Je rêve… oui c'est bien ça… la douce volupté du sommeil est venue me chercher dans mon réveil. Le pire c'est que ce n'est même pas le cas… On m'a réservé le pire des châtiments à mes yeux : rejoindre une nouvelle fois le collège de Poudlard, jouer l'espion et l'hypocrite. Me faire prier aux yeux de membres de l'ordre, les supplier à genoux s'il le faut pour qu'ils me sauvent des griffes de celui qu'ils croient être un tiran.

Fin du mois d'août et je prépare mes affaires sans avoir le courage d'user de la baguette. De toute façon je m'ennuie, l'âme esseulée, j'aurais sans doute préféré être relégué au travail de bureau : dessiner la liste de nos prochaines victimes, mettre en action un nouveau plan d'attaque… une délectation qui fait frémir bien avant l'acte lui-même. Non mais sérieusement, qui peux imaginer me voir déambulant de nouveau dans ces couloirs dont l'air est pourri par Potter et sa clique ? Pas moi en tout cas.

Le manoir est bien calme… j'avais oublié que mes géniteurs avaient la chance de pouvoir être utiles à quelque chose. Eux sont en route pour le village de Gremstoll, berceau de la léthargie… Tellement calme que selon Mickaelus, les sang-de-bourbe ont pu avoir l'idée de s'y cacher. En même temps je me demande pourquoi on cherche à décimer ceux qui se cachent, finalement ils nous arrangent à vivre comme s'ils n'existaient pas. Si tout le monde pouvait être comme ça.

Pas comme cette… Granger… Elle se plaît à dominer par sa pseudo intelligence… et dire que je ne pourrais plus l'abaisser dans ses propos irrespectueux. Je devrai marcher dans ses pas… plutôt mourir… et c'est ce qu'il pourrait m'arriver si je trahi la confiance que l'on me porte.

18H30… l'attaque est en route, dans deux heures nous aurons rendez-vous je ne sais encore où et nous saurons combien de mangemorts manquent à l'appel. C'est une formalité… pire que des animaux, la mort ne semble plus nous toucher.

Je retire ma baguette de ma manche et vise la besace qui forme mon seul sac de voyage… je dois jouer la comédie jusqu'au bout et faire croire à ma fugue. Tu penses… Je me laisse alors tomber sur mon lit, la tête vers ce plafond je n'arrive pas à me faire à l'idée que d'ici quelques heures je serais en train de frapper à la porte de cette vieille folle de McGonnagall pour lui demander l'aumône. Je hais cette situation.

Je commence à somnoler, refaisant à ma façon ce qui devrait se passer à l'intérieur du château. Je me vois tenant Potter par le bout de ma baguette avant de lui assigner un sort de souffrance tel que le pauvre enfant en arrivera à me demander pitié. Je sourirai et l'enverrai au chevet de mon maître. Et puis… il y aura Granger, penchée sur le corps de son ami gigotant… Weasley à terre… les yeux ouverts sur une tranchée faite dans son corps… dans son âme. Le pauvre… il faudra bien l'aider et je…

Je suis coupé dans ce désir de vengeance profond par une brûlure intense à l'avant-bras. L'heure est venu… ils furent rapides et ça n'envisage rien de très bon. Je n'ai aucune envie d'y aller, sachant que la fin de cette réunion sonnera pour moi la fin de ma liberté. Et pourtant, je sais pertinemment qu'il ne reste qu'une seule solution pour venir à bout de cette torture. Je me lève, revêt ma robe noire et appose ma capuche sur mes cheveux désordonnés.

Rien de très rutilant comme lieu de rendez-vous… une cave sinistre habitée par des rats tout aussi sinistres et squattée à ce moment même par des hommes aux visages défaits, tailladés et apeurés par la colère que sera celle de notre maître.

Justement, il est là… je le sais sans avoir croisé son regard. Je ne peux plus le voir, je ne l'ai jamais pu. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il s'en amuse.

- Voici le retour de mes chers fidèles…

Mes yeux se tournent vers la place vide qui est à ma droite. Je ne comprend pas que l'on puisse commencer la réunion alors que… Pansy… Pansy n'est pas là… plus là. Je grogne intérieurement de les voir agir comme si de rien n'était. Même pas un reniflement du côté de ses parents. Je savais bien que cette fille n'avait pas le cran et l'intelligence pour mener à bien une mission. Je soupire… je l'aimais bien finalement.

- Nous allons mettre en route la prochaine mission et à partir de ce moment là, la fin sera à notre portée. Drago Malefoy !

Sa voix est détestablement tremblante. Comme un homme qui aurait trop fumé de ces cigarettes moldus. Je m'avance néanmoins, la tête baissée, percevant les chuchotements des mangemorts comme les bourdonnements des doxys. Je n'ai pas peur… du moins, je m'en persuade.

- Tu sais ce que tu as à faire… sans jamais nous trahir… si le cas est… je trouverai le moyen de te faire regretter ta venue au monde.

Comme si sa voix n'était pas assez persuasive, il pointe sa baguette vers mère et je la vois s'écrouler au sol, se tordant sous la douleur. Je fulmine… je fulmine contre ces hommes qui rient, je fulmine contre cette homme qui tient la baguette et contre celui qui regarde souffrir sa femme sans faire laisser passer la moindre émotion. Il est sorti de prison… préfère sa vie à celle de sa famille.

- Tu as compris où oserais-tu faire répéter ton maître ?

Je hoche la tête et ferme légèrement les yeux, espérant faire taire ces cris de douleurs qui échappent encore de la bouche de mère.

- Il vaut mieux en être sûr.

Je ne sais pas quelles sensations passent dans ma tête au moment où sa baguette se pointe sur moi. Mais je sentirai sans doute toute ma vie mes muscles se déchirer un par un et le goût du sang coulant dans mon gosier. Je ne veux plus qu'une chose… que tout cesse. Qu'il m'achève d'un coup de baguette comme on tue une araignée en lui marchant dessus.

Pourtant, peu à peu, la lumière revient, je respire de nouveau mais sent ma peau brûler sur mon visage. Je suis par terre, allonger sans me sentir capable de me relever. Mes côtes me font mal et la tête me tourne. Je sens des larmes couler sur ma joue et j'y porte ma main pour les essuyer… du sang… je saigne…

Je perçois des ombres se déplacer à côté de moi et je réalise qu'un sort ne laisse pas de traces physiques telles que celle-là. Ils n'ont pas usé de leur baguette pour me faire cette entaille à l'arcade…

Je tourne mon regard vers père, espérant follement qu'il me donnera une raison de me défaire de cette idée. Mais je ne suis plus un enfant, les contes de Merlin ne sont plus crédibles à mes yeux. Il devait être de ceux qui me tenaient pendant que les autres s'amusaient de mes grimaces en sentant leur pied rencontrer mes côtes.

- Tu es presque prêt.

Sa baguette se pointe sur ma tempe et je vois des fils de lumière en sortir, me faisant hurler ma haine d'être si soumis. La douleur physique est intense mais plus intense encore… est celle morale.

Je ne sais comment je suis arrivé là mais me voici allongé sur un trottoir, rampant comme un homme piètre vers un muret de pierres. Je suis seul, l'âme vidée… il fait noir et la pluie transperce mon t-shirt déchiré de toute part. Où est ma robe ?

- Qu'est-ce que tu fais là toi ?

Des lumières se pointent vers moi et me fond fermer les yeux. J'ai mal et ils s'amusent à me torturer… Je sens une main étreindre mon bras et je hurle de nouveau… une douleur qu'ils semblent enfin comprendre lorsque j'entends une voix dire :

- Il saigne…

- On devrait l'achever…

Quelle bonne idée… achevez-moi… par pitié… achevez-moi.

Une main se glisse dans la poche de mon pantalon et me voici démuni de ma baguette. Je suis à leur portée et si je n'arrive pas à me faire convaincant, c'est la mort qui viendra me chercher.

Les lumières s'éteignent… ma vue se brouille et ma vie se coupe de l'extérieur.

- Il n'a rien dit ?

- Rien du tout…

- Très bien… allez me chercher une potion de vérité.

Les pas s'éloignent et j'ai hâte de les entendre s'approcher de nouveau. Ma gorge est si sèche que j'avalerai n'importe quoi. Même une potion de vérité si ça pouvait m'apaiser.

Et en effet, quelques minutes plus tard, je sens un liquide venir draper ma gorge sèche, Merlin que j'en ai mal lorsque l'on me retire la joie de me désaltérer. On pose une main derrière ma nuque et m'aide à me relever. Je les vois enfin… eux, des personnes que je n'ai vu que rarement. Et puis il y a cette vieille folle : celle à qui je dois faire valoir ma pénitence.

- Drago… tu sais ce qu'on vient de te faire boire ?

- Une potion de vérité.

Les mots sortent de ma bouche sans que je n'ai à faire aucun effort en particulier. Mais ma langue douloureuse se colle à mon palais asséché.

Je les vois hocher de la tête, sans doute fiers de leur besogne… ça m'est égale, la sensas impression de ne rien avoir à leur cacher me rend plus fort.

- Peux-tu nous dire comment tu t'es retrouvé ici ?

Je tourne la tête autour de moi et semble pour la première fois me rendre compte que je ne suis plus dans cette rue assiégée par l'eau de pluie. Je hoche négativement la tête et des murmures s'élèvent.

- Je reprends… est-ce que tu sais pourquoi tu étais dans cette rue… sans affaire… parsemé de blessures ?

Les souvenirs remontent à ma surface… les mangemorts… père se moquant de moi… Voldemort ne veut plus de moi… je me suis enfoui… et je suis mort s'il me retrouve…

- Il… ne faut pas qu'il me retrouve… ou il me tuera…

J'en suis à un point où il n'y a plus besoin de me poser de question, je déballe tout ce que j'ai sur le cœur : du sang coulant dans le fond de ma gorge aux tortures insupportables. J'ai trahi les miens… trahi les miens en ne tuant pas… cette fille.

- Est-ce tu peux me dire pourquoi tu es venu ici ?

- Vous devez me sauver… vous devez…

Les mots se font plus dur, quelque chose en moi me hurle de ne pas prononcer cette phrase. Les syllabes grattent le fond de ma gorge et c'est presque en les crachant que je dis enfin :

- Vous devez le tuer.