois qui naissait sur ses lèvres.
-Tu es encore loin de ton objectif…
-Et voilà, je le savais ! On se fout de ma gueule !
Il se laissa tomber en arrière, secoué par un fou rire incontrôlable. Autour de lui, le sable s'agitait par saccades. De légers volutes de poussière s'élevaient et retombaient en silence.
-En fait, je réfléchissais, affirma le jeune homme, une fois calmé.
Il ne reçut pas de réponse, mais le vieux moine tourna légèrement la tête vers lui, l'encourageant à continuer.
-Cet élastique- sortilège que vous m'avez filé…Il m'empêche d'utiliser tout mon chakra, et je ne dois pas le retirer face aux utilisateurs de Juuinjutsu.
-Brillante conclusion.
-Mais j'ai pas fini, merde ! S'exclama Shukaku en se redressant. Il s'efforçait en vain de garder son sérieux. Vous dites que comme ça, je serai moins dépendant de mon instinct de démon, que je pourrai devenir fort, protéger le village, agir de façon plus humaine et tout ça, mais…
L'autre écoutait toujours, les sourcils froncés. « Mais ? »
-Mais si pour une raison ou pour une autre, je dois me battre contre un manipulateur de Juuinjutsu, je vais me faire tabasser !
Kashiwa hocha la tête.
-Je m'attendais à ce que tu me poses cette question, un jour ou l'autre…Il est vrai que tu serais grandement désavantagé contre ce type d'adversaire.
Il scruta un moment son élève, une expression indéchiffrable sur le visage.
-Tu as fait des progrès, Shukaku. Tu es devenu plus puissant. Et ce n'est pas tout. Tu as beau avoir conservé l'aspect d'un gamin orgueilleux, tu es devenu plus courageux et tu as acquis, sinon de la sagesse, une certaine force d'esprit…
Le jeune homme ouvrit de grands yeux à l'écoute de ces compliments inattendus. Jamais Muya no Kashiwa ne lui avait adressé autant d'éloge en une seule fois.
-Si tu le souhaites, je peux t'enseigner une technique qui te permettrait de tenir tête aux lanceurs de sorts.
Le démon dévisagea son maître avec curiosité et intérêt.
-Sérieux ?
La mine incrédule de son élève arracha à Kashiwa un hoquet qui pouvait s'apparenter à un rire. Mais il retrouva vite sa mine solennelle et s'adressa de nouveau à lui :
-C'est un sort particulièrement délicat, et malaisé à transmettre. Il ne peut être utilisé qu'une fois par la même personne. Après quoi, sa connaissance s'efface de ton esprit. Pour ma part, je l'ai déjà employé et perdu, je ne pourrai donc pas t'aider à l'étudier. Pour être honnête, je doute que tu sois capable de le maîtriser. Toutefois, tes progrès ont été plus rapides que je ne l'aurais imaginé…Si le cœur t'en dit, tu peux toujours tenter la chose.
Il fit lentement passer la courroie de son sac par-dessus son épaule, et l'ouvrit devant lui. C'est avec une précaution presque religieuse qu'il retira un petit rouleau, d'un gris terne, à peine plus grand que la paume de sa main.
-Celui-ci n'est que le résumé du sort réel, expliqua-t-il en remarquant la mine sceptique de Shukaku. Le rouleau complet est bien trop volumineux pour que je le conserve sur moi en permanence. Ces instructions devraient te donner une idée du genre de sortilège que je désire t'enseigner.
Le démon saisit précautionneusement le petit objet et l'entrouvrit. Un frisson glacé parcourut son échine alors qu'il lisait les premiers symboles. Il la lâcha précipitamment, comme s'il se fût agi d'une araignée venimeuse.
-Mais c'est du Juuinjutsu ! Protesta-t-il en fixant la chose grise avec hostilité.
-En effet. Il semble que tu les craignes toujours autant…Te sens-tu capable d'apprendre ce sort ?
-Apprendre un Juuinjutsu ? Articula Shukaku, comme s'il peinait à comprendre le sens des mots. C'est une blague ou quoi ? C'est déjà pénible de le voir, alors en faire!
-Donc, tu refuses ?
Il y avait une nuance de défi dans la question.
-Ca vous étonne ? Le Juuinjutsu, ça pue, ça brûle et ça tue les gens comme moi ! Je peux très bien…
-Pas les gens comme toi, Shukaku ! Coupa sèchement Kashiwa. Les démons !
Le jeune homme s'interrompit, surpris par le ton incisif de son maître. Son visage s'était durci.
-Comme lors de notre première rencontre, tu as un choix à faire, Shukaku. Pendant cinq ans, j'ai tenté de faire de toi un humain, d'arracher la bête sauvage qui se trouve en toi. Ce fut la requête ultime des moines de Suna, et je ne pouvais le refuser à ceux qui furent mes anciens professeurs. Pour être franc, je n'y croyais pas. J'ai connu trop de démons pour cela. Il me semblait impossible qu'une telle métamorphose puisse s'opérer.
Il planta son regard dans les losanges d'or de Shukaku.
-Mais tu m'as surpris. Tu as juré d'être mon élève sans une once d'hésitation, et tu as respecté ta parole. Le sortilège qui t'entrave t'a profondément gêné durant tes missions, mais tu n'as jamais tenté de te soustraire à son emprise. Tu n'as cherché ni à tromper, ni à camoufler, ni à t'enfuir. Et en suivant ce chemin que je t'avais indiqué, tu es devenu fort. A de nombreuses reprises, tu m'as surpris par ton humanité.
« Cependant, cette métamorphose n'est pas totale, et elle ne le sera jamais tant que tu fuiras le Juuinjutsu. Car le Juuinjutsu représente la quête des Hommes. C'est une chose que seuls les humains peuvent pratiquer et comprendre. Vois comme ton regard a changé, en le lisant ! Tu ressembles à un animal pris dans un piège ! Cette répugnance est le dernier obstacle à franchir, la dernière chaîne qui te relit à ton instinct de démon. Maintenant, réponds à ma question : veux-tu toujours devenir un démon ?
Jusque là, Shukaku était resté abasourdi sous le flot de paroles de son maître. Quand il eût fini de parler, un long silence s'installa, pendant lequel le jeune homme scruta son vieux professeur avec confusion. Les yeux du Chêne du Brouillard étaient droits et clairs. Lentement, le démon reprit le rouleau qui lui inspirait une telle répulsion. Il l'ouvrit, tendu, et lut quelques lignes. Le courant d'air glacé s'empara à nouveau de lui, s'enfonçant jusqu'à la moelle de ses os, mais il se força à continuer. Il ne releva les yeux qu'après avoir saisi la nature du sort.
-…Non, décida-t-il, un peu surpris lui-même. Je veux devenir un vrai humain, rester votre élève et continuer de vous impressionner.
Il hésita avant de continuer. Quand il reprit la parole, une étincelle d'orgueil commençait à réchauffer sa voix :
-Ce truc sert à rappeler tout le Juuinjutsu qu'a utilisé un mort, c'est ça ? En plus, je pourrai m'en servir qu'une seule fois dans toute ma vie, alors je devrai faire attention avec. Vous croyez que je peux apprendre un sort comme ça ?
-Je crois en toi, Shukaku, répondit Kashiwa d'un ton net et sans réplique.
Un sourire éclatant illumina le visage du jeune homme.
-C'est OK, alors ! Je le fais en combien de temps ? Deux semaines ?
Le vieil homme prit une expression amusée, alors qu'il se redressait en s'aidant de son bâton usé de pèlerin et commençait à s'éloigner.
-Tu n'as pas de limite de temps. Le Juuinjutsu est nouveau pour toi, il faudra t'armer de patience. Demain, je te donnerai le sortilège complet et je te laisserai t'exercer par toi-même. Mais pour l'heure, il est temps que je retourne au village.
-Maître ?
-Qu'y a-t-il ?
-Merci pour tout.
Muya no Kashiwa ne répondit rien, et continua d'avancer vers Suna sans se retourner. Mais si Shukaku s'était trouvé en face de lui, il aurait vu qu'il souriait dans la lumière déclinante.
Merci d'avoir tenu jusqu'au bout :-) .
