Il fait un froid de détraqueurs ici… si ça continue on va me retrouver gelé dans ma chambre, esseulé et tenant ma baguette contre moi de peur d'une nouvelle attaque. Le mois de novembre et là, flegmatique… Voilà maintenant un mois que je reçois chaque jour des ordres à suivre, ou plutôt un ordre : faire ami/ami avec ces gens qui m'ont donné l'hospitalité. En clair, je dois jouer, encore et toujours.

Ce qui me rend le plus mal à l'aise je crois, ce sont les soirées que je passe avec cette sang-de-bourbe. Je m'efforce de répondre à ses questions et de ne pas paraître choqué de sa nouvelle façon d'être à mon égard. Pour la première fois de ma vie, je me sens respecté. S'ils savaient…

Cette fichue conscience me gâche la vie… dans d'autres circonstances, j'aurais pu être heureux. Je n'ai plus d'autre choix, je dois obéir…

20 heures… je viens de rejoindre ma chambre après avoir passé le dîner au bout de la table, comme chaque jour. Une chose est bonne, j'ai retrouvé le respect de ceux de ma maison. Enfin une bonne nouvelle, je peux manger sans avoir peur qu'on ait jeté un sort de rejet sur mon assiette.

20H10 on frappe à ma porte et je sais que c'est pour rejoindre une salle du second étage, là où quelques professeurs et élèves m'attendent pour faire une mise au point. Selon eux, tout ceci est pour filtrer les agissements de certains traîtres. Des traîtres qu'ils croient être évincés du collège. S'ils savaient le nombre de noms que je tais… Je me rends compte au fil de ces réunions que Potter à une détermination qui est presque suicidaire et que Weasley fait parfois preuve d'une lucidité qu'il a dû développer au contact de Granger.

Je me demande ce que je fais parmi eux… quoique, je me doute que je suis le seul élève qui ait un contact prolongé avec la maison de ce bon vieux Salazard… Auraient-ils finalement confiance en moi ?

- Mr Malefoy…

Voix exaspérée de la vieille McGonnagall qui me réveille dans mon état second. Elle sait que je ne vais pas bien, c'est un fait et les remontrances vont finir par peser lourd. Je lève le regard, elle me fait un signe de tête vers la sortie. Je vais devoir attendre la fin de cette réunion dehors et essuyer ses reproches préparés.

Reproches auxquels je m'attendais…

- Bien Mr Malefoy… quelque chose ne va pas ?

- Mis à part le fait que je m'attends à une nouvelle attaque à chaque fois que j'ouvre les yeux, tout va bien…

- Quelque chose vous laisse à penser qu'il peut y avoir une nouvelle attaque ?

- Je…

C'est quoi ces questions ! Où est le piège ? Bien sûr qu'il peut y avoir une nouvelle attaque ! Nom de Salazar, nous sommes en temps de guerre !

- Vous voulez dire, mise à part le fait que la guerre éclate dehors ?

- Je veux dire avez-vous eu des informations extérieures Mr Malefoy ?

- Non.

Non sec et je l'espère persuasif. Elle scrute mon regard et je m'efforce de ne pas cligner des yeux. Enfin elle semble lâcher prise et je respire pour la première fois de cette entrevue.

- Bien, vous pouvez disposer.

Je n'ai plus le droit à la faute. Ses lunettes n'ont pas suffit à cacher le doute que traduisait son regard.

Je traîne mes pieds jusqu'à cette porte et la pousse le plus lentement possible. Et dire que ma journée n'est pas encore achevée. Je dois faire ce fichu tour des couloirs avec pour seule compagnie une sang-de-bourbe qui a perdu de sa vivacité à mon égard.

D'ailleurs, elle doit être là à m'attendre. Avec un peu de chance, ce retard l'aura mis en boule. Ca romprait cette monotonie épuisante.

Sauf que… à peine ai-je franchi le pas de la porte que je vois la silhouette de Potter se dessiner. J'aurais envie de lui lancer un sarcasme dont moi seul ai le secret… j'ai déjà le sujet… lui dans les bras de Weasley fille… mais un parchemin à la couleur noire me revient en tête et je passe devant lui sans même un coup d'œil, jusqu'à ce que j'entende :

- Malefoy…

Je ne me retourne pas et continue ma route jusqu'à je ne sais où, tout en tentant de lui répondre avec un ton neutre :

- Potter…

- Je t'attendais… et la politesse veut que tu écoutes ce que j'ai à te dire.

Salazar… garde ton sang froid Drago… pense aux mangemorts qui t'attendent… ta mission… ton devoir… gloire qui en succède… fin de Potter…

- Je vais t'écouter… pas par politesse hein… juste parce que la curiosité me pousse à savoir ce qui a pu te convaincre de me parler.

- Je suppose juste qu'il faut grandir un peu.

- Va droit au but. J'ai pas envie de passer la soirée dans un couloir avec toi.

- Moi non plus… Bon… tu ne seras jamais mon ami, c'est un fait… je te déteste, c'est un autre fait.

- Tu attends que je te répondes quoi là ? Moi aussi je t'aime…

Il grimace… le gamin. Je trace mon chemin et me fiche bien de ce qu'il raconte. Tout ce qui m'importe, c'est de ne pas craquer et peut-être aurais-je le courage de le faire parler de sa mission. Quoique… ça m'obligerait à écrire une nouvelle lettre au mage.

- Tu me laisses finir… c'est pas une partie de plaisir pour moi non plus. Simplement, je suis conscient de l'effort que tu as dû faire pour quitter les mangemorts et… tes parents.

- Accessoirement.

- Si… si tu veux.

Je ne sais pas ce qui m'a poussé à dire ça mais apparemment, ça lui a fait de l'effet à Potter. Il semble perdu dans ses pensées et j'ai presque l'espoir qu'il se taise enfin. Mais Salazar, quelle piplette…

- J'ai pas réellement envie d'être agréable envers toi… Mais… il y a une chose que je ne peux pas ignorer, c'est que tu as sauvé la vie…

- Je t'arrête là. J'ai pas besoin de ton merci. Si je l'ai fait, c'est que ça devait être fait. N'importe quelle personne qui n'est pas un mangemort aurait fait pareil non ? Alors garde ta salive pour embrasser Weasley et laisse-moi tranquille.

J'accélère le pas… mauvais couloir… mauvaise rencontre. Au moins, j'ai enfin mis la main sur mon binôme. Si seulement elle n'était pas en train d'embrasser ce rat d'égout. Plus fort que moi, je m'emporte…

- Granger, où est ta morale de préfet. Tu me fais perdre mon temps sous prétexte de butiner avec Weasmoche ? Magne toi ou je te laisse là sans aucun remord.

Le regard ahuri des deux bêtas tarde à me faire regretter mon comportement. Et déjà l'épaule de Potter m'éjecte le long du mur et je le vois tirer Weasley loin de nous. Ne reste plus que moi et le regard assassin de cette fille.

- Il me semblait bien que ta pseudo normalité ne pouvait durer Malefoy.

- Il me semblait bien que tu oublierais assez vite que tu me dois la vie.

- Parce que tu ne me dois pas la tienne ? Excuse moi d'avoir oublier le moment où un mangemort m'a attaqué dans le jardin de Poudlard. Mais s'il y a une chose que je n'ai pas oublié, c'est ton regard cette nuit là… dans la bibliothèque… ma baguette sur ta tempe… cette enfant démuni de vie dans la salle d'à côté…

J'accélère de nouveau le pas et sens mon sang battre mes veines. Je dois garder mon calme et ce n'est pas une mince affaire. Ces propos sont si vifs que je me demande parfois si réellement, ce sont des fabulations. Mais quelle idée… ça en est. Je n'aurais jamais pu tuer un enfant… jamais.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as perdu la parole dis moi ? Tu as peur de dire des choses que tu regretterais ? Genre… tu es un mangemort et tu te sers de ta position ici pour envoyer des informations à tes supérieurs ? Tu es un mouton… juste suivre… jamais mener.

- Je te jure Granger, qu'un jour tu regretteras tes propos.

Je m'arrête, tremblant sous la colère et l'envie de faire éclater tous ces mots qui embrument mon esprit. Je la vois rouge, les points serrés et les yeux lançant des éclairs qui n'ont d'égaux que la colère de mon maître lui-même. Mon maître… je m'écoeure… j'ai envie de vomir des insalubrités à son égard. Je le hais… je me hais.

Je ne sais plus qui je suis, mais elle est celle que je dois convaincre, celle qui me met au pied du mur, celle qui ne peut pas gagner…

J'empoigne sa chemise et la colle le long de moi. Elle ne bouge plus et la sensation de son corps se relevant contre moi au fil de sa respiration saccadée me file des frissons.

- Ecoute moi bien Granger… je peux être qui je suis mais pas un mangemort… encore moins un esclave de cet homme vil… Je ne suis peut-être pas d'accord avec tout ce que tu dis… je ne serais sans doute jamais comme Potter, à écouter tes petits malheurs… plutôt mourir qu'être à la place de Weasley et t'amener dans mon lit… je n'ai pas tes idéaux mais ça ne te donne pas le droit de me mettre dans le même sac que lui. C'est compris ?

Elle ne bouge pas et je sens son souffle butter contre mon cou. Les secondes s'écoulent et je me rends compte que pour la première fois, je la regarde comme une fille qu'elle est. Jusqu'à ce qu'un froissement lointain se fait entendre. On détourne la tête et on voit la silhouette d'un serpentard s'éloigner dans les couloirs…

Je viens de me faire prendre à moins de cinq centimètres de la bouche d'une sang-de-bourbe.