IMPORTANT : Je vous avais informé (jadis, haha) dans le chapitre 5 nommé « Awakening » que certaines informations étaient inexactes et que l'auteure allait faire des corrections. Il s'agit du premier chapitre dans le passé. L'auteure a finalement publié sa version modifiée et elle diffère BEAUCOUP de la première version. Je vous invite donc à la relire (notamment parce que vous n'aurez pas de problème à le faire étant donné la timeline). Le chapitre 5 a été publié en même temps que ce chapitre.

Je vous souhaite à tous une bonne lecture !


RETOUR DE MON PERSONNAGE PRÉFÉRÉ *glousse*


RARs : (étant donné le temps que ce chapitre a mis à sortir, je répondrais surtout à ceux qui ont posé des questions, pour cela, j'implore votre indulgence ~ ceci est une exception, je ferais de mon mieux pour répondre à tout le monde correctement les prochaines fois)

Rome7 : Héé, j'ai explosé mes 9500 mots de la dernière fois avec les 2 chapitres que je vous présente (bah oui, la réécriture du chapitre 5 est tellement différente que j'ai à peine gardé quelques passages !) Pour répondre à ta question concernant le lien entre Sal et Voldemort, cela sera expliqué dans un chapitre futur ;) je ne dis rien, donc ! Mais tu n'imagines même pas le bordel de sa généalogie ! J'ai créé il y a un bout de temps un arbre généalogique pour les personnages de cette fic et je ne sais même plus combien de feuilles A4 j'ai gâchées, haha ! Ça valait le coup, n'empêche, rien que pour avoir une idée claire d'où venait la Grande Famille ! J'aimerais qu'on puisse être sur AO3 pour pouvoir ajouter des images afin que je puisse vous le montrer ! Mais quoi qu'il en soit, je te laisse lire et j'espère que ce chapitre sera à ton goût ! Bisou, bisou !

Hebihime : Cela m'a fait TELLEMENT plaisir de te lire à nouveau ! Hahaha pro du spoil ! Je vous aurais prévenu ! Je suis vraiment contente que tu aies appris la vérité et que tu aies apprécié l'histoire, en fin de compte ! Merchi beaucoup beaucoup pour tes compliments, j'ai beaucoup évolué en termes de traduction grâce à vous tous et cela me fait chaud au cœur de voir que tu es toujours au rendez-vous même après tant d'années ! Je t'embrasse fort fort et je te souhaite une très bonne lecture ^^

OceaneHP : Je ne sais plus vraiment où j'en suis en termes de futures traductions pour le moment. J'ai déjà demandé la permission pour une fiction sur Tolkien (coïncide bien avec la série prochaine), donc je ne sais pas si je vais faire celle des fondateurs. Ce n'est pas exclu néanmoins, car même si elle est incomplète, je l'adore et je me fiche de traduire des fics qui ne sont pas entières, car l'intérêt est à l'intrigue et au développement des personnages pour moi et cela fait marcher mon imagination ^^ De plus, j'ai déjà en quelque sorte la permission pour celle-ci également. Je verrais bien de toute manière ! Je comprends tout à fait ce que tu veux dire pour les Fondateurs, il manque de réelles bonnes histoires ! Pour ce qui du BL, c'est vrai que je n'en ai pas traduit jusque-là dans le fandom HP, bien que j'en lise un paquet. L'intrigue était beaucoup trop alléchante pour que je ne la traduise pas, cependant ! (dois-je préciser que celle sur les fondateurs est un Sal/Godric, Rowena/Helga ? oups, désolée hahaha) J'en est écrit une en anglais avec une amie (Sal/Godric, time-travel vers la 5e année, très inspirée de cette fic d'ailleurs, dans le sens où JK nous dit un truc et nous prenons les morceaux et reconstituons un puzzle complètement différent), malheureusement, nous n'avons pas l'intention de la traduire pour le moment ^^' Je suis d'accord avec toi, quand j'ai commencé, je préférais le présent aussi, puiiiiis haha, nous sommes arrivés à mon moment préféré et là je ne pouvais plus attendre pour le passé ! J'espère que cette suite te plaira, et mon personnage préféré aussi, quel Gryffondor celui-là !

mimi62221 : Ouh, toi, tu en as de la chance. Ce que je veux dire, c'est que la plupart des personnes qui me suivent ont dû attendr ans pour ce chapitre et tu arrives comme une fleur au moment où je suis enfin prête à publier la suite, c'est un coup de maître hahahaha ! Une bonne année à toi aussi, même si elle est déjà bien entamée, et une excellente lecture !

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Lily Jem, Fay-L, Karozthor the Necromagus, Lisoral, Elendil (merci pour tous tes commentaires *sanglote*), Wenna-Hic, Fiona Defente, Jotunn-Jack, Makiang, Vindixta, maugrei, Lis blanc, Naina24, Alyxel, Emiemy, Meranath, SachaTouill, Harry Slash Potter 14, vous êtes parfaitement adorable… je suis heureuse que les personnages et que l'histoire puissent autant vous plaire, j'espère que ce chapitre vous offrira ce que vous souhaitez ;) Encore un grand merci pour votre soutien (et pour l'auteure), des bisous à paillettes !

Mary Yuki MY, , red-dragon68, Allone Denestriel, voilà voilà ^^ Je suis très inspirée par cette histoire, malheureusement je ne peux plus rien promettre en termes de délais comme je pouvais le faire par le passé. J'espère tout de même pouvoir en arriver à ma partie préférée, soit le vingtième siècle (le chapitre 53, au moins), donc je ne lâche rien pour l'instant ! Il y a encore tant à raconter avant que les lignes temporelles ne se croisent ! Des bisous et une bonne lecture !

OkeanH, shishi-sama76, Melodie Zik Spirit, nous nous inclinons tous devant Sal *cœur*

Lily Jem, lesaccrosdelamerceri, Pims10, Lyrellys, Julia13verseau, le présent va être (et est déjà) une immense pagaille XD vous n'imaginez même pas à quel point ! La Grande Famille va en faire plier plus d'un hahahaha *s'enfuit en gloussant*


chapitre 36 : to aid a child, to have a child

Quelque part entre l'an 980 et 1021 après. J.-C.

Les deux ans et demi qui suivirent ne furent que pure souffrance pour Godric.

Avant le départ de Salazar, il n'avait jamais douté de son point de vue quant aux Sang-Pur et la menace qu'ils représentaient pour la communauté sorcière. Il n'avait jamais remis en cause ce fait, même lorsqu'il avait appris que Salazar était l'un d'entre eux. Après tout, lorsqu'il le lui avait admis jadis, cela n'avait été pour lui qu'un concept très abstrait, méritant à peine la réflexion. À ce moment-là, il n'avait fait que l'accepter. Et après tout ce temps passé aux côtés de Salazar, le souvenir lui avait tout bonnement échappé.

Mais qui donc se souviendrait d'une telle chose lorsque l'homme à vos côtés ne différait en rien de tous ceux qu'il avait pu rencontrer jusqu'alors ? Il n'y avait rien dans sa façon d'agir qui pointait vers son héritage, à son humble avis. Salazar n'avait tout simplement rien de l'image que Godric se faisait d'un Sang-Pur.

Aussi, Godric avait oublié. Peut-être cet oubli avait-il rapport au mot dont Salazar se servait pour se désigner comme un Sang-Pur, un mot qu'il n'avait jamais entendu avant leur première rencontre. Salazar ne lui avait jamais dit de but en blanc « Je suis un Sang-Pur », et ce, non pas parce qu'il en avait honte, mais parce qu'il n'avait jamais appelé un Sang-Pur, un Sang-Pur. Tout ce dont il avait parlé était de… et voilà que Godric en avait encore oublié le nom…

Deux ans et demi que Salazar était parti. Deux ans et demi que Helga ne parlait plus de rien que des leçons et de l'académie avec lui. Ainsi, Godric avait appris à payer le prix de ses préjugés.

La maison de Salazar, les Serpentard, s'était complètement dissociée du reste des élèves, à grands coups de moqueries et d'ignorance volontaire. Sa propre maison était leur principale cible… elle, et Godric lui-même, bien sûr. Évidemment, les Serpentard prenaient toujours part aux cours et faisaient ce qu'ils avaient à faire, mais lorsqu'il s'adressait à eux, leurs voix se faisaient glaciales, et leurs regards accusateurs. Ils le blâmaient pour le départ de Salazar. Et ils en avaient parfaitement le droit. Ils n'avaient pas tort. C'était lui qui avait toléré les paroles biaisées des élèves envers les Sang-Pur. C'était lui qui avait adhéré aux rumeurs. Il était la raison du départ de Salazar.

Lui et sa grande bouche.

Lui et sa stupidité.

Et Godric se le reprochait. Il se reprochait le départ de Salazar. Il se reprochait les pleurs de Rowena et son refus à ne serait-ce que lui adresser un regard même un mois après ce débâcle.

Il s'était excusé, bien entendu. Il avait demandé pardon à son beau-frère et à sa femme pour la manière dont il les avait insultés. Il lui faudrait également s'excuser auprès de Salazar, mais l'homme avait tout simplement disparu. Qu'importe où Godric pouvait bien le chercher, il n'était encore jamais parvenu à le retrouver.

Pourtant, Myrddin seul savait qu'il avait cherché. Il avait fureté un peu partout et continuait d'arpenter les terres dès qu'il en trouvait le temps. Depuis son départ, à chaque interruption estivale, il quittait le château pour partir à la recherche de son ami. Même si c'était vain. Chaque fois qu'il pouvait se le permettre, il enfourchait son cheval et quittait Pou'd Lard ou rédigeait des lettres à toutes ses connaissances - toutes celles qu'il avait pu envoyer directement à l'homme en question lui avaient été retournées, toujours scellées.

La maison des Serpents était à présent dirigée par le professeur de potions - l'homme même qui n'avait aucun talent pour l'enseignement. Et Godric regrettait de n'avoir jamais écouté les complaintes de Salazar à son propos. Il avait toujours cru que ses plaintes découlaient de son besoin irrépressible de perfection et il ne s'était pas douté qu'elles étaient en réalité fondées sur la stricte et pure vérité.

Ils avaient fait rappeler un ancien élève plutôt adéquat en guise de maître des runes, mais l'homme n'était pas du tout intéressé par l'enseignement et il n'était pas aussi bon que Sal l'avait été. Et il leur manquait toujours un guérisseur, car tous ceux ayant un minimum de compétences étaient déjà employés autre part et tous les autres étaient soit trop insatisfaisants ou bien trop cupides.

Et tout ça était de la faute de Godric.

Tout ça, parce qu'il avait décidé de croire en des ouï-dire.

Ce qu'il pouvait regretter sa stupidité !

Il déplorait de ne pas avoir essayé d'en savoir plus sur les personnes qu'il était censé haïr !

En fin de compte, Godric avait fait la seule chose à sa portée en dehors de ses recherches : il s'était mis à travailler sur ses peurs.

Au lieu de dédaigner les Centaures errant dans leurs bois, il avait recherché leur présence et avait même discuté avec l'un d'entre eux. Son cœur avait palpité de bout en bout et il s'était apprêté à courir au moindre mouvement, mais il était finalement parvenu à discuter avec un Centaure.

Les Centaures n'étaient pas si terrifiants, du moins, pas autant qu'il l'aurait cru - du moins, ce fut ce qu'en conclut Godric à la fin de cette discussion. Ce n'était pas grand-chose, mais cela lui suffisait amplement.

Il s'était alors mis à la recherche d'autres Sang-Pur. Godric avait quitté le château pour visiter un autre lac que la rumeur disait habité par des Selkies. L'apparence de ceux-là l'avait tout bonnement horrifiée, mais ils avaient fait preuve de patience et d'amabilité lorsqu'il avait engagé la conversation. Suite à celle-ci, Pou'd Lard avait gagné de nouveaux habitants pour son lac. Godric espérait sincèrement que cela ne dérangerait pas Salazar, mais si l'homme ne s'outrait pas devant quelques Centaures dans leurs bois, il ne voyait pas pourquoi deux ou trois Selkies à l'eau seraient de trop.

En voyant cela, Peverell avait simplement secoué la tête, marmonnant :

– La prochaine fois, il va nous ramener un Sinistros ou même un Dragon !

Peut-être l'aurait-il fait, mais il connaissait suffisamment bien son épouse et sa propre sœur pour ne pas s'y oser. S'il s'aventurait à leur amener un Dragon ou pire encore, il serait certainement banni du château avant même d'avoir pu ouvrir la bouche…

Et puis, ce n'était pas comme s'il allait vraiment ramener un Dragon en chair et en os. Du moins…

Godric secoua la tête pour s'éclaircir les idées. Il se retrouvait de nouveau à errer sur les traces d'un Sang-Pur qu'il n'avait pas encore rencontré ou celles de Salazar - qu'importe lequel des deux croisait son chemin le premier. En général, il s'agissait du Sang-Pur.

– Tu devrais regarder où tu mets les pieds, l'interrompit une voix.

Godric sursauta.

– Se balader dans la forêt sans être sur ses gardes n'est pas très intelligent. Il existe en ce monde des prédateurs plus terrifiants que de simples animaux.

Ses longues années d'entraînement ne lui firent pas défaut et une seconde plus tard, Godric se tourna d'un geste vers l'endroit d'où la voix lui parvenait, baguette en main et un sort sur le bout des lèvres. L'étranger réagit juste à temps pour l'esquiver d'un pas sur le côté.

– Eh bien, eh bien. Tu n'as pas une mauvaise défense lorsque tu fais un peu attention, semble-t-il, lâcha-t-il, ses crocs brillants sous la pâle lueur de la nuit.

Vampire.

Voilà un Sang-Pur que Godric n'avait eu aucun désir de rencontrer.

Il déglutit.

Immortel. Bois du sang. Dangereux, se rappela-t-il.

Vraiment pas une rencontre qu'il accueillait à bras ouverts.

– Tu as perdu ta langue ? fit le Vampire, un sourcil haussé.

Il avait de toute évidence été jugé et considéré comme peu menaçant… du moins, c'était ce qu'il en déduisit étant donné qu'il était toujours en train de lui parler alors même qu'il lui avait révélé être un sorcier.

Les mots du Vampire le firent finalement tiquer et il grogna.

– N'y compte pas, siffla-t-il.

Le Vampire le dévisagea, peu impressionné.

– Dis-moi, sorcier, y a-t-il une raison pour que tu vagabondes ainsi dans les bois, l'esprit si préoccupé ?

– Je ne suis pas préoccupé ! Je ne faisais que me rappeler quelques souvenirs ! se défendit Godric.

Il n'arrivait pas à croire qu'il ait pu baisser sa garde au beau milieu des bois ! Surtout lorsque ceux-ci lui étaient inconnus !

– Peut-être devrais-tu faire ça ailleurs si cela te rend si imprudent, fit remarquer le Vampire et Godric maugréa.

– Silence ! De toute évidence, à te voir aussi malpoli avec ceux dont tu croises le chemin, celui qui t'a élevé ne devait avoir aucune idée de ce qu'il faisait !

Et ce ne fut qu'après avoir déblatéré sa phrase qu'il se rappela à qui il parlait - un suceur de sang ridiculeusement puissant dans son genre. Ça n'avait certainement pas été sa meilleure idée d'insulter les parents dudit Vampire lorsque celui-ci pouvait le mettre en lambeau à tout moment, il en convenait.

Le Vampire se contenta de rire aux éclats.

– Pater n'en aurait cure. J'ai grandi avec pour principe de ne jamais dormir dans la forêt sans un bon bouclier. Bien sûr, il arrive toujours que l'on se fasse surprendre ou capturer, mais faire preuve de prudence rend la chose moins probable, et ce n'était pas ton cas, continua le Vampire après s'être régalé des mots de Godric, ce qui eut pour avantage de contrarier encore plus ce dernier.

– Et je présume qu'il t'a aussi enseigné à trouver tes proies chez les pauvres vagabonds, marmonna-t-il.

Il se crut suffisamment discret, mais il sembla que le Vampire avait une ouïe plus fine qu'il ne s'était imaginé, au vu du regard surpris et quelque peu offensé que celui-ci lui jeta.

– Je ne cherche pas à m'en prendre à toi ! rétorqua le Vampire. Si c'était vraiment mon intention, je l'aurais fait lorsque je t'ai aperçu il y a de ça plusieurs heures et non lorsque tu étais sur le point de te fracasser le crâne contre un arbre !

– Ha ? fit Godric et il se retourna pour regarder dans la direction qu'il avait prise - tout ça, pour se prendre l'arbre en pleine figure. Aïe !

– Et voilà pour l'avertissement, s'amusa le Vampire en secouant la tête. Tu es vraiment un étrange sorcier, tu sais ?

Godric lança au Vampire un regard circonspect.

– Je dirais que celui d'entre nous qui est le plus étrange, c'est plutôt toi, rétorqua-t-il.

Cela lui valut un nouvel éclat de rire.

– Aye, c'est bien vrai, sourit le Vampire. Et fier de l'être !

Et comme s'il s'agissait de la plus naturelle des choses à faire, le Vampire s'inclina devant Godric et déclara :

– Anastasius Sanguini, à ton service.

Godric ravala une forte envie de se frotter les yeux pour voir s'il était en train de rêver. Quel Vampire agissait tel un petit seigneur bien éduqué ?

– Euh… Godric Gr… LeFay, au tiens, répondit-il, se corrigeant au dernier moment.

Il n'avait pas prononcé son nom de famille depuis si longtemps qu'il lui semblait presque étranger.

– LeFay ? répéta le Vampire, étonné. Tu es de la progéniture de mon Oncle ?

Et alors, la compréhension brilla dans ses yeux.

– Tu es le bigot de Sang-Mêlé qui a insulté mon père, reconnut-il. Je ne pensais pas te rencontrer après que Pater vous ait quitté, tes proches et toi.

Ce fut sa manière de dire « bigot de Sang-Mêlé » qui le fit tilter.

Il avait entendu l'expression par le passé.

Mais où donc… ?

Salazar.

Les yeux de Godric s'écarquillèrent.

– Tu connais Salazar, s'exclama-t-il, son intérêt ravivé.

Les mots du Vampire lui revinrent alors et il comprit enfin ce que le Vampire venait de lui révéler.

– Une petite seconde… Pater ? Comme dans père ? Salazar est ton père ?! ? s'exclama-t-il, les yeux ronds.

Ceux du Vampire s'étrécirent.

– Et si c'était le cas ? demanda la créa… non, demanda-t-il, et Godric eut la ferme conviction que s'il osait s'en prendre verbalement à son ami, le Vampire ne se gênerait pas pour se servir de lui comme de sa prochaine collation.

– Je suis à sa recherche ! expliqua Godric à la hâte. Je souhaiterais m'excuser ! J'ai agi comme un idiot. Je n'ai pas réfléchi. Je n'avais aucune intention de le blesser et j'étais juste un crétin dont l'idée d'un Sang-Pur n'était basée que sur de basses rumeurs et ma propre peur de l'inconnu ! Je suis sur sa piste depuis deux bonnes années et… et… Sais-tu où il se trouve ?

Le Vampire renifla.

– Tout ça pour avoir la conscience tranquille, cracha la créa… non, cracha-t-il, le scepticisme colorant ses paroles. N'est-il pas, mon très cher bigot de Sang-Mêlé ?

Godric fronça les sourcils devant la créature que son ami avait élevée - son fils.

– Oui, finit-il par admettre, ses yeux ne quittant pas ceux du Vampire aux nuances d'un argenté troublant.

Les pas qui suivirent furent bien trop rapides pour Godric. Un moment, le Vampire se trouvait encore à quelques pas, le suivant, il se retrouva face à lui, joue contre joue, le fixant avec un regard qui semblait en voir davantage que des yeux normaux.

– Je ne pense pas que tu comprennes la situation, Godric, progéniture de mon Oncle, répondit le Vampire avec une limpidité aussi effrayante que l'était le regard mortel de Salazar.

– Crois-moi, fils de Salazar, j'ai conscience d'avoir jeté sur les Sang-Pur un regard maladroit. Mais je sais maintenant que mes préjugés étaient fondés sur mes propres peurs. Je ne réagissais pas ainsi sans raison aucune, chuchota Godric, ses yeux toujours vissés dans ceux du Vampire.

Il ne pouvait montrer de faiblesses. Pas devant une créature qui pouvait lui arracher la vie de ses propres mains si cela lui en prenait l'envie.

– Tu avais tes raisons ?

Anastasius haussa un sourcil.

– Cite-les donc moi. Peut-être alors te pardonnerai-je et t'aiderai-je à trouver mon père.

Godric s'apprêtait à expliquer au Vampire qu'il n'était qu'un idiot fini, qu'il ne s'était jamais douté de l'héritage de Salazar et que ce rejet n'était basé que sur une peur de l'inconnu.

– Mon père a été tué par des Gobelins, dit-il à la place. Je n'avais que sept ans à l'époque et nous rentrions après une visite chez mes grands-parents. Ils ont tué mon père tout simplement parce qu'il a eu le malheur de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Il n'avait pas même eu un geste agressif à leur égard. Ils ont débarqué et lorsqu'ils l'ont aperçu, ils lui ont ôté la vie, voilà tout. Mère nous a pris, ma sœur de quatre ans et moi-même, et s'est enfuie. Elle est décédée peu après que nous ayons regagné la demeure de mes grands-parents. Elle ne pouvait pas vivre sans sa moitié, du moins, c'est ce qu'elle nous a confié, jadis. Ce sont des Sang-Pur… des Sang-Pur qui leur ont fait ça ! Peut-on véritablement m'en vouloir de les haïr après ça ? Ma sœur n'en garde aucun souvenir, mais le mien… le mien est ancré dans ma mémoire !

Godric reprit son souffle, lui-même surpris de la réponse qu'il avait délivrée au Vampire. Il n'avait plus repensé à cet incident depuis de longues années, jusqu'à ce que ses lèvres laissent couler ce torrent de haine, à vrai dire.

– Tu parais surpris, nota le Vampire, un sourcil haussé.

– Je ne me… souvenais pas de tout ça. Cela s'est passé il y a tant d'années, bien avant que je ne rencontre Salazar, expliqua Godric. Je… comment ai-je pu dire tout ça alors même que je ne m'en rappelais pas ?

Les yeux d'argent du Vampire se mirent à briller.

– Je voulais savoir la vérité, voilà comment. Si c'est ce qu'un Vampire veut, rien ni personne ne peut l'en empêcher.

Des pouvoirs vampiriques, voilà qui expliquait les choses.

– Ai-je tort de haïr les Sang-Pur ? s'interrogea-t-il en serrant les poings, ses yeux quittant ceux du Vampire pour se poser ailleurs. Ai-je tort de ressentir de la haine pour ceux qui m'ont arraché ma famille ?

Anastasius lui jeta un regard compréhensif et plein de sagesse.

– Je déteste les Humains, dit Anastasius, sans répondre à sa question, mais en lui accordant la seule réponse qu'il semblait pouvoir lui confier. J'avais à peine trois ans lorsque mes parents ont succombé à leur haine. Ils sont morts lors du pillage de notre cité. Mais peu importe combien je m'applique à les haïr, je suis pourtant incapable de les regarder droit dans les yeux et de voir en eux des monstres. Peut-être est-ce parce qu'en les voyant, il s'y reflète l'ombre de mon père. Pour toute sa bonté, mon père aurait dû me détester. J'appartiens à la nation même qui a détruit sa famille, mais jamais il ne les en a rendus coupables. Les Romains sont la raison pour laquelle ses pères, son frère et ses oncles ne sont plus de ce monde. Les Romains sont la raison du reflet de la Mort qu'il ressent parfois. Pourtant, il m'a tout de même accepté entre ses bras et m'a aimé. J'étais un enfant de Rome lorsqu'il m'a trouvé, un Vampire oui, mais pas moins Romain pour autant. On ne peut blâmer toute une nation pour les actions d'un nombre restreint de ses membres.

Cela suffit à secouer Godric d'un grondement et il oublia l'espace d'un instant que son opposant était de nature vampirique. Il sentit la haine et la crainte le retrouver et marquer ses traits - des traits si ressemblants à ceux de Salazar et, dans le même temps, si différents que c'en était troublant.

– La culpabilité leur appartient pourtant bien ! Et quelqu'un se doit de porter ce fardeau ! Car, si je ne le fais pas, qui se souviendra d'eux ? siffla-t-il. Quelqu'un doit garder leur empreinte en mémoire !

– Et en dépit de cela, tu as travaillé aux côtés de mon père des années durant. Tu as même été jusqu'à rencontrer et interagir avec des Gobelins. Dis-moi ce qui a changé ?

– Absolument rien !

– Te souviens-tu même que tu n'es pas si différent d'eux au fond ? Crains-tu d'aller à l'encontre de tes propres croyances, car tu sais dans ton cœur que rien ne te différencie d'eux ?

Godric émit un autre grondement.

– Je n'ai rien à voir avec les Sang-Pur !

– Vraiment ? Si c'est ce que tu crois, alors parle-moi de cette différence que tu perçois si clairement, cousin.

La voix d'Anastasius s'abattait sur le mur que Godric s'était construit pour se préserver du préjudice et de la souffrance.

– Regarde dans un miroir et explique-moi ce qui me différencie de toi, ce qui te différencie de mon père !

Godric entrouvrit les lèvres, mais se ravisa dans un écho.

Dans ses souvenirs, il aperçut les yeux d'un vert mortel de Salazar.

Ses yeux.

Dans ses souvenirs, il se rappelait Salazar lui avoir enseigné ce qu'il savait sur l'essence des Sang-Pur.

Un Sang-Pur est doté d'une âme puissante. Si tu te lies à un autre Sang-Pur, alors l'enfant qui naîtra de cette union reste un Sang-Pur et son âme reste tout aussi puissante. Si l'enfant en question se marie à un Sang-Mêlé, alors leur enfant restera de sang pur, car il portera l'essence de quatre Sang-Pur différents.

Mais si aucun des grands-parents de l'enfant n'appartient pas à la même espèce, alors il disposera de quatre quartiers spirituels différents. Dans ce cas, l'âme faible d'un Sans-Magie ne pourra se greffer à une telle construction. Elle ne pourrait interagir avec une telle matrice, car les quatre moitiés forment alors un cercle. Les descendants d'un enfant pareil s'inscrivent dans une lignée d'Originels. Introduire un fragment plus faible en déstabiliserait l'essence même, car sa stabilité ne tient qu'à leur similarité et leur aisance à interagir. Une âme faible n'a pas la même réactivité qu'une âme puissante, aussi l'équilibre s'en retrouve brisé. Un Originel ne peut pas en absorber dans sa lignée. Les enfants ainsi conçus seraient mort-nés. Et ce, pour la seule raison qu'ils descendent des nés Fir Bolg.

Et lorsque Godric lui avait demandé comment les pouvoirs familiaux des Originels interféraient avec tout cela, Sal avait simplement haussé les épaules.

Ils sont plus délicats à se manifester chez les Originels. Ta sœur est née Fir Bolg, car ta mère est de toute évidence Fir Bolg elle-même et non magicienne. Mais si elle l'avait été, ta sœur ne pourrait être née Fir Bolg, car elle en aurait perdu l'héritage pour la seule raison que tu l'aurais, toi, reçu. La transmission chez les Originels est compliquée et peu de lignées peuvent se targuer aujourd'hui d'en faire partie. Des lignées comme la tienne. Des lignées comme celle de Peverell, si Helga et lui ont des enfants.

Anastasius avait raison.

Peu importe combien il s'acharnait à le nier, il n'existait aucune différence entre un Sang-Pur et lui. Il était un Sang-Pur. Comme Rowena. Comme Peverell. Comme sa propre sœur, Helga.

Les yeux perçants du Vampire happèrent son attention.

– Me battre contre les Forces du Mal, j'en suis capable. Je me battrai toujours contre ceux qui cherchent à détruire le monde tel que je le connais, finit par répondre Godric, ses yeux implorant le Vampire devant lui de le pardonner, de le comprendre. Mais je ne peux me battre contre tous les préjudices. J'ai certes de l'influence, mais pas assez pour m'opposer au Haut Conseil et leur faire la leçon pour la simple et bonne raison que j'appartiendrais à la même espèce que le boucher qu'il craigne tant ! Qu'est ma sœur ! Mon épouse ! Je ne peux le faire, par crainte qu'ils s'en prennent à ma famille par la suite ! Je connais la peur qui les étreint ! Je l'ai ressenti lorsque ce Gobelin s'en est pris à ma famille ! Je ne les laisserai pas s'en prendre aux miens ! Et si cela signifie oublier ce que je suis, alors qu'il en soit ainsi. Et si cela signifie déplaire à ceux qui m'entourent, alors ainsi soit-il. Tant qu'ils sont en sécurité, je me fiche bien du reste !

Et c'était la stricte vérité. Une vérité que Godric avait gardée enfouie dans son cœur. Une vérité qu'il n'avait jamais vraiment considérée, qu'il n'avait jamais reconnue avec tant de clarté, mais qu'il avait tout de même toujours poursuivie. Il était un lion dans l'âme, mais la priorité des lions n'avait toujours été que la fierté.

Et Godric ferait tout son possible pour ne pas l'ébranler, même s'il devait être haï - tant que cela signifiait que les siens étaient sains et saufs.

En fin de compte, Godric aurait accepté leur haine, mais l'on parlait de Salazar. Salazar, qui l'avait confronté et forcé à remettre en question son propre comportement. Tout cela avait commencé par un désir de garder ses proches à l'abri, mais il avait fini par en oublier son but et il était devenu ce qu'il avait cherché à éviter à tout prix.

Salazar ne le lui pardonnerait jamais.

– Et pourtant te voilà, en quête de mon père, prêt à lui présenter tes excuses, prêt à tout pour qu'il accepte de revenir, déclara Anastasius.

Godric fit une grimace qui marqua la haine qu'il ressentait envers sa propre personne à ce moment-là.

– Il fait partie des personnes que j'ai essayé de protéger. Mais à quoi sert un bouclier lorsque ceux que l'on souhaite protéger se dressent devant lui ? s'exclama-t-il.

Pour toute réponse, il reçut un petit sourire.

– Mon père… Pater, a toujours fait partie de ceux qui protègent autrui. Il ne réagit pas bien à l'idée d'être celui que l'on protège. Surtout lorsque certains se retrouvent en danger pour la simple raison qu'un bouclier est dressé pour lui, expliqua Anastasius d'une voix douce. Tu ne peux protéger quelqu'un qui a depuis longtemps perdu toute ignorance quant à la cruauté du monde.

– Pourtant, Salazar croit toujours en ceux qui l'entourent, rétorqua Godric. Il voit toujours le meilleur chez autrui.

– Et malgré ça, il est parvenu à comprendre que tu t'étais perdu en chemin. Pater donne une chance à tout le monde, mais il n'ignore pas que la versatilité peut se manifester chez quiconque. Il a été blessé que tu te retournes contre lui, mais il n'en a pas été surpris. Il sait que cela peut arriver. Pater en a été témoin à suffisamment de reprises pour ne pas faire preuve d'aveuglement sur le sujet.

Godric dévisagea l'enfant de Salazar. À l'intérieur, il revivait toutes les interactions qu'il avait pu avoir avec Salazar. L'autre homme avait toujours fait preuve d'amabilité et d'un caractère avenant. Pourtant, il avait assisté à certaines scènes par le passé qui indiquait tout autre chose. Godric n'y avait tout simplement jamais prêté attention.

Il n'avait pas compris la réaction de Salazar lorsqu'il lui avait attribué le nom de « Serpentard ». Mais en y repensant, il comprenait maintenant que Salazar avait su depuis le début qu'il l'abandonnerait un jour ou l'autre. Il lui semblait à présent qu'au moment même où ils l'avaient nommé « Serpentard », il avait su qu'ils se retourneraient contre lui. C'était insensé, et pourtant…

Godric avait toujours passé sous silence ce point, cette douleur.

Aujourd'hui, il se maudissait pour son aveuglement.

– Nous pardonnera-t-il un jour ? demanda-t-il. Me pardonnera-t-il un jour ?

Le Vampire haussa les épaules.

– Il te pardonnera, cousin, répondit Anastasius. Pater ne garde pas de rancune. Mais même s'il te pardonne, te faire de nouveau confiance est une tout autre chose.

Godric resta silencieux quelques instants avant d'acquiescer.

– Cela importe peu, déclara-t-il. Tant que je suis en mesure de lui présenter mes excuses, j'encaisserai toute punition qu'il daignera m'infliger.

Un sourire amer se peignit sur le visage de l'autre.

– Je ne peux pas te venir en aide à ce propos, cousin, dit Anastasius. Je sais où il se trouve, mais même moi, je ne suis pas apte à l'atteindre.

– Que veux-tu dire ? Où donc se trouve-t-il ?

Le Vampire grimaça.

– Il a été capturé par des sorciers il y a bien deux mois, répondit Anastasius, la culpabilité marquant son visage. C'est de ma faute. J'ai fait preuve d'imprudence et Pater a dû m'aider à me tirer d'affaires. Il n'a pas eu la même chance.

La rage gonfla la poitrine de Godric.

– Où est-ce que cela s'est passé ? l'interrogea-t-il et Anastasius secoua la tête.

– Pater me tuera si j'agis de nouveau de manière irresponsable. Et t'emmener dans une mission de sauvetage se place directement dans cette catégorie, il me semble.

Godric plissa le nez.

– Je ne manque pas d'entraînement. Je sais parfaitement ce dont je suis capable !

Néanmoins, le Vampire secoua simplement la tête.

– Pater m'a interdit de m'engager dans une telle mission avec pour seuls partenaires des Gryffondor. Ses paroles, si je m'en souviens correctement, ressemblaient à : « Si tu oses te mettre en danger avec pour seule épée Godric à tes côtés, je me servirai de vous comme cobayes pour mes prochaines expériences ! »

Godric grimaça.

– Peut-être devrions-nous retourner à Pou'd Lard et demander à Peverell et Rowena de nous accompagner… ou Helga… peut-être que Helga ferait mieux l'affaire. Ma femme me passerait un savon si je suggérais quelque chose de la sorte. Peut-être est-ce parce qu'elle attend un enfant ? s'interrogea-t-il. Ce faisant, nous éviterons peut-être la phase « cobayes ».

Et bien que Godric avait une grande envie de voler au secours de son ami, il n'osait pas aller à l'encontre de sa volonté. Il ne savait que trop bien que Salazar ne lançait pas de menaces en l'air. Et il ne se passerait pas d'appliquer la menace en question si on lui désobéissait.

Anastasius hésita l'espace d'un instant puis hocha la tête.

– Bonne idée, cousin, dit-il. Excellente, même.

.

– T'viens de Pou'd Lard, toi, j'm'trompe.

Salazar avait appris à haïr la voix en question avec le temps. Depuis qu'il avait arraché son fils aux griffes de ces hommes et qu'il avait été fait prisonnier à sa place, ils n'avaient fait que tenter de se servir de lui pour leur propre profit.

Ils avaient rapidement deviné qui il était lorsqu'il l'avait forcé à avaler un sérum de vérité. Ce dernier n'était pas du même acabit que le Veritaserum - celui-ci n'existant pas encore - mais il avait été suffisamment puissant pour que le nom « Salazar Serpentard » lui soit arraché.

Cela faisait deux ans qu'il avait quittés Pou'd Lard et qu'il parcourait le monde en dispensant des soins à ceux qui croisaient son chemin tel qu'il l'avait fait des siècles durant. Pourtant, cela n'empêchait pas encore aujourd'hui à ces vautours d'essayer de se servir de sa personne pour gagner l'accès audit domaine.

– J'suis sûr que tu connais ce château comme personne. Nous cherchons que'que chose et j'suis sûr que t'sais où l'trouver, l'assomma l'homme en face de Salvazsahar.

– T'es bien Serpentard, non ? dit l'un des autres.

C'était le premier et ses sous-fifres qui avaient capturés, attachés et aveuglés Sal d'un morceau de tissu alors même qu'il aidait son téméraire et curieux de fils à leur échapper.

Peu avant le sauvetage en question, Sal avait manqué de perdre la vie en sauvant un village d'une épidémie. Il avait passé deux mois et demi à combattre la Dragoncelle dans les environs. Un acte qui avait eu des effets catastrophiques sur son corps. Vidé à cause des maints usages de runes de stérilisation, mais certain que le village s'en sortirait, il avait été plus que ravi de pouvoir continuer sa route.

Et le village prospérerait de nouveau. Malheureusement pour lui, à cause d'Anastasius, Salazar n'avait pas pu reprendre son chemin comme il l'avait espéré. Au lieu de ça, il lui avait fallu suivre le lien qu'il partageait avec Ana - un lien qui lui avait soufflé que le plus jeune était en danger et qu'il ne pourrait pas s'en sortir seul cette fois-ci - jusqu'à ce qu'il atteigne la forteresse de laquelle il était captif. Y entrer avait été la seule option qui s'offrait à lui, car le temps jouait en sa défaveur. Il était finalement parvenu à retrouver son fils, et l'avait nourri et soigné puis il avait fait en sorte qu'il parte sans lui lorsqu'il était devenu clair qu'ils n'en sortiraient pas tous les deux.

Aussi, au lieu de vagabonder comme il se l'était imaginé, il se retrouvait à présent aux mains de ses voyous.

– Hé ! J'te parle ! s'insurgea leur chef - ou du moins, celui que Sal prenait pour leur chef.

Sal sentit la brûlure sur sa joue après que ce dernier l'eut frappé et il siffla dans sa direction. Il était plus qu'en colère contre lui-même. Il avait su qu'il n'était pas en état de voler au secours de son fils bien avant d'arriver à la forteresse. L'épuisement l'assaillait après deux mois sans répit. Pourtant, qu'aurait-il pu faire d'autre ? Anastasius, son fils si stupidement insouciant, en serait mort s'il n'était pas apparu lorsqu'il l'avait fait. Et Sal préférait que la mort le gagne de nouveau plutôt que de voir son propre fils y succomber.

La claque suivante lui donna le vertige.

– S'tu veux pas encore l'sentir, parle ! grogna l'homme.

Sal lui cracha à la figure avant de répondre.

– Et si c'était bien moi, qu'est-ce que cela pourrait donc vous apporter ? demanda-t-il froidement.

Un grand éclat de rire résonna dans l'obscurité et Sal se maudit qu'ils aient pu l'attacher et le priver de sa vision. Il était trop épuisé pour se servir de la magie sans sa baguette, aussi ses propres dons lui étaient d'autant plus inutiles en un tel moment. Il avait besoin de temps, de repos et de se nourrir pour récupérer, mais se retrouver aux mains de ces hommes ne lui procurait aucune de ces choses…

– J'ai entendu chanter que c'te Pou'd Lard, c'tait Camelot avant, dit l'homme et Salazar pouvait presque voir son sourire en coin. Mon maître, il veut s'te château. C'est l'sien, t'sais ça ?

Sal lui cracha à nouveau en plein visage. Il manqua.

Il reçut une nouvelle claque, mais Sal avait subi bien pire depuis sa capture.

– Sûr, y'a aussi les tombes, t'sais ? Celle d'Arthur, l'traître, et celle d'Mordred, l'Grand !

– N'imaginez pas que je donnerais à des personnes telles que vous l'accès aux sépultures des miens ! siffla Salazar. Votre maître et vous pensez peut-être être au-dessus des autres sorciers, mais vous ne l'êtes pas ! Vous n'avez aucun droit de poser un seul pied sur mon domaine !

Un poing vint s'écraser sur son ventre et Sal cracha du sang dans leur direction, faisant peu fait de sa blessure. Ce ne serait pas la première fois ces derniers mois qu'il aurait presque rejoint l'autre côté entre leurs tendres mains.

– Y court qu'vous y enseigner pour des tas d'gosses du Haut C'seil, dit l'homme, changeant de tactique - comme si Sal allait laisser passer une telle information. Et paraît qu'toi et tes p'tit compagnons, z'êtes riches. Sûr qu'on peut trouver un moyen de partager avec nous pauv' gueux. Et sûr qu'tu vas nous aider à trouver c'mment y entrer. Pour qu'on p'isse rendre hommage au P'ssant Mordred, t'sais !

Et lorsque Sal lui cracha à nouveau au visage, il lui sembla ne pas avoir raté son coup cette fois-là, car l'homme se mit à jurer et le frappa une nouvelle fois.

Sal cogna l'homme dans le tibia et essuya un coup de poing dans l'estomac.

– Faut dire qu't'as intérêt à coopérer avec nous, comme y t'ont fichu dehors, s'exclama l'homme. Toute façon, on va bien finir par t'faire marcher avec nous.

Les semaines qui suivirent furent une pure torture pour Salazar, et ce, de manière bien trop littérale à son goût. Ils lui brisèrent les os, le brûlèrent, l'écorchèrent et parvinrent même presque à le noyer, testant de nouvelles techniques sans se départir de leurs anciens petits jeux pour le faire craquer. Sal avait cessé de compter combien de fois ils avaient été à la limite de mettre un terme à ces jours cette fois-ci. Et tout ce qu'il pouvait faire était de maudire son exécrable existence et son incapacité à embrasser sa fin une bonne fois pour toutes - non pas qu'ils l'aient remarqué, la seule et unique fois où ils étaient parvenus à lui arracher tout souffle de vie. Son décès n'avait pas duré suffisamment longtemps pour qu'ils le remarquent.

Pourtant, Sal savait également qu'ils auraient réussi à briser sa volonté il y a longtemps de ça s'il n'avait pas été têtu par nature. Sal n'avait jamais accepté qu'on lui dise quoi faire et il ne voyait aucune raison de changer ses habitudes. De son propre avis, l'agonie n'était pas une raison suffisante.

C'était une chose qu'il avait apprise jadis, le jour où la vie l'avait pour la toute première fois quitté. Les semaines qu'il avait passé à se rafistoler de l'intérieur avaient été bien plus douloureuses que tout ce qu'ils pourraient jamais lui faire - surtout s'ils s'entêtaient à vouloir le « garder en vie ».

– Alors, fit l'homme.

C'était leur petit rituel après chaque session de torture.

– T'jours pas envie d'causer ?

Sal siffla à travers son bâillon.

– P't'être que tu l'ouvriras si t'vois ça, poursuivit l'homme et pour la première fois en trois mois, son bandeau fut dénoué.

L'homme le força à tourner la tête pour lui montrer un jeune garçon accroupi dans un coin. Le plus jeune était pâle et meurtri, et du sang maculait l'une de ses joues et le reste de ses vêtements.

Et il ne lui était pas inconnu.

C'était l'un de ses Serpents.

Myrddin Wylt, se rappela-t-il. Son nom est Myrddin Wylt.

La fureur s'empara de Sal. Il n'avait jamais personnellement enseigné au plus jeune, mais même alors qu'il se trouvait loin de Pou'd Lard, il avait tenu à connaître tous les enfants qui entraient dans leur académie. Pas un seul Serpentard ne lui était inconnu et il savait que le garçon en question avait été reconduit chez ses parents peu avant que ces brigands ne s'en prennent à Sal. Sur son lit de mort, le grand-père du plus jeune avait souhaité voir le garçon une toute dernière fois avant sa mort, aussi Myrddin Wylt avait quitté l'enceinte des murs de Pou'd Lard pour s'acquitter de sa demande.

– Ah, tu l'reconnais à ce que j'vois, triompha l'homme. Alors, si t'veux pas qu'le gamin souff' comme t'as souffert, t'fera tout ce qu'on t'demande !

D'une poigne ferme, il s'empara de la crinière de Sal et fit rouler sa tête pour qu'il puisse croiser son regard.

Une belle erreur.

Terrible, même.

La rage donna à Sal un regain d'énergie et ses yeux d'émeraude reflétèrent l'embrasement du Phénix.

Et ce feu-là ne pardonnait pas, tout comme l'était le Basilic qui coulait dans ses veines.

Et ses yeux verts, d'un vert mortel, se débarrassèrent de la seconde paupière - tout invisible qu'elle était - et laissa les flammes quitter ce regard de mort.

L'homme n'eut pas même le temps de réagir. Un moment, il se pensait victorieux, le suivant, il s'écroulait sur le sol, les yeux grands ouverts, fauché, mort.

Le Basilic ne donnait pas de seconde chance.

Et l'essence du Basilic qui coulait dans ses veines était particulièrement puissante.

Lorsque les deux hommes, qui s'étaient cachés après que Sal se fut débarrassé du premier, entrèrent dans le cachot, ils connurent le même destin que leur chef.

Pas de pitié, hurla le Basilic.

Pas de pitié, hurla le Phénix.

Et Sal avait jadis appris qu'en dépit de son statut de guérisseur, il ne pouvait se permettre de faire preuve de clémence envers des voyous pareils.

Pantelant, il en profita pour augmenter la chaleur corporelle de ses bras, acte particulièrement épuisant pour lui, mais au moins, il parvenait de nouveau à se servir de sa magie. Il n'en avait plus été capable depuis sa capture, lorsqu'il avait été éreinté après ces deux mois d'excès et l'alimentation sanguine dont il avait fait profiter son fils.

Il ne pourrait plus user longtemps de ses dons. La douleur et la fatigue s'en assureraient et seul son désir profond de venir en aide à son élève nourrissait sa magie - la situation était tout sauf idéale, mais Sal s'en fichait bien à ce moment-ci. Il avait déjà senti la morsure de la mort s'abattre sur lui, et si mourir sous la torture n'était pas comparable à une mort d'un cœur brisé, il ne souhaitait pas à un enfant tel que Myrddin Wylt - un enfant d'à peine douze hivers - de souffrir sous le joug de ces bandits.

Les cordes tombèrent au sol et Sal grimaça devant sa soudaine liberté de mouvement. Ses membres étaient courbaturés et noués, mais il ne pouvait se permettre de se soigner dans la minute. Il lui fallait faire sortir l'enfant avant que les autres ne reviennent.

Sal ignora donc la douleur et se libéra de son bâillon avant de se relever.

– Myrddin, siffla-t-il et sa voix sonna davantage comme celle d'un serpent qu'à son habitude, mais il n'avait plus l'énergie de former des mots plus compréhensibles que les sifflements râpeux qu'il produisait.

Le garçon lui lança un regard effaré et Sal boita jusqu'à lui pour le libérer de ses liens.

– Lève-toi ! Il nous faut partir !

– Qui êtes-vous ?

L'enfant était terrifié et Sal grimaça en se rappelant qu'il l'avait vu mettre fin à la vie de ces hommes.

– Salazar Serpentard, finit-il par admettre, espérant qu'il ait entendu de bonnes choses à son propos et non des mots médisants.

Les grands yeux scintillants du garçon lui suggèrent qu'il avait au moins retenu une certaine admiration pour sa personne.

– Maintenant, debout ! On ne doit pas rester là !

– Et mes parents, professeur ? demanda le garçon, la peur brillant au fond de lui.

Les parents.

Ils s'en sont aussi pris aux parents.

Sal doutait peu qu'ils fussent depuis longtemps morts, pourtant, il demanda tout de même au garçon :

– Où sont-ils ? dit-il d'une voix râpeuse.

– Je… je ne sais pas, répondis l'enfant. Nous avons été séparés par ces… ces hommes. Je… oh, Mère… je ne sais pas quel a été son sort…

.

– Si je te comprends bien, tu es en train de me dire que tu as besoin de moi et de mon épouse, qui, je te le rappelle, est enceinte, parce qu'il se pourrait que tu aies une piste à propos de Salazar ?

Godric grimaça lorsque Peverell lui jeta un regard plein de sarcasme. Il semblait que Peverell ne partageait pas son enthousiasme.

– Certes… Mais nous pourrions prendre d'assaut la forteresse dans laquelle il est retenu captif tous ensemble…, tenta-t-il d'expliquer en marquant son hésitation.

– Et tu as besoin de ma femme, qui se trouve à un stade avancé de sa grossesse, pour cela, Godric ?

– Euh… eh bien… nous pourrions prendre Row…

– Oh ! Au lieu d'emmener mon épouse, nous prenons donc la tienne, qui je le rappelle, est tout aussi enceinte, c'est bien cela alors ? Excellente idée, Godric. C'est bien mieux !

– Euh… je te le concède… mais…

– Non. (Et au grand plaisir de Godric, Anastasius le prit enfin en pitié.) Nous avons seulement besoin d'une personne qui n'ait rien d'un Gryffondor. Toi seul suffit, en réalité.

Peverell haussa un sourcil à cette déclaration.

– Vous avez besoin d'une personne qui ne soit pas un Gryffondor, répéta-t-il, perplexe.

Anastasius hocha vivement la tête.

– Pater m'a interdit de venir à son secours si je ne suis suivi que par des Gryffondor.

Pendant quelques secondes, Peverell dévisagea Anastasius comme s'il s'agissait d'un être dément. Puis, il se pinça le nez et soupira.

– Êtes-vous sûr qu'il est bien captif à l'intérieur ? Qu'il est toujours…

Il s'interrompit.

– Non, oubliez. La mort n'aurait pu le faucher, lui.

– Cela signifie-t-il que tu vas nous aider ? demanda impatiemment Godric, prêt à reprendre la route à tout moment.

– Vous n'avez pas répondu à ma question quant à sa…

– J'en suis absolument certain, le coupa Anastasius. Il m'a sauvé, mais il n'a pas été en mesure de se sauver lui-même.

Peverell fronça les sourcils.

– Ça ne ressemble pas au Salazar que je connais. Il n'entrerait jamais quelque part sans avoir la certitude de pouvoir en ressortir sain et sauf.

– Il faut dire que Pater n'a pas vraiment eu le temps d'y penser, grimaça Anastasius. Je me suis retrouvé piégé à l'intérieur et s'il n'était pas venu au moment où il l'a fait, je ne serais certainement plus là pour en parler.

Peverell fronça les sourcils.

– Et tu es ?

– Anastasius Sanguini. Salvazsahar est mon père.

Cela lui prit quelques secondes pour faire la connexion entre les deux noms et Peverell se pinça le nez de nouveau.

– Pas étonnant que Salazar ait toujours réussi à épargner à Godric tout un tas de problèmes. Il doit avoir eu beaucoup d'entraînement avec toi !

Anastasius haussa les épaules et lui jeta un regard légèrement coupable.

– Peut-être ? finit-il par dire et Peverell poussa un soupir.

– Je n'arrive pas à croire que je vais accepter de partir à la rescousse d'un Serpent avec deux Gryffons.

– Un serpent ? répéta Anastasius, sans comprendre et Peverell haussa à son tour les épaules.

– Il faut bien admettre qu'il en a la personnalité. Ils tournent sans cesse les choses à son avantage et il frappe toujours lorsqu'on s'y attend le moins.

L'espace d'un instant, Anastasius fut pensif, puis il finit par hocher la tête.

– Certes. Ça lui correspond bien, déclara-t-il avant de poursuivre par un "On y va maintenant ?"

Soupirant de plus belle, Peverell acquiesça.

Il leur fallut une heure supplémentaire afin de se préparer à prendre la route - en effet, Peverell dut se concerter avec Rowena et Helga quant à leur départ prochain avant de lui-même commencer à rassembler ses affaires. Les deux femmes furent loin d'être enchantées par cette nouvelle, mais ils étaient tous d'accord sur le fait qu'ils ne laisseraient pas Sal souffrir aux mains d'hommes qui ne pouvaient être que leurs ennemis.

Ainsi, ils prirent le chemin de la forteresse dans laquelle Sal était retenu captif, et ce chemin s'avéra certes très long, car le transplanage, le voyage par cheminette et les portoloins n'existaient pas encore à cette époque.

.

Il est fort possible que Salvazsahar eût été dans l'incapacité de les libérer, Myrddin et lui, si une distraction n'avait pas éclaté au moment même où ils sortirent des cachots.

Ils atteignirent la partie habitée de la forteresse, celle que Sal craignait qu'ils ne puissent traverser sans être repérés et de nouveau emprisonnés. Il devait bien admettre qu'il n'avait depuis longtemps plus l'espoir de s'en sortir, mais tant que Myrddin parvenait à échapper à leurs griffes, Sal se réjouissait de mourir autant de fois qu'il le faudrait des mains de ces monstres.

Néanmoins, la distraction ayant de toute évidence fonctionnée, l'espoir souffla de nouveau à l'idée qu'ils puissent tous deux en réchapper. Et Sal devait bien l'accorder aux responsables : la distraction en question était d'une envergure phénoménale.

La terre tremblait sous leurs pieds et une forme de puissance transpirait dans l'air lorsqu'une deuxième salve d'éclairs gigantesques frappa le centre de la forteresse, calcinant sur son passage un bon nombre de sorciers assignés à la protection des murs. Le premier toucha la tour principale. Le toit y avait pris feu et les murs s'écroulaient déjà sous son courroux. Quelques minutes encore et ils étaient sûrs de tomber pour de bon.

– Par Myrddin, Peverell ! entendit-il et la voix qui s'exclamait sous l'effarement était de celles qu'il n'avait plus entendues depuis deux longues années. Qu'est-ce que c'était que ça ?

Godric.

Godric est là.

Durant quelques secondes, l'incrédulité s'empara de Salvazsahar, puis l'appréhension le gagna de nouveau. Comment Godric allait-il réagir s'il le voyait après tout ce temps ? Ils ne s'étaient pas quittés en bons termes, il fallait dire, et Sal n'était pas en état de se battre davantage avec lui au moment présent.

Pourtant, ces deux-là n'étaient autres que leur porte de sortie et s'il lui fallait tomber sous la baguette de Godric pour mettre Myrddin Wylt en sécurité, alors, il mourrait volontiers.

– Je suis le fils d'un Oiseau-Tonnerre, espèce de crétin ! J'ai beau ne pas pouvoir utiliser ta magie, mon affiliation me permet de contrôler la foudre comme je l'entends ! Et maintenant, ôte-toi de mon chemin, bon à rien de sorcier !

Peverell.

Un Peverell de toute évidence peu d'humeur.

La Terre prenne feu ! Pourquoi ces deux-là se trouvaient-ils en ces lieux ?

Pour Myrddin Wylt, peut-être ?

Au même moment, la foudre éclata de nouveau sur la forteresse.

– Nous ferions mieux de poursuivre notre chemin ! suggéra Sal en poussant le plus jeune à avancer.

Ce dernier lui jeta un regard perplexe.

– Mes parents ? rappela-t-il.

– Nous ne pouvons pas rester ici, répondit Sal. J'irais les chercher dès que nous en aurons le temps et que la sûreté nous sera acquise, je t'en fais le serment.

– Mais…, tenta-t-il de protester et il le tira avec plus de fermeté, espérant croiser la route de Peverell et Godric avant qu'ils ne fassent s'écrouler la forteresse sur leurs têtes.

N'ont-ils jamais entendu parler de la primauté qui convient à la discrétion dans ce type de situations ?

– Cessez l'incursion avant que je ne tue les prisonniers !

Sal cessa sa course et poussa Myrddin contre le mur d'une des tours pour les dissimuler aux yeux des autres. Sur la muraille se tenait un homme - certainement le seigneur des lieux - et, d'une main ferme, il empoignait les boucles d'une femme qui n'avait pas été épargné de leur cruauté.

– MÈRE !

Salvazsahar tenta de retenir le plus jeune, mais sa musculature lui fit défaut. L'enfant lui échappa et s'élança vers les deux autres.

– Myrddin !

Sal tendit le bras dans sa direction, mais ses doigts - ceux-là mêmes qui s'étaient autrefois emparés des Vifs d'or avec tant d'aisance - le ratèrent et Sal ne put qu'observer sa course folle au-devant du danger.

.

– Alors ? Dis-moi tout, Godric. Comment prévois-tu de pénétrer cette forteresse ? demanda Peverell lorsqu'ils eurent enfin atteint leur destination.

Sur le château en question flottait un air menaçant et ténébreux.

Godric haussa les épaules.

– Nous pourrions toquer, suggéra-t-il et Peverell le regarda comme s'il ne le connaissait pas.

– Toquer ? répéta-t-il. Toquer ! Nous sommes ici pour libérer leur prisonnier et tu oses penser que toquer serait la meilleure solution dans la situation présente ? La folie t'aurait-elle finalement ravagé l'esprit, Godric ?

De son côté, Anastasius ricana.

– Au moins, je sais maintenant pour quelle raison il m'était interdit de partir en mission de sauvetage avec des Gryffondor seuls pour m'épauler, dit-il et Peverell se tourna vers le Vampire.

– Ne me dis pas que tu aurais également pensé à toquer ?

Il avait l'air particulièrement horrifié. Anastasius lui répondit avec une expression étrange au visage.

– Quoi d'autre ? répondit-il. C'est bien le meilleur moyen d'attirer leur attention.

Peverell enfonça son visage entre ses mains et poussa un grognement.

– Je n'aurais jamais cru qu'une personne aussi prudente que l'est Salazar puisse élever quelqu'un tel que toi !

Anastasius haussa de nouveau les épaules, l'air peu concerné.

– Pater dit qu'autrefois, il était aussi effronté que je peux l'être et qu'avec le temps, j'apprendrais à me comporter différemment, tenta-t-il de rassurer l'autre homme.

Peverell soupira.

– Si toquer vous semble être la meilleure chose à faire, alors faites-moi le plaisir de me laisser m'en charger, au moins, répondit-il finalement tandis qu'un plan qui ne pouvait se solder par un échec, même avec deux imprudents comme Godric et Anastasius, commençait à se former dans son esprit.

– Que ce soit toi ou nous, quelle différence cela fait-il ? l'interrogea Godric, perplexe.

– Je toquerai un coup un tant soit peu plus explosif, répondit Peverell en s'accroupissant.

Il se vida l'esprit comme il le faisait avant de dormir et se concentra sur la part cachée de sa personnalité. Celle dont il avait hérité de ses parents - de celles dont les sorciers avaient oublié l'usage il y a fort longtemps.

– Que prépares-tu ? lui demanda Godric. Tu ne vas pas aller bien loin, assis dans l'herbe ainsi, à des kilomètres de la forteresse…

Peverell l'ignora, car au même moment, il trouva enfin ce qu'il cherchait au fond de ses entrailles. Sa dernière arme. Sa dernière protection s'il se retrouvait un jour incapable de se défendre devant une menace. Contrairement à Sal, Peverell n'était jamais passé par un rituel d'éveil pour acquérir le contrôle sur son héritage. Néanmoins, étant le fils de deux Sang-Pur, il avait appris à exploiter ses aptitudes et le contrôle parfait de celles-ci les accompagnait.

– Peverell ?

Et à ce moment-là, Peverell relâcha son pouvoir. Le ciel s'assombrit et un immense éclair frappa la tour principale. Un deuxième suivit quelques secondes plus tard et calcina une bonne partie de leurs ennemis avant que ceux-ci ne prennent conscience de leur présence.

– Par Myrddin, Peverell ! s'exclama Godric, les yeux écarquillés. Qu'est-ce que c'était que ça ?

Un rire lui répondit. Ce n'était pas celui de Peverell, mais celui d'Anastasius.

– Quoi que ce soit, c'était la meilleure distraction que j'aie jamais vue de toute ma vie ! s'écria-t-il. Pour ma part, je m'en vais voler au secours de Pater !

Et sur ces mots, Peverell se retrouva seul avec un Godric complètement estomaqué.

La foudre s'acharna de nouveau sur la forteresse et le seigneur du château apparut, tirant une femme avec lui, une menace sur le bout de la langue.

– Myrddin !

La voix de Salazar.

À cette réalisation, Peverell comprit que peu importe ce qu'il adviendrait au terme de cette journée, rien ne serait plus jamais pareil.

.

Godric dévisagea les autres membres du Haut-Conseil. Cela faisait un mois que Peverell, Anastasius et lui avaient pris d'assaut la forteresse. Et la dernière fois que Godric avait eu des nouvelles de Salazar, c'était lorsqu'il avait reçu un message de son fils leur apprenant qu'ils avaient tous réussi à échapper aux voyous en question. Godric y avait répondu par une missive le priant de rentrer à la maison, mais dans sa réponse, Anastasius affirmait que Salazar ne pouvait pas revenir pour le moment.

Sanglotant, Godric avait mis la lettre en morceaux, se noyant sous la culpabilité. Peverell lui avait tenu compagnie et lui avait rappelé qu'il s'agissait de la décision de Salazar. Si l'autre homme ne souhaitait pas pardonner ses actes, alors Godric devrait l'accepter et vivre avec.

Aussi, Godric avait décidé de faire honneur aux nouvelles valeurs qui l'animaient quant à l'égalité entre les êtres sentients, et ce, malgré qu'ils soient une minorité allant dans ce sens au Haut Conseil des Lords.

Depuis la disparition de Salazar, les Lords avaient commencé à insister pour détenir un rôle décisionnel sur les initiatives prises au sein de l'académie et cela était loin de plaire à Godric. Sans Salazar - sans le maître du domaine - les Lords commençaient à croire que tout leur était permis.

– Nous devrions monter des recherches sur les terres du domaine et tous les Sang-Pur y résidant devraient en être expulsés avant qu'ils ne puissent blesser nos enfants, proposa froidement l'un des Lords, ignorant Peverell qui grimaça à ses mots.

– Vous n'avez aucun droit de prendre une telle décision ! objecta vivement Godric. Le domaine appartient à…

– Salazar est parti depuis plus de deux ans et reste introuvable ! Il a cédé sa maison ancestrale au monde le jour où il en a fait une académie. À présent qu'il l'a quitté, nous avons tous les droits de…

– Interrompez-vous là ! le coupa Godric, furieux. C'est Peverell et moi-même qui sommes chargés de l'académie depuis la disparition de Salazar ! Nous seuls pouvons…

– Rien ne nous dit qu'il est encore en vie ! Il n'a pas d'héritier connu et personne pour lui succéder ! Par tradition, ce patrimoine nous revient ! Il est normal que nous puissions prendre des décisions pour l'académie en ces conditions ! rétorqua Lord Gaunt.

Godric émit un grognement sourd.

Qu'est-ce qu'il pouvait regretter de ne pas avoir croisé Salazar dans cette stupide forteresse ! Il aurait au moins pu leur affirmer avec véhémence que Salazar se portait bien et qu'il reviendrait sous peu !

– Le domaine appartient à Salazar. Sa disparition n'est pas une preuve suffisante de son trépas, répliqua calmement Peverell.

– Mais rien ne prouve qu'il soit toujours en vie non plus ! siffla Lord Gaunt. Dans le cas présent, il nous faut présumer le pire et prendre en charge le château !

Godric dévisagea l'homme. C'était à peine croyable ! Ils cherchaient à s'emparer de l'héritage de Salazar pour la simple et bonne raison que ce dernier avait disparu ? Il connaissait l'ambition de ces hommes, mais il avait encore du mal à avaler qu'ils puissent aller aussi loin… surtout en leur présence !

– Salazar est toujours en vie ! fulmina-t-il. Nous avons eu de ses nouvelles il y a tout juste un mois !

– Des paroles vides ! répliqua Lord Gaunt. Où sont vos preuves ? Tant qu'il ne réinvestit pas le domaine, sa direction devrait nous être attribuée !

– Le domaine…, commença Peverell, mais avant qu'il ne puisse aller plus loin, une autre voix l'interrompit.

Celle-ci était froide, presque glaciale et parfaitement contrôlée.

– Même si la mort m'avait fauché, le château n'aurait pu tomber entre les mains de ce Conseil, déclara-t-on d'une voix claire.

Comme un seul homme, les Lords sursautèrent et firent volte-face vers l'entrée. Là se tenait un homme vêtu d'une tunique verte malmenée par les années. À ses côtés se dressait un autre homme, cette fois encapuchonné, ainsi qu'un enfant de douze ans à peine. Le premier fit un pas vers l'avant et la lueur des bougies exposa son visage au Haut Conseil des Lords.

Salazar.

Salazar était de retour.

– L… Lord Serpentard ! balbutièrent-ils et Salazar renifla de dédain.

– Je peine à croire que vous avez essayé de gagner en poids sur l'académie alors même que vous saviez que pour tout l'or du monde je ne laisserais jamais l'école au Conseil, se moqua Salazar.

Lord Gaunt fronça les sourcils.

– Vous n'avez ni femme, ni enfant, comment est-on censé savoir qui en héritera le jour venu ? fit-il remarquer.

Cette question rappela à Godric la dernière fois qu'il avait vu - enfin, pas vraiment vu, mais tout de même - Salazar et il prit la parole avant ce dernier.

– Salazar a un fils, dit-il et ce fut suivi d'un rire de la part de l'étranger qui se tenait à côté de Salazar.

– C'est bien vrai, dit l'étranger.

Les yeux des Lords passèrent de Salazar au garçon qui se tenait debout près de lui.

Salazar posa une main sur l'épaule du jeune homme - un garçon qui n'était pas inconnu à Godric, mais qu'il n'arrivait pas à replacer.

– Un fils ? hésita Lord Selwyn.

– Deux fils, le corrigea Salazar, comme si c'était évident et Godric marqua sa surprise.

Deux ?

Par Myrddin, où est-ce qu'avait-il dégoté un second fils ?

– Myrddin Serpentard qui se trouve à mes côtés est le cadet, poursuivit Salazar en tirant le capuchon du plus jeune pour dévoiler le visage du garçon au Conseil. Voici mon héritier. L'héritier de Serpentard.

Et lorsqu'il baissa les yeux vers le garçon, il le reconnut enfin.

Myrddin Wylt.

Le garçon qui était retourné chez lui pour faire ses adieux à son grand-père. Celui qui n'était jamais revenu.

Au moins, l'enfant est en sécurité.

Myrddin Serpentard ? répéta Lord Gaunt avec dédain. Pensez-vous qu'il est prudent de nommer un enfant comme le plus grand mage de l'Histoire ?

Salazar ricana.

Il était amusant qu'après quelques décennies, les seigneurs eussent tout simplement oublié les origines de Salazar Serpentard. Beaucoup d'entre eux avaient accepté que « Serpentard » fût le nom de famille de Sal. Son véritable nom « Emrys » était de nouveau devenu un mythe légendaire.

Bien sûr, ce n'était pas Salazar qui avait donné son nom au garçon. Mais les anciens parents de Myrddin ne faisaient pas partie du Conseil, aussi seuls les membres de Pou'd Lard avaient connaissance de son nom.

– Il a été nommé d'après son grand-père, Lord Gaunt, répliqua-t-il et les yeux du plus jeune se levèrent d'un seul coup vers son tout nouveau père, surpris.

Salazar était prêt à prétendre que cet enfant avait toujours été le sien si cela permettait d'assurer son statut au sein du Conseil.

– Est-il courant pour vous de critiquer le nom des héritiers d'autres seigneurs, Lord Gaunt?

L'autre homme eut le bon sens de paraître honteux.

L'homme toujours encapuchonné ricana à son tour.

– Il semble, petit oisillon, qu'ils aient oublié quelles étaient leurs origines, dit l'homme en question.

Salazar se tourna vers lui, le visage froncé.

– Et je ne comprends toujours pas pourquoi tu as fait le chemin avec moi, répliqua-t-il. Même Anastasius ne proteste pas autant que toi lorsque j'exprime mon opposition.

– Ana est ton œuf, petit oisillon. Et toi, tu es ma responsabilité. Il est dans mon droit de t'accompagner si je juge qu'il est trop dangereux pour toi de te rendre ici seul.

Salazar renifla.

– Ne me mens pas, Grand-papa. Si tu es là, c'est parce que Grand-maman te l'a demandé.

Lord Selwyn, qui avait ouvert la bouche pour s'apprêter à remettre en cause la présence de l'étranger, la referma lorsqu'il entendit Salazar s'adresser à lui.

Si le nom que lui accordait Salazar n'était pas qu'un titre honorifique, alors l'homme en question avait tout droit de se tenir en ces lieux compte tenu qu'il avait dû être Lord avant Salazar en son temps.

– Eh bien, eh bien, il me semblerait juste de poursuivre la réunion, balbutia Selwyn à la place et Salazar ainsi que son grand-père reportèrent leur attention sur le maître de session. Le plus âgé poussa son capuchon et jeta un sourire farouche, ses yeux dorés brûlant d'une lueur enflammée.

Lord Selwyn trembla sous le regard de l'inconnu à la chevelure flamboyante.

Godric frissonna également.

Il n'y avait qu'un moyen de décrire l'aïeul de Salazar : non humain.

L'homme, quoi qu'il soit, n'était pas humain.

– Je ne suis pas d'accord. Nous ne devrions pas poursuivre la session de ce… Conseil… comme si rien n'était advenu, sourit froidement le plus âgé. Mon nom est Farwarx et je suis ici pour vous houspiller et vous rappeler ce qui arrivera si vous osez tenter à nouveau d'enfreindre vos propres lois, surtout en propos du domaine ancestral de mon petit-fils.

– … nous sommes finis.

Godric acquiesça à la remarque plutôt optimiste de Peverell quant à leur avenir proche.

– On ne peut plus finis, confirma-t-il.

.

Salvazsahar observa avec un amusement contenu son grand-père, Farwarx, tandis que celui-ci décomposait les Lords du Conseil les uns après les autres d'une simple tournure de phrase.

Ils l'avaient bien cherché.

Sal avait entendu dire qu'ils essayaient de prendre le contrôle du château depuis qu'il l'avait quitté, mais ces quatre derniers mois, leurs tentatives avaient atteint de nouveaux sommets et Sal commençait à douter de l'innocence de l'ensemble des Lords dans son récent emprisonnement. Il n'avait aucune preuve, mais le fait même que leurs tentatives se soient accrues à ce moment-là signifiait qu'au moins l'un d'entre eux avait eu connaissance de sa mésaventure.

Bien évidemment, le coupable en question ne s'attendait certainement pas à ce qu'il y survive.

Qui qu'il soit, il avait fait une belle erreur.

La situation avait été critique. Myrddin lui avait échappé et s'était précipité vers l'homme qui retenait sa mère, mais ils avaient survécu.

Le seigneur du château avait aperçu Myrddin émerger des ombres et avait tué la femme entre ses griffes. Peut-être en aurait-il fait de même pour Myrddin si Anastasius n'était pas apparu à ce moment-là.

C'était Ana qui avait achevé leur ennemi, mais c'était l'arrivée impromptue de Farwarx qui avait empêché Myrddin de sauter la tête la première dans le danger.

Farwarx les avait tous emmenés au loin après qu'Anastasius ait eu informé Godric et Peverell qu'ils étaient tous sains et saufs.

À présent, après quelques semaines de rétablissement, ils étaient finalement en mesure de revenir dans la lumière. Sal avait redouté son retour, mais sa grand-maman l'avait convaincu de les confronter et de leur faire entendre raison pour que la paix soit restaurée.

À son humble avis, le Conseil était un bon endroit pour commencer. Aussi avait-il pris Myrddin avec lui et son Grand-papa les avait suivis. Ç'avait été l'idée de Salvazsahar d'y introduire Myrddin comme son fils.

Il ne l'était pas vraiment.

Myrddin n'avait pas officiellement été adopté dans la famille, mais l'avidité de certains Lords ne lui était pas inconnue et Myrddin était un être très puissant. Il pouvait sentir son pouvoir irradier de sa personne sans trop avoir à se concentrer. S'il avait déclaré que Myrddin était orphelin, il savait que nombreux auraient été ceux qui se seraient empressés de chercher à en obtenir la garde - pour ensuite le marier à l'une de leurs filles. Un enfant d'une puissance magique telle était un parti avantageux pour toute lignée sorcière.

Sal ne pouvait accepter qu'on le déleste de son libre arbitre, aussi le seul moyen de prévenir cela était d'en faire son héritier.

Peut-être, songea-t-il, grimaçant intérieurement, aurais-je dû en parler avec lui.

Le plus jeune lui adressait un regard étrange, plein de méfiance. Aussi, tandis que Farwarx entamait sa diatribe, Sal se mit à sa hauteur et murmura :

– Je t'expliquerai tout plus tard.

Le plus jeune le dévisagea un moment, puis lui offrit un petit hochement de tête, ce qui permit à Sal de reporter son attention sur son Grand-papa.

Durant ce temps, le Phénix était parvenu à réduire le Conseil en un tas sanglotant - ou du moins, avait-il fait ressortir leur culpabilité, tels des enfants pris la main dans le sac.

Ces Lords-ci ne se permettraient plus un seul écart de conduite, c'était certain - leurs larmes parlaient d'elles-mêmes.

Mais que pouvait-on attendre d'un Phénix enragé ?

Au moins, rien n'a pris feu pour le moment, songea Sal avec sarcasme.

Et Lord Gaunt balbutia le même discours que plus tôt.

Enfin, cela reste encore à voir, se corrigea Sal, ses yeux attirés par la lueur brillant au bout des doigts de la main droite de son Grand-papa.

.

En fin de compte, conclut Godric, ils avaient survécu à la fureur du grand-père de Salazar.

Ce fut tout juste, mais ils s'en étaient quand même sortis.

La session avait pris fin prématurément après que chaque Lord eut été vivement critiqué pour leurs comportement vis-à-vis de Pou'd Lard, de Salazar et des Sang-Pur en général. La seule chose que Godric put dire une fois la tempête passée fut que le grand-père de Salazar était certainement aussi venimeux qu'un serpent.

Quelque chose de mortelle.

Tel le cobra.

Ou le Basilic.

Aussi, quand Godric osa enfin approcher Salazar lorsque le Conseil s'acheva, il garda un œil sur l'autre homme.

Sal haussa un sourcil en remarquant le petit jeu de Godric.

– Ta partialité envers les Sang-Pur ne t'a-t-elle toujours pas quitté ? demanda-t-il calmement lorsque Godric fut suffisamment proche pour n'être entendu que de lui.

Godric cligna des yeux.

Pourquoi Salazar penserait-il que… ?

Les mots de Salazar vis-à-vis de ses grands-parents lui revinrent.

Des Sang-Pur.

C'étaient des Sang-Pur.

– À vrai dire, j'ai davantage peur que ton grand-père ne me morde si je m'approche trop près, le corrigea-t-il nerveusement. Il a démantelé le Conseil pour moins que ce que j'ai osé te faire, après tout.

Un sourcil levé fut sa réponse.

– Penses-tu ?

– Euh… oui, répondit Godric, louchant sur le Sang-Pur qui discutait à présent à voix basse avec l'enfant que Salazar avait amené ; son fils. Qu'est-il ? Un Basilic ?

Salazar eut l'air amusé.

– Un Phénix, le corrigea-t-il et Godric s'étrangla.

– Te moques-tu de moi ? s'exclama-t-il et ses yeux retournèrent se poser sur l'autre homme. Il ne peut pas l'être ! Les Phénix sont des créatures de Lumière, ils ne sont pas censés menacer un homme de leur trancher la gorge à mains nues s'il ne respecte pas les règles en vigueur !

Un petit sourire s'installa sur le visage de son ancien ami.

– Ah ? fit Salazar. Et moi qui pensais que j'étais celui à avoir grandi aux côtés d'un Phénix.

– ...

Godric était bouche bée. Mais il lui semblait que Salazar savait parfaitement ce qu'il souhaitait entendre.

– Peut-être que maintenant que j'aie piqué ta curiosité, tu pourrais me dire pour quelle raison tu fais de nouveau preuve de politesse à mon égard. Après tout, pour ce que j'en sais, je ne suis rien de moins qu'un monstre à tes yeux.

Godric déglutit, ses yeux cherchant ceux de son ami d'antan, et il trouva ces émeraudes lui rendant un regard de mort. Il déglutit de nouveau.

– C'est…

Il s'interrompit, son front perlant de sueur et sa respiration s'accélérant. Il savait que s'il ne s'expliquait pas sur le champ, Salazar ne lui jetterait plus jamais un seul regard. C'était sa toute dernière chance.

– Je…

Ses lèvres étaient sèches et les yeux de l'autre, toujours aussi impitoyables qu'un puits sans fond.

– Je suis désolée.

Il s'arrêta là, ne sachant quoi rajouter. Avec Anastasius, c'était sortit tout seul, mais maintenant que Salazar se tenait devant lui, toutes ses explications, ses justifications l'avaient abandonnées.

– J'étais stupide et obstiné, avec un esprit bien trop fixé sur le passé et l'idée absurde que nier la vérité vous tiendrait tous à l'abri.

– À l'abri de quoi ? demandèrent les yeux implacables.

– À l'abri de… à l'abri du reste du monde, vois-tu ? Je connais la haine qui peut agiter les Hommes lorsqu'on leur laisse libre court à leurs caprices et j'ai fait preuve de lâcheté en empruntant la voie la plus aisée ! Il aurait fallu que je prenne notre défense et que je cesse de nier qui je suis réellement !

Les yeux de l'autre homme s'adoucirent.

– Qui tu es ? répéta-t-il et Godric sentit l'espoir monter en lui.

– Oui, dit-il en s'empourprant. J'ai tenté de l'oublier, mais je suis un Sang-Pur tout comme tu peux l'être, et je n'aurais jamais dû agir comme si ce n'était pas le cas. Je te présente mes excuses, Salazar, pour le chagrin que j'ai pu t'infliger. J'ai conscience que tu n'es pas forcé de les accepter, mais je t'en prie, reviens à Pou'd Lard ! Reviens à la maison !

L'espace d'un instant, ces yeux verts - les mêmes que ceux de Godric - le jugèrent froidement, puis Sal inclina la tête.

– Je reviendrai, accepta-t-il et Godric exhala un soupir de soulagement. Mais je ne reviendrai pas seul. Il semble que ma famille soit déterminée à s'assurer que les choses aient changé avant de me laisser à nouveau seul en ta présence.

Cela suffit à faire frissonner Godric une fois de plus.

Il ne se réjouissait pas le moins du monde à l'idée qu'un Phénix aux allures de Basilic se joigne à eux. Il pouvait encore supporter Anastasius, mais Farwarx ?

– ….. et ta grand-mère vous accompagne ? osa-t-il demander.

Un reniflement amusé lui répondit.

– Bien sûr, s'exclama Sal en se tournant vers son grand-père, laissant à Godric le soin d'informer Peverell des récentes additions à Pou'd Lard. Et ne t'inquiète pas trop. Elle n'est rien qu'un Basilic.

Rien qu'un Basilic.

Pas étonnant que Salazar et Farwarx puissent être aussi venimeux. Il semble que les gènes de Basilic avaient l'ascendant sur ce coup - même lorsqu'une personne n'en était pas originellement dotée. La présence de l'un d'entre eux paraissant amplement suffire à cette transformation…

.

Ainsi revint Salvazsahar, juste à temps pour aider à mettre au monde non seulement l'héritier de Godric et Rowena, mais aussi leur merveilleuse fille.

Ce n'était certainement pas ce que Sal s'était imaginé faire lorsqu'il retournerait à Pou'd Lard.

Ç'avait été Peverell qui l'avait informé que l'absence d'Helga et de Rowena à la dernière session du Conseil était due à l'approche rapide de leurs accouchements, mais il ne s'était pas attendu à ce que cela arrive si vite.

Malheureusement pour lui, le temps était loin d'être en sa faveur et au lieu de reprendre possession de ses quartiers à son arrivée, il fut directement conduit jusqu'à la chambre de Rowena.

C'était loin d'être le premier enfant qu'il aidait à mettre au monde, mais il y avait très certainement une différence lorsqu'il s'agissait de celui d'une amie si proche. Surtout lorsque ce « celui » se transforma en « ceux ».

– Rowena, j'espère que tu as conscience que j'avais prévu de réemménager avant de venir te rendre visite, dit-il d'une voix plate alors qu'il était accompagné jusque dans sa chambre.

Un reniflement moqueur lui répondit.

– Et moi qui pensais que tu apprécierais un peu d'entraînement avant de te remettre tout de suite au travail, répliqua Rowena, le visage livide et le front couvert d'une pellicule de sueur.

Sal émit un léger ricanement.

– Aye, il est vrai que j'ai pour habitude d'aider lors d'accouchements ici, à Pou'd Lard, commenta-t-il, amusé, en l'examinant.

Son pouls était légèrement trop rapide et sa peau un peu trop pâle, mais en dépit de cela, elle se portait relativement bien.

Il examina son ventre et un tic agita ses sourcils.

– Des jumeaux ? remarqua-t-il et Rowena sourit faiblement.

– Il apparaît que tu mérites ton titre de guérisseur en fin de compte, se moqua-t-elle.

Dans un ricanement, Sal vérifia qu'ils étaient en bonne position pour l'accouchement.

– Tout me semble allait parfaitement bien, lui dit-il. Ton travail ne devrait pas tarder à commencer.

L'accouchement fut particulièrement long. Les jumeaux étaient les premiers enfants de Rowena et cela lui prit presque vingt heures pour que le premier vienne au monde.

Un garçon.

Sal contrôla son état et le nettoya avant de l'enrouler dans un drap et de le remettre à Godric qui attendait nerveusement à côté de sa femme.

– Ton fils, lui dit-il et Godric jeta un regard horrifié sur l'enfant.

Lorsqu'il tenta de le mettre entre ses bras, Godric fit deux pas en arrière. Sal haussa un sourcil, interrogateur, et Godric fléchit.

– Je ne peux pas ! s'exclama-t-il avec horreur. Il pourrait se blesser ! Ou je pourrais le faire tomber ! Et si jamais…

Sal ricana et s'empara de lui de sa main libre avant que l'autre ne puisse de nouveau lui échapper et plaça l'enfant entre ses bras.

– Tout ira bien, se moqua-t-il. Tu n'oserais pas lui faire du mal. Ta femme t'étranglerait si tu t'y essayais.

Godric déglutit et la honte marqua ses traits.

– Cesse de plaisanter, Salazar ! s'exclama-t-il, mais son visage s'adoucit lorsqu'il baissa les yeux sur le nourrisson.

– A-t-il déjà un nom ? demanda Sal en examinant Rowena pour déterminer où en était le second.

Celui-là semblait vouloir patienter encore un peu avant de prendre son premier souffle.

– Non, répondit Godric. Je veux dire, oui, de mon côté, mais c'est à Rowena que revient le droit de lui attribuer son premier prénom.

Sal hocha la tête.

– Comment souhaites-tu le nommer ? demanda-t-il.

– Arthur, répondit Godric. Je l'appellerai Arthur, comme son ancêtre.

– Arthur ?

Sal jeta un regard rapide par-dessus son épaule. Peverell, Helga et Anastasius venaient d'arriver. Les premiers cris du nourrisson les avaient guidés jusqu'à eux.

– Tu vas appeler ton fils Arthur ? s'exclama Anastasius. Ne serait-ce pas un poids difficile à porter ? Surtout en sachant qu'il est l'héritier d'Arthur Pendragon…

Sal pinça ses lèvres et ne corrigea pas son fils sur le fait qu'il en était l'héritier et non le fils de Godric.

– Ce ne sera que son deuxième nom, l'informa Godric. C'est à Rowena de choisir quel sera son prénom usuel et, la connaissant, ce sera quelque chose de tout à fait incongru.

La jeune femme allongée dans le lit lui sourit.

– Je ne me suis pas encore décidée, admit-elle. Je pensais à Gaius ou Sophokles.

Anastasius fit la grimace.

– Sans rire ? fit-il. Si tu veux prendre un nom latin ou grec, ne pourrais-tu pas mieux le choisir ?

Rowena tourna son visage éreinté vers le vampire.

– Si ceux-là te déplaisent, pourquoi ne choisirais-tu pas ?

Anastasius haussa les épaules.

– Peut-être quelque chose comme Lucius, Théodore ou Nicholaos. Ça changera des aspirants conquistadors bretons ou des je-sais-tout grec.

Sal poussa un fin soupir. C'était typique d'Anastasius. Il fallait toujours qu'il en dise trop.

À sa plus grande surprise, Rowena parut véritablement y réfléchir.

– Nicholaos, que cela veut-il dire ?

– À quelques mots près : « dompter les péchés du peuple », répondit-il. Je l'ai entendu lors d'un voyage à Athènes.

– Et connais-tu d'autres prénoms masculins ou peut-être féminins ? demanda Rowena, intéressée.

Anastasius employa le temps entre les deux naissances pour débiter à Rowena tous les noms qu'il avait pu entendre lors de ses voyages. Sal n'était pas en reste quant aux noms qu'il avait pu ouïr, mais il laissa à son fils cette tâche tandis qu'il se reposait en attendant que Rowena soit prête pour la seconde naissance.

Heureusement, cette dernière fut moitié moins longue que la première.

Cette fois, il s'agissait d'une petite fille.

– Helena, décida Rowena.

Elle avait particulièrement aimé ce nom lorsque Anastasius en avait fait mention et même si elle l'avait déjà entendu être prononcé lors de récits mythologiques d'origine grecque. Elle n'y aurait pas repensé sans son aide.

– Nicholaos et Helena.

– Nicholaos Arthur et Helena Morgana, poursuivit Godric.

Puis, les deux parents se tournèrent dans l'expectative vers Salvazsahar.

– Qui a-t-il ?

– Tu es le parrain. Il te faut leur choisir un dernier prénom, déclara Rowena.

Elle était toujours pâle et de toute évidence épuisée, mais elle refusait de s'endormir avant que la cérémonie de nomination ne fût terminée.

Les yeux de Sal s'écarquillèrent.

– À vrai dire… je n'ai jamais nommé qui que ce soit, dit-il nerveusement.

Godric haussa un sourcil.

– Il n'y a rien de plus simple, répliqua-t-il. Choisis simplement un nom.

– Mh…

– Peut-être pourrais-tu t'inspirer du nom d'un être aimé que tu as perdu ? ajouta Helga en voyant l'agitation de Sal.

Sal la dévisagea, puis reposa son regard sur les nourrissons.

Un nom.

Il lui fallait leur attribuer un nom à chacun.

Personne ne le ferait à sa place. C'était sa décision. La sienne.

Il déglutit.

Comment devrait-il les appeler ?

Les deux noms qui lui vinrent instantanément avaient déjà servi à Godric.

Que pourrais-je choisir ?

Comment ses propres parents avaient-ils pris une telle décision ?

Cette pensée fit remonter des souvenirs de Myrddin, mais aussi de Lily et James Potter.

Il n'avait plus pensé à ces deux derniers depuis deux bons siècles, et pourtant…

– Nicholaos Arthur Myrddin, dit-il d'une voix douce. Et Helena Morgana Lily.

– Nicky et Helily, alors ? sourit Anastasius avant de se tourner vers les deux enfants dans les bras de leurs parents. Enchanté, je suis votre cousin, Ana.

Au grand dam de Rowena, ses enfants ne se dépareraient pas des surnoms qu'Anastasius avait choisis pour eux.

Deux semaines plus tard, Antioch Ignotus James, le fils de Peverell, se joignit à eux.

.

– Vas-tu rester assis là ? commanda une voix, et le jeune homme se tourna vers son chef de maison qui s'installa à ses côtés. Ses yeux suivaient le regard du plus jeune posé sur le lac.

Cela faisait presque un an que Salazar Serpentard était revenu au château pour reprendre ses anciennes fonctions, maître des potions inclus. Les autres fondateurs avaient insisté pour qu'ils lui reviennent et ils s'étaient personnellement chargés de raccompagner cet… amateur… qui se prenait pour un maître des potions jusqu'à la porte. Bien qu'ils ne l'aient pas écouté lorsque Salazar s'était opposé à lui, après deux années d'incidents mineurs et même quelques accidents graves, ils avaient finalement compris où il avait voulu en venir et avaient insisté pour régler le problème eux-mêmes.

– Professeur Serpentard, le salua le garçon, posant à nouveau son regard sur le lac.

– Myrddin Wylt, fit son professeur. Quelle est cette chose qui te tracasse, mon enfant ?

Myrddin exhala et tourna son attention sur son professeur. Il l'appréciait. Il avait toujours été agréable à son égard, même lorsqu'il se faisait railler par le reste de ses camarades. Myrddin était souvent ridiculisé à cause de son incapacité à comprendre aussi rapidement que les autres. Il fallait souvent qu'on lui répète les choses et il lui fallait poser fréquemment des questions pour bien comprendre un sujet, et c'était sans même parler des difficultés qu'il rencontrait avec sa baguette.

– Ce n'est rien, professeur, finit-il par répondre.

– Je n'en crois rien, rétorqua son professeur.

Myrddin exhala en étudiant le lac.

– Je ne suis pas comme tous les autres, répondit-il. Les choses ne me viennent pas rapidement, je ne suis pas doué en magie et je n'ai plus ma place nulle part à présent…

– Tu fais référence à tes parents ? exprima son professeur.

Myrddin acquiesça.

– Je sais que vous m'avez sauvé et que vous n'auriez rien pu faire pour eux. Ces hommes les auraient tués avant que nous ayons pu faire quoi que ce soit, mais que suis-je censé faire maintenant ? L'hiver m'a accueilli et mon apprentissage a suivi, mais l'été pointe et tous retourneront bientôt chez eux. Que ferai-je alors ?

– Tu resteras ici, répondit doucement son professeur. Ce domaine est ton foyer, Myrddin Wylt. Personne ne te forcera jamais à le quitter, je peux te le promettre.

Myrddin rit d'un ton sardonique.

– Il s'agit d'une académie, répondit-il amèrement. Ce n'est pas une maison. Si ça l'était, alors j'aurais des parents qui m'y attendent, vers qui me tourner. Au lieu de ça, je suis ici, seul… et personne n'est plus là pour prêter l'oreille à ma peine !

– Je t'offre la mienne, répliqua son professeur. Tu t'es déjà confié à moi par le passé, pourquoi refuser de le faire à présent ?

– Parce que je ne suis pas votre fils ! cria Myrddin. Vous avez beau l'avoir affirmé devant le Conseil des Lords pour me protéger, ça n'en reste pas moins un mensonge, même si c'était pour assurer qu'il ne me force pas à un mariage arrangé ! Ce n'est rien de plus qu'une simple farce ! Vous le savez, professeur, tout le corps enseignant en a conscience, toute l'école même ! Arrêtez donc de me traiter comme si je l'étais vraiment ! Je sais que c'est la culpabilité de ne pas avoir été en mesure de sauver mes parents qui anime vos actions, mais ça ne le devrait pas ! Ne me traitez pas ainsi parce que vous ressentez de la pitié à mon égard !

Myrddin s'attendait à ce que son professeur en reste là et s'en aille. Au lieu de ça, ce dernier ricana.

– Je suis trop vieux pour m'écrouler sous le poids de la culpabilité d'une chose qui n'a rien à voir avec moi, rétorqua le professeur Serpentard. Cesse de chercher un sens au moindre de mes actes, garçon.

Myrddin étudia son professeur. L'homme paraissait plus jeune que le professeur Gryffondor, et Myrddin savait d'expérience que Gryffondor se rendait coupable de certaines choses qu'il n'aurait en rien pu éviter… Comment cela se faisait-il que quelqu'un d'un âge moins avancé ne réagisse pas de la même façon ?

– Je ne vous crois pas, répondit-il. Professeur Gryffondor se blâme toujours pour la mort de la jeune sorcière galloise qu'il n'a pas réussi à sauver…

Serpentard haussa les épaules.

– Il est encore jeune. Un jour ou l'autre, il comprendra que se blâmer pour quelque chose comme ça ne le mènera nulle part, répondit Myrddin.

Myrddin dévisagea son professeur.

– Mais… vous êtes encore plus jeune que lui, s'exclama-t-il.

Slytherin afficha un sourire en coin.

– C'est ce que tu penses, répondit-il. Comme le reste de l'académie… et pourtant je suis bien son aîné.

– Alors, dans ce cas, peu d'années doivent vous séparer, s'imagina Myrddin en examinant les cheveux de jais de son professeur et son visage parfaitement lisse.

Le professeur partit dans un éclat de rire.

– Oh, mon enfant, fit-il en lui ébouriffant les cheveux. Si jeune, si innocent !

Myrddin renifla, mais ne s'écarta aucunement.

– Je ne suis plus un enfant, s'indigna-t-il.

– Tu n'as que treize hivers, Myrddin. Pour moi, tu es un enfant.

– Et combien en comptez-vous, professeur ?

Myrddin examina son professeur. Il était parvenu à deviner l'âge de chacun de ses instructeurs. Serpentard devait se situer entre les vingt et trente hivers à son humble avis - ce qui était encore très jeune pour un sorcier.

Le professeur rit de nouveau.

– Un bon nombre, répondit-il. Mais je doute que tu me croies sur parole.

Myrddin fit la grimace.

– Difficilement. Je sais bien comment les sorciers vieillissent, affirma-t-il.

– Sans aucun doute. Pourtant, on ne peut pas vraiment dire que Godric, Helga, Rowena, Peverell et moi-même sommes dans la norme, répondit le professeur. Réfléchis-y : j'ai rencontré Godric lorsqu'il avait vingt ans et c'était il y a presque un siècle de ça.

Le choc s'étala sur le visage de Myrddin.

– Un siècle ? répéta-t-il, ahuri, en repensant au sorcier qui n'avait pas l'air d'avoir plus de quarante ou cinquante ans. Professeur Gryffondor compte cent vingt ans ?

– Quelque chose comme ça, sourit Serpentard.

– Et vous êtes son aîné ?!

– C'est cela.

– De combien d'hivers ? demanda Myrddin avec empressement.

L'autre haussa les épaules.

– De ça, je ne suis pas certain.

– Comment ça, vous n'êtes pas certain ?!

– Je n'ai jamais cherché à compter les années, répondit Serpentard d'un air indifférent, les yeux toujours posés sur le lac. Tout ce que je sais, c'est que de nombreuses années ont passé depuis la mort de mon père et que maintes d'entre elles passeront encore avant que je ne m'éteigne à mon tour…

– Vous devez me jouer un tour, professeur ! Comment pourriez-vous ne pas savoir combien d'années vous comptez ?

Le professeur éclata à nouveau de rire.

– Cela m'importe peu, répondit-il. C'est une chose dont j'ai difficilement le souvenir et j'ai trop vécu pour vouloir me le rappeler.

Suite à ces mots, Myrddin s'enferma dans son silence, les yeux perdus sur la surface de l'eau.

– À présent, tu peux bien me dire quel problème te tiraille, fini par dire Serpentard.

– Je vous l'ai déjà dit : vous n'êtes pas mon père, répondit amèrement Myrddin.

– Si je comprends bien, s'il advenait que je t'adopte par voie de sang, je serais digne d'entendre ta réponse ? demanda Serpentard avec intérêt.

– Il y a peu de chance pour que le vouliez vraiment, ricana mauvaisement Myrddin. Je suis un horrible sorcier. Comment une personne telle que vous pourrait-elle vouloir de quelqu'un comme moi ?

– Autrefois, je te ressemblais beaucoup, répondit Serpentard avec indifférence. Jadis, dans ma jeunesse, je n'étais pas capable de faire une seule potion et j'étais très mauvais avec ma baguette. À vrai dire, la première baguette que j'ai reçue depuis la perte de celle que j'avais durant l'enfance m'a été attribuée peu après ma rencontre avec les autres fondateurs.

Myrddin le dévisagea.

– Vous ne pratiquiez pas la magie avant de les rencontrer ?

– Oh, bien sûr que je la pratiquais, s'amusa Serpentard. Mais j'étais et je suis toujours ce qu'on appelle un druide. Je n'ai jamais appris à être un sorcier.

– Mais… mais pourtant vous nous l'enseignez !

– Effectivement. Les potions, les runes et l'Occlumancie, répondit l'autre. Il s'agit des bases de l'art druidique.

– Mais vous vous servez d'une baguette !

– C'est vrai. Mais il m'a fallu m'entraîner avant de parvenir à m'en servir, répondit Serpentard, mélancolique. Il en sera de même pour toi. Je suis certain qu'un jour tu seras un grand sorcier. Alors, je serai fier de t'appeler mon fils.

– Ne plaisantez pas, professeur.

– Ce n'est pas mon intention, répondit Serpentard. J'en ai discuté avec les autres. Ils ne sont pas contre l'idée.

– Cessez dans l'instant !

Myrddin leva une main pour faire taire son aîné.

– Que voulez-vous dire par « J'en ai discuté avec les autres » ? Je pensais que vous me le demandiez seulement parce que j'ai dit que… parce que… parce que…

– Aucunement, répliqua Serpentard. Je suis venu avec l'intention de te demander la permission de faire de toi mon fils. Il se trouve simplement que j'ai noté ton agitation. Je souhaitais simplement t'aider à régler ton problème avant de te faire ma proposition…

– Mais… mais enfin…

– Myrddin, soupira Serpentard. J'ai veillé sur toi depuis tes dix ans. Bien que tu ne m'aies pas connu avant l'automne dernier, bien que tu ne m'aies jamais aperçu avant le jour où nous nous sommes rencontrés dans ce cachot, je t'ai toujours surveillé, comme je l'ai fait pour tous mes Serpents. Tu as perdu tes parents en automne, aussi il te faut me croire lorsque je t'affirme que j'aie eu le temps de réfléchir si je voulais ou non t'offrir une nouvelle famille…

– Alors, c'est vrai ? Vous souhaitez réellement devenir mon père ?!

– Oui, répondit Sal avec nonchalance. Je m'excuse par avance, mais je ne peux te promettre une étreinte maternelle. Et ne t'inquiète pas davantage, je ne t'obligerais pas à m'appeler « père ». Si tu le souhaites néanmoins, ce droit te revient, mais je comprendrais que tu ne le fasses pas. Tout ce qui m'importe, c'est que tu réfléchisses à ma proposition, d'accord ?

– Moi… mais je…

Myrddin ne pouvait en croire ses oreilles. Il aspirait tant à retrouver une famille et Serpentard avait fréquemment agi envers lui comme un père, du moins le pensait-il. Il convoitait ce regard paternel de sa part et ce, depuis leur première rencontre.

L'aigreur de son père depuis qu'il avait commencé à montrer ses talents n'était pas passée inaperçue. Sa mère lui avait un jour raconté que son père portait rancune aux Sorciers car il avait été banni de sa famille lorsque aucun don magique ne s'était manifesté chez lui, et il y avait fort à parier que là n'était pas la seule raison de son amertume. Son père n'avait plus jamais jeté sur lui le même regard depuis que ses pouvoirs s'étaient éveillés.

Mais, Serpentard, lui, …

Et voilà qu'il lui demandait si lui, Myrddin Wylt l'Incapable, souhaitait devenir son fils !

– O… oui, j'y réfléchirais, parvint-il finalement à dire.

Serpentard acquiesça et se releva.

– Reviens vers moi dès que ta décision est prise, ou bien même quand tu auras besoin d'une oreille attentive…, dit-il avant de partir d'un coup de talons.

– Professeur, s'il vous plaît… !

– Oui ?

– Quand est-il de votre famille ? lui demanda Myrddin. Ne seront-ils pas contrariés si vous m'adoptez ?

Serpentard sourit et ébouriffa les cheveux de Myrddin.

– Ne t'en fais pas autant. Mon fils, qui deviendra ton aîné si tel est ton choix, ne s'y opposera aucunement. Je l'ai adopté, lui aussi. Et mes grands-parents ne dépouilleraient jamais aucun enfant d'une aide si précieuse, murmura Serpentard. Crois-moi, personne ne contestera cette décision. Et même si c'était le cas, qu'ils essaient donc. Je suis seul porteur du nom Serpentard. Je suis à la tête de ma Maison. Je suis en droit d'ajouter qui je souhaite à ma lignée sans qu'aucun ne puisse y faire quoi que ce soit.

– Je ne comprends pas… Vous ne pouvez pas être le dernier des Serpentard… Votre fils… Vos grands-parents…

Myrddin était horrifié. Son professeur ne pouvait être si seul compte tenu desdits membres de sa famille, après tout. Aussi, comment pouvait-il affirmer que personne ne pourrait aller à l'encontre de sa décision ?

Son professeur se mit à rire.

– Mon fils est prénommé « Sanguini » et mes grands-parents ne portent pas de noms de famille. Et sachant que je ne suis pas né « Serpentard », il est aisé de comprendre comment je puis t'affirmer une telle chose, rit-il, son expression reprenant peu à peu un air plus sérieux. Serpentard n'est pas le nom auquel l'on m'a habitué, mais il existe aujourd'hui, aussi en suis-je le dernier descendant.

– Mais… comment cela se fait-il ?

– Mon fils est un Vampire. Grand-papa est un Phénix et grand-maman, un Basilic. Mon père était un né-Fir Bolg, répondit-il d'un ton calme. Selon les lois du Conseil, mes grands-parents et mon fils ne comptent pas, car ils ne sont pas Sorciers mais Fir Bolg… des Sang-Pur, autrement dit. Il me reste de la famille du côté de ma mère, mais au jour d'aujourd'hui, pas un seul d'entre eux ne se souvient que j'ai autrefois été l'un des leurs.

Myrddin le dévisagea.

– Comment quelqu'un peut-il oublier un membre de sa propre famille ? demanda-t-il, horrifié.

Sa famille à lui, elle, se souvenait bien de lui, au moins, même si elle ne voulait rien avoir à faire avec son engeance.

Serpentard sourit tristement.

– Je me fais vieux, Myrddin Wylt, répondit-il sincèrement. Très très vieux. La dernière personne qui m'a considéré comme membre à part entière de la famille est décédée il y a déjà de fort longues années.

– Comment pouvez-vous être si vieux ? chuchota Myrddin en étudiant son professeur du regard.

Serpentard sembla hésiter, ses yeux caressant la surface de l'eau, comme s'il cherchait quelque chose au loin.

– Professeur ?

Serpentard poussa un soupir.

– Peut-être devrais-je te le dire. Il serait sage que tu saches avec quelle famille tu t'embarques si tel est ton choix…

Le silence s'étira quelques secondes, mais alors que Myrddin commençait à croire que son professeur l'avait oublié, Slytherin reprit la parole.

– Je suis né Salvazsahar Emrys, fils de Myrddin Emrys, révéla-t-il. J'ai grandi très loin d'ici. C'est le roi Arthur qui m'a appris l'art de l'épée et Lancelot, celui de la chevauchée. Mère… Morgana LeFay, a été celle à m'apprendre à soigner. Je reste Guérisseur avant tout, même de l'épée et du bouclier. Lorsque Medrawd tua Arthur et qu'il l'acheva en retour… je… On pourrait dire que là fut le moment où j'ai vraiment perdu le reste de ma famille…

Myrddin le dévisageait d'autant plus intensément.

– Vous êtes le fils du Myrddin Emrys ? répéta-t-il, estomaqué. Mais alors… alors pourquoi vous appelle-t-on « Serpentard » ?

– Rien de plus simple, répondit son professeur. J'ai fait changer mon nom.

Ce n'était pas exactement vrai, mais le mensonge n'était pas entier.

– Mais…

– J'espère que tu comprends que tu ne peux pas révéler à quiconque ce que je t'ai raconté aujourd'hui, l'avertit Serpentard. J'ai laissé ce nom derrière moi il y a fort longtemps et je ne souhaite pas m'en emparer de nouveau.

– Mais… mais si vous êtes bien le fils de Myrddin Emrys, comment pouvez-vous ne pas…

– C'est exact. Je suis le fils de Myrddin Emrys. Myrddin Wylt, je ne souhaite pas être comparé à mon père. Je suis qui je suis et l'héritage que je laisse n'a rien à voir avec le nom que mon père m'a donné.

– Alors… personne d'autre ne sait ?

– Les autres professeurs savent que je suis lié à lui, d'une manière ou d'une autre. Et pour ce qui est des autres fondateurs, ils suspectent un lien plus profond encore. Mais tu as raison. Personne ne connaît mon âge véritable et personne ne peut prétendre affirmer du nom de mon père. Et jamais ces hypothèses ne seront confirmées par tes soins.

Un autre mensonge, mais l'enfant ne pouvait… ne devait pas savoir qu'il existait une autre personne dotée de ce savoir à son exception. Il serait plus difficile pour lui de se faire surprendre à en parler s'il n'avait quiconque avec qui en discuter, après tout.

Myrddin secoua la tête.

– Je ne dirais rien, affirma-t-il. C'est promis, professeur !

– Bien.

Serpentard se redressa de nouveau.

– Professeur ?

– Oui.

– J'ai encore une question.

– Pose-là donc.

– Serais-je Emrys ou Serpentard si vous m'adoptez ?

– Serpentard, répondit son professeur. La famille Emrys s'est éteinte jadis et ne peut renaître de ses cendres.

Le Conseil avait de nouveau oublié ses origines et il ferait de son mieux pour que cela reste ainsi. Les Serpentard seraient une famille noble à partir de maintenant. Les Emrys deviendraient une légende.

– Je vais y penser, professeur.

– C'est tout ce que je demande.

Et sur ces paroles, son professeur disparut.

Myrddin poursuivit son observation du lac.

Devenir un Serpentard… Avoir un père…

.

Lorsqu'il accepta finalement sa proposition, il n'eut aucune pensée pour la descendance de Myrddin Emrys dont il allait alors faire partie.

Il fut bien sûr adopté par voie de sang, aussi hérita-t-il de certains traits familiaux comme le Fourchelang, mais ce type d'adoption était telle qu'il n'avait pas accès au patrimoine magique complet des Emrys.

Après tout, une adoption par le sang permettait de modifier l'ADN d'un individu, mais l'héritage principal des Emrys provenait de leur âme de Fir Bolg et c'était quelque chose dont Myrddin Wylt ne pourrait jamais hériter.

Là était la véritable raison pour laquelle Sal avait dit à Myrddin qu'il l'adopterait dans la famille Serpentard et non Emrys. Ajouter une personne à la lignée des Emrys demanderait à ce que l'enfant soit un né-Fir Bolg et que Sal partage son âme avec lui - chose possible uniquement dans le cas d'une âme encore peu développée. Comme celle d'un nourrisson. Comme l'avait été celle de Sal à cause de l'Horcruxe.

Myrddin Wylt ne le saurait jamais, cependant. Sal avait décidé de ne rien lui révéler à ce sujet, car il n'avait aucune envie d'expliquer en long et en large pourquoi il ne pourrait jamais être un Emrys. Aussi, le jour où Myrddin se rappela finalement qu'il était le petit-fils de Myrddin Emrys, Sal ne fit que sourire sans un mot.

Bizarrement, Myrddin Wylt s'en souvint seulement le jour où il tint son premier né entre ses bras pour la toute première fois, lorsque sa femme décida de l'appeler « Emrys », d'après Myrddin Emrys et d'après Myrddin Wylt Serpentard, d'une manière.

En l'entendant, Myrddin s'écroula presque de rire sans parvenir à expliquer à sa femme pourquoi il riait tant. Il ne pouvait pas le lui dire. Il raconta néanmoins l'anecdote à son père, lui révélant que son fils devrait être un Emrys Emrys, bien qu'il n'en soit lui-même pas un officiellement. Son père avait souri et lui avait fait promettre qu'il n'en parlerait jamais à ses enfants.

Et jamais il ne fit.

Les années passèrent. Son père avait depuis longtemps disparu et tous le pensaient mort. Il s'en était allé une fois le dernier des Fondateurs décédé, le laissant lui, Salazar Serpentard, seul - à l'exception faite de Myrddin Wylt Serpentard qui était lui-même père et qui n'avait plus besoin de lui, à présent.

Les autres Fondateurs étaient tous morts de vieillesse, à l'exception de Rowena. Elle n'avait déjà plus été toute jeune le jour de sa mort, mais ce fut une maladie qui la leur arracha, en fin de compte. Sal était un bon guérisseur, mais même lui n'avait pas été en mesure de la sauver, cette fois-là.

Il n'avait pas non plus réussi à sauver Helily.

Il l'avait aimé comme si elle était sa propre fille et elle était la seule à savoir que sa mère venait du futur. Il ne lui avait jamais révélé que c'était en fait lui qui avait voyagé dans le temps. Il voulait simplement lui parler de sa mère quelque temps.

– C'est d'elle que te vient ton prénom, lui dit-il alors qu'elle était encore petite et qu'elle lui demandait sans cesse l'origine de son prénom. Lily Evans était son nom. Elle n'est pas encore née, mais dans ma mémoire, elle est morte depuis fort longtemps.

Il refusa de lui en dire davantage, si ce n'est pour le fait que sa mère ne naîtrait pas avant plusieurs siècles. Lorsque Helily mourut, ce fut comme si son cœur se brisait une nouvelle fois, et même lorsqu'elle revint en compagnie du fantôme de son meurtrier - un membre de sa propre maison - ce ne fut pas suffisant pour lui remonter le moral. Plusieurs décennies passèrent, mais jamais il ne reposa les yeux sur l'homme qui avait osé lui arracher sa toute belle petite princesse.

Alors même que les Fondateurs vieillissaient et s'éteignaient les uns après les autres, les enfants de Myrddin Wylt grandissaient et le nom « Serpentard » devint respectable. Myrddin Wylt vécut suffisamment longtemps pour apprendre à connaître ses petits-enfants. Des dizaines d'années filèrent. Un siècle s'écoula pour lui et chaque enfant que sa femme porta fut doté du don de Fourchelang - hérité de sa cérémonie d'adoption ; une simple potion contenant le sang du nouveau parent.

Puis, Myrddin Wylt Serpentard expira à son tour et avec le temps, son héritage se confondit avec celui de son grand-père, les associant de manière si étroite qu'ils ne firent plus qu'un. Myrddin Wylt était un Sorcier à l'origine de bon nombre de potions et de sortilèges et Myrddin Emrys était celui à avoir enseigné son savoir à Arthur.

Un millénaire plus tard, il n'y aurait plus de Myrddin Wylt ou de Myrddin Emrys. Il n'y aurait plus que Merlin, et il serait à l'auteur de tous ces faits à la fois.

Un millénaire plus tard, le fantôme de Helily rencontrerait une jeune Gryffondor aux cheveux écarlates et aux yeux d'un vert mortel, perdu dans les couloirs du château. Ses yeux étaient de l'exacte même teinte que ceux de Helily et de son frère, Nicholaos. De la même teinte que ceux de Sal.

Et lorsque Helily lui demanderait son nom, elle répondrait « Lily Evans », et cela la ferait sourire. Elle lui dirait alors : « Mon nom est Lily, aussi. Il me vient de toi. » La jeune fille n'en croirait pas un mot, du moins, pas avant sept bonnes années.

Mais tout ça, c'était l'Histoire.

L'Histoire, et une pierre tombale, voilà tout ce qu'il en resterait. Et fréquemment une silhouette aux yeux d'un vert mortel viendrait se dessiner près des tombes de Myrddin Wylt et de Helena « Serdaigle » pour y déposer quelques lys.

À plusieurs reprises, les membres de la famille Serpentard aperçurent la silhouette apparaissant devant la tombe de leur ancêtre, mais jamais ils ne firent le lien entre Salvazsahar Emrys, au deuil silencieux, et Salazar Serpentard, qui était fier et puissant - le seul de leurs ancêtres à n'avoir jamais bénéficié d'une tombe.


Question : je pense à mettre des avertissements (trigger warning) pour les scènes choquantes ou posant problème d'éthique, cela vous semble être une bonne idée ?


Prochain chapitre : Le Conte des trois frères