Notes: merci infiniment pour vos reviews! je n'aurais jamais cru en avoir autant, ni autant d'encouragements! merci à toutes!
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Chapitre 2
Harry commençait à bien connaître la salle d'audience du Magenmagot. Ce n'était finalement qu'un cachot de plus, mal éclairé par les torches. Il se rappelait sa propre comparution cinq ans auparavant, à l'instigation de Cornelius Fudge, pour avoir fait de la magie sans autorisation. Il se rappelait la peur, la confusion, le sentiment d'injustice. Mais il était un autre homme, à présent. Il avait grandi en assurance et en maturité. Même s'il n'était plus l'accusé, il savait qu'il serait sur la sellette.
Il s'assit au fond de la salle, là où attendaient d'ordinaire les témoins. Il fut modérément surpris de découvrir qu'il était seul. Il n'y avait personne pour parler en faveur de Snape, pas même un membre de l'Ordre du Phénix. Depuis la mort d'Albus Dumbledore, il était considéré comme un traître, point final. Ce qu'il avait pu faire avant ne comptait plus. Quant aux témoins à charge, il était inutile de les multiplier. Harry, à lui seul, était l'arme fatale.
Severus Snape était déjà là, assis sur une chaise au centre, des chaînes enroulées autour des chevilles et des poignets. Malgré cette position humiliante, il gardait le dos droit et la tête haute. Harry ne pouvait pas voir son visage, mais il était persuadé que Snape arborait l'air dédaigneux qui lui était habituel ; quitte à irriter davantage les juges du Magenmagot.
Harry se disait qu'il aimerait réformer quelques aspects de la justice chez les sorciers. Grâce à Hermione, il avait pris conscience de plusieurs injustices. Les accusés n'avaient pas d'avocat. Harry avait pu être assisté d'Albus durant sa propre audience, parce qu'il était encore mineur. Les accusés étaient traités comme des coupables: ils étaient détenus à Azkaban avant même que la sentence ne soit rendue. Hagrid en était ressorti traumatisé, alors qu'il attendait le procès fait à son hippogriffe Buck. Quant aux détraqueurs, leur existence même était une atteinte aux droits de l'homme.
Tout cela n'avait aucun sens.
Harry espérait que, un jour prochain, quelqu'un s'attaquerait au problème. Ce serait peut-être Hermione elle-même, qui avait choisi des études supérieures de droit.
Harry fut tiré de ses réflexions amères par la voix de Rufus Scrimgeour. L'audience commençait. Alors que le ministre lisait l'acte d'accusation, Harry dévisagea tour à tour les cinq juges : Arthur Weasley, Kingsley Shacklebolt, Amelia Bones (inamovible directrice du Département judiciaire), Cassandra Willibad (une sorcière entre deux âges, aussi hautaine que les Malefoy, ses proches cousins), et le ministre en personne, évidemment.
Les faits reprochés à Snape tenaient en deux mots : Mangemort assassin, ce qui relevait presque du pléonasme.
Amelia Bones baissa les yeux sur la pile de papiers devant elle.
« Le premier dossier vous concernant, Snape, date de 1979. Vous aviez déjà pris la Marque Noire à cette date ? Répondez. »
« Oui. »
« Vous êtes donc un Mangemort de la première heure », remarqua-t-elle avec un air satisfait, comme s'il y avait de quoi se réjouir.
Arthur Weasley intervint :
"En fait, les charges pesant sur Severus Snape ont été levées en 1981, après la disparition de Voldemort. Albus Dumbledore avait témoigné en sa faveur, assurant qu'il n'était pas un de ses partisans. Le dossier a été vidé de son contenu, à la demande expresse de Dumbledore. »
« Vous faites erreur, Arthur, rétorqua Cassandra Willibad. Le dossier est bien là, et pas un rapport ne manque. Dumbledore a pu être abusé par les mensonges de cet individu, mais ce n'était pas le cas du ministre de l'époque, Merlin soit loué ! »
La voix de Snape s'éleva :
« Inutile de fouiller les poubelles, je n'ai pas l'intention de nier. J'étais un Mangemort depuis la fin de mes études à Poudlard. »
Amelia Bones parut un instant décontenancée, puis repartit à la charge :
« Votre nom a donc été blanchi, malgré les soupçons pesant sur vous, au point qu'un poste de professeur vous a été offert à Poudlard. Albus Dumbledore a insisté auprès du conseil d'administration qui avait des réticences. Pourquoi vous a-t-il donné cet emploi ? »
« Il savait que je voulais être utile. Il m'a convaincu que j'avais là un moyen d'exprimer mon goût pour les potions tout en étant au service de notre communauté. »
« Ne voulait-il pas plutôt vous avoir sous les yeux, vous surveiller de près, car il n'avait pas totalement confiance en vous ? » tonna Scrimgeour.
« Il avait totalement confiance en moi. »
« Et nous savons de quelle manière vous avez récompensé cette confiance ! »
Il n'y avait rien à répondre à cela. Snape garda donc le silence. Amelia Bones reprit :
« Lorsque Voldemort a repris forme humaine, vous avez rejoint le soir-même le cercle de ses fidèles. Cela a été attesté par Peter Pettigrow, lui-même Mangemort, lors de son procès ici-même. »
Le ministre se tourna vers la directrice :
« Pourquoi Pettigrow n'est-il pas là pour une confrontation ? »
« Il a été exécuté lundi dernier, monsieur le Ministre. »
Harry leva les yeux au ciel. C'était certes une bonne nouvelle, mais cette justice pressée et maladroite ne lui disait rien qui vaille.
« J'ai en effet rejoint Voldemort, dit Snape, à la demande d'Albus. Je lui avais promis que je reprendrai mon rôle d'espion si un nouveau danger surgissait. »
« C'est vous qui le dites. Votre retour peut être interprété différemment : vous étiez heureux de reprendre votre place à ses côtés ! »
« Vous avez raison, madame, c'est une question d'interprétation. »
Harry aurait juré que Snape souriait…
« Puis votre rôle auprès de Voldemort demeure assez flou, il faut le reconnaître, continua Amelia Bones sans se démonter. Il s'agissait surtout de renseignements, semble-t-il. Des renseignements qui ont conduit aux meurtres de plusieurs sorciers, dont Bertha Jorkins, Emmeline Vance, Sirius Black… »
Harry n'écoutait plus. L'évocation de son parrain ravivait une plaie mal cicatrisée. Il avait accusé Snape d'avoir facilité l'intrusion de Voldemort dans ses rêves, il l'avait soupçonné d'avoir un peu trop traîné avant d'envoyer les secours au ministère. Sirius était mort, mais Harry savait à présent, la maturité aidant, que la seule à blâmer était Bellatrix Lestrange. Si seulement il avait eu à l'époque la lucidité qu'il possédait aujourd'hui ! Que de choses il changerait !
« … Avez-vous quelque chose à répondre à cela, Snape ? »
« Albus Dumbledore estimait qu'il était vital pour l'Ordre que je préserve ma couverture. Je ne devais pas apparaître comme incompétent aux yeux de Voldemort. Donc je devais lui fournir les informations qu'il voulait. »
« Et peu vous importait si cela entraînait la mort d'innocents ? » s'emporta Shacklebolt.
« En temps de guerre, des personnes meurent. On ne peut les sauver toutes. Tout ce que l'on peut espérer est de protéger les personnes nécessaires à la victoire. »
« Vous êtes en train de dire que vous sacrifiez délibérément des êtres humains, dans le but d'en protéger d'autres que vous jugez plus utiles ? »
« Je fais des choix. »
Ces paroles étaient atroces par leur cynisme, et les juges du Magenmagot ne cachaient pas leur indignation. Harry était agité par des émotions contradictoires. Il était révolté par une telle cruauté, horrifié à la pensée des victimes, et en même temps il percevait aussi l'horreur et le dégoût dans la voix de Snape. Il comprit que l'ancien espion n'avait pas demandé ce rôle, qu'il en avait souffert et qu'il en souffrait toujours.
Il se rappela ce que Snape avait crié aux Mangemorts, après la mort de Dumbledore : « Laissez-le ! Sa mort appartient au Seigneur des Ténèbres ! » Il n'y avait jamais repensé, mais cela était absurde. Ces hommes auraient pu le capturer et le livrer à Voldemort, ils n'auraient sûrement pas reçu un mauvais accueil. Ce jour-là, Snape avait fait le choix de sacrifier Albus, que personne ne pouvait plus sauver, pour sauver Harry, nécessaire à la poursuite des combats. Snape l'avait protégé, une fois de plus.
Et Harry l'avait traité de lâche…
Amelia Bones, frémissante de colère, décida d'en venir au fait :
« Il y a cependant un meurtre que vous avez commis vous-même. Celui d'Albus Dumbledore, justement. Nous allons en premier lieu entendre un témoin direct de cet acte révoltant. J'appelle Harry Potter. »
(à suivre)
