- Et bien vous voilà enfin ! La répartition a déjà commencé…
Il ne manquait plus que ça… une entrée digne de ce nom devant un collège qui, je suis sûr, n'avait pas besoin de ça pour parler de moi. Il faut avouer que ce petit bonhomme que je ne connais pas, aux cheveux hirsutes n'a pas vraiment usé de tact pour nous annoncer cette bonne nouvelle. Pas le temps de lui demander s'il fallait réellement que l'on rentre par les grandes portes, et au pire, le supplier pour que ce ne soit pas le cas, que déjà, Monsieur a usé de la botte secrète des professeurs : la petite porte bien au fond que personne ne voit.
- Merci Malefoy.
Tiens, c'est marrant ça, je crois bien ne jamais l'avoir entendu me remercier. Je me retourne vers Granger et la vois s'approcher de la porte en s'arrêtant au dernier moment pour me regarder d'un air agacé.
- Tu as besoin du tapis rouge en plus ? Tu devrais être content non ? Toi qui n'as pour seule aspiration que l'envie de te faire remarquer.
- Hum… me confondrais-tu avec un de tes piteux… amis. Genre cheveux bruns dressés sur la tête et nom aussi insupportable que l'arrogance dont il fait preuve.
- Non, je parle de l'être qui a tué un gosse et qui a le culot de revenir à Poudlard comme une fleur.
Voilà qu'elle repart dans son délire… Peut-être que ça l'amuse d'imaginer des choses aussi morbides que celle-là. Moi, je ne réagis pas, trop concentré pour ne pas qu'elle puisse lire le moindre sentiment de gêne sur mon visage.
Je m'approche et fais mine de lui tendre mon bras. Elle me regarde dépitée et j'en profite pour lui dire :
- Et bien quoi… la seule fois que je t'ai vu si nerveuse pour rentrer dans la grande salle, tu étais accompagnée de Krum. Cette fois, ce sera presque pareil…
- Sauf que le seul point commun que tu as avec lui, c'est le fait d'avoir un nom populaire…
- J'en ai un autre… crois moi.
Je ne la laisse pas me questionner, pensant qu'elle doit certainement imaginer des tas de choses, mais pas celle là. Des vagues souvenirs me rappellent que son nom est déjà apparu dans la liste des fidèles… Une liste qui parcourt le monde entier et bien sûr, qui n'a pas évincé la Bulgarie. En prise à des doutes, je préfère encore imaginer que ce garçon n'est pas des leurs… Quoique… Granger au bras d'un mangemort, je me demande ce qu'en diraient ces deux limaces qui la suivent à la trace.
J'ouvre la porte la tête haute, de toute façon, autant voir ces regards de mépris et mémoriser les destinataires. Pour sûr que ceux-la perdront pas mal de points… Je vois Granger avancer rapidement vers sa table tandis que moi-même je m'assois à la première place disponible. Je ne regarde personne… ne vois personne… Seuls les brouhahas incessants pourront peut-être me m'être mal à l'aise. Quoique…
Je ne sais pourquoi je regarde Granger de cette manière mais bientôt le regard assassin de Weasley me fait user de ce sourire qui apparemment l'énerve tant. Je suis passé maître dans l'art de deviner ce que l'on dit de moi et je lis sur ses lèvres un : « il ne t'a rien fait hein ? » auquel elle répond par un hochement de tête. Il n'a pas lâché mon regard et je suis certain de pouvoir le faire craquer si j'intensifie mon jeu. Je hausse alors mes sourcils et mords ma lèvre inférieure dans un signe provocateur. Je me dégoûte moi-même en pensant à la signification d'un tel geste mais rien ne vaut le rouge qui est apparue au bord de ses oreilles.
Je vois sa main se poser sur son banc, prêt à faire un bond en avant jusque ma table ou personne ne manquera de le voir.Mais Hélas, miss-je-sais-tout l'a déjà rattrapé d'un geste vif. Sans m'avoir vu, elle a su préparer la réaction de son… ami. Qu'à cela ne tienne… je tiens Weasley par le bout de la baguette.
Qu'il est bon de retrouver le calme d'une chambre en solitaire. Avec un peu d'effort, je me sens comme chez moi. A ça de plus que je n'ai pas l'appréhension de voir surgir mon père, baguette en avant. Quoique…
Un hibou vient frapper ma fenêtre et je me surprends à l'accueillir sans même réaliser que ceci pourrait être dangereux… je détache la lettre et laisse repartir l'animal en refermant cette fenêtre qui a refroidi l'atmosphère.
Un papier noir… de l'encre rouge… un cachet de la même couleur. Et mon sang fait frémir mes tempes. Les souvenirs me reviennent et je crains de lire cette écriture qui confirmera ma soudaine angoisse. En effet…
Assignataire de la noble mission,
Je vous confirme par cette présente lettre notre présence à chaque instant dans ce qui doit être votre devoir. Vous ne savez encore rien de ce dernier, et ceci ne changera pas tant que tout risque de les voir user de sorts pour vous soudoyer sera présent. D'ici là, votre ordre premier est de gagner leur totale confiance, même si pour cela, vous devez vous assigner à des tâches ingrates.
Laissez de côté votre fierté et s'il le faut, abaissez vous à leur niveau. Ceci pour la bonne cause, bien sûr.
Nous vous ferons parvenir d'autres ordres au fur et à mesure que vous redeviendrez celui que vous étiez.
P.S : votre survie tient dans la confidence de ce reçu.
Pas de signatures… rien qui pourrait assurer mes peurs ou les déjouer. Je me sens complètement perdu et c'est dans cet état d'esprit que je laisse tomber cette fichue lettre jusqu'au sol, où elle prend feu.
Je ne sais pas quoi faire et tout d'un coup, seuls les derniers mots résonnent dans mon esprit… je dois me taire. Coûte que coûte, je dois me taire… Et puis qui sait, peut-être que cette fichue lettre n'était pas pour moi. Ou alors… peut-être que c'est simplement une mauvaise blague… Ou un test. Oui ça doit être ça, un test.
Je commence tout juste à me rassurer, me posant sur mon lit et vidant du mieux que je le peux mon esprit que quelqu'un vient frapper à ma porte... je sens mon cœur s'emballer au souvenir fugace de cette lettre dont l'odeur de brûlé enivre encore la pièce. Dans un geste pitoyable, j'attrape ma baguette dans la poche de mon pantalon et je me lève pour ouvrir la porte furtivement.
Je n'ai pas le temps de discerner le visage de celui qui vient m'effrayer à une heure aussi tardive qu'un cri vient frapper mes tympans… Granger…
- Voici le courage légendaire des Gryffondors…
Elle a porté sa main à son cou, comme pour mieux reprendre sa respiration et me fusille du regard.
- Tu ne trouves pas que ta réaction est un peu… extrême ?
- Pourquoi ? Parce que je cris en voyant un mangemort pointer sa baguette sur moi ?
Cette fois, je n'ai plus du tout envie de rire… ce mot me frappe en pleine poitrine et je ne peux pas prendre le temps de peser ma réaction.
- Ne m'appelles pas comme ça…
Les mots glissent entre mes lèvres et je les joints à un sifflement de colère. Elle perçoit mon mal-être, je le sais et je me sens tout d'un coup idiot. Je ne dois pas la laisser continuer sur sa lancée.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Te rappeler une nouvelle fois ton rôle de préfet…
J'avais oublié… quelle réjouissance, je vais passer une heure à arpenter les couloirs pour chasser ceux qui oseraient s'y balader au-delà du couvre feu.
- Bien Granger… Gryffondor et Serdaigle… ça te va ?
- De quoi tu parles là ?
- Et bien on se partage les tâches non ?
- Pas vraiment… nouvelles réformes, on ne se sépare pas.
Et bien voilà, ça ne sera pas une heure mais bien deux… deux heures à supporter miss-je-cris-pour-rien… Finalement, ça doit plutôt me rassurer non ? Je ne serais pas tout seul… mais ne dit-on pas : mieux vaut être seul que mal accompagné ?
Je referme la porte et commence mon bout de chemin. Si je dois la supporter, autant qu'elle ne décide pas en plus de l'emploi du temps toute seule.
- Ca sert à rien de te presser, on n'aura pas fini plus vite.
Où est la logique dans ce propos ? Je me retourne et marche à l'envers, sourire aux lèvres, au moins, si je ne réplique pas, elle n'aura pas tout à fait gagné. Et en effet, la voilà déjà qui soupire et passe en trombe devant moi, me poussant au passage. Et je réplique :
- Vas pas aussi vite Granger… tu viens de dire que…
- Je sais ce que je viens de dire Malefoy… mais là c'est pour ta santé que j'ai peur. Si je te vois encore faire ça, je te jure que je vais…
- Faire quoi ?
Je sais de quoi elle veut parler mais apparemment, ça a l'air d'avoir un certain impact sur sa morale.
- Ce sourire idiot…
- Lequel ? Celui-là ?
- Je vais te…
Elle ne va rien faire… ça c'est sûr car déjà, elle a fait volte-face et notre tournée s'achève déjà… au bout de deux heures interminables de silence seulement rompu par quelques soupirs de ma part. Je rejoins enfin ma chambre… avec elle.
- Bon et bien rien à signaler…
- A croire qu'ils sont sages comme des images… ou ils ont peut-être peur de nous. Quoique s'ils t'avaient entendu crier…
- Ferme-la Malefoy.
- Ok ok… et bien merci de m'avoir raccompagner… je suis gêné de te laisser sur le pas de la porte mais… vois-tu je suis assez pudique et c'est pas deux heures de balade qui vont me décoincer…
- Tu…
- … mais je n'ai aucun remord à te laisser rejoindre ta chambre comme une grande. Tu ne risque rien n'est-ce pas… surtout que tu n'es pas… seule.
Touchée… elle détourne la tête embarrassée et la hoche négativement. Enfin quelque chose qui se termine bien… Elle s'apprête à partir quand je la rattrape :
- Ah oui… j'oubliais presque… mon rôle m'incombe de surveiller les allers et venues clandestins…
- Ne joue pas à ça…
- Oh que si… Weasley, t'iras expliquer à tes amis pourquoi votre maison commence son année avec un nombre de points négatifs. Sur ce… je vous souhaite une bonne nuit et surtout… enfin, ne traînez pas trop dans les couloirs, on ne sait pas sur qui on peut tomber. Et les ragots circulent rapidement ici…
Ma besogne finie, je regarde Weasley sortir de derrière se mur où il se croyait à l'abri de mon regard. Le feu aux joues, il rejoint Granger et sort de ma ligne de vue. Au moins, j'ose espérer qu'il ne reviendra pas demain…
