Un Rêve de Chobit
Chapitre 4
Rêve de solitude
Ryo fut étonné par l'éclat des yeux de la persocom. D'abord lumineux, presque fluorescents et sans pupilles, il était passé à un vert émeraude sombre, profond mais pourtant transparent. La mélancolie les avait quittés, son sourire avait disparut et un regard sans émotion le fixait maintenant. Il frissonna. A cet instant, il eut l'impression que ce n'était encore qu'une simple poupée. Elle ne ressemblait en rien en une créature humaine sauf l'image physique qu'elle renvoyait.
Elle s'agenouilla sur le bord du lit, les deux mains appuyées devant ses genoux. Elle regarda autours d'elle, puis elle le fixa. Ses yeux commencèrent à se colorer de douceur… Le coin de ses lèvres s'étendit vers ses protubérantes oreilles. Elle souriait. Mais pas de ce sourire triste. Celui-là était joyeux. Avait-elle conscience de son existence ? Du sommeil quasi éternel dans lequel elle était plongée ?
Le jeune homme ne pouvait l'observer que d'une manière étonnée. Il s'approcha du lit et s'agenouilla devant. L'ordi tendit sa main vers lui et toucha fugacement son visage comme si cela était une chose interdite. Elle émit un étrange bruit quand elle le toucha :
« - Nyo ? »
Elle aussi fut surprise.
« - Nyo ? »
Le jeune garçon se rappelait tout d'un coup du nom qu'il voulait qu'elle porte. Elle ne savait rien et il devait tout lui expliquer pensa-t'il. Il fallait qu'en premier lieu elle comprenne son nom à elle et son nom à lui. Il pointa son doigt vers son torse.
« - Je suis Ryo. Ryo. »
Puis il pointa son doigt vers elle.
« - Tu es Kaede. Kaede.»
Elle pencha la tête sur le côté comme un animal qui ne comprend pas. Il répéta encore et encore jusqu'à ce qu'elle essaye de l'imiter. Elle le regarda droit dans les yeux. Des yeux reflétant cette fois-ci une forme d'espoir affligeant et agaçant.
« - Ryo. »
Puis elle mis sa main droite à la base de son cou.
« - Kaede. »
Elle semblait avoir compris son prénom.
« - Je suis Kaede, rajouta t'elle »
Il entendait vraiment pour la première fois sa voix un peu plus longuement. Après ses quelques mots, il eut des bourdonnements d'oreilles. Sa voix, cette voix, était si belle, si mélodieuse, si harmonieuse. Cristalline même et puis calme. Il avait l'impression que si les sons qui sortaient de sa bouche se transformaient quelque chose de solide cela serait des plumes de duvet d'oie. C'était pour lui la plus chose la plus douce et la plus chaleureuse au monde après un câlin. Mais aussi douce qu'était cette voix, elle n'était pas chaleureuse. Elle était monotone, vide d'émotions… Il manquait un petit quelque chose, ce petit quelque chose qui fait que les êtres humains sont des êtres humains. Il se rappela alors qu'elle n'en était qu'une copie. Pas aussi pâle qu'il l'aurait imaginé mais une copie tout de même.
Ryo jeta un rapide coup d'œil à la machine. Elle semblait étonnée elle-même des mots qu'elle avait prononcés. Elle avait baissé la tête et fixait ses blancs genoux que sa robe rose moirée découvrait. Elle releva la tête et regarda la lampe de chevet. Puis son regard fit de nouveau le tour de la pièce. Elle l'arrêta cette fois-ci sur le vieux modèle d'ordinateur. Elle sembla intéressée par lui.
Le jeune garçon entendit une clef tournée dans la serrure de la porte d'entrée. Il se leva comme un seul homme et se précipita au rez-de-chaussée. Sa mère était rentrée. Et comme d'habitude, elle avait fait quelques courses à la supérette du quartier. En la saluant, il pris les paquets des mains de sa mère qu'il déposa sur la table. Il l'aida à ranger les affaires et la nourriture dans les placards et le réfrigérateur. Ils discutaient de leur journée.
« - Au fait, Ryo, as-tu finalement allumé ton persocom ? Est-ce qu'il marche bien, lui demanda sa mère. »
Il balbutia se rappelant la manière dont il l'avait allumé.
« - Ou… Oui, ça va. Il marche.
Lui as-tu trouvé un nom ?
Ca sera Kaede, répondit-il sans hésiter. »
Sa mère se retourna vers lui. Un petit sourire sur les lèvres.
« - Oui, c'est un très beau prénom. Ca lui ira très bien. »
La persocom n'avait pas comprit pourquoi la personne qui était avec elle était partie. Elle se leva et fit quelques pas dans la chambre. Encore une fois, elle regarda avec insistance le vieux modèle d'ordinateur. Elle toucha la façade de son unité centrale. Elle sentit une petite boursouflure. Elle était prête à appuyer dessus.
Ryo monta l'escalier quatre à quatre. Il ouvrit la porte de sa chambre.
« - Kaede, descends avec moi. Maman veut te voir.
Maman ?
Oui, ma mère. »
Il lui prit sa main métallique et la conduisit au rez-de-chaussée. Il avait oublié que l'ordinateur ne connaissait rien au monde et qu'il fallait lui apprendre de nombreux concepts et notions.
Mme Kyu se retourna vers eux quand ils arrivèrent. Elle les accueillit avec son plus beau sourire. Elle s'adressa à la jeune fille :
« - Je suis la maman de Ryo.
Je suis Kaede, lui répondit-elle avant de s'incliner légèrement. »
Cette petite salutation était un automatisme. Ryo ne lui avait pas encore appris. Mais il lui sembla que la 'maman de Ryo' s'était un peu penchée en avant. Elle l'avait imitée tout simplement. Elle avait intégré et sauvegardé dans ses circuits que quand elle rencontrait quelqu'un, elle devait lui dire son nom et se pencher en avant.
Elle regarda ensuite la 'maman de Ryo' aidée de Ryo à préparer quelque chose. Ils parlaient ensemble. Elle les écouta… D'abord attentivement… Mais elle ne comprenait pas les données qu'ils échangeaient entre eux. Cela n'avait aucun sens pour elle. Alors se fut d'une oreille plus distraite qu'elle les écouta. Leurs voix devint un lointain murmure. Elle était ailleurs. Dans un endroit noir. Mais elle avança et aperçut quelque chose une faible lumière jaunâtre. Puis elle vit la chose grise qui avait une boursouflure dessus. Elle caressa l'objet. Et toucha ce renflement. Un éclair traversa l'écran. Et…
« - Kaede, Kaede, ça va, lui demanda Ryo. »
Il la secouait un peu par l'épaule. Elle baissa la tête. Elle ne pouvait lui répondre. Les seuls mots qu'elle connaissait pour le moment ne correspondaient pas à la requête qu'il lui avait été faite. D'ailleurs comprenait-elle ce qu'on lui disait. Un mot inconnu lui vint à la mémoire de ses circuits « Isolée ». Elle comprit le sens d'une manière innée : « Seule, ne pouvant communiquer ; Rejetée »… D'où ça lui venait ? Mais ce mot était aussi inapproprié… Elle eut un réflexe. Elle releva la tête et hocha. Le jeune garçon lui sourit.
Ryo et sa 'maman' ouvraient maintenant grand la bouche et se mettait les choses qu'ils avaient préparées dedans. Ils s'échangeaient encore des données. « Envieuse ». Elle aurait voulu, elle aussi, échanger des données avec eux… Mais elle était… « Isolée ». Alors elle écoutait sans comprendre. Et elle repartit dans sa bulle, dans sa solitude. Et revint dans la pièce éclairée d'une lumière jaunâtre avec l'objet. L'écran était toujours allumé mais noir. Un mot écrit en blanc le traversa… « Ordinateur ». Elle comprit d'un coup que l'ordinateur était cette chose formant cet ensemble complexe. Puis elle vit « Connecte-toi ». Et elle revint au monde de Ryo et de sa 'maman'.
Le lendemain matin, Ryo et sa mère partir.
« - On rentre ce soir, lui avait-il dit. Ne fait pas de bêtises. »
Quel était le sens de ces mots ? Elle se souvint de son rêve virtuel et du « Connecte-toi ». Elle remonta à l'étage et appuya sur la boursouflure. Cela faisait plusieurs heures qu'elle en mourrait d'envie. Mais l'écran en s'allumant n'était pas noir mais bleu avec des petites images dessus… Encore un réflexe qui s'emparais sait d'elle… Elle ouvrit l'une de ses oreilles et en sortit un câble fin qu'elle brancha à l'unité centrale. Puis elle s'assit sur la chaise et sa main se saisit de la souris. Elle fit glisser la flèche au niveau de l'icône « Internet », et cliqua. Ses circuits, son esprit étaient tout entier rentré dans la toile. Quelqu'un la guidait dans ce labyrinthe, dans « cette toile d'araignée » . En même temps, cet être lui envoyait des données… Et les données lui semblaient moins obscures et bientôt aussi claires que de l'eau de roche… Puis… Déconnexion… Les données acquises par ce voyage furent perdues… Elle resta assise, les yeux dans le vague… Toute la journée…
La première rentrée fut Mme Kyu ce soir-là. Elle cria à Kaede qu'elle était rentrée… Elle n'obtint aucune réponse… Elle ne s'en inquiéta pas au départ… Mais elle n'entendit aucun bruit provenant de l'étage… Elle décida d'aller jeter un coup d'œil. Et… Elle découvrit la persocom assise sur la chaise en face de l'ordinateur en veille, reliée à lui par un câble, la tête en arrière comme si elle était dans un état d'inconscience… Ses yeux ouverts étaient dans le lointain…
Elle n'avait eu le temps que de sauvegarder quelques données tout de même. Les toutes premières… Elle en avait eu l'esprit avant de se laisser submergé par un flot important, immense, colossal pour une persocom naissante qui n'avait pas encore les réflexes suffisants et qui n'était pas guidé par son maître pour les actions à faire. Elle les tournait et retournait dans ses circuits. « Je suis seule, je veux être seule… Qu'est ce qui me veulent eux ? Je ne veux pas être avec eux. Je suis mieux seule… Car je ne les comprends pas… Aucune communication peut être établie… Seule, je suis seule et je veux le rester… Isolée, c'est ce que je suis. »
Mme Kyu essaya de garder son sang-froid. Elle débrancha d'abord le fil. Puis appuya sur le bouton de mise en route pour sortir l'ordinateur de sa somnolence, elle regarda où est ce que Kaede avait pu traîner sur le net. L'ordinateur n'avait enregistré aucun mouvement sur le net avec l'historique. Un pirate informatique était t'il rentré en contact avec elle lors de sa ballade? Peut-être bien… Il faudrait la ramener à sa créatrice s'il y avait des 'symptômes'. Elle éteint l'ordinateur. Enfin, elle remua doucement l'épaule de Kaede.
« - Nyo ?
Ca va, Kaede ?
Je suis Kaede, lui répondit la persocom. »
La mère de Ryo fut étonnée de sa réponse mais après tout c'était ce qu'elle avait appris à dire pour le moment.
Yumiko fulminait dans le coin le plus sombre de son atelier…
« - Mais qu'est ce qui t'a pris ? Pourquoi as-tu fais ça ? J'en aurais bientôt des nouvelles. J'espère que rien de grave n'est arrivé ! »
La personne à qui elle parlait regardait honteusement ses pieds.
Note : Je ne pense pas mettre trop mal débrouillée pour ce chapitre. Je l'ai écrit un peu beaucoup au feeling ne sachant pas où il allait me conduire. Tout ce que je voulais c'était que Kaede se sente seule et isolée et aussi qu'elle allume cet ordinateur. En fait, ce dont je me suis aperçue, c'est qu'une telle machine alors naissante ne connaît rien, et a donc peu d'émotions à faire passer. J'ai essayé de la rendre la plus froide, mais aussi la plus intéressante possible.
En ce qui concerne le mot 'données', je crois mettre largement inspirée des premiers Tachikomas spécial. L'un deux veux échanger des 'mots' avec ses frères, et ses frères appellent les paroles orales des 'données'. Après tout, c'est vrai puisque par les mots que nous prononçons nous échangeons des informations plus ou moins futiles, plus ou moins utiles. Wahou, c'était mon quart d'heure philo ! lol
Enfin, je dois vous avouer quelque chose chers lecteurs et chère lectrices. En relisant les chapitres précédents, je me suis rendue compte d'une incohérence. A la fin du chapitre 2, Albert dépose Kaede sur une chaise dans la maison de Mme Kyu. Et au début du chapitre 3, Ryo la déballe d'un paquet cadeau. La véritable question maintenant : Est-ce que Mme Kyu est une super maman ? lol
J'espère que cette fic vous plait toujours. N'oubliez pas de reviewer pour me le dire. Si vous avez des suggestions pour la suite de l'histoire, faîtes-en moi part. (Le titre de cette fic m'a été suggéré par mon blog-ami 2pasag. Vous pouvez aller lire ses excellentes fics sur sous le pseudo pasag.)
Je remercie aussi Rose et 2pasag pour leurs conseils et d'avoir su écouter mes doutes.
Nyarla
