saluuuut j'espère que vous allez bien ! Je suis (enfin) de retour avec un nouveau chapitre, honnêtement je l'aime pas beaucoup, c'est l'un des pires, j'ai mis 10 ans à l'écrire mais il est plus ou moins important.
Je le dis pas souvent parce que j'oublie mais merci beaucoup pour les reviews ! Ça m'aide et me motive énormément pour la suite de l'écriture donc hésitez pas à en laisser si vous avez des remarques, des théories ou autre !
sur ce, bonne lecture
Le bruit de la sonnette d'entrée résonne dans toute la maison.
Tomoko posa son stylo sur son bureau et descendit les escaliers avant d'ouvrir la porte d'entrée.
Elle eut un vif mouvement de recul quand elle vit Makoto face à elle, lui tendant un sac.
Ses blessures avaient eu le temps de changer de couleur et certaines de disparaître depuis la semaine précédente. Une petite semaine de répit durant laquelle elle avait eu le temps de ranger les évènements dans les recoins les plus profonds de son esprit en espérant oublier.
Elle n'y arrivait jamais réellement.
Tout lui rappelait toujours à quel point elle souffrait et à quel point Makoto contrôlait chaque parcelle de sa vie.
Elle frotta frénétiquement ses cicatrices en fixant le sachet en plastique face à elle. Elle pouvait deviner ce qu'il contenait, sûrement des sucreries et autres qu'elle aimait sur le dessus et tout au fond une liasse de billet. Il fut un temps où il lui offrait des bijoux hors de prix mais Tomoko ne les portait jamais. Quelque part, elle aimait affirmer qu'elle n'était pas sa chose.
Même si tout le monde savait que c'était le contraire.
-Arrête de toucher à ça, tu vas les rouvrir, dit Makoto.
-Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle, ignorant totalement sa fausse inquiétude.
Il y eu un moment de silence durant lequel il se fixèrent puis il baissa la tête.
-Je suis désolé.
Et il le semble réellement. Comme toutes les autres fois.
-J'ai faillis te tuer Tomoko et je m'en veux. Réellement. J'aurais pas dû faire ça.
Elle le fixe, blasée, les bras croisés sur sa poitrine. Elle sert les poings pour ne pas toucher à ses anciennes blessures.
-Pourquoi tu me fais autant de mal ? souffle-t-elle, la voix cassée.
-Je… je t'aime tellement que... j'ai peur de te perdre. Réellement. Et je sais que c'est pas la bonne méthode mais ça me ronge tellement que… je sais même plus quoi faire.
Il la regarde et Tomoko déteste ça parce qu'elle sait qu'elle est sur le point de céder.
Il s'en veut rarement autant.
Le plus souvent, il revient comme si de rien n'était et il l'accompagne à l'école ou vient la chercher à la fin des cours. Les cadeaux, elle y a rarement le droit. La solitude aussi, d'habitude il vient la voir tous les jours ou la fait surveiller.
Mais là, il lui a laissé du temps. Elle en a sûrement besoin de beaucoup plus mais c'est déjà assez pour lui, Makoto n'est pas patient en temps normal. S'il fait cet effort, c'est uniquement pour elle, uniquement parce qu'il l'aime.
Et puis c'est Makoto de toutes manières.
Ils ont dormi ensemble, pris des bains ensemble, elle veillait certaines nuits sur lui quand il tombait malade.
Il fait des erreurs. Bien sûr qu'il en fait, tout le monde en fait et puis le climat actuel n'aide absolument pas. Après tout, il est chef de gang, c'est un poste particulièrement stressant alors c'est tout à fait normal que certaines fois il soit à cran, il a juste besoin de relâcher la pression de temps à autres. C'est normal, c'est même tout à fait humain.
Alors forcément, quand il a juste envie d'être avec sa petite-amie et qu'il la retrouve avec un autre garçon, ça l'énerve un peu. Après tout, il voulait simplement lui faire une petite surprise et elle, elle gâche tout ça.
C'est normal qu'il s'énerve. C'est même légitime, Tomoko aurait fait la même chose.
Elle doit le pardonner. Elle doit le faire parce qu'elle est autant en tort que lui dans tout ça.
Pourtant, quand elle tente de faire un pas vers lui, son corps entier est crispé, son cœur bat fort et ses mains tremblent.
Makoto avance vers elle, comblant en deux pas l'espace qu'il y a entre eux.
Tomoko sent son corps reculer avant d'être stoppée par les bras de Makoto qui l'entourent.
Il est contre elle, la tête plongée dans son épaule.
Tomoko sent son odeur, sa présence envahissante et surtout sa puissance. Makoto peut l'écraser s'il en a envie, elle ne pourra même pas lui résister.
Elle sent ses propres doigts s'enfoncer dans ses cicatrices, s'enfonçant dans sa peau, sa respiration accélérer et son corps trembler tandis que sa vision se brouille à cause des larmes.
« Arrête. Laisse-moi tranquille je te hais. »
C'est ce qu'elle a envie de lui dire mais ses lèvres restent désespérément closes.
Elle inspire un coup pour se calmer.
La main de Makoto caresse doucement son dos, comme pour la rassurer.
-Chut… ça va aller To-chan. Je suis là, chuchote-t-il.
Tomoko se retient de hurler.
Makoto a raison. Il n'y a pas à avoir peur, c'est juste lui. C'est juste Makoto qui est là avec elle.
Il n'y a pas à avoir peur. Il ne va rien lui faire, il vient juste se faire pardonner.
Tomoko desserre lentement ses doigts et ses bras s'ouvrent pour se poser sur les épaules de Makoto. C'est mécanique, spasmodique mais au moins c'est fait.
Ils restent comme ça de longues minutes et finalement, le cœur de Tomoko arrête de battre aussi vite et son corps arrête de trembler.
Tout va bien.
Tout va bien.
L'amour peut tuer.
C'est la seule conclusion logique à laquelle arrive Tomoko.
L'amour est quelque chose de dangereux et il peut tuer. Il ne faudrait jamais tomber amoureux.
Mais c'est malheureusement trop tard pour elle.
Elle est amoureuse de Makoto. Complètement.
Quand ils sont simplement assis dans son canapé, blottis l'un contre l'autre à manger des Pocky tout en regardant des animes stupides, Tomoko se demande si tout cela, ce qu'il lui a fait, n'était pas qu'un délire inventé par son cerveau défaillant.
Le corps de Makoto contre le sien est une source de chaleur agréable. Son rire ressemble au chant des oiseaux et son sourire la rend heureuse.
Parfois il la regarde et lui tend des gâteaux, ou il lui prend la main et leurs doigts s'emmêlent. Ce geste vaut bien plus que des milliers de « je t'aime ».
Tout est si parfait que c'en est irréel.
Makoto est le Makoto qu'elle a toujours connu. Le garçon dont elle est amoureuse.
-Dit, To-chan…
Et quand il lui dit ça, elle n'a pas peur. Elle sait qu'il n'est pas énervé, il pose simplement une question.
-Hum ?
-Ce type, Sawada… C'est ton ami pas vrai ?
Tomoko acquiesce silencieusement en avalant un autre Pocky.
-Il est faible, un peu simplet. Ne te préoccupe pas de lui, dit-elle.
Elle sentit Makoto se détendre contre elle et c'est seulement là qu'elle remarqua qu'il semblait tendu avant.
-Je t'aime tu sais. Que toi. Il n'y a que toi.
Parfois, égoïstement, elle souhaiterait qu'une autre imbécile tombe amoureuse de lui pour qu'il la laisse tranquille. Puis elle revient à la réalité et sait que de toutes façons, elle ne pourrait jamais supporter que Makoto la laisse tomber pour une autre. Elle n'est personne sans lui et il n'est personne sans elle, c'est ainsi que fonctionnent les choses.
Tomoko se tourne face à lui et caresse sa joue avant de l'embrasser.
Les mains de Makoto se posent doucement sur ses hanches puis glissent sous son t-shirt. Tomoko se fige complètement, le cœur battant. Makoto le sent car il se contente de simplement caresser l'une de ses cicatrices, une longue balafre le long de son flanc droit et qui se finit au niveau de son nombril, puis la lâche. Tomoko se détend et les deux se séparent.
Makoto lui sourit de son air doux habituel puis passe la main dans tes cheveux. Soudain, il fait la moue.
-Pourquoi tu coupes toujours tes cheveux ? Tu ressembles à un garçon comme ça, je préférais quand ils étaient plus long c'était plus simple de les attraper quand on…
-C'est chiant de s'en occuper. Et puis ça ne me dérange pas de ressembler à un garçon, coupa Tomoko.
Elle détestait quand il mentionnait quand ils couchaient ensemble parce qu'elle voyait plus ça comme une torture qu'un moment de plaisir.
Couper ses cheveux avait été l'une des meilleures décisions de sa vie, Makoto passait son temps à les lui tirer comme la laisse d'un chien que l'on tire quand il est désobéissant. Quand il la frappait il lui tirait les cheveux pour l'empêcher de bouger.
Makoto bouda encore un peu, jouant avec ses mèches courtes puis finit par l'embrasser dans le cou avant de se lever.
-Faut que j'y aille, j'ai encore plein de trucs à faire mais je viens te chercher demain pour l'école ok ?
Tomoko acquiesça.
Il lui fit un signe, puis enfila ses chaussures avant de partir.
Tomoko était restée immobile, assise dans le canapé. Même après que la porte ait claqué, elle ne fut pas capable de bouger.
Elle avait cette sensation étrange qui traversait tout son être, une sorte d'instinct de survie doublé d'une peur dévorante qui lui disait qu'elle ferait mieux de fuir et de disparaître avant que Makoto ne revienne, avant que son humeur ne change et qu'il veuille lui faire du mal.
Tomoko inspira un bon coup puis se leva en ignorant cette étrange sensation. Elle avait encore des devoirs à faire.
-Maaaaaaaaa-kuuuuuuuun ! Dépêche-toi on va être en retard ! hurla la petite Tomoko du haut de ses 11 ans.
Mains sur les hanches, la tête levée vers la fenêtre du premier étage de la maison en face d'elle Tomoko poussa un long soupir en secouant la tête, faisant danser les deux longues tresses sur ses épaules.
Makoto était toujours en retard pour leur cours de taekwondo, c'était sans espoir.
La fenêtre s'ouvrit laissant apparaître une petite tête ronde aux joues remplies. Makoto était un peu grassouillet pour son âge et c'est parce qu'il voulait perdre du poids qu'il a commencé le taekwondo avec sa meilleure amie, Tomoko.
-Déjà ? J'arrive To-chan ! dit-il.
Tomoko croisait les bras sur sa poitrine, mécontente, préparant déjà le sermon qu'elle allait pouvoir lui faire sur le retard et l'importance du respect des horaires.
La porte d'entrée s'ouvrit, laissant apparaître Makoto qui courut vers elle.
-A tout à l'heure maman !cria-t-il.
Sa mère lui fit un petit signe de la main avant de fermer la porte.
-On y va ?dit-il à Tomoko avant de se saisir de sa main et de se mettre à courir.
Le réveil sonne toujours le retour à la réalité et le recommencement de son enfer quotidien.
Tomoko a envie de le détruire, qu'il ne vienne plus troubler ses rêves paisibles d'un passé parfait dans lequel tout allait bien mais ce serait inutile, ce n'est pas le réveil le problème.
Elle se prépare tranquillement en fredonnant quelques anciennes chansons de Morning Musume 20 tout en pensant à tout ce qu'elle devra faire durant la journée.
Le conseil des élèves à plusieurs réunions auxquelles elle devra assister aujourd'hui, ça l'ennui d'avance mais ce n'est pas comme si elle avait réellement le choix, elle était présidente, elle avait des responsabilités.
-'jour maman, dit-elle en descendant les escaliers.
Le petit déjeuner était déjà servi sur la table et l'attendait. Sa mère était simplement assise dans le canapé, un livre en main.
Saika Sawamura était une jeune femme aux longs cheveux blonds et aux yeux noisette. Elle arborait constamment un air blasé que certains qualifieraient de froid mais Tomoko savait que c'était juste la manière d'être de sa mère. Elle avait un peu de mal à exprimer ses sentiments.
Sa mère lui fit un signe avant de retourner à la lecture de son livre.
Tomoko s'assied et commença son repas.
-Ton bentô est dans la cuisine, dit sa mère en tournant tranquillement une page du livre.
-Merci maman. Tu travailles aujourd'hui ? demanda Tomoko.
-Oui. J'ai des commandes pour l'Italie que je dois finaliser avec des fournisseurs de Tokyo. Je rentrerais demain matin.
Demain matin. Tomoko allait donc rester une nuit de plus seule chez elle.
Pas que ça la dérangeait particulièrement de rester seule chez elle, à vrai dire sa mère accepterait volontiers de l'amener avec elle mais elle n'aimait pas beaucoup le boulot de sa mère. Cependant, rester ici, ça voulait dire que Makoto pourrait venir et quand ils étaient seuls chez elle, il avait particulièrement envie d'elle.
Tomoko serra doucement son poing pour s'empêcher de toucher à ses cicatrices, souvenir de la seule et unique fois où Makoto l'avait envoyée à l'hôpital. Les balafres qu'il avait dessiné au couteau étaient devenues marrons et presque lisses sur sa peau blanche.
Elle se souvenait de la sensation du métal froid qui entrait en elle, du sang chaud dans lequel elle baignait et les hurlements stridents de Fuyumi. Makoto était incontrôlable ce jour-là.
Elle avait réellement cru mourir.
-Tomoko ?
Elle sursauta à l'entente de son prénom. Retour à la réalité, sa mère la fixait, visiblement inquiète.
-Est-ce que ça va ? Tu es devenue très pâle.
Elle acquiesça rapidement avant de finir son petit déjeuner en vitesse puis de partir pour l'école.
-A demain maman !s'exclama-t-elle avant de sortir.
Elle n'attendit pas la réponse de sa mère pour partir. Elle détestait quand sa mère s'inquiétait. Elle détestait être un poids pour sa mère alors il y avait beaucoup de choses qu'elle ne lui disait pas.
Comme la façon dont Makoto agissait avec elle.
Tomoko se mit à avancer en direction du point de rendez-vous dont elle et Makoto avaient décidés.
Parmi la masse d'adolescents qui se dirigeaient vers le lycée, elle faisait tâche avec son uniforme. Elle avait d'ailleurs le droit à de nombreux regards curieux ou mauvais.
Tous ceux qui n'allaient pas au lycée Masatoko étaient vus comme des traîtres, des bourges. Tomoko savait qu'il y avait un groupe d'élèves de son lycée qui partaient ensemble pour Masaiko mais elle n'en faisait pas partie. Déjà parce qu'elle n'avait pas besoin d'être protégée, elle n'était pas faible, mais aussi parce que Makoto l'emmenait en moto.
Les élèves du lycée Masatoko étaient un concentré de délinquants, de dépravés et de cas sociaux tous plus perdus les uns que les autres. La drogue circulait en masse, les guerres de gangs avaient lieux même durant les cours et être bourré ou défoncé dès 8h du matin était presque une obligation là-bas.
Le sens du mot « école » avait totalement disparut. Mais d'après Makoto, depuis qu'il avait repris la direction des FIVE et qu'ils contrôlaient presque tous les quartiers, les choses allaient beaucoup mieux.
Cela ne l'empêchait pas de croiser quelques élèves du lycée avec des bouteilles de saké en main.
Tomoko arriva au point de rendez-vous en avance.
C'était en face d'un vieil immeuble abandonné en apparence mais Tomoko savait que c'était le repaire des dealers des FIVE.
-He, la bigleuse ! Alors comme ça, on oublie d'où on vient ? l'interpella un type dans le groupe de garçons qui passaient en face d'elle.
Tomoko poussa un soupir en remontant brièvement ses lunettes. Elle n'aimait pas qu'on l'embête aussi tôt le matin, sa journée n'avait même pas encore commencée pourtant…
-Laisse-moi tranquille et va à l'école, dit-elle.
-Te crois pas au-dessus de nous juste parce que tu portes les jupes des putes de Masaiko salope !cria-t-il.
Tomoko fronça les sourcils. Pourquoi criait-il aussi fort ? Il était bruyant…
Pourquoi chercher les problèmes de si bon matin ?
-J'espère que c'est pas ma copine que tu traites de salope là.
La voix de Makoto la fit sursauter. Elle ne l'avait même pas entendu arriver.
Il est lui aussi en uniforme, les bras croisés sur sa poitrine, l'air mécontent. Tomoko en rirait presque même enfant il faisait cette pose pour montrer son désaccord pour quelque chose ou pour signifier son énervement.
Makoto n'a vraiment pas changé…
-Je vois pas d'autres salopes ici, dit le garçon qui l'a insultée.
Tomoko sent son cœur raté un battement.
Ne me dites pas que cet idiot ne sait pas qui est Makoto ?
Elle fixa son copain qui arborait une mine sombre. La même que quand il se mettait en colère. Et quand Makoto se mettait en colère, en général, il tuait des gens.
L'odeur du sang envahit l'air. Tomoko fixe le corps sur le sol, en face d'elle puis ses yeux rencontrent le regard de Makoto qui range son pistolet.
Elle ne comprend pas pourquoi il fait preuve d'autant de violence, elle ne comprend même pas ce qui est en train de se passer.
Est-ce réel ? Est-ce que ce type par terre, est bien mort ?
L'odeur du sang lui donne envie de vomir. Elle pose sa main sur sa bouche pour se retenir sans remarquer que l'instant d'avant ses mains reposaient dans la mare de liquide carmin qui s'étendait toujours plus.
Tomoko hurla.
C'est la voix de Makoto qui la ramena à la réalité.
-Tout va bien To-chan, il est mort. Tu n'as plus à avoir peur, dit-il.
-Mais…mais… Pourquoi ? Pourquoi t'as…souffla Tomoko, tremblante.
-C'était qu'un salaud, il le mérite.
-Ah ouais ?dit Makoto.
-Ouais mon pote, répondit le type, visiblement sûr de lui.
-Makoto…souffla Tomoko qui sentait que les choses allaient très vite dégénérer.
Ce qui ne manqua pas car Makoto sortit un pistolet de nulle part et menaça le jeune garçon avec.
La panique se lut dans son regard, en même temps qu'il levait les mains en l'air.
-OK, mec, c'est pas… C'est pas la peine d'en arriver là tu sais ?
-Dit moi c'est qui la salope maintenant ? Dit le juste pour voir !
Il arrivait à Makoto d'être impulsif, Tomoko le savait mais là, ce n'était pas comme d'habitude. Il s'était énervé beaucoup trop vite pour que ce soit anodin.
D'un autre côté, Makoto s'énerve toujours vite, c'est presque comme s'il cherchait un prétexte pour pouvoir user de la violence.
-Makoto, c'est bon. Arrête ça, dit-elle en espérant que ça suffise.
Si Makoto ne l'écoutait pas, elle ne donnait pas cher de la peau de ce pauvre type qui avait eu le malheur de l'insulter.
-Mais il t'as insulté To-chan, il mérite que…objecta Makoto.
-Non. On ne tue pas les gens juste pour ça Makoto.
Très honnêtement, si elle n'avait pas eu cours aujourd'hui, elle se serait fait un plaisir de lui régler son compte. Marre de se faire traiter de « salope » pour un oui ou pour un non. Et puis au moins, ça l'aurait empêché de recommencer.
Mais aussi stupide que l'était ce type, il ne méritait certainement pas de mourir aussi brusquement et injustement.
Makoto fait la moue et à ce moment-là, il ressemble à un enfant qui réfléchit entre le gâteau au chocolat ou celui à la fraise. Pour lui, le choix semble particulièrement compliqué alors qu'en vérité, pas tellement.
Mais là, on parle de vie humaine.
Tomoko trouve souvent édifiante la manière dont Makoto a perdu une grande partie de son humanité.
Finalement Makoto range son pistolet en soupirant puis s'adresse au garçon.
-Si je te revois, je te mets une balle dans la tête. Dégage.
Le type et ses amis ne se le font pas dire deux fois et disparaissent en quelques secondes.
-Tu sais, t'étais pas obligé de faire ça, j'aurais pu les gérer toute seule, déclare Tomoko après un moment de silence.
-Tu ne l'as pas fait.
Makoto est dos à elle, elle n'arrive pas à savoir s'il est énervé ou pas.
Non, il n'y a pas de raison, il était juste inquiet pour elle.
-Parce que je ne jugeais pas ça nécessaire et puis, on a cours, dit-elle.
Elle s'avance pour lui prendre la main mais Makoto se tourne vers elle pour lui faire face, l'air contrarié.
-Arrête de te plaindre tout le temps To-chan, tu peux pas juste dire « Merci mon cœur, je t'aime » comme toutes les petites amies normales ?
Tomoko a l'impression de prendre une douche froide. Les mots la blessent même s'ils ne devraient pas.
C'est Makoto.
Makoto et ses changements d'humeur constant, Makoto et ses remarques passives-agressives, Makoto et ses mots blessants.
-Mais, je…souffle Tomoko.
-Non, t'es pas normale To-chan, je te l'ai déjà dit. Tu passes ta vie enfermée chez toi, t'as tout le temps peur de moi mais le pire c'est que tu dis aimer les filles et les garçons. Tu dois faire un choix tu sais ?dit Makoto.
Tomoko se flagelle mentalement tous les jours pour avoir fait l'erreur de lui avoir parlé de sa bisexualité. Depuis, Makoto ne cessait de dire qu'elle était dégoûtante et égarée.
Il était le premier à qui elle en avait parlé mais n'avait jamais rien dit à personne d'autre par peur de la même réaction.
Au fond Tomoko savait que Makoto avait raison et c'est peut-être aussi pour ça qu'elle a commencé à sortir avec lui.
-J'ai peur de toi parce que tu me frappes, lâcha-t-elle.
Elle sait qu'il n'aime pas beaucoup quand elle lui dit aussi frontalement les choses. Quand tout va « bien », quand Makoto n'est pas pris de ses crises de folie démentielle, il n'assume pas du tout ses actions. Il n'aime pas quand Tomoko le fait culpabiliser parce qu'il l'aime et il ne veut pas lui faire du mal.
Enfin, ça c'est ce qu'il lui dit parce qu'en pratique, Makoto la frappe jusqu'à ce qu'elle perde conscience.
Il se fige puis pousse un soupir.
-Je… Ok, To-chan, je suis désolé. C'est juste que… Enfin met toi un peu à ma place, j'essaye d'être gentil et j'ai même pas le droit à un merci. Je voulais juste te protéger de ce type.
-Makoto, je ne suis pas faible. C'est pas parce que je casse pas des gueules tous les jours qu'il faut que tu l'oublies.
Makoto acquiesça doucement puis se pencha vers elle pour un baiser.
-On y va ?dit-il comme si l'embrasser avait tout effacé.
Tomoko n'avait pas envie de se battre aujourd'hui alors elle acquiesça.
Sawamura Tomoko était la présidente du conseil des élèves.
Elle marchait souvent dans les couloirs, suivie par les autres délégués du conseil et à ses côtés, en première ligne, Akira Fuyumi sa meilleure amie. Elle n'était même pas membre du conseil mais passait le plus clair de son temps avec Tomoko et allait certaines fois aux réunions pour l'assister.
Fuyumi était une élève populaire que beaucoup appréciaient alors ça ne dérangeait pas grand monde qu'elle s'incruste de cette manière. Hayashi s'en était énormément plaint au début mais désormais il s'entendait bien avec Fuyumi. Les trois adolescents mangeaient souvent ensemble le midi.
Hayashi Ichiro était le secrétaire du conseil des élèves. L'un des seuls garçons avec qui Tomoko discutait et considérait comme un ami.
Peu de personnes avaient le privilège de posséder ce titre-là.
Il avait toujours des cernes, des cheveux noirs et des yeux de la même couleur. Sa peau était très pâle aussi. Il était très fin et beaucoup de personnes disaient qu'il ressemblait à un fantôme. Tomoko trouvait qu'il avait pris pas mal de poids depuis qu'elle le connaissait.
Hayashi était comme un fantôme, il arrivait très facilement à se faire oublier dans une pièce et il utilisait cette capacité pour écouter les gens discuter entre eux.
Grâce à ça, Hayashi était toujours au courant de tout. Ce fut le premier à découvrir que Tomoko était la copine de Makoto, le chef des FIVE.
Peu de personnes avaient connaissance de la relation qu'avaient Tomoko et Makoto, en dehors des élèves venant de son quartier. Malgré ça, Tomoko n'avait jamais eu de réel problème.
Elle savait que Makoto la faisait suivre au lycée mais elle n'arrivait pas à savoir qui était cette personne. Les gangs étaient interdits dans l'établissement, c'était un accord qui avait été passé avec les élèves et le proviseur. Si Tomoko arrivait à démasquer la personne qui l'espionnait, elle pourrait le faire sanctionner.
Malheureusement pour elle, en plus d'être intelligent, cet espion était doué parce qu'elle n'arrivait jamais à savoir quand et où elle était suivie.
Tomoko poussa un petit soupir qu'Akira remarqua immédiatement.
-Tout va bien ?demanda-t-elle.
Tomoko acquiesça avant de s'étirer.
-Ma mère est pas là ce soir, je peux dormir chez toi ?questionna Tomoko qui redoutait déjà la fin de la journée.
Elle n'avait pas envie d'être seule et encore moins d'être avec Makoto.
Souvent, elle en voulait à ses parents de travailler autant et si loin. Elle aimerait avoir une petite famille tranquille avec une mère au foyer qui lui prépare ses bentos et qui lui souhaite « bonne journée » et « bon retour ». Malheureusement, sa mère est une trafiquante d'arme qui part toujours à l'autre bout du monde pour ses affaires. Quant à son père, il était beaucoup plus vieux que sa mère et avait ses périodes où il avait besoin de solitude. Tomoko ne comprenait jamais quel genre d'amour liait ses parents mais il semblait transcender le temps et la distance.
Si c'était pour me laisser toute seule, ça ne servait à rien de faire des enfants.
Enfin, elle devait s'estimer heureuse, sa mère lui faisait ses bentos et tentait de faire des efforts pour être une mère plus conventionnelle. Elle l'aimait, Tomoko le savait mais ça ne suffisait pas toujours.
-D'accord. Il faudra juste que je prévienne ma grand-mère.
Akira vivait avec sa grand-mère depuis petite. C'est elle qui l'a élevé. Née d'un adultère entre sa mère et un homme coréen, ses parents l'avaient abandonné à leur voisine de l'époque qui était devenue sa grand-mère.
Akira portait son nom.
Elle sourit en prenant la main de Tomoko.
-Je suis contente, tu viens pas souvent chez moi.
Principalement parce que Makoto n'aimait pas la savoir chez sa meilleure amie. Il avait déjà failli la tuer alors Tomoko ne voulait pas tenter le diable une énième fois en énervant son petit-ami.
-Oui, désolée, on doit se faire ça plus souvent.
Akira sourit encore puis lâcha sa main.
Akira était son amie depuis longtemps mais elle l'avait connue après Makoto.
Petite, Akira était une pleurnicharde. Elle avait peur de beaucoup de choses, les pigeons, les chiens, le miaulement des chats, le bruit des voitures, son reflet dans une flaque d'eau… Elle se cachait derrière Tomoko et lui tenait toujours la main.
Puis comme Makoto et Tomoko elle a commencé le taekwondo et les choses ont changées.
La gamine pleurnicharde a laissé place à une guerrière, une fille courageuse prête à tout pour ses amis.
La gamine prudente et émotive a laissé place à une suicidaire impulsive qui ne se soucie pas des conséquences. Et elle a failli en mourir.
Tomoko se demanda si ce qui était en train d'arriver était un rêve, si c'était réel.
Akira était devant elle et faisait barrière de son corps face à Makoto.
Elle lui hurlait d'aller se faire voir, de ne plus jamais la toucher et qu'il n'avait pas le droit. Et Makoto se contentait de rire en disant que Tomoko lui appartenait et qu'elle n'avait rien à dire là-dessus.
Ils criaient forts tous les deux mais les sons sortaient comme s'ils étaient étouffés. Tomoko avait mal à la tête, mal partout mais surtout mal au cœur. Comment Makoto pouvait-il lui faire ça ?
Et soudain, ce fut comme si tout redevenait normal. Le son redevint parfaitement audible.
Makoto frappa Akira.
Elle est tombée mais elle s'est relevée, en colère, le sang coulant de son nez.
-Tu vas le regretter, souffla-t-elle avant de se jeter sur lui.
Et Akira frappa sans relâche, sans aucun répit.
Tomoko avait envie de pleurer. Elle tendit faiblement les mains vers eux, par terre, vidée de toute force qui lui permettrait de se lever pour les séparer.
Ses amis se battaient. Sa gentille Akira, son doux Makoto se battaient avec violence, avec l'envie de tuer, l'envie de détruire.
Ils se battaient pour elle.
Quand est-elle devenue aussi faible ? Quand a-t-elle arrêté de se relever après chaque coup encaissé ?
Quand est-elle devenue une victime ?
Tomoko ne le sait pas. Elle est si fatiguée…
Akira elle n'a pas peur. Elle est si forte, si belle qu'on dirait qu'elle danse.
Elle encaisse et continue, encore et toujours sans aucun repos.
Et soudain, c'est comme si la danse s'était arrêtée.
Akira encaisse un coup à la tête, puis un deuxième dans le ventre qui l'envoie au sol. Makoto rit.
Il l'attrape par les cheveux et la traîne derrière lui. Akira crie mais elle ne bouge pas, elle a trop mal, elle n'en peut plus.
Il la jette encore par terre et la frappe.
Encore et toujours et Tomoko voit, elle a l'impression que c'est elle qui est par terre et qui tente de se protéger comme elle le peut.
Et le sang se met à couler.
Makoto lui ça ne le gêne pas, il continue, il crie, rit encore mais Akira ne bouge plus.
Elle est peut-être morte.
C'est quand elle le réalise que Tomoko se met à bouger, comme si depuis le début elle n'avait été qu'une spectatrice et que désormais elle devenait une actrice de ce qu'il se passe.
-Makoto… Arrête.
Le cours ennuyeux se terminait dans quelques minutes. Tomoko aimait fixer l'horloge comme si elle portait en elle le salut des élèves de la classe.
En jetant un rapide coup d'œil sur tous ses camarades, elle s'arrêta sur Tsuna qui avait arrêté de lutter contre le sommeil.
Celui-là il ne veut vraiment pas faire d'effort…
Tomoko ne saurait expliquer pourquoi elle s'était prise d'affection pour cet étrange personnage qu'était Sawada Tsunayoshi. Il faisait partie des faibles.
C'est comme ça qu'on les appelait à l'est, tout ceux qui n'ont pas la carrure ni le mental pour survivre dans leur quartier. C'était ceux qui mourraient en premier, ceux que l'on agressait, ceux qui n'avaient pas d'autre choix que de fuir.
Être faible n'était pas un choix et Tomoko ne le voyait pas forcément comme une tare mais là où elle vivait, c'était problématique. Les faibles n'avaient pas le droit d'avoir le choix.
Tomoko n'avait rien contre les faibles en général mais ce qu'elle blâmait était surtout la façon dont ils pouvaient agir pour se protéger ou pour tenter de survivre. Les faibles pouvaient parfois être particulièrement stupides ou naïfs, au choix.
Sawada Tsunayoshi ne survivrait pas une journée à l'est. Elle était même étonnée qu'il ait pu trouver où elle habitait. Mais vu son état quand il avait toqué à sa porte, il avait dû se faire taper par deux ou trois personnes. Elle saluait son courage mais déplorait sa prise de risque inconsidérée.
Sawada Tsunayoshi était d'une maladresse presque exagérée, nul à l'école, naïf et parfois ridicule. Mais il était d'une gentillesse dont encore peu de personnes pouvaient faire preuve de nos jours.
C'était peut-être pour ça qu'elle l'appréciait finalement ? Tsuna était naturellement gentil, il n'était pas intéressé par ce que sa personne pouvait lui apporter, il était juste gentil avec elle parce qu'il aimait l'être avec les gens.
C'était quelqu'un de bien.
Quelqu'un de bien visiblement marqué par des traumatismes. Parfois elle repensait à sa crise quand elle était venue chez lui.
Tsuna restait quelqu'un de bien mystérieux, elle avait cette étrange impression avec lui, comme s'il était un être qui venait d'un autre monde.
Trop gentil, trop naïf, trop maladroit. Les gens comme ça meurent ici. Les faibles ne résistent jamais longtemps.
Ou alors peut-être que quelqu'un l'avait sauvé ?
Comme elle avait sauvé Makoto ?
Tomoko secoua la tête. Elle n'avait pas sauvé Makoto, s'il elle l'avait réellement sauvé elle n'en serait pas là aujourd'hui.
Il arrivait assez souvent que les faibles puissent être protégés par les forts, parfois sauvé. C'est ce qui pouvait expliquer pourquoi ils existaient encore en dépit de cette « sélection naturelle ».
Le cours se termina enfin et à peine le professeur eut-il quitté la classe que Akira réunissait leurs tables pour qu'ils mangent ensemble.
Hayashi, Akira et Sawamura, le trio incontestable, le « trio d'or » comme elle aimait les appeler. En dehors de ces deux-là (et Makoto bien sûr) Tomoko n'avait jamais réellement eu beaucoup d'amis. Tout le monde avait peur d'elle, elle se bagarrait et ne perdait aucun combat alors tous la pensaient dans un gang (même si à l'époque elle n'avait que 11 ans).
-Tomoko-chan, montre-moi ce qu'il y a dans ton bentô ! Je veux goûter !s'exclama joyeusement Akira.
Tomoko sourit en ouvrant la boîte.
Akira était souvent de mauvaise humeur en ce moment alors la voir aussi enjouée lui réchauffa le cœur. Pendant qu'elle s'émerveillait sur la façon dont sa mère coupait son tofu, elle remarqua Tsuna qui semblait perdu dans ses pensées.
Il avait ce regard.
Vide, dénué d'une quelconque émotion. Un regard qui ne lui allait pas.
-Et si…
Hayashi la regarde distraitement en sortant son bentô de son sac.
-Enfin… Si Sawada venait manger avec nous ?lâche-t-elle.
Silence complet de ses deux acolytes.
-En quel honneur ?demande Hayashi.
-Juste comme ça.
-C'est pas notre ami.
-Il peut le devenir.
Hayashi fronce les sourcils, suspicieux.
-T'en a marre du trio d'or ?
-Non, mais… Enfin, je l'aime bien, c'est mon ami.
Hayashi fronce encore plus les sourcils.
-Ce type est ton ami ? Alors que le tyran sait que vous faites du soutien tous les soirs et qu'il t'observe ?
C'est vrai que dit comme ça…
-Akira, dit lui quelque chose.
-Je l'ai déjà dit mais j'aime pas ce type. Je comprends pas ce que tu lui trouves et Hayashi à raison, au moins pour ce pauvre gars, tu devrais éviter de traîner avec lui, ça lui apporterait des problèmes.
Tomoko soupire. Elle sait qu'ils ont raison et en temps normal elle aurait même été d'accord.
Makoto n'aimait pas qu'elle parle avec des garçons. Il n'aimait pas la savoir entourée par des faibles. Chaque personne qui avait tenté d'être ami avec elle ou se rapprocher d'elle était menacée par des FIVE. Enfin, ça c'était quand elle allait au collège à l'est. Maintenant il se contentait de la faire surveiller et bizarrement les gens avaient naturellement peur d'elle.
Il n'y avait qu'Akira qui était restée. Et Hayashi.
Cela suffisait amplement, elle n'avait pas besoin de plus, après tout elle n'était pas ce genre de filles à avoir dix mille personnes autour d'elle. Temps qu'elle avait Akira, Hayashi et Makoto (dans ses bons jours), tout irait bien.
-Mouais. Vous avez raison, dit-elle en prenant ses baguettes pour commencer à manger.
-Tu dis ça mais de toutes façons tu vas lui faire du soutien tout à l'heure…marmonne Hayashi.
Tomoko retient son sourire. Il la connait si bien.
Tsuna n'est pas concentré. Enfin, c'est quelque chose de plutôt habituel. Il n'est pas bête comme garçon c'est juste quelqu'un qui a besoin d'exemples concrets et tangibles pour comprendre des concepts qui lui sont abstraits. La seule façon dont il peut comprendre c'est en se concentrant sur ce qu'il fait mais voilà, il n'est déjà pas très concentré en cours alors quand Tomoko lui réexplique toutes les notions vues quelques heures plus tôt, il doit se remettre dans le bain et ça, c'est plutôt long.
Alors Tsuna n'est pas concentré, c'est-à-dire, encore moins que d'habitude.
En temps normal ça l'aurait énervé parce que Tomoko n'aime pas perdre son temps à expliquer des choses déjà expliquées alors qu'elle pourrait s'entraîner, mais là, elle se questionne.
Elle se demande ce à quoi peut bien penser Tsuna, qu'est-ce qui l'empêche de se concentrer et de travailler ?
-Est-ce que ça va ?
La voix du garçon la fait sursauter. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il parle en premier.
Il la fixe de ses yeux marrons, puits sans fond de douceur qui n'ont rien à voir avec le regard perdu qu'il avait avant. On dirait qu'il arrive à capter les émotions des gens, c'est un peu perturbant.
Tomoko lui sourit gentiment.
-Oui, pourquoi ?
Il ouvre la bouche avant de se mordre la lèvre pour s'empêcher de parler.
Il est un peu bizarre parfois.
-Pour rien, c'est juste que… T'avais l'air un peu triste.
Triste ?
Tomoko est réellement surprise. La tristesse n'est pas une émotion qu'on lui prête. Ce n'est pas ce que l'on lit sur son visage.
Tomoko peut-être en colère, froide, dure et parfois joyeuse voir moqueuse mais la tristesse, ce n'est pas quelque chose qu'elle montre.
Montrer que l'on est triste c'est montrer que l'on a mal, que l'on est faible. Il ne faut pas montrer aux autres quand on est faible, sinon c'est la mort, elle ne le sait que trop bien.
Quand elle est triste, Tomoko maquille ça en colère, en sarcasme. Elle retient ses larmes, durcit son visage ou affiche un sourire narquois avec un brin de fierté. Et quand elle est seule dans sa chambre, quand elle est trop faible pour s'en empêcher elle pleure.
Alors non, elle n'est pas triste. Il n'y a aucune raison d'être triste alors elle n'est pas triste.
Tout va parfaitement bien dans sa vie.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
Tsuna hausse les épaules.
-Simple impression.
C'est certainement plus qu'une simple impression. Il me prend pour une débile ou quoi ?
-Et toi Tsuna, t'es jamais triste ?
Il se fige l'espace d'un instant puis la regarde en souriant d'un air mélancolique.
-Comme à tout le monde n'est-ce pas ?
Tomoko acquiesce doucement.
Tsuna joue distraitement avec son stylo, comme perdu dans ses pensées et Tomoko le regarde. Il n'y a presque pas de bruit si ce n'est celui des corbeaux qui croassent en bas dans la cour.
C'est plutôt paisible. Tomoko apprécie le calme.
Le calme ne dure jamais longtemps de toutes façons. Il précède souvent les cris, le sang, la violence ou la douleur. Avant elle ne prenait pas le temps de l'apprécier parce qu'elle savait à quel point il pouvait être éphémère mais maintenant…
De toutes façons la fin est toujours la même.
-Le type que t'as aimé…souffle-t-elle brisant la sérénité ambiante.
Tsuna la fixe immédiatement avec ce mélange de curiosité et de souffrance dans les yeux.
Il devait vraiment être important.
-Comment t'as su que t'étais amoureux de lui ?
Elle ne sait même pas pourquoi elle pose cette question. Peut-être parce qu'elle a envie de le connaître un peu plus ? Ou alors parce qu'elle a réellement envie de savoir si lui aussi il a déjà ressenti ce sentiment si illogique qu'était l'amour ?
Ce sentiment qui la rendait si stupide et qui la faisait faire des choses qui n'avaient tout simplement aucun sens.
Tout ceci est complètement absurde.
Elle aimait Makoto, elle en était certaine. C'était souvent ça le problème.
J'espère seulement ne pas être la seule à avoir ce problème.
Tsuna se mit à rire. Avec tout le corps qui se secoue et les yeux qui se plissent. Comme les rires qui propagent la joie. Elle n'avait pas vue Tsuna rire ainsi depuis qu'elle le connaissait.
-Désolé, c'est juste que je repense à avant…
Avant ? Avant quoi ?
Le sourire de Tsuna est nostalgique. Tomoko est certaine qu'il l'aime encore.
-Je pense qu'au fond je l'ai toujours su. Et puis je suppose qu'il y a des signes qui ne trompent pas n'est-ce pas ?
Tomoko ne le savait que trop bien.
-Pourquoi ?
Il est curieusement attentif à elle aujourd'hui. Mais il l'a toujours été après tout alors ce n'est pas surprenant.
Tomoko hausse les épaules se voulant nonchalante mais la vérité c'est qu'elle a un peu peur qu'il la juge (juste un petit peu). Elle n'est pas le genre de midinette qui se soucis de ça habituellement.
-Je… Je repense à comment j'étais avant d'être amoureuse. C'est tout.
Avant j'étais libre.
-Je pense que l'amour rend stupide. C'est pour ça que c'est si dangereux.
Et Tomoko était bien d'accord avec lui.
