Fonds de Chaudron
Ceci est une réponse au défi
"Potter-jeu-de-mot n°20" de TWWO, avec les mots:
-
Raisin
- Zoo
- Maison
- Ophtalmologie
-
Réserviste
Disclaimer: L'univers et les personnages sont de JK Rowling. Je ne gagne rien avec ce texte, sauf peut-être des reviews, et ça ça n'a pas de prix.
Spoilers: Toute la saga de JKR, mais principalement les tomes 4, 5 et 6. L'action prend place juste après le 4, pendant l'été 1995.
Rappel: Maugrey Fol-Œil a passé l'année précédente enfermé dans sa propre malle par Barty Croupton Jr, qui a pu être aux premières loges du Tournoi des Trois Sorciers grâce à ce subterfuge. A partir du retour de Voldemort, Slughorn a commencé une longue fuite pour éviter de tomber aux mains des Mangemorts, "squattant" des maisons de moldus partis en vacances et ne restant jamais plus d'une semaine au même endroit.
Je remercie ma relectrice, Wanderin
(/u/984670/). Et aussi TWWO pour cette merveilleuse idée
d'organiser ces PJM, c'est très stimulant... Ca me fait un peu
penser à ce jeu, pendant l'été, "Gagnez vos
vacances avec RTL", vous savez, il faut sélectionner des
mots parmi une liste, et si ils font bien partie de la chanson, on a
gagné (de l'essence pour partir en vacances, je crois), et
quand la chanson passe, à chaque qu'un mot sort on entend un
"ting!"
Bon, ok, j'arrête de déblatérer!
.
Dans une petit ville triste et vide du Royaume-Uni, les restes
délabrés de ce qui avait été un luxueux
quartier pavillonnaire, au temps de la gloire industrielle,
croupissaient piteusement dans la lourde poussière de cette
chaude journée d'été; de cette moiteur
étouffante qui précède l'orage.
Au cœur des
lotissements en déclin, une bâtisse en particulier
battait tous les records en matière d'endroits désolés,
inquiétants, sinistres et lugubres.
Au milieu de sa morne façade lézardée et ternie par l'oxydation, derrière un semblant de rideau crasseux et rapiécé, un vieil homme à la physionomie peu amène fixait d'un air maussade le panneau qui se balançait en grinçant au-dessus de son portail. Côté rue, on pouvait lire "Attention Maison Piégée Danger". Et il y en avait au moins six autres tout le long du grillage.
C'était
bien parce que le Ministère le lui avait imposé! Tout
ça pour ces fichus moldus… Vraiment navrant.
Tellement
lamentable… Mais le monde était fou, ce n'était pas
nouveau. Les choses s'étaient simplement accélérées
depuis le début de l'été, rien de plus. Pas de
quoi en faire un plat. C'était prévisible, dès
les premiers temps de la Trêve; mais les gens étaient
toujours champions pour faire l'autruche, alors que dire du
Ministère…
Et maintenant qu'ils se retrouvaient au pied
du mur, voilà qu'ils s'agitaient dans tous les sens, brassant
plus de vent qu'autre chose…
Ah, triste monde tragique. Les
choses seraient bel et bien toujours les mêmes.
Oh
remarque, ça faisait toujours un peu d'action. Il avait beau
dire, l'inaction finissait par lui peser. La retraite, c'était
bien beau, et bien reposant après une longue carrière
périlleuse et trépidante, mais on s'en lassait.
Oh
bien sûr, il avait essayé de s'occuper, mais la dernière
tentative ne s'était absolument pas révélée
plaisante, et il n'avait aucunement l'intention de renouveler
l'expérience. Un fiasco total…
Ruminant ces sombres
pensées, il envisageait de se faire un thé bien amer et
très fort, lorsqu'un mouvement furtif retint son attention. A
peine un battement de cil, mais il en fallait plus pour échapper
à sa vigilance.
L'œil aux aguets, il se figea dans une
immobilité parfaite, prêt à attendre autant qu'il
le faudrait, comme aux temps de ses meilleures planques.
Et
effectivement, quelques instants plus tard, une silhouette se
faufilait en catimini avant de s'introduire dans la maison
voisine.
Un brin interloqué, le vieil homme se frotta les
yeux et balaya rapidement tous les environs de son regard perçant.
Déjà, l'incrédulité laissait la place à
la détermination.
Il avait clairement repéré
l'extrémité d'une baguette magique, et les manières
de l'inconnu ne lui plaisaient pas. Que pouvait bien faire un sorcier
dans un quartier aussi résolument moldu et sans intérêt
que celui-ci?
Il hésita quelques secondes, dans
l'expectative, mais alors il perçut l'infime grésillement
caractéristique de la mise en place d'un solide dispositif
d'alarme magique, principalement basé sur un sortilège
d'Intrusion.
Son sang ne fit qu'un tour. Ah ça non, ce
n'était pas parce qu'il avait toujours refusé d'être
réserviste qu'il allait laisser faire ça sous
son nez!
Aussitôt il fut en marche, baguette au poing,
retrouvant instinctivement les réflexes de filature de l'Auror
averti…
Longeant les murs en tapinois, il suspendit l'alarme en
un tour de main et pénétra par la porte de derrière.
Il inspecta rapidement le garage avec la prudence la plus
élémentaire, certain cependant que sa proie n'avait pas
eu le temps de venir jusqu'ici. A en juger par le silence tendu qui
régnait dans la masure, l'intrus était sur ses gardes,
malgré toutes ses précautions. L'âge avait dû
le rouiller… Il redoubla donc de vigilance, et prit bien soin de ne
faire craquer aucune marche de l'escalier branlant. Puis, veillant à
ne pas faire grincer la moindre latte de parquet sous ses pas, il
entrebâilla la porte du salon, qu'il scruta attentivement sans
rien remarquer de suspect. Perplexe, il entra doucement, tous les
sens en alerte. Il en fit plusieurs fois le tour sans que rien ne se
passe, et pourtant son intuition lui assurait qu'il se trouvait au
bon endroit. Posément, il se planta au milieu du salon et
tourna doucement sur lui-même, examinant le moindre détail
d'un air circonspect.
Brusquement, la vérité se
fit limpide.
Une sueur froide lui coula dans le dos alors que,
poussé par une décharge d'adrénaline, il
grogna:
"Les Moldus que vous cherchez ne sont pas là,
inutile de rester ici."
N'importe quel témoin à ce moment-là aurait pu le croire complètement siphonné, car il venait de s'adresser sans doute possible à un vieux pouf aux motifs africains avachi près du canapé.
Et
pourtant, le cuir du pouf se mit très vite à suinter
étrangement, tandis qu'une voix semblait s'en élever
directement, après un bref silence très intense, pour
balbutier:
"Mais… Mais je ne les cherche pas! Pas du tout!
Au contraire, je… J'espérais simplement profiter de leur
absence… Ça ne coûte rien, voyez?
– Mmh… M'avez
pas l'air d'un Mangemort, vous…"
A ces mots, le pouf
eut un petit bond et commença à se liquéfier en
des formes bizarres. En même temps, la voix avait repris:
"Non!
Surtout pas! C'est d'eux que je me cache, je ne veux pas qu'ils
m'enrôlent!"
Quand cette diatribe affolée
prit fin, le pouf était devenu un petit homme
extraordinairement rondouillard, chauve et moustachu – mais surtout
effrayé – qui se cramponnait à une énorme
valise fatiguée sur le point de craquer.
Le vieil original
le jaugea du regard, détaillant de la tête aux pieds ce
sorcier terrifié qui l'était encore plus par cet examen
digne du rayon X.
"Bon… Dans ce cas, venez chez moi,
les moldus reviennent demain.
– Demain?! Mais je les croyais
partis pour une semaine!
– Ben ouais, c'est trompeur. Ils font
ça tous les ans, ils passent juste une journée chez
leur fils, je crois.
– Oh… Bon, eh bien, puisque vous le
proposez…"
D'un coup de tête, il fut invité à passer devant. Guidé par les instructions de son mystérieux informateur, il emprunta la porte de derrière, et se retrouva bientôt dans le vestibule d'une maison bien moins confortable que celle qu'il venait de quitter (mais il eut cependant le bon goût de n'en rien dire), et posa sa lourde valise sur le tapis mangé aux mites d'un salon qui ne payait pas de mine. Son hôte renfrogné et encore un peu méfiant dressa la table à l'aide d'une impressionnante rafale de sortilèges d'Attraction, disposant les petits gâteaux mous et les différents sortes de thés sans le quitter des yeux une seconde. Quand la théière fut assez chaude et que son invité incongru eût prudemment opté pour un sachet de thé indien à l'orange, il grommela:
"Alors, vous êtes…?
– Horace
Slughorn, se présenta celui-ci avec un soulagement sans borne,
enfin libéré de l'examen intense qui le mettait
extrêmement mal à l'aise.
…Et vous?
– Alastor
Maugrey, répondit simplement son hôte, s'enfonçant
plus profondément dans son fauteuil, assuré désormais
qu'il n'était pas en présence de quelque agent
maléfique.
– Oh! LE Maugrey Fol-Œil? Le fameux Auror
d'élite?
– Je suis à la retraite.
– Mais je
suis très honoré… Vous étiez un héros,
lors de la dernière guerre!
– Bof, peu importe… Et
vous, vous faites quoi?
– Oh, je suis moi aussi à la
retraite. J'étais professeur de potions à
Poudlard."
Cette révélation n'obtenant pas
l'effet escompté, il se rembrunit et se mit à aspirer
son thé par saccades bruyamment désapprobatrices.
Maugrey
ne sembla pourtant pas s'en apercevoir, car son regard s'était
brusquement perdu dans le vague et il y avait fort à parier
qu'il ne se rendait plus compte de rien.
Il finit par
s'ébrouer comme un vieil ours, et agita sa baguette deux ou
trois fois, ce qui eût pour résultat de faire atterrir
entre eux un tonnelet de vin d'elfe, et du même coup de rendre
du pétillant dans les yeux de Slughorn. Pendant quelques
instants ils demeurèrent silencieux, immobiles et le dos bien
droit, à contempler religieusement la vénérable
vendange vieillie au fût.
Puis ils remplirent leur première
chope, contenant leur impatience en se forçant à des
gestes lents et soigneux. Ils firent virevolter le précieux
liquide, humèrent le nectar grenat, trempèrent la
langue, et finalement vidèrent l'intégralité de
la noble liqueur.
Horace Slughorn claqua la langue d'un air de
connaisseur.
"Une pure merveille! C'est un coteau écossais,
n'est-ce pas?
– Tout juste! Le meilleur: Grappe-Couenne. Je le
gardais en attendant une occasion…
– Oooh, le petit Clos
Grappe-Couenne… Je n'y aurai pas songé! Pas loin de
Pré-au-Lard, c'est ça?
– Exactement. La plus
ancienne treille elfique d'Angleterre, à ce qu'on raconte.
–
C'est tout à fait incroyable, ce que ces elfes arrivent à
faire avec un peu de raisin. Ils travaillent en coopérative,
je crois?
– Peut-être bien, maintenant que vous le dites…
Et uniquement sur leur temps libre, il me semble."
Ils devisèrent encore longtemps au sujet des vins d'elfes et autres distilleries sorcières aux grands crus, puis la conversation s'essouffla et retomba, glissant naturellement en lamentations avinées sur l'absurdité des gens, du monde entier, de la vie, de la société et des retraites ennuyeuses. Une fois qu'ils eurent fait le tour, un faible regain d'ardeur dissipa tant bien que mal les brumes de la déprime éthylique, tandis qu'ils passaient en revue diverses suggestions:
"Vous, vous avez quand même la Société
des Potionnistes…
– Oh, ce n'est pas grand chose, vous savez…
Un tas de radoteurs qui traînent en chemise de nuit et robe de
chambre, qui poussent les grands cris dès qu'un chercheur un
brin entreprenant avance une théorie, dès qu'un jeune
sorcier fringuant marche un tant soit peu sur leurs plates-bandes…
–
…Alors vous pourriez vendre des potions déjà
préparées chez un apothicaire! C'est ce que fait Mary
Mixtur, sur le Chemin de Traverse, il paraît que ça a un
succès fou, les sorciers se les arrachent!
– Mmh, les
gens sont trop pressés, de nos jours… Je ne vais
certainement pas contribuer au déclin des valeurs
traditionnelles. Et puis franchement, vous croyez vraiment que ça
soit passionnant, à la longue?
– Evidemment, vu comme
ça…
– …Et vous alors, vous n'avez jamais pensé
à offrir vos services aux fabricants d'alarmes magiques? Les
boutiques d'objets défensifs sont débordées!
–
M'en parlez pas! J'ai déjà été les voir,
mais ils m'ont tous trouvé trop parano à leur goût!
Vous y croyez, vous?
– Oh, euh… Vous êtes vigilant,
voilà tout…
– Exactement! Et ça manque beaucoup,
la vigilance, de nos jours! Enfin de toute façon, je ne sais
pas si j'aurai vraiment pu être utile. J'en doute, même.
Je sais surtout m'en servir, mais les fabriquer, c'est une autre
paire de manches. Ils se débrouillent déjà très
bien au Bouclier, qu'ils continuent sans moi.
– Hum… Alors
faites-vous Aubépin! Vous êtes encore très
vaillant!
– Vous n'allez pas vous y mettre vous aussi! J'estime
que j'ai déjà assez payé de ma personne, voyez?
Alors Auror Réserviste, merci bien!
– C'est sûr, ça
se comprend.
– …
– Et ça ne vous dirait pas,
l'enseignement? C'est très gratifiant, vous savez…
–
Peuh!
– …Non?
– Polynectar, vous connaissez?
– Euh…
Eh bien, comme tout le monde, je pense…
– Un sale type s'en
est servi pour prendre ma place! Un Mangemort que j'avais envoyé
moi-même à Azkaban! Et qui était censé y
être mort! Qui s'amusait à leur faire des démonstrations
des Impardonnables! Dans ma peau à moi! Pendant que j'étais
enfermé dans ma propre malle!
– Euh… En effet, ce ne
sont pas vraiment les meilleurs conditions pour apprécier le
métier…"
Slughorn adopta une attitude platement compatissante que la sagesse lui dictait, et le tonnerre de grondements se calma bientôt. Dans une tentative prudente pour changer de sujet, Horace désigna l'étiquette estampillant le baril dans un vague mouvement de retour sur le sujet des crus sorciers et du domaine elfique proche de Pré-au-Lard. Mais son geste fut interprété différemment…
"Ouais,
le Clos avait bien des difficultés, cette année-là,
pour sûr.
– Ah? Euh… Oh, 1981. Bien sûr.
–
Sale année.
– Mmh, bien sombre époque... Enfin en
même temps, ça a été la fin de la Première
Guerre, ce n'est pas négligeable.
– Hin! On voit bien que
vous n'étiez pas Auror après la Chute.
– Oh, je
sais bien que c'était vraiment des temps très troublés.
Mais j'y pense…
– Mmh?
– Je ne voudrais surtout pas être
indiscret, mais… Je me demande…
– Allez, mon vieux, vous
gênez pas! Qu'est-ce que vous voulez savoir?
– Eh bien,
hum… Votre œil…
– Oh, ça ne m'est pas arrivé
juste après. Seulement dans les années qui ont suivi.
–
Je n'avais encore jamais vu ça… C'est un véritable
prodige de l'ophtalmologie magique!
– Ouais, 'l'a été
fait sur mesure. Très précis, puissant…
– C'est
avec ça que vous m'avez déniché, tout à
l'heure, n'est-ce pas?
– Tout juste.
– Aristide Bonpied,
j'imagine?
– …Mais… Comment le savez-vous?!
– Simple
supposition! Je l'avais dans ma classe, quand il était à
Poudlard. Un sacré caractère, mais c'est le seul génie
que je connaisse qui soit capable d'un tel miracle… Déjà
pendant ses études, c'était un surdoué comme on
en voit rarement!
– Vous avez dû enseigner à de
grands sorciers…
– C'est effectivement l'une des gloires que
ce métier rend accessible… Et vous ne pouvez pas imaginer le
prestige qu'on ressent en dévoilant les mystères du
grand art des potions à des cerveaux pareils…"
Maugrey
resta songeur quelques instants, puis ils se mirent à parler
de tout et de rien, de leur enfance, de leur scolarité, de
leurs erreurs de jeunesse…
Ils en étaient à se
confier leurs plus gros défauts quand Slughorn se sentit assez
en verve pour glisser à son compagnon:
"A ce propos,
Maugrey… Vous devriez vraiment faire un peu le ménage, de
temps en temps… Ça sent vraiment le fauve, on se croirait
dans un zoo… Enfin je dis ça, moi, c'est pour vous,
hein!"
A l'expression consternée de ce dernier, il comprit qu'il n'avait jamais vu les choses sous cet angle.
"Ma
foi, c'est vrai que ce taudis ne s'arrange pas avec les années…
Jamais été bien soucieux de mon confort, vous
comprenez… Merlin, on dirait vraiment une porcherie, vous avez
raison!"
Alors, pris d'un coup de sang stimulé par
cette révélation, il se mit en devoir de rendre un
semblant d'ordre et de propreté à son petit intérieur.
Slughorn se dépêcha de lui prêter main-forte; et
au bout d'un bon quart d'heure, même si ce n'était pas
encore ça, le salon avait meilleure mine. Horace n'avait pas
besoin de savoir lire dans les feuilles de thé pour savoir
qu'à peine deux jours plus tard, il n'y paraîtrait plus;
mais, pour l'heure, il respirait beaucoup mieux.
Maugrey n'en
revenait pas d'avoir retrouvé tant d'objets qu'il croyait
perdus depuis longtemps…
"Mon premier strutoscope de poche!
Et dire que j'ai fini par m'en racheter un à prix d'or! Oh,
mon puzzle Enigma! Et mon code d'Arithmancie! Oh, ma jambe de
cérémonie en ébène sculpté! Enfin,
on ne peut pas dire qu'elle m'ait vraiment manqué.
Ah, ma
deuxième cape d'invisibilité, il fallait justement que
je la retrouve-"
Tout à coup il s'interrompit, jetant un regard gêné en direction de son nouveau compère qui ne le remarqua pas, trop occupé à se prélasser avec délices dans un canapé moelleux à souhait, fraîchement dégagé du monceau de paperasses en décomposition qui l'avaient entièrement recouvert pendant un demi-siècle.
"Hum. Euh… Si
je te dis 'l'Ordre', ça te dit quelque chose, Slughorn?
–
Oh, appelle-moi donc Slug, ou Horace, au point où on en est…
L'Ordre? Mmh, Dumbledore m'en a parlé… Tu ne veux pas me
convaincre d'y entrer, j'espère? Albus a dépensé
beaucoup d'énergie pour ça, mais je n'ai toujours pas
changé d'avis.
– … C'est-à-dire?
– C'est
contre mes principes de m'engager dans une organisation, surtout si
elle est clandestine.
– Hum… Je suppose que ça ne pose
pas de problème puisqu'il vous en a parlé… Mais je
n'aime pas trop vos manières, je vous le dis tout de suite…
–
Oh, je ne voulais pas vous vexer… C'est juste que je préfère
rester en-dehors de tout ça, autant que possible…
–
Vous savez ce que ça coûte, ce genre d'attitude?
–
Euh, eh bien, hum, il faut bien qu'il y ait des sorciers neutres,
non…?
– Voyez, Slughorn, vous commenciez à me plaire.
Dommage.
– Hein? Ah non, écoutez, on ne va pas
sacrifier-
– Sacrifier? Vous osez dire ce mot?!
– Enfin, on
ne va pas se fâcher simplement parce que… Parce que…
–
Parce que vous êtes un minable trouillard lâche et
abject?
– Euh… D'un autre côté, il vaudrait mieux
que je ne tombe pas aux mains de l'ennemi, n'est-ce pas?
–
Mmh…
– Je vous assure que je n'en suis pas fier, Maugrey,
surtout devant vous. Mais je n'ai vraiment aucune envie de prendre
des risques, de me mettre en danger… J'apprécie mon petit
confort, vous comprenez…
– Mmh… Mouais…Bon. Vous avez
raison, j'ai connu bien pire que vous, ça serait trop bête
de se fâcher pour ça. Ça doit être le vin,
je me suis un peu échauffé.
– Je… Je peux vous
préparer une Potion de Dégrise Rapide, si vous
voulez…
– Ah oui, bonne idée. Voyez que vous n'êtes
pas mauvais, au fond!"
Pendant que Slughorn s'activait devant la cheminée, Maugrey mit la cape de côté et examina de plus près le bout de papier qu'il avait retrouvé avec.
"C'est quand même triste, tous ces braves types perdus…"
Horace se retourna lentement, et
contempla la vieille photo aux tons sépia que Maugrey s'était
approché pour lui montrer.
"Marlene McKinnon, une
fille formidable… Les Londubat, les pauvres… Benjy Fenwick, un
vrai carnage… Edgar Bones, un puits d'érudition… Caradoc
Dearborn, enfin on suppose qu'il est mort, on ne l'a jamais revu…
Gideon et Fabian Prewett, des gars généreux comme pas
deux, le cœur sur la main… Dorcas Meadowes, une femme étonnante…
–
Est-ce bien Dedalus Diggle, ici? Je l'ai eu en classe de BUSEs. Très
étourdi…
– C'est le moins qu'on puisse dire.
–
Euh… Fletcher? Dites-moi que je me trompe.
– Hélas non.
Je soupçonne Abelforth d'y être pour quelque chose. Le
frère de Dumbledore, un drôle de type.
– Je ne
savais même pas que Dumbledore avait un frère…
–
Barman à la Tête de Sanglier.
– Oh. Je comprend
mieux… Et là, n'est-ce pas Emmeline Vance? Une élève
très brillante, elle est au Ministère, si je ne
m'abuse.
– Exactement. Très professionnelle, sûrement
l'un de nos meilleurs éléments.
– Et lui, ce doit
être Sturgis Podmore?
– Oh oui. Toujours avec ses
chapeaux… originaux.
– Difficile de l'oublier… Celui-ci, sa
tête me dit quelque chose, mais… Oh, je vois Potter, c'était
donc son ami, celui qui était très réservé.
Et voici le petit stressé, je ne sais plus son nom…
–
Lupin et Pettigrew. Et aussi Black, ils étaient très
amis.
– Oh. Black. Sale histoire… Ce gamin était
vraiment impossible, ces années ont été les
pires de ma carrière. D'ailleurs je suis parti en retraite
très peu de temps après.
– Oui, il a son
caractère, c'est sûr…
– Quoi! Vous le
connaissez? Vous savez où il est?
– Hein? Oh, non, bien
sûr! Simple façon de parler… Enfin quoi, si on savait
où il se planque, ça se saurait, non?
– Oui, à
l'évidence… Désolé, j'ai juste cru un instant
que…
– Ben c'est que, voyez-vous, j'espère toujours le
dénicher un jour, mais personne ne le sait, parce que le
Ministère s'en servirait pour essayer encore une fois de me
compter parmi ses réservistes…
– Ah, d'accord! Dans ce
cas, c'est normal que vous ayez parlé au présent!
–
Eh oui, ça m'a échappé…
– Et le, euh…
L'Ordre, n'approuverait-il pas votre quête secrète?
–
Oh, je ne sais pas… Jamais pensé à leur en parler,
j'évite toujours de les déranger avec mes
ronchonnements. Je veux dire, ils disent tout le temps que je leur
suis très utile, mais je sais bien qu'ils me trouvent très
vieux jeu.
– Mais alors, j'y pense, vous n'avez pas à
vous plaindre: la retraite ne doit pas vous peser tant que ça,
en participant à ce groupe subversif- euh, défensif?
–
Oh, ne croyez pas ça. On ne me confie que très peu de
choses, des broutilles que n'importe qui serait capable d'accomplir.
Je ne me sens jamais pleinement efficace, et ça me
chiffonne.
– Comme je vous comprend…"
Ils marquèrent une pause pour ingurgiter la Potion de Dégrise Rapide, qui était certes efficace mais absolument infecte. Une fois les spasmes contrôlés, les maux de tête s'étaient néanmoins dissipés, et ils purent observer un petit silence nostalgique.
"Vous savez,
Maugrey, mon vieux, moi, je vais vous dire: on n'est que le fond du
chaudron.
– Pour sûr. Des bouts de chandelle. La cinquième
roue de la diligence.
– Mais ce qu'il faut se dire, c'est que ce
qui reste au fond du chaudron, c'est toujours le meilleur… A
l'épreuve de tout, toujours là quand tout le reste a
disparu…
– …Tiens, je n'y avais jamais pensé… C'est
vrai, ça…
– Les fonds de chaudron, y a que ça de
vrai, comme disait ma grand'mère!!!"
