Grimmauld Place No 12
Harry ne s'était pas trompé. Dès que les Dursley eurent quitté la maison quatre jours après son arrivée, il entendit des voix résonner dans la cuisine. Sa magie l'informa du reste. Ses sens lui indiquèrent que son ancien professeur de défense était là, lui aussi. Il sourit et se leva. D'un simple geste de la main, tout ce qu'il avait éparpillé sur le sol retrouva son chemin dans sa malle.
Il quitta sa chambre, baguette en main, marchant d'un pas qu'on croirait hésitant.
– Baisse ta baguette, mon garçon, tu risques d'éborgner quelqu'un, dit une voix grave, semblable à un grognement.
Même s'il connaissait cette voix, il n'abaissa pas sa baguette pour autant.
– Professeur Maugrey ? dit-il d'un ton mal assuré.
– Professeur, je ne sais pas, gronda la voix, je n'ai pas eu beaucoup l'occasion d'enseigner, pas vrai ? Descends donc, on aimerait bien te voir de plus près.
Harry savait que Maugrey n'aurait aucun mal à voir à travers le glamour placé sur ses cheveux, mais étant donné qu'il portait à nouveau les vêtements de Dudley, c'était le seul détail qui pouvait le faire sortir de l'ordinaire - et puis, il pouvait facilement expliquer le pourquoi de son glamour.
Comme prévu, Maygrey haussa un sourcil lorsqu'il aperçut Harry, mais ne fit pas de commentaires. Remus fut celui qui prit en premier la parole.
– Ne t'inquiète pas, Harry. Nous sommes venus te chercher.
Il avait toujours du mal à se faire à ce qu'on l'appelle « Harry », cependant, mais il ne laissa rien paraître à voix haute.
– P-professeur Lupin ? dit-il, incrédule. C'est vous ?
– Pourquoi est-ce que nous restons dans le noir ? demanda une troisième voix. Cette fois, c'était une voix de femme. Lumos.
Sa vue retrouvée, il pouvait enfin se reposer sur autre chose que sur sa faculté à discerner ceux autour de lui. Il connaissait déjà la plupart d'entre eux, même s'il ne le devrait pas. Ayant longtemps observé leurs allées et venues au Square Grimmaurd, c'est tout comme s'il les avait déjà rencontrés en personne pour lui. Il y avait Kingsley Shacklebolt, un auror, Nymphadora Tonks, elle aussi auror, Elphias Doge, Dedalus Diggle, Emmeline Vance, Sturgis Podmore et Hestia Jones. Que des visages connus. Des murmures s'élevèrent lorsqu'il fit son apparition.
– C'est le portrait de James, commenta Kingsley à l'attention de Remus.
– Sauf pour les yeux, fit remarquer un autre sorcier aux cheveux argentés et à la voix sifflante. Ce sont ceux de Lily.
Harry ne les contredit pas. Ce n'était après tout pas à lui de leur faire remarquer qu'il n'était pas vraiment le portrait craché de James, quant aux yeux de Lily, il ne pouvait pas nier cette partie-là. Ce trait faisait partie intégrante de sa famille après tout.
À la place, il concentra son attention sur Maugrey qui le toisait, l'air sceptique.
– Tu es vraiment sûr que c'est lui, Lupin ? gronda-t-il. On aurait l'air fin si on ramenait un Mangemort qui aurait pris son apparence. Il faudrait lui demander quelque chose que seul le vrai Potter peut savoir. À moins que quelqu'un ait apporté du Veritaserum ?
Harry n'était pas vraiment confiant quant à l'utilisation du sérum de vérité, mais si c'était juste une question, là, il pouvait bien tenter sa chance. Il était certain qu'il pouvait répondre à n'importe quelle question qu'ils lui poseraient. Maugrey n'avait pas tort : il pouvait très bien être un Mangemort dissimulé sous les traits de Harry Potter. Pas qu'il en soit un, mais la seconde partie décrivait très bien sa situation.
Faudrait-il encore que Harry ait un jour existé,pensa-t-il sans pourtant l'exprimer à voix haute, en attendant patiemment sa question.
– Harry, quelle forme prend ton Patronus ? l'interrogea Lupin.
– La forme d'un cerf, répondit Harry, sachant parfaitement que c'était un mensonge. Ce n'était bien sûr pas un cerf. Et à tout bien réfléchir, il pourrait très bien lui faire prendre la forme d'un cerf s'il le souhaitait, mais sa forme d'origine restait tout de même celle d'un phénix. Et ça avait été ainsi depuis très, très longtemps.
– C'est bien lui, Fol Œil, assura Lupin et Harry retint un reniflement de dédain. Une toute petite question et ils le croyaient sur parole ?! En plus, la question portait sur quelque chose que d'autres auraient facilement pu apercevoir et connaître en se tenant à ses côtés lorsqu'il l'avait lancé. Elle ne volait pas très haut leur sécurité… enfin bon...
Il descendit l'escalier en rangeant la baguette magique de Harry dans la poche arrière de son jean.
– Ne mets pas ta baguette là, mon garçon ! rugit Maugrey. Imagine qu'elle s'enflamme toute seule. Des sorciers plus expérimentés que toi se sont retrouvés avec une fesse en moins !
Tandis que Tonks s'intéressait soudainement à la dernière révélation de Maugrey et le questionnait sur ces « fameux sorciers plus expérimentés » et que Maugrey continuait de grommeler sur le danger de mettre sa baguette n'importe où, Harry sortit une nouvelle fois discrètement la sienne et la plaça dans son étui, dans lequel l'une de ses autres baguettes était déjà glissée. Il lui faudrait rapidement terminer celui qui lui servirait à accueillir la baguette d'Harry, mais, pour le moment, cela suffirait. Il n'avait pas encore eu le temps de poser les runes sur celui qu'il avait acquis chez Ollivander. Quand il en aurait fini avec ce dernier étui, même Maugrey serait incapable de le localiser et de percevoir ce qu'il contenait. Et c'était tant mieux comme ça étant donné qu'il aurait du mal à donner une explication valable pour les autres baguettes et les diverses armes qu'il portait sur lui. À la place, il s'intéressa à l'heure de leur départ et à l'endroit où ils allaient se rendre.
– Où va-t-on ? Au Terrier ? dit Harry, tentant de paraître plein d'espoir alors qu'il espérait au plus profond de lui se tromper.
– Non, pas au Terrier, le contredit Remus, pour son plus grand soulagement. Trop risqué. Nous avons installé notre quartier général dans un endroit impossible à détecter. Il a fallu un certain temps…
Alors il ne s'était pas trompé, ils allaient bien au Square Grimmaurd ! Harry exultait tant qu'il ne pensa même plus à rester sur ses gardes de toute la nuit. Il laissa les présentations des autres membres lui passer par-dessus la tête et lorsqu'on l'envoya rassembler ses affaires, il ne lui fallut que quelques minutes, tout au plus.
Ils quittèrent ensuite Privet Drive, et volèrent dans le ciel londonien jusqu'à atteindre le Square. Arrivé là-bas, on lui passa une note écrite de la main de Dumbledore et ils entrèrent finalement dans la demeure dans laquelle Harry avait rêvé de pouvoir se faufiler depuis des mois. Il y était : 12, Square Grimmaurd.
Avant même que Harry ne puisse quitter le couloir, Maugrey l'arrêta et après un mystérieux « et voilà », il défit le sortilège de désillusion qu'il avait posé sur le brun, puis le retint alors que tout le monde se pressait dans la cuisine.
– Pourquoi ce glamour ? lui murmura-t-il à l'oreille, presque en grognant.
– Ma tante n'aime pas les cheveux longs, répondit Harry. Alors j'ai trouvé ce sortilège pour pouvoir les garder comme ça jusqu'à mon retour à Poudlard. Ce qu'elle ne voit pas ne peut pas lui faire du mal, et puis j'ai moins de problèmes avec mes cheveux longs que lorsqu'ils étaient plus courts, et ça, ça fait mon bonheur.
Il se stoppa tout d'un coup, hésitant.
– Est-ce que vous allez l'enlever ?
Maugrey renifla de dédain.
– Un glamour pour ta crinière ? Non, si tu veux avoir un glamour, grand bien t'en fasse. Tant que ça ne cache rien de plus important, je n'en ai rien à faire, tu peux faire ce que tu veux. Mais fais-le plutôt à l'école, mon garçon, pas ici.
– Oui monsieur.
Satisfait, Maugrey le laissa partir. Il avait prévu que Fol'Oeil n'aurait aucun mal à voir à travers son glamour, et tout s'était passé exactement comme il s'y était attendu. Ç'aurait été plus difficile si Maugrey avait été capable de sentir la présence du glamour en question, mais pas de voir au travers. Si cela s'était produit, on lui aurait probablement administré du Veritaserum sur-le-champ et c'était quelque chose que Harry voulait éviter à tout prix. C'est vrai qu'il aurait aussi tout simplement pu se faire couper les cheveux, mais ce n'était pas quelque chose dont il avait envie. Il détestait porter ses cheveux courts et en plus, il n'aurait pas été capable de placer un glamour assez indétectable sur son front pour faire croire qu'il portait, tout comme Harry, une cicatrice en forme d'éclair. Mais ce n'étaient pas les seules raisons.
Quelqu'un de son rang ne portait pas les cheveux courts, même si personne ne semblait avoir pensé donner l'information au vrai Harry...
Enfin, rien d'étonnant puisque personne n'avait pris le temps d'informer le Gryffondor du rang qui le l'incomber… Mais, à présent qu'il avait pris sa place, il pouvait changer ça. Il jouerait le jeu jusqu'à ce qu'il soit prêt, puis il leur montrerait à tous qu'Harry Potter, ce n'était pas lui.
Malheureusement, cela prendrait du temps.
Harry s'apprêta à suivre Maugrey dans la cuisine, mais Mrs Weasley l'empêcha d'entrer au dernier moment et l'envoya avec les autres « enfants » à l'étage. Harry ne lui en tint pas rigueur. Il n'était pas du tout intéressé par leurs stratégies - enfin, il l'était peut-être, mais Dobby s'occupait déjà de ça pour lui. Donc, à la place de tenter d'écouter aux portes, il monta les escaliers, ouvrit la première porte qu'il aperçut et entra. Tout ça pour être brusquement attaqué par une touffe de cheveux bruns. Reconnaissant au dernier moment son « attaquant », il stoppa son incantation ; pas que qui que ce soit l'ait vu faire de toute façon.
– HARRY ! Ron, ça y est, il est là, c'est Harry ! Nous ne t'avions pas entendu arriver ! Oh, comment vas-tu ? Ça va ? Tu étais furieux contre nous ? Je peux l'imaginer, nos lettres n'avaient aucun intérêt, nous ne pouvions rien te dire, Dumbledore nous avait fait jurer de garder le silence, mais maintenant, on a tellement de choses à te raconter et toi aussi… Les Détraqueurs ! Quand nous avons entendu ça, et l'histoire de l'audience au ministère… quel scandale ! J'ai bien étudié la question, ils ne peuvent pas te renvoyer, c'est impossible, il y a une disposition dans le décret sur la Restriction de l'usage de la magie chez les sorciers de premier cycle qui autorise le recours aux sortilèges en cas de légitime défense…
– Laisse-le respirer, Hermione, dit Ron avec un grand sourire tandis qu'il refermait la porte derrière Harry.
Hermione le lâcha et le laissa saluer Hedwige qu'il n'avait pas vue depuis qu'il l'avait envoyé à ses amis. Il la laissa mordiller son oreille, sans quitter lesdits amis du regard. Des amis auxquels il n'avait jamais parlé, des amis qui se souvenaient de l'ancien Harry. Il était un étranger à leurs yeux. Il ressemblait à Harry, mais il n'était pas lui et il n'avait aucune idée de quelle manière l'original les aurait salués…
– Nous sommes désolés, commença le garçon - Ron, se rappela Harry, son nom était Ron. Je sais que tu voulais des réponses durant tout l'été, mais on ne pouvait rien te dire. Tu sais, Hermione en devenait folle, elle n'arrêtait pas de dire que tu finirais par faire une bêtise si tu restais tout seul sans aucune nouvelle, mais Dumbledore nous a fait…
– … jurer de garder le silence, acheva Harry, se demandant toujours comment l'ancien Harry aurait répondu à sa place. Je sais, Hermione me l'a déjà dit.
– Il pensait que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire, reprit Hermione, la voix un peu haletante. Dumbledore, je veux dire.
Bien sûr, à quoi s'attendait-il d'autre de sa part.
Dumbledore ci, Dumbledore ça. Harry savait que ses amis suivaient de près les traces de Dumbledore, mais il n'avait jamais su à quel point le vieil homme pouvait les influencer. Il soupira.
– À mon avis, il pensait que tu étais plus en sécurité chez les Moldus…, commença Ron.
– Ah ouais ? dit Harry en haussant les sourcils. Est-ce que l'un de vous deux a été attaqué par des Détraqueurs, au cours de l'été ?
– Non, bien sûr… mais c'est pour ça qu'il te faisait surveiller sans arrêt par des gens de l'Ordre du Phénix…
Cette fois-ci, Harry faillit leur dévoiler un grand sourire.
– Ça n'a pas marché si bien que ça, on dirait, remarqua Harry en faisant de son mieux pour parler d'une voix égale. En définitive, j'ai été obligé de me débrouiller tout seul.
– Il était dans une fureur…, dit Hermione d'une voix presque terrorisée. Dumbledore. On l'a vu. Quand il a appris que Mondingus était parti avant la fin de son tour de garde. C'était effrayant.
Cette fois-ci, Harry ne lui répondit pas. Il en avait entendu assez. Hermione semblait vénérer le vieil homme et Ron n'était pas beaucoup mieux. Il soupira intérieurement. Bien sûr qu'ils l'admiraient. Ils n'étaient que des enfants. Mais ce n'était pas son cas, et il était certain qu'il pouvait les terroriser bien plus que le directeur de Poudlard une fois mis en colère. Dumbledore n'était qu'un homme s'amusant à faire avancer ses petites marionnettes, rien de bien effrayant pour quelqu'un qui pouvait attaquer tout en restant dans l'ombre…
Seulement, étant donné que la plupart de ses pions se trouvaient être des Gryffondors, ceux-ci semblaient incapables de voir la part d'ombre qu'il portait lui-même et ne remettaient jamais en question ses paroles. Le fait était que Harry n'était en rien un Gryffondor. Il était purement et simplement Serpentard jusqu'au bout des ongles et qu'il en finirait lui-même avec le vieil homme quand celui-ci se trouverait acculé sans même s'en être rendu compte…
Mais tout d'abord, il y avait une chose qu'il devait faire…
Il se rendit compte que ses amis le fixaient, paraissant attendre qu'une bombe explose.
– Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en colère, dit-il.
– C'est vrai ?
D'après le ton emprunté, Ron ne le croyait pas le moins du monde.
Il haussa les épaules.
– Je m'étais rendu compte qu'on me suivait. Et je sais que, si Dumbledore ne m'avait pas laissé chez les Dursley, toute cette histoire avec les Détraqueurs n'aurait jamais eu lieu, mais je vais bien. Je savais qu'on allait venir me chercher dès que les Détraqueurs se sont enfuis. Je n'aime pas m'attarder sur le passé. Ce qui est arrivé devait arriver, c'est tout.
– Mais… mais, tu as essayé de nous soutirer des informations pendant tout l'été, évoqua Ron, complètement interdit. Pourquoi est-ce que tu abandonnes tout d'un coup ?
– Oh, mais je n'ai rien abandonné du tout, répondit Harry, un grand sourire aux lèvres. J'ai simplement décidé de ne plus vous le demander à vous, puisque vous avez promis de ne rien dire. Je ferais parler quelqu'un d'autre…
– Sirius ? demanda Hermione en lui lançant un regard entendu et Harry lui sourit. Après tout, il n'avait pas besoin de lui dire qu'il n'avait pas du tout besoin de la moitié des informations qu'on pourrait lui fournir ici, puisqu'il avait déjà connaissance d'une bonne partie d'entre elles depuis des semaines, voire des mois, certaines depuis des années même…
Elle se détendit enfin et quand, un peu plus tard, Fred et George tentèrent d'acquérir quelques informations en utilisant leur oreille à rallonge, il ne fit que s'installer avec eux, écoutant sans vraiment s'intéresser à ce qui se disait.
Ça se passa ainsi jusqu'à ce que la réunion arrive à son terme et que les adultes quittent la cuisine. Mrs Weasley vint les prévenir que le repas était servi dans la cuisine. Elle venait d'avertir Harry de faire bien attention à marcher sur la pointe des pieds en descendant, lorsque…
CRACBOUM.
Tonks s'était littéralement étalé sur le sol. Mrs Weasley s'écria le nom de la jeune femme tandis que celle-ci se répandait en excuses et, brusquement, les rideaux dans le couloir s'écartèrent et un hurlement à glacer le sang retentit.
– Vermine ! Saletés ! Résidus de pourriture et d'abjection ! Bâtards, mutants, monstres, quittez cette maison ! Comment osez-vous souiller la demeure de mes aïeux ?
Harry observa la peinture et lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de la vieille femme, il lui sourit d'une horrible manière, ses yeux aussi froids que la mort. Il la défia de suivre son regard qui se posa sur sa propre main, où une bague reposait, invisible à quiconque sans son autorisation directe et replongea ses yeux dans les siens.
Les yeux de la vieille femme s'écarquillèrent. Elle savait. Elle savait qui il était et il savait qu'elle n'oserait jamais souiller son nom de ses insultes. Il y avait peu de familles dont les membres des vieilles maisons avaient peur, mais il faisait partie de l'une d'entre-elles, même si ce n'était que par les connexions qu'entretenait sa maison. Donc, même si elle continuait son petit manège en insultant les autres, il savait qu'elle n'en ferait plus rien avec lui…
Juste au même moment, Sirius débarqua et referma les rideaux. Personne n'avait rien remarqué de ce qui s'était passé entre Harry et la vieille femme, et personne n'avait fait de commentaires sur sa façon subite d'arrêter de maugréer bien avant que Sirius ne l'atteigne.
– Salut, Harry, dit-il d'un air lugubre. Je vois que tu as déjà fait connaissance avec ma mère.
C'est vrai, Harry l'avait rencontré. Et il l'avait soumise au silence l'instant même où leurs regards s'étaient croisés.
