L'ENFANT-DEMON
Auteur : On m'a récemment rebaptisée Satanas Angel, mais vous pouvez continuer de m'appeler Stingmon.
Genre : Action/Adventure parce que ça se bat dans tous les sens, et Poetry parce qu'il y a des poèmes. Je fais dans l'original, je sais…
Disclaimer : Les personnages, l'histoire et la géographie du manga Naruto appartiennent à Masashi Kishimoto. Abysses, Gareki et tous les OC sont à moi. Vous voyez, je suis riche ! XD
Couple : Mmmh…Je ne pense pas mettre de BakuXSekhmet dans cette fic, au risque d'en décevoir certains…
Vote : Pareil qu'avant
Réponse aux reviews : Wow, huit commentaires :'-) Merci beaucoup à Baka-chan ; Thealie ; Aalynn ; Elava La Louve ; yune-chan66 ; dragonwing4 ; Tsunaade-sama ; Angua (je te commente dans deux secondes, promis !) pour leur soutien (c'est précieux, je vous assure !). Tant qu'à faire, un coucou à ma sœur Nadramon, qui a encore oublié de m'envoyer un commentaire et que j'entends hurler d'ici XD…(Allez vérifier sa prochaine review et lisez ses fics ! Hambun no Akuma PAWAAAA !) Merci aussi à tous les lecteurs qui ont supporté ma fic jusqu'à présent : je vous aime !
Angua : JE SUIS DESOLEEEEE ! Je voulais t'envoyer un e-mail mais ton adresse a été coupée : je me suis retrouvée avec « noemie. » et je me voyais mal écrire un message à cette adresse…Bref, je te propose de m'envoyer un message à « nadetclem arobase wanadoo point fr » (j'arrive pas à mettre de liens sur le site T.T) : c'est l'adresse commune de ma sœur et moi, tu peux y accéder en allant sur le profil de Nadramon. Comme ton double-commentaire est très long, j'en profiterai pour y répondre plus en détail !
« Quoi qu'il en soit, merci infiniment pour ta review, et j'adorerais que tu dessines les habitants d'Abysses : j'aurais vraiment voulu le faire, mais je suis une brêle en dessin T.T : envoie-moi un e-mail si tu as besoin de précisions sur le physique ou l'attitude des personnages, je ferai de mon mieux pour te répondre ! Je vais aussi essayer de répondre aux deux questions que tu m'as posées :
« 1) Devenir un démon : de mon point de vue, la Marque du Diable, qui fait de quelqu'un un « demi-démon », est une sorte d'évolution des pouvoirs héréditaires : une quantité de chakra phénoménale, des caractéristiques physiques particuliers, et une incapacité au mensonge. Seules ces personnes-là ont en eux l'énergie suffisante pour devenir des démons. Donc, on ne naît pas démon, mais avec une prédisposition pour le devenir, tu comprends ? Après, le Serment écrit par les Fondateurs n'est qu'une partie du sortilège qui permet de libérer le chakra de quelqu'un et d'en faire un être démoniaque ; mais comme c'est la partie la plus symbolique, c'est surtout de celle-là qu'on parle. En réalité, il faut aussi un sortilège et six sacrifices. En tant que possédé de Shukaku, Gaara a un statut très proche de celui des demi-démons : il ne peut pas mentir, il partage le pouvoir de son démon, etc. Il peut donc en théorie devenir un démon, même s'il n'est pas tout à fait marqué par le Diable.
« 2) Les tentatives de Gaara pour devenir humain : en fait, sa carrière de Kazekage était déjà son deuxième essai : on se rappelle qu'il a été dégoûté du genre humain après la trahison de Yashamaru et les tentatives d'assassinat de son père, alors qu'il n'avait que six ans. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'un demi-démon a naturellement tendance à vouloir être humain. Shukaku faisait un peu exception à la règle, et laissait parler son côté puéril « Cool, je suis un démon ! » avant de se lancer, lui aussi, en quête de l'humanité. C'est donc à douze ans que Gaara, en devenant Kazekage, est « revenu vers les humains après avoir mesuré l'étendue de leur haine » et c'est ce qui a décidé Shukaku à lui venir en aide quand il s'est fait trahir à nouveau. Je sais, Gaara est vachement têtu, mais c'est ce qui le rend si mignon ! X3
« Voilà ! J'espère que j'ai réussi à éclaircir les choses. N'hésite surtout pas à me le faire remarquer dès que tu trouves un truc illogique : soit je me suis gourée, soit j'ai mal expliqué certains éléments, et c'est honteux dans les deux cas :-( J'espère vraiment que tu vas m'envoyer un e-mail, si tu as d'autres questions ou n'importe quoi, je serais ravie de correspondre avec toi :-)
Pfiiiou…J'ai mis environ quinze jours à envoyer un nouveau chapitre ! Je progresse, non ? X3 Je vais essayer de m'appliquer pour la suite, promis !
Nous voici donc au chapitre 13, le chapitre maudit de l'Enfant-Démon…Là, comme ça, je vois vraiment pas ce que ça change, mais on ne sait jamais ! Une malédiction pourrait s'abattre sur l'un des personnages…(musique qui fait peur) (autrice qui débloque ferme XB) Bonne lecture tout de même dans le :
Chapitre 13 : L'oiseau de feu
Les nuages continuaient de masquer le ciel, et se faisaient de plus en plus bas et menaçants. Il n'y avait eu aucune éclaircie depuis plusieurs jours, et l'air de plus en plus lourdlaissait clairement pressentir la tombée de la pluie.
Les shinobi de Suna avaient coutume d'apprendre dès leur plus jeune âge certaines choses utiles, telles que décrypter l'avancée du jour à quinze minutes près selon la position du soleil, ou encore se diriger avec précision, de jour comme de nuit, avec pour seules boussoles le soleil ou les étoiles,au beau milieu d'un désert aride dont les seuls repères visibles étaient des dunes, des dunes et des dunes à en perdre la tête.
Gaara était passé maître à ce genre de jeu. Il était capable de se repérer dans n'importe quel milieu, sans autre recours que celui des astres. Enfant, il s'était à maintes reprises éloigné des murs de son village, pour des raisons diverses, souvent au cœur de la nuit et parfois au milieu d'une tempête de sable. A chacune de ces occasions, et au grand damne des habitants de Suna, il était revenu, ponctuel, indemne, inexorable comme un oiseau migrateur.
Ainsi, parmi un certain nombre d'expressions défaitistes telles que « Je me rends » et « J'ai peur », il y en avait une qui avait été pratiquement bannie du vocabulaire de Sabaku no Gaara :
-Je crois que nous sommes perdus.
Tenant déployée devant lui la carte d'Iwa, qui à elle seule masquait les trois quarts de son corps, le garçon considérait le ciel gris sombre avec perplexité. Les hurlements joyeux de Shukaku, qui s'était mis en tête de grimper au sommet d'un sapin pour mieux profiter du vent des montagnes, n'aidaient pas à sa concentration.
Depuis quelques jours, le démon tanuki avait repris connaissance. L'attaque des chasseurs de démons l'avait laissé affaibli et curieusement vide, mais il s'était remis en route avec enthousiasme, et à présent il était plus énergique que jamais.
Shukaku ne semblait pas attacher beaucoup d'importance à ce que son hôte fût désormais au courant des épisodes qui avaient marqué sa vie de jeune humain. Après tout, et comme il l'avait lui-même fait remarquer, le tanuki était resté collé aux basques de Gaara avant même que celui-ci fût en état de porter des couches-culottes. Il y avait une certaine inégalité à rétablir.
Aussi raconta-t-il avec nonchalance la fin de son histoire, comment il avait rassemblé six cadavres de moines dans une grotte, accompli le rituel, était devenu ce démon imposant et hyperactif si tristement célèbre à Suna.
Il dit rapidement qu'il avait laissé éclater sa force nouvelle, notamment sur son village natal, et qu'après « s'être pris une torgnole », il avait voyagé un moment avant de découvrir les murs d'Abysses et de se faire accueillir dans la cité des démons. Il précisa qu'il n'avait aucune idée de ce qu'étaient devenus ses parents, qu'après mille ans ils étaient probablement morts, et qu'au fond il n'en avait pas grand-chose à foutre.
Sur la malédiction que son maître lui avait infligée, il parla avec gaieté et ironie :
-Ce qu'il faut savoir, gamin, c'est que le vieux Kashiwa s'y connaissait pas tant que ça en démons. A cette époque, on savait pratiquement rien de nous, à part le fait qu'on était fort et très méchant. Les démons qui savent reconnaître au premier coup d'œil si tu connais un sort Juuinjutsu ou pas sont assez rares : Satan, deux ou trois Fondateurs et quelques Illustres. Moi, je peux pas voir ce genre de choses, mais je suis prêt à parier que je suis pas le seul démon à avoir mes petits secrets.
« Ifrit est un cas, tu sais. A part lui, personne est réglo au point d'aller saouler les autres pour ce qu'ils ont fait en tant qu'humains. La malédiction du vieux m'a jamais vraiment causé de problème. Il s'en serait tapé la tête contre les murs, s'il avait su !
-As-tu déjà eu recours à cette technique ? Avait demandé Gaara, une fois que le fou rire de son démon se fût calmé.
-Jamais : en tant que démon Secondaire, j'aurais pas survécu à un Juuinjutsu pareil. Maintenant que je suis un Millénaire, je pourrais peut-être l'utiliser si je force pas trop, mais c'est pas dans mon programme.
La conversation en était restée là, et n'avait jamais été reprise par la suite. Ils avaient voyagé quelques jours sans incident notable, si ce n'était les problèmes d'orientation de plus en plus épineux…
Le vent finit par tomber. Shukaku, las de son jeu, sauta à bas du sapin et s'approcha de son hôte en sautillant :
-Un problème, gamin ? Demanda-t-il gaiement.
-Je crois que nous sommes perdus, répéta l'autre d'une voix égale, sans lever les yeux de la carte.
-C'est con. On doit aller où ?
Gaara désigna un point sur la carte, où une petite tour était dessinée à flanc de montagne.
-Le village Shodana, au pied de la montagne d'Aoyuri. Ce village est connu pour sa bibliothèque en forme de tour. Y sont entreposés la plupart des ouvrages d'Iwa, c'est pourquoi de nombreux voyageurs s'y rendent pour se documenter. Nous pourrons nous y renseigner sans risque.
Il s'interrompit (il n'avait pas l'habitude de tant parler en une seule fois), et considéra le décor qui les entourait. Ils avaient fait halte pour consulter la carte sur un petit plateau entouré de conifères tordus. L'herbe sèche et gelée par endroits descendait en pente douce, interrompue çà et là par un amoncellement de roches acérées, avant de se perdre parmi les sapins, en contrebas. On avait une bonne vue sur les montagnes alentours, dont les sommets enneigés se perdaient dans les nuages. Le froid était mordant, et Gaara avait jeté sur ses épaules le manteau de mercenaire, dont les manches laissaient à peine entrevoir ses mains.
-Je pense que celle-ci est Aoyuri, mais je ne vois aucune tour, continua-t-il en désignant une haute montagne, dont le flanc était envahi de sapins.
Shukaku regarda à son tour, plissant ses yeux d'or.
-Je vois rien, marmonna-t-il. Trop d'arbres.
Les yeux en losange du démon des sables avaient l'étrange capacité de s'agrandir et de se rétracter selon son humeur. Leur éclat était tel qu'ils lui permettaient de scruter la nuit la plus noire, et de voir à des distances humainement impensables.
Shukaku n'était pas peu fier de ces atouts, et il avait tendance à se vexer quand il ne parvenait pas à repérer les objectifs désignés par son hôte.
Il regarda autour de lui en quête d'un poste d'observation, repéra un affleurement rocheux plus élevé que les autres, l'escalada en quelques bonds et se remit à scruter la falaise, ses pupilles jaunes tellement agrandis qu'on ne voyait presque plus le noir de ses prunelles.
-Ca y est, je vois un truc ! Lança-t-il triomphalement. Mais c'est pas une tour…Ca ressemble à un village. Je vois pas bien.
Gaara fronça ses invisibles sourcils, et réajusta la carte qu'un souffle de vent avait plaquée contre son visage. Les informations étaient claires : La tour de Shodana, une magnifique construction de bois blanc et d'ivoire qui s'élevait en spirale sur le mont Aoyuri, était reconnaissable à plusieurs centaines de mètres par l'éclat qu'elle renvoyait en réfléchissant la lumière dusoleil. Même si pour le moment, il n'y avait pas beaucoup de soleil à réfléchir, elle aurait raisonnablement dû être visible de loin. Se seraient-ils trompés de montagne ?
-…Allons-y, décida-t-il. Cela nous permettra au moins de nous repérer.
Shukaku approuva par l'un des hurlements suraigus dont il avait le secret, et il s'élança en bondissant de sapin en sapin. Gaara lui emboîta le pas, prenant appui sur la cime des arbres tandis qu'il s'interrogeait avec une légère confusion sur l'étendue de ses lacunes en matière de lecture de cartes.
Ils arrivèrent rapidement dans la vallée, au pied de la falaise, et le tanuki ne fut plus en mesure de repérer la forme qu'il avait aperçue. Ils s'arrêtèrent pour boire au torrent qui scindait en deux la clairière, puis ils reprirent leur route. Là, Shukaku grimpa à un immense sapin, cherchant à nouveau la position du village. Il resta un moment perché sur la cime à profiter du vent et du mouvement de balancier que décrivait le sommet de l'arbre.
-Ca y est, je l'ai retrouvé ! Dit-il enfin. C'est bien un village. Mais je crois pas qu'on pourra trouver des infos là-dedans.
Le jeune shinobi leva vers lui un visage interrogateur. Le démon émit un petit rire avant de reprendre.
-Les murs sont défoncés et on dirait qu'il crame. S'il y avait des bouquins là-dedans, il doit plus rester grand-chose.
Pour la seconde fois en quelques heures à peine, Gaara fronça les sourcils. Une agitation inhabituelle de sa part. Le vent se leva et il lui sembla, en effet, percevoir une vague odeur de cendres.
-M'étonnerait que ce soit un feu de forêt, fit Shukaku en se laissant tomber aux côtés de son hôte. Des ninjas ennemis, tu crois ?
L'interpellé demeura pensif un moment. C'était possible, bien qu'il n'ait pas eu vent de tensions particulières entre Iwa et les pays limitrophes, dernièrement…Des brigands n'auraient sans doute pas pu infliger de tels dégâts au village. Restaient les chasseurs de démons, qui d'après les dires des habitants de Gareki ne répugnaient pas à commettre certains excès durant leur chasse au monstre. Ou alors…
-Allons voir.
Et il se remit en marche.
La pente était assez raide, et le sol friable, couvert d'épines de pin, se dérobait souvent sur leurs pieds, soulevant derrière eux des nuages de poussière grise. On s'essoufflait vite, à courir ainsi. Gaara commençait à sentir la courroie de sa calebasse frotter douloureusement contre son épaule. L'un des quelques défauts que pouvait générer le port d'une arme ayant grosso modo la masse et la maniabilité d'un coffre-fort, quand on mesurait soi-même un mètre quarante-six pour trente-neuf kilos.
A mesure qu'ils progressaient, l'odeur de brûlé se faisait de plus en plus forte. De la fumée se mêlait aux lambeaux de brouillard matinal, et le vent glacé de la montagne entraînait avec lui des particules de cendre qui se prenaient dans leurs cheveux.
-Ca pue la chair brûlée, marmonna Shukaku.
Gaara hocha la tête. Certains arbres, sur leur chemin, avaient le tronc noirci et des aiguilles calcinées qui tombaient lentement à terre. Enfin, ils parvinrent sur un plateau, et la première chose qui saisit le regard du jeune shinobi fut le fragment d'ivoire qui gisait à ses pieds. La tour d'ivoire de Shodana…Il leva les yeux vers la clairière
Ce n'était qu'une trouée dans la forêt, où la pente diminuait jusqu'à former une surface presque plane. Mais elle avait été suffisante aux habitants d'Iwa pour bâtir le petit et pittoresque village de Shodana. Ce n'avait été au début qu'un pâté de maisons entourant la place du marché, où l'on vendait quelques produits d'élevage et qui servait souvent de relais aux voyageurs.
On ne savait pas trop pourquoi ce coin perdu était devenu l'une des curiosités touristiques et des principales bibliothèques d'Iwa, ni comment la construction de sa fameuse tour, avec son ivoire et son bois blanc si précieux, avait pu s'opérer. Selon les contes de la région, un groupe de voyageurs en capes bleu nuit (Ninjas ? Nomades des contrées voisines ? Démons ?) s'était installé dans le minuscule hameau, achetant quelque nourriture contre de lourdes pièces d'or gravés d'étranges symboles. Ils travaillaient parfois aux côtés des bûcherons, des bergers et des chasseurs, mais jamais ils ne se mêlaient réellement aux villageois. Les charrettes qu'ils avaient amenées avec eux, et que certains racontars disaient tirés par des chevaux bicéphales à la langue fourchue et aux sabots cornus, regorgeaient de livres à la précieuse reliure, de cornes d'ivoire et de divers trésors.
Au bout de quelques mois, ils s'étaient rassemblés sur la place du marché, au beau milieu du village, et avaient commencé à construire les fondations d'une tour, utilisant sans compter leur bel ivoire. On ne savait comment la douzaine de charrettes qu'ils possédaient pouvait contenir tant de matériel, les villageois murmuraient à la sorcellerie. Cependant, il ne fut personne pour interrompre leur labeur : il y avait quelque chose, sur leur visage taciturne, qui éveillait la crainte et dissuadait les plus courageux.
Ainsi, de semaines en semaines, la construction s'élevait, de plus en plus haute et belle. Vint le jour où les derniers échafaudages furent démontés, et où la Tour d'ivoire de Shodana refléta pour la première fois la lumière du soleil. Leur labeur achevé, les voyageurs en cape bleu nuit y avaient entreposé leurs livres, avaient dressé autour du village un petit mur de pierres, avaient rassemblé leurs affaires dans leurs douze charrettes et avaient quitté Shodana pour disparaître à jamais.
C'était la légende la plus répandue. Toutefois, la plupart des habitants avaient davantage tendance à penser que le Tsuchikage, désireux de créer une tour qui rassemblerait les principaux ouvrages d'Iwa, avait choisi Shodana pour sa relative accessibilité et parce qu'il se situait à égale distance du village caché et de la capitale civile du pays. Mais on entendait plus volontiers la première version, pendant les longues soirées d'hiver.
-Comme je te disais, gamin ! Annonça fièrement Shukaku en levant les bras vers le décor. Complètement cramé !
Les sapins qui bordaient la clairière n'étaient plus que des carcasses noires, certaines encore fumantes. L'herbe était carbonisée, des blocs de pierre gisaient sur le sol, au milieu des débris en tous genres qui avaient été projetés hors du village. Les murs de Shodana s'étaient effondrés, il ne restait plus un seul bâtiment debout et dans les décombres, on entrevoyait des cadavres calcinés.
Gaara resta un moment immobile à observer l'étendue du massacre, puis il s'engagea par une brèche du mur et pénétra dans le village.
Le spectacle y était plus macabre encore : les maisons détruites, des dalles arrachées aux routes, les étables réduites à des amas de charbon, les bouffées de cendres qui brûlaient la gorge, et des corps noirs et fumants un peu partout. Le shinobi s'accroupit devant l'un d'eux, et l'examina avec attention.
Le feu l'avait rendu méconnaissable, et il était difficile d'émettre un diagnostic. Gaara nota tout de même que l'homme (cela ressemblait davantage à un homme) ne portait sur lui aucune trace de coup ni aucune coupure. Il reprit son examen sur quelques autres : tous avaient péri dans les flammes de l'incendie. Pourtant, il avait remarqué que des gourdins, des haches et d'autres armes rudimentaires traînaient en quantité dans les rues, brûlées comme tout le reste.
Il se rendit ensuite dans une étable. Le bétail avait été brûlé vif. Il pénétra avec quelque difficulté dans les maisons qui semblaient les plus luxueuses. Tous les objets précieux étaient restés à leur place, tordus, brisés ou calcinés. Le produit des récoltes avait flambé dans les entrepôts.
Pensif, Gaara se dirigea vers la place centrale du village, là où s'était dressée la Tour d'ivoire de Shodana. Il réfléchissait.
Au vu des pierres arrachées aux murs qui gisaient dans la clairière, le village semblait avoir été détruit de l'intérieur.
Tout avait été consciencieusement brûlé, mais il n'y avait eu aucun pillage.
Les villageois semblaient avoir tenté une riposte, mais il n'y avait eu aucun affrontement.
Très étrange.
Le jeune shinobi déboucha enfin dans une place dégagée, au centre du village. L'hécatombe qui y régnait était encore pire, si cela était possible. Les dalles de pierres qui pavaient le lieu avaient été arrachées et projetées contre les étalages, dont il ne restait que quelques carcasses de charbon. Des éclats d'ivoire scintillaient çà et là, petites tâches nacrées dans la poussière noire.
Gaara considéra un moment la tour effondrée, et seule sa tête légèrement inclinée trahissait sa confusion. Il ne restait plus grand-chose de cette construction qui avait suscité tant de fierté aux habitants d'Iwa, mais l'on pouvait encore deviner sa splendeur perdue, la finesse des matériaux, l'art de la silhouette…Sur certaines poutres qui n'étaient qu'à moitié brûlées, on voyait même un peu de ce magnifique bois blanc.
Des livres, il ne restait que poussière.
-Quel bazar, hein ?
Shukaku était apparu dans son dos, foulant sans état d'âme la cendre de ses pieds nus. Il regardait avec un intérêt manifeste les décombres de la tour.
-Les gars qui ont fait ça devaient maîtriser des sorts Kâton. Et pas des nazes, continua-t-il.
Gaara hocha la tête :
-Ils n'étaient pas forcément plusieurs. Le sortilège utilisé semble être toujours le même.
Il leva son visage impassible vers le ciel gris sombre, et reprit pensivement :
-Mais pour quel motif…
-Ils devaient être un peu cinglés, les rigolos : y a pas un villageois qui ait survécu. Tous cramés ! Fit-il joyeusement. Tu crois que c'est le genre à aimer les dragons ?
Il fallut une petite seconde à l'enfant-démon pour enregistrer la question du tanuki, et nettement plus pour y chercher une logique. Il posa sur Shukaku un regard impénétrable.
Chez Gaara, ces longs, longs regards qui ne cillaient jamais ne pouvaient signifier que deux choses : « Tu vas périr broyé par mon sable » ou, en l'occurrence, « Je n'ai strictement rien compris ».
Le silence se prolongea le temps que Shukaku comprenne le message. Il éclata de rire et sortit de sa manche une curieuse tablette de bois.
-J'ai trouvé ça sous la cendre, et il y a un drôle de dragon dessus. Bizarre que ça ait pas brûlé dans l'incendie, dit-il en tendant l'objet.
L'hôte le saisit avec précautions. C'était un objet assez quelconque, à première vue : une tablette fine, taillée dans un bois lisse, dont l'extrémité supérieure était plus étroite et se terminait en triangle. Elle était douce au toucher et agréable à tenir dans le creux de la main. Gaara en observa le revers.
Cette face était tout aussi plane que la précédente, si ce n'était la gravure compliquée qui encombrait l'intégralité de sa surface. Celle-ci symbolisait, avec luxe de détails, un long dragon sinueux, sans ailes, aux pattes courtes et griffues, dont la gueule béante laissait voir les crocs acérés.
La tablette ne présentait aucune écharde, et pas la moindre trace de brûlure.
-Je ne sens aucun chakra en provenance de cet objet. C'est étrange.
-Bah, un crétin a dû venir après l'incendie et le perdre dans la cendre, fit l'autre en secouant la tête. Shukaku s'était déjà désintéressé du phénomène. J'ai vu un autre truc plus marrant, viens jeter un coup d'œil !
Gaara le suivit du regard, tandis qu'il s'élançait en direction des murs du village. Après l'incendie…Il considéra les maisons encore fumantes : le feu avait été allumé pendant la nuit, peut-être même à l'aurore. Que quelqu'un se soit introduit dans le village en ruines et y ait perdu quelque chose pendant un laps de temps si bref…Mais comment un morceau de bois non ensorcelé aurait-il pu sortir intact d'une telle fournaise ? Ou alors il s'agissait d'un sort d'une nature différente de ceux appliqués par les shinobi ? Et il appartiendrait à l'auteur de ce carnage ? Mais les attaques qui avaient frappé Shodana étaient clairement des techniques Kâton…
-Eh, gamin, du nerf !
Le garçon s'extirpa de sa torpeur et partit rejoindre le tanuki. Il glissa rapidement la tablette dans sa sacoche, non sans lui avoir jeté un dernier regard méfiant.
Shukaku se tenait sur la façade nord du mur de Shodana, et désignait avec excitation le trou béant qui avait été pratiqué dans la pierre.
Au-delà, c'était un large sentier tracé par les flammes, qu'on distinguait nettement en raison de la terre brûlée et des arbres déracinés avec furie. La route chaotique s'élançait tout droit vers le sommet de la montagne, comme une vaste plaie noiredéchirant la forêt.
-Le fou furieux est parti par-là, on dirait, fit Shukaku, hilare. Encore moins discret que moi quand je pète un câble !
Gaara demeura silencieux. Il s'agissait encore d'un sortilège Kâton. Un sortilège d'une puissance que seuls quelques génies des clans de Konoha pouvaient égaler. Etant donné que le clan spécialiste des Kâton avait été consciencieusement décimé par un traître, la liste de suspects était assez réduite :
Uchiha Sasuke. Le dernier membre officiel du clan Uchiha, dont Gaara avait déjà remarqué la force. Avec ses yeux noirs pleins de haine, on l'imaginait plutôt bien démolir un village de civils sous le motif d'y avoir halluciné son frère aîné. Mais pour ce que Gaara en savait, le jeune prodige était toujours à Konoha, occupé à effectuer ses missions avec l'équipe 7. Son niveau n'était d'ailleurs pas à la hauteur d'un tel cataclysme. Et puis, il n'était tout de même pas idiot au point de partir décimer des civils à Iwa…
Uchiha Itachi. Déserteur peu scrupuleux de Konoha, coupable notamment de l'assassinat de son propre clan, et membre d'une organisation douteuse. On disait de lui qu'il était le plus puissant manipulateur de Kâton vivant, et c'était probablement le seul dont la force eût pu provoquer de tels ravages. Cependant, les rapports le concernant dépeignaient le shinobi comme un être « détaché, le regard parfois absent ». Une manière élégante de dire qu'Itachi Uchiha avait l'air aussi défoncé que le plus assidu des toxicomanes. Totalement incompatible avec la rage pure qui transparaissait dans ces attaques.
Restait Orochimaru. Déserteur mégalomane de Konoha, son but avoué était d'accéder à l'immortalité, ainsi qu'à la science absolue. Le traître de Konoha était probablement suffisamment déséquilibré pour massacrer tout un village de civils sans état d'âme. Cependant, Suna en avait eu la preuve cuisante, c'était un être organisé qui savait faire montre d'une redoutable intelligence. Pas le genre àpartir brûler une bibliothèque sans motif…
D'autres noms lui vinrent à l'esprit, mais tous étaient si faibles…Ils n'auraient pu reproduire ne serait-ce que le quart d'un tel ravage. Une telle puissance était-elle seulement humaine ? Non. Finalement, il n'y avait qu'une seule personne qui convenait. Et cette personne…
« Les Anbus eux-mêmes ? Cette créature serait donc invincible ? »
Cela lui faisait penser qu'il ignorait toujours son nom…
« A…Arrière, démon ! »
Un démon, ou un humain marqué par le Diable ? La seconde possibilité lui avait paru plus probable.
« La peste soit de cette créature ! »
L'enfant-démon qui terrorisait le pays de la Terre, et que les plus puissants shinobi d'Iwa avaient été incapables de vaincre…
-Tu veux le suivre, gamin ?
Gaara leva les yeux. Le tanuki s'était assis sur le mur de pierre, les jambes pendantes dans le vide, et il le considérait d'un air goguenard. Le garçon inclina la tête et s'engagea sur la voie de charbon et de cendres.
La route calcinée demeura un long moment large et nette, avant de bifurquer brusquement et de quitter la forêt. Elle se frayait ensuite un chemin de somnambule à travers le décor caillouteux et accidenté de la montagne. On la distinguait grâce aux roches noircies et aux rares plantes qui fumaient encore. Gaara et Shukaku suivirent la piste sinueuse sans faiblir, et parvinrent rapidement à un col.
Les cols de montagne offrent toujours une vue magnifique, et celui-ci ne faisait pas exception à la règle. Le terrain dégagé permettait de contempler tout à loisir les monts qui se dressaient à perte de vue, immenses et couronnés de nuages. Le ciel semblait si proche que Gaara, du haut de son mètre quarante-six, aurait juré pouvoir l'effleurer en tendant les doigts. L'air était froid, vif, saturé d'une pluie qui ne tombait toujours pas.
La route à suivre devenait moins nette : les touffes d'herbe qui apparaissaient çà et là entre les rochers étaient presque intactes, et sur la pierre, on apercevait de plus en plus souvent de la mousse et de petites gentianes parmi la cendre. On voyaittout de même la pistes'engager dans un pâturage, devant eux, bordé par deux montagnes. L'herbe y était d'un vert presque irréel, et un petit ruisseau en creusait le centre, décrivant de légères courbes.
Gaara se pencha sur l'herbe : des empreintes de pas, assez nettes, traversaient le pâturage en zigzaguant et semblaient longer la source. Leur objectif devait être à bout de force, au vu de sa démarche chancelante. Les deux poursuivants remarquèrent même, sur leur chemin, de l'herbe aplatie qui ne pouvait être due qu'à la chute d'un corps d'assez petite taille. A cet endroit, et pour une raison que Gaara ne put établir, le gazon avait été arraché par poignées, et des ongles s'étaient enfoncés dans le sol et avaient griffé la terre humide.
Après cette découverte, ils reprirent leur route pensivement. Malgré la lumière pâle que renvoyait le ciel livide, le vert du pâturage paraissait trop riant pour appartenir à la réalité. Aussi Gaara éprouva-t-il un léger soulagement lorsque la piste, suivant toujours le ruisseau montagnard, bifurqua vers une pente inégale et caillouteuse. La figure de la montagne masquait le peu de lumière que voulait bien dispenser le ciel, et le garçon se renveloppa de son manteau en frissonnant. On entendait le bruit lointain d'une chute d'eau, au-dessus d'eux. Et quelque chose d'autre, quelque chose de plus diffus, de plus mélodique et de plus triste que le son de l'eau sur la pierre.
-Y a quelqu'un qui chante, là-haut, constata Shukaku. Notre rigolo, tu crois ?
Gaara s'immobilisa un instant, tous les sens aux aguets. Il sentait bien une présence, un chakra d'une nature étrange, indéchiffrable, qui lui rappela celui des êtres démoniaques peuplant Abysses. Mais il ne décelait aucun sort, ni aucun signe qui pût trahir de l'agressivité ou de la crainte. Il continua d'avancer, prudemment, en prenant garde de masquer le bruit de ses pas…
…Une précaution parfaitement inutile, avec un Shukaku plus insouciant que jamais qui sautillait à ses côtés en sifflotant avec enthousiasme. Mais Sabaku no Gaara avait la fâcheuse habitude de se montrer scrupuleux avec les détails les plus futiles. Se fournir un parapluie pour préserver sa peau et ses vêtements des éclaboussures sanglantes tandis qu'il exterminait une bande de ninjas aspirants, entre autres.
La voix devenait plus nette, et l'on commençait à entendre une chanson sans parole ni mélodie réelle, qui s'interrompait et reprenait, entrecoupée de mots sans suite. La mélopée se poursuivit quelques instants, fragile et étrange, et puis la voix se mit à réciter :
Le feu s'élève entre les monts
D'écarlates ailes fendent la terre
Hurlent sans trêve
Des nuées de cendre couvrent l'éther
Ce feu nous prend, et nous mourons
Ce n'était pas un chant, aucune musique n'accompagnait les mots. C'était un murmure plus qu'un poème, un marmonnement songeur que l'on n'emploie que pour se parler à soi-même.
Ils avancèrent encore. Le bruit de la chute d'eau se faisait plus distinct.
Entendez-vous le cri profond ?
Le chant d'agonie des oiseaux en flammes ?
Sens : il s'élève
L'encre s'est effacée, nous perdons l'âme
Le feu la prend, et nous mourons
La voix s'éteignit avec un son étouffé qui ressemblait à un sanglot. Elle répéta plusieurs fois certains vers, soufflant « effacée » à de nombreuses reprises d'un ton égaré. D'autres paroles suivirent, des chuchotements dont on ne pouvait que deviner le sens :
-Huit…Dix…Quatre…Dix…Huit…Huit, octosyllabe ; dix, décasyllabe. Ca, je sais…Quatre, je ne sais pas…Flammes, âme, trêve, s'élève, mont, mourons, profond…Ca aussi, ça va, je sais. Ces idiots n'ont plus rien à crier, maintenant…Quel gâchis. Ether, c'est le ciel, je sais aussi. Pourquoi est-ce qu'ils hurlaient sans rien dire ? Cela me donne mal à la tête.
Gaara fit signe à son démon de s'arrêter. Ils étaient adossés à un énorme rocher qui leur masquait la petite cascade. La voix était toute proche, et l'on entendait un autre son, doux et presque cristallin, d'eau qui tombe et rebondit sur une peau humaine. Le shinobi rassembla un peu de sable dans sa paume, et esquissa un unique signe pour activer son troisième œil.
La vision que Gaara obtenait en faisant appel à cette technique était loin d'être parfaite : il éprouvait de réelles difficultés à apprécier les distances, et les lignes courbes et déformées lui donnaient le vertige. Mais il avait fini par s'habituer à ces inconvénients, aussi le décor lui apparut-il sans grand défaut.
Des pierres crénelées hérissaient la montagne, trouées par de petites cavernes qui devaient être des fruits de l'érosion, et formaient une sorte de petite falaise. La source, en tombant, décrivait une légère arabesque avant d'atterrir sur le sol et de se frayer une voie vers le pâturage. Un garçon se tenait assis en tailleur sur une pierre plate, la paume tendue pour recueillir l'eau dans sa main.
De stature moyenne quoique légèrement osseux, la peau hâlée, il devait avoir environ quatorze ans. Ses vêtements, la veste grise, l'ample pantalon beige, et les chaussures d'artisans faites de cuir et de toile, étaient tous usés et noircis par endroits. Il portait ses cheveux courts, avec quelques mèches blond cendré qui lui retombaient sur le front. Ses traits étaient réguliers, mais des marques de suie lui durcissaient le visage, lui donnant un air émacié. Ses yeux noirs étaient brillants, un peu sauvages et comme fiévreux d'avoir contemplé tant de flammes. Pour l'instant, ils n'exprimaient qu'une tristesse songeuse, de la fatigue et une légère confusion.
Un bras autour des genoux, il jouait avec l'eau de la source, la laissant couler entre ses doigts et sur ses avant-bras sans s'arrêter de parler. De la buée s'échappait d'entre ses lèvres.
-Ils se taisent, maintenant. Tous ces gens…Ils faisaient trop de bruit, je n'aimais pas ça. Pourquoi est-ce qu'ils ont fait ça ? Ils n'ont rien à crier, maintenant. Pas mon nom. Ils ne connaissent pas mon nom. Ce n'est pas ma faute, ils criaient, trop. Est-ce que c'est ma faute ? Je ne comprends pas. J'ai un peu mal, j'ai sommeil. Pourquoi est-ce que j'ai mal ? On ne m'a pas touché…
Il s'interrompit un moment.
-C'était une jolie tour. Tout blanc et brillant, comme la neige en haut des montagnes…Il me manque des strophes. Le ciel était tout noir, il ne pleuvait pas. Tout brûlait. Huit, dix, quatre, dix, huit. Je sais, je me souviens. C'est triste, des livres qui brûlent…Huit…Dix…Quatre…Je crois que je sais.
Et il se remit à fredonner :
Le ciel est noir comme un démon
Sur le sol gisent des oiseaux sans page
Qu'un souffle achève
Ecrits dont la voix apaisait ma rage
Le feu les prend, et nous mourons
La peau brûlée, nous avançons
Les livres sont morts, ne reste aucun bruit
Plus aucun rêve
Nous marchons encor, mais l'oiseau s'enfuit
Le feu l'a pris, et nous mourons
Il y eut un silence méditatif.
-« Encor » peut se dire sans « e », j'ai déjà vu ça…Huit…Dix…Quatre…Je crois qu'il n'y a pas d'erreur…Quelle jolie tour. Et ils n'ont même pas mon nom à crier. Tout brûlait, celahurlait et mourait sans rien avoir à dire. Mais moi, je suis toujours vivant. Est-ce que je suis toujours vivant ? Je ne sais plus. Tout brûlait, c'était moi…Mais c'était peut-être un incendie de forêt, aussi…Je ne sais plus. Comment savoir ? Ils n'ont même pas mon nom à crier. Mon nom est…Mon nom est…Ca ne sert à rien. Je suis fatigué, maintenant.
L'adolescent soupira, et se balança lentement d'avant en arrière. Au bout d'un moment, il se tourna vers la roche derrière laquelle se tenaient embusqués Gaara et Shukaku, et il dit d'une voix lasse :
-Je sais que tu es ici, tu sais.
Gaara quitta lentement son abri et fit quelques pas en direction du garçon, le visage impassible. Shukaku le suivit avec un petit rire insouciant. L'autre les scruta de ses yeux noirs avec mélancolie.
-Je ne savais pas que vous étiez deux, dit-il doucement, comme s'il se parlait à lui-même. Je pensais que toi, avec les longs cheveux, tu étais tout seul. Tu ne te caches pas bien. Tu siffles.
-C'est pas marrant de se cacher, rétorqua le tanuki en haussant les épaules. T'as une drôle de gueule, tu savais ?
L'autre ne releva pas la remarque, et il continua de dévisager Shukaku puis Gaara, Gaara puis Shukaku. Le garçon du désert ne disait mot, et lui rendait son regard avec calme. L'adolescent semblait réfléchir.
-Vous venez du village, n'est-ce pas ?
Le jeune shinobi demeura sans réaction, mais l'autre ne parut pas s'en apercevoir. Il détourna la tête avec lassitude, sans cesser de se parler à lui-même, pensivement :
-Quels yeux étranges…Turquoises comme les lacs glacés qui gèlent en hiver, au sommet des montagnes…Et dorés comme le soleil au crépuscule. Vous avez des vêtements de mercenaires, j'en ai déjà vu…Vous devez être là pour me tuer. Et vous venez du village.
Un silence.
-C'est moi qui ai tout détruit.
-Je sais, répondit simplement Gaara.
-Tu as une voix très grave. C'était un beau village. Tu le savais ? Moi, je n'avais pas envie de le détruire. Ce n'est pas pour ça que j'étais venu. Tous ces gens n'ont plus rien à crier…Pas mon nom…Est-ce que tu connais mon nom ?
L'interpellé hocha négativement la tête, sans cesser de fixer son interlocuteur de son regard concentré.
-Mon nom est Hitori Nakigara.
-Hitori Nakigara ? Répéta l'autre doucement.
L'adolescent approuva de la tête, et une ombre de sourire apparut sur la ligne mince de sa bouche.
-C'est bien, répète-le. Il faut que tu t'en souviennes, c'est important. Nakigara, ce sont les cendres humaines. Hitori, cela veut dire « L'oiseau de feu ». C'est moi qui ai trouvé ce nom. C'est important pour exister, tu comprends ? Les gens qui écrivent des livres mettent leur nom sur la couverture, comme ça ceux qui lisent peuvent le répéter, et on sait qu'il y a un écrivain. Quand il n'y a pas de nom, il est écrit « anonyme », j'ai déjà vu ça. « Anonyme », ça ne veut rien dire, il aurait tout aussi bien pu ne jamais exister, cet homme ou cette femme. Si on dit ton nom, cela veut dire que tu es vivant. C'est bien que tu dises le mien. Tu vas t'en souvenir ? Il faut bien que tu t'en souviennes…Eux, ils ne savaient pas…
Il marqua une nouvelle pause, le temps de contempler le filet d'eau qui tombait élégamment à terre en réfléchissant la pauvre lumière blafarde.
-Pourtant…Les gens vivants disent le nom de ceux qui sont morts. Je les ai entendus. Donc, même si tu dis mon nom, ça ne veut pas dire que je suis en vie. Mais les morts crient le nom de celui qui les a tués, et ce tant que l'assassin est vivant. C'est ce que j'ai lu. Alors, s'ils meurent et qu'ils crient mon nom, cela veut dire que moi, je ne suis pas encore mort. Le nom des meurtriers résonne beaucoup, dans la montagne. On l'entend de loin. Mais eux…J'ai oublié de leur dire mon nom, ils n'ont rien à crier. Ca ne prouve rien du tout, maintenant, ils auraient pu mourir dans un incendie de forêt, j'aurais pu être mort…Quel gâchis. Et tous ces beaux livres…J'aime bien les livres. Ils ont de belles voix, ils ne parlent pas fort, et cela me calme. Pauvres oiseaux noirs sans page…
Il reporta son regard sur Gaara, et dit d'un ton plus lucide :
-J'ai détruit ce village, tu le sais. Tu l'as dit. Mais je ne voulais pas que tout brûle. Ce n'est pas pour ça que je suis allé là-bas. Je voulais voir les livres. Je voulais juste lire, je n'allais pas brûler les pages. Ils n'avaient pas l'air de comprendre. Ils criaient, ils s'enfuyaient et ils sortaient des armes pour me tuer. Je leur ai dit que je voulais les livres, mais ils criaient et ils me donnaient mal à la tête. Je les ai tués, et j'ai tout brûlé. Même la tour. Même les livres. Mais je ne voulais pas. Et je ne leur ai pas dit mon nom. Je ne voulais pas que cela arrive, mais j'étais furieux. Maintenant, je suis fatigué.
Il se tut, et observa longuement le garçon du désert, comme s'il attendait une réponse. Aucune ne vint. Shukaku était très occupé à regarder le paysage et à profiter du vent dans ses oreilles. On pouvait se demander s'il avait ne serait-ce qu'entendu le discours d'Hitori.
Comme le silence se prolongeait, l'adolescent se redressa et sauta lestement à terre, conservant toutefois une distance prudente entre lui et le garçon qui lui faisait face. A aucun moment il ne rompit le contact visuel.
Debout face au shinobi du désert, il le dépassait de près d'une tête.
-Tous les deux, vous êtes là pour me tuer, n'est-ce pas ?
Gaara s'accorda quelques instants pour réfléchir.
-Non, décida-t-il.
-Tu mens.
-Je ne mens jamais.
-J'ai déjà entendu des humains dire ça, et c'était un mensonge, protesta Hitori en fronçant les sourcils. Les gens mentent, ils sont tous pareils. Et tu es un humain.
-Je suis un humain, répondit Gaara, mais je ne leur ressemble pas. Je ne suis pas venu pour te tuer. Je voulais savoir qui tu étais.
L'autre parut intéressé.
-Pour quoi faire, si ce n'est pour me tuer ? Demanda-t-il en le scrutant de ses étranges yeux noirs.
La question le prit au dépourvu, et il dut marquer une pause pour chercher la réponse la plus appropriée.
-Pour voir si ce que je trouverai serait semblable à moi, finit-il par dire lentement.
-Je ne ressemble à personne. Je ne ressemble à rien.
Il y avait un accent bizarre, dans cette dernière phrase, qui semblait presque désespéré. Les yeux d'Hitori s'étaient allumés d'un éclat plus fiévreux que jamais. Gaara ne bougea même pas un sourcil.
-Je sais. Moi non plus.
Le jeune démon resta immobile un long moment, et puis il soupira et se passa une main large et osseuse dans les cheveux. Un peu de cendre tomba à terre.
-Tu dis tout cela, mais tu pourrais mentir. Tu pourrais être en train d'attendre une occasion de me tuer. C'est fatigant, de penser que tout ce que les gens disent est faux, que ça n'existe pas. Je devrais peut-être te tuer. Tu connais mon nom, tu pourras le crier après ta mort.
Il s'interrompit, le menton dans la main et les yeux pensivement levés.
-Je dis souvent « mon nom », tu as remarqué ? C'est un palindrome. Tu peux prendre « mon nom » dans tous les sens, cela restera « mon nom ». Pourtant, « Hitori Nakigara » pris à l'envers donne « Aragikan Irotih », et Hitori Nakigara est mon nom. Donc, mon nom n'est pas un palindrome. Alors, quand je dis que « mon nom » est un palindrome, est-ce que je mens ?
Cette dernière phrase était dite avec une pointe de tristesse.
-Presque aussi taré que Ying Long, ricana Shukaku en se désintéressant momentanément du décor. T'es pas encore devenu cinglé, gamin ?
Mais Gaara considéra avec intérêt cet épineux problème. Il y réfléchit même avec tant de sérieux qu'il ne releva pas la menace de mort faite par l'oiseau de feu.
-« Mentir » signifie « chercher à tromper quelqu'un », répondit-il enfin. Tu ne mens donc pas, car tu en es incapable, mais peut-être que tu te trompes.
Il y eut un silence pensif.
-En fait, murmura Gaara, les démons ne peuvent tromper qu'eux-mêmes.
Hitori hocha lentement la tête. Il paraissait épuisé.
-Si je te tuais maintenant, tu te laisserais faire ?
Le shinobi ne répondit rien, mais ses yeux s'allumèrent d'un éclat froid et perçant. Le bouchon de sa calebasse tomba à terre, laissant couler un mince filet de sable, .
-Tu as l'air fort, murmura l'adolescent. Plus fort que les autres. En fait, je n'ai pas envie. Je suis fatigué. J'ai tué beaucoup de monde aujourd'hui, alors que je ne voulais pas. Quel gâchis…Toutes ces flammes qui dansaient sur les cadavres de livres, et rien pour les arrêter. Non, je n'ai pas envie. Aujourd'hui, j'ai assez vu de flammes. Je crois que je suis vraiment fatigué. Et j'ai un peu mal au cœur.
Il bondit en arrière, et se retrouva debout sur la petite falaise, à regarder le filet d'eau décrire son arc en contrebas. Quelques gouttes de pluie avaient commencé à tomber, éparses et légères. Alors qu'Hitori tournait les talons, une gouttelette glacée heurta son nez couvert de suie. Il leva lentement la tête vers le ciel envahi par les nuages et laissa la pluie, de plus en plus drue, inonder son visage.
-Ce n'est plus la peine de tomber, maintenant, idiote. Cela fait longtemps que les livres sont en cendres.
Et il disparut.
Un long silence s'installa, pendant lequel Gaara ne parut même pas sentir les mèches humides qui retombaient sur son front. Shukaku émit un sifflement.
-C'est vraiment un drôle de bonhomme, celui-là ! Dit-il joyeusement. Encore heureux qu'il était naze et d'assez bonne humeur, sinon on était dans la merde !
Le garçon se tourna vers son parrain, ses invisibles sourcils légèrement levés. Maintenant qu'il y repensait, l'exubérant démon des sables s'était montré incroyablement silencieux, durant son dialogue avec l'oiseau de feu. Depuis quand Shukaku faisait-il preuve de discrétion ? Hitori pouvait-il être fort à ce point ?
-Hitori Nakigara n'est-il pas un demi-démon ? Tu devrais pouvoir le vaincre.
Shukaku le fixa avec de grands yeux abasourdis, puis il éclata de rire.
-Le vaincre ? Tu déconnes, j'espère ! Tu as vu son nom et son chakra ? Ce môme est un phénix, gamin. Si je me frotte à lui, crois-moi, je vais me prendre la raclée du siècle !
Gaara le scruta, une lueur interrogatrice dans son regard turquoise.
-Je ne comprends pas.
Le visage du tanuki se fendit d'un large sourire goguenard, et il s'accroupit devant son filleul. Leurs vêtements étaient trempés par la pluie, mais ni l'un ni l'autre ne paraissaient y prendre garde, sauf peut-être Gaara qui considérait ce phénomène de l'eau tombant du ciel avec un certain intérêt.
-OK gamin, il va falloir que je t'explique encore deux-trois trucs concernant les démons. Leur puissance, surtout. Je t'ai déjà dit qu'il existait des démons naturellement plus forts que d'autres, non ?
Léger hochement de tête.
-Les démons se divisent en deux sortes : les monstres et les esprits. Les esprits, comme Baku et Ifrit, ne sont pas naturellement très balèzes, même s'ils progressent au fil des siècles. Par contre, ils ont un grand talent pour repérer le Juuinjutsu…et les mensonges. Ce sont souvent les démons esprits qui ont le sens de la Vérité Absolue.
« Après, il y a les monstres, comme moi, les Bijuu et les Fondateurs. Ceux-là sont plus puissants que les esprits. Pour se venger, ils disent qu'on est plus bête, et c'est pas forcément faux. Ce qu'il faut savoir, c'est que certains monstres, notamment les dragons et les oiseaux, sont plusforts queles autres. Ying Long, par exemple, même s'il a que trois mille piges, seul un Fondateur pourrait le battre facilement. Le plus puissant des monstres, et me demande surtout pas pourquoi, c'est le toucan. C'est pour ça que Satan est si balèze.
Il planta ses yeux d'or dans le regard concentré de Gaara.
-Le phénix vient juste après.
Un long silence suivit la phrase. La pluie, qui tombait maintenant à verse, faisait un bruit de fond apaisant, qui s'harmonisait bien avec le bruit de la source rebondissant contre la pierre.
-Avec ses quatorze piges et des bananes, ce môme pourrait rivaliser avec un Fondateur. La seule qui pourrait le battre sans effort, ce serait Satan, et peut-être quelques manipulateurs de Juuinjutsu vraiment balèzes. Alors nous…Si un jour il décide de nous tuer pour de bon, faudra courir vite !
