Assignataire de la noble mission,

Une nouvelle fois, nous avons pris la décision de vous rappeler vos ordres provisoires. À la vue des derniers événements, et selon les dires de vos personnes proches, il semblerait que vous ne soyez pas disposé à faire des concessions sur votre fierté d'appartenir à un rang noble. Ceci, vous en conviendrez, est tout à votre honneur. Néanmoins et pour cette fois, nous vous rappelons qu'il est de votre devoir de vous faire appréciez de la basse société sorcière.

Nous vous laissons la satisfaction de savoir par vous-même lorsque ceci sera fait. Dans ce cas, il serait préférable de nous envoyer une missive relatant le fait, et nous prendrons alors la décision de vous envoyer d'autres ordres. Si nous n'avons pas de nouvelles d'ici quelques semaines, au pire, vous conviendrez du fait que nous serons en droit de nous inquiéter pour la mise à bien de votre devoir. Dans ce cas, les mesures nécessaires seront prises.

Qu'est-ce qu'un bon réveil ? Celui où l'on reçoit une lettre si suspecte que l'on se demande si l'on dort encore. Je crois savoir qui sont ces hommes et pourtant, il me semble clair qu'il m'était dangereux d'espérer un retour en grâce. Cette fois, je n'ai rien demandé et c'est eux qui viennent me cueillir dans cet endroit que je croyais impénétrable.

Je laisse tomber la lettre, ne sursautant même plus sous les flammes qui en jaillissent et file sous la douche. Là-bas au moins, j'aurais un peu de tranquillité. Quoique…

Les jours s'écoulent et se ressemblent… rien n'est plus vrai que cela. Ma vie au château est bercée par ma mission de préfets et les mots que j'enchaîne avec Granger… Mais même là, quelque chose cloche. Je l'assiège de propos malveillants par la force de l'habitude mais la délectation de son dépit n'est plus présente.

Et puis, il y a ces lettres… elles s'enchaînent au fil des jours et j'en viens à me demander s'il ne faudrait pas que je me confie à quelqu'un. A force de les voir brûler sur le parquet de ma chambre, j'ai l'impression que l'odeur de brûlé s'est collée aux murs.

En fait… je crois bien que j'ai tout simplement peur… Mais c'est normal hein ? Après tout, eux qui m'ont pris pour un sac de farine à taper, eux qui m'ont fait jurer de ne pas chercher à les revoir, eux qui m'ont pris pour un traître… Des lettres auxquelles je ne saurais répondre, ne sachant même pas de quoi elles peuvent bien parler. Alors je me contente de les recevoir et de les lire, en espérant qu'ils se rendent compte de leurs erreurs.

Le mois de novembre est arrivé. Je n'ai parlé à personne… personne ne semble avoir compris que quelque chose clochait. Je continue à me rendre dans le bureau de McGonnagall chaque semaine et tremble de peur en imaginant qu'un jour, elle puisse avoir l'idée d'utiliser de nouveau le veritaserum. Dans ce cas là, j'aurais signé mon arrêt de mort.

- Malefoy, tu décolles oui !

Et dire qu'elle s'amuse à jouer les espionnes… collé le long d'un mur, elle observe des premières années qui ne savent pas encore que la foudre va leur tomber dessus. Elle m'exaspère… le pire c'est qu'elle va se contenter de les sermonner gentiment et peut-être même leur retirer quelques points. Pour le peu que ceux-là soient futés, ils viendront leur dire qu'ils se sont perdus, elle les croira et nous seront entrain de perdre vingt bonnes minutes à les ramener dans leur dortoir.

Décidemment, je ne peux pas la laisser faire ça… Je lui passe devant et l'entends à peine soupirer. Déjà les marmots me regardent avec leurs airs pitoyables de gamins paumés. Encore un peu et j'en aurai les larmes aux yeux.

- Dites donc les avortons… votre maman a oublié de mettre une boussole dans votre cartable ? Ou une montre peut-être… Quoi ? Vous ne savez pas lire l'heure ?

Ils me regardent pétrifiés et je sens la main de Granger m'arracher l'avant-bras. Elle commence à prendre des libertés la petite. Mais je la laisse faire, histoire de lui montrer que quoi qu'elle fasse, je ne prendrai pas garde à sa petite personne égocentrique.

- 22H. Des enfants de votre âge devraient être au lit après avoir bu leur biberon de jus de citrouille. N'essayez plus de jouer aux grands… Vous allez rejoindre gentiment vos dortoirs et je vous retire 10 points chacun pour nous avoir fait déplacer jusqu'ici.

Bingo, ils se sauvent en courant et je jubile en voyant la mine dépité de Granger. Je dois prendre le dessus…

- Bah quoi Granger ? Je viens de nous faire gagner dix bonnes minutes.

- T'avais peut-être pas besoin de te comporter comme ça avec eux !

- Et bien quoi ? Ce ne sont pas des Gryffondors à ce que je sache. Leurs points en moins nous donnent de l'avance.

- Tu es pitoyable…

- … et pathétique.

Tellement prévisible en plus. Je connais sur le bout des doigts chaque petite chose qui l'exaspère. Elle en devient presque fatigante et ennuyeuse de prévisibilité…

- Je crois qu'on a fait le tour cette fois.

Perdu dans mes pensées, je réalise que Granger a raison. On a fini pour aujourd'hui. Arrêtés devant les escaliers menant à la tour des Gryffondors, je sais qu'elle va me quitter là, comme si j'allais croire qu'il s'agissait d'un raccourci pour se rendre à ses appartements. Je lui fait un signe de tête et la laisse s'éloigner, avec pour seule idée en tête, l'envie d'en savoir plus sur ses ballades en solitaire.

Les murs défilent devant mes yeux avides de curiosité et je m'amuse à la voir accélérer et jeter des coups d'oeils furtifs en arrière. Granger qui défie les règles… je dois avouer que j'aurais été triste de mourir sans avoir connu ça.

Pourtant, je déchante bien vite quand je la vois s'arrêter devant la tour des Gryffondors. Je me suis fait avoir comme un novice en matière d'espionnage. Elle a juste pris le temps de faire un petit détour… histoire peut-être de… de me faire tourner en rond.

Sans savoir pourquoi, je ressens le besoin de me montrer, peut-être qu'elle prendra le fait que je l'ai suivie pour une victoire mais au moins, elle n'aura pas celle de me voir honteux. Je prépare mon plus beau sourire et l'entends :

- T'avais besoin de venir jusque là hein ?

- Comme si tu ne le savais pas…

- Parce que tu crois que je n'ai rien d'autres à faire que de suivre une… une fille comme toi dans les couloirs alors que je pourrais…

- Te fatigue pas… et oui je te croyais assez pathétique pour ça.

Salazar, j'allais dire cette injure qui m'aurait fermé les portes de sa confiance. Qu'est-ce que je raconte moi ? Comme si j'avais un instant eu l'idée d'avoir sa confiance… Non… j'ai juste essayé de m'éviter une lettre de menace.

- Et bien… fais-toi attaquer… je m'en contre fiche… enfin… pas vraiment.

Elle ouvre de grands yeux, se demandant ce que je viens pouvoir lui dire. Elle ne s'attend sans doute pas à ça :

- Bah oui… si tu meurs là, j'aurais tout le boulot à me taper seul jusque la fin de l'année.

- Qu'est-ce que tu fous là Malefoy !

Oh… Weasley. J'aurais dû m'en douter un instant. Il semble énervé, mais sa réaction n'est rien comparée à celle de Hermione. Soudainement rouge, elle a l'air gênée de cette situation qui pourtant n'a rien de… quoique… Weasley… Granger… tous les deux dans un couloir vide…

- Je n'ose pas te poser cette question… de peur que la réponse me donne des sueurs froides pendant très longtemps.

J'ai vu juste… il est prêt à foncer sur moi… et la main de Granger se referme sur la sienne. Pathétiquement écoeurant.