Un lit poussiéreux dans le grenier poussiéreux d'une maison poussiéreuse. Pourtant, je reste allongé là, nullement pressé de rejoindre ce qu'ils osent appeler cuisine. La faim me torture, certes, mais mourir de ça ou de la typhoïde…
Et pourtant, un étrange bruit semblable à celui d'un animal qu'on égorge me tire de ma torpeur. Et en moins de temps qu'il ne le faut pour dire « cours », je me retrouve à dévaler deux à deux les escaliers grinçants de cette maison.
Je traverse le couloir et fonce vers le seul endroit qui semble être animé : la cuisine. Essoufflé et apeuré, je retrouve Granger face au fourneau, pas plus gênée que ça par le bruit qui n'a toujours pas cessé.
Instinctivement pourtant, je me colle le long du mur et jette un regard froid vers la cours de cette maison. De l'herbes hautes et des boites empilées les unes sur les autres avec des morceaux de grillages. Quelque chose bouge là-dedans…
- Et bien Malefoy, tu es drôlement pâle, t'as vu un fantôme ?
Qu'elle abrutie cette fille, si ça continue comme ça, elle va nous faire repérer. Je prends son bras et l'attire vers moi, lui montrant du doigt ces fameuses boites semi-ouvertes qui me posent tant de problème. C'est à ce moment là que surgit un nouveau cri me faisant sursauter… et la faisant rire.
- Ah non… apparemment, t'as pas vu un fantôme, t'as juste entendue un coq…
Un coq… allez savoir ce que c'est mais en tout cas, ça n'a pas l'air à sa vue, spécialement dangereux et sanguinaire.
Je me laisse tomber sur une chaise, sans même avoir le courage de justifier mon attitude fortement risible, il faut l'avouer.
- Tu racontes ça à quelqu'un Granger et tu es morte…
- Hum… je me demande qui ça pourrait intéresser… Rita Skeeter…
- Si cette blatte en arrive à savoir quoi que ce soit je…
- Bonjour l'ego démesuré de Mr Malefoy, tu te crois vraiment capable de faire la une des journaux ?
Reste calme Drago, le jour viendra ou tu pourras te venger mais en attendant, c'est elle qui porte ton petit déjeuner entre ses mains.
- Tu aimes les œufs ?
Encore un peu et on pourrait jouer le petit couple parfait. Si encore elle n'était pas ce qu'elle était : une sang de bourbe. Je tends mon assiette sans répondre et la laisse me servir. Pas aussi douée que les elfes de maison, mais au moins, j'ai le bonheur d'avoir quelqu'un à mon service. Ou presque… à peine ai-je fini de manger qu'elle me rattrape en me faisant un signe vers l'évier.
- Tu crois pas que je vais me taper la vaisselle toute seule hein ?
- Tu ne crois pas que je vais me baisser à ce niveau là ?
- Tu ne pourras qu'en sortir plus intelligent, tu sauras faire la vaisselle, façon moldu.
- Je me fiche de savoir faire quoi que ce soit façon moldu…
- En attendant, soit tu m'aides, soit tu te débrouilles pour le reste de ton séjour ici. Ce qui veut dire… aller chercher tes œufs dans le poulailler et rencontrer Mr le coq qui ne sera sans doute pas très heureux de te voir débarquer chez lui et prendre ses enfants…
J'ai toujours su qu'elle était très douée pour trouver les arguments qui font mouche. Je suis pitoyable, pris au piège, complètement à la merci d'une petite Gryffondor prétentieuse.
Et me voilà à plonger les mains dans une eau poisseuse, même pas digne de remplir la baignoire de la famille Weasley. J'en arrive encore à me demander ce que je fous là…
- Tu me dire pourquoi on est obligé de venir dans une maison moldu ?
- Parce que c'est plus facile de passer inaperçu ici.
- Oh… et tu peux me dire pourquoi on n'a pas le droit d'utiliser de la magie ?
- Pour ma propre sécurité.
- Tu plaisantes là ?
- Peut-être pas…
Elle m'exaspère cette fille… mais c'est bon, elle a gagné, je laisse tomber. De toute façon, quoi que je dise ou je fasse, ça ne pourra qu'empirer mon séjour ici. Alors autant la mettre de mon côté et jouer le petit toutou. D'ici là, elle se sera vendue et aura dévoilé la faille. Je n'aurais plus qu'à trouver un hibou et mettre au courant mes supérieurs.
Et les jours s'égrainent… je passe mes journées devant ce petit écran qu'ils appellent Télé et essaient de garder les yeux ouverts devant une émission ennuyeuse où de petits points blancs se battent contre de petits points noirs. De temps à autre, Granger passe la main à Potter et là, le but du jeu et de rester loin l'un de l'autre. Parfois même Weasley se mêle à l'histoire, et cette fois, j'essaie de le coller pour me distraire un peu. Dans tous les cas, ils jouent tous aussi bien les hypocrites que moi. J'en suis même arrivé à avoir une conversation civilisée avec eux : le quidditch. Bien sûr, faut éviter de montrer distinctement ses préférences, mais c'est un mal pour un bien, tant que c'est un retour dans le monde sorcier.
Ce soir là pourtant, dès leur arrivée avec d'autres membres de l'ordre, je suis évincé de la conversation et relégué dans ma pseudo chambre. C'est bien la première fois que je remercie cette maison d'être pire que le gruyère. J'avais compris… les hommes avaient frappé fort et ils avaient besoin de bras. Les pauvres imbéciles, s'ils pensaient réellement y trouver le mage… aucune chance de le voir apparaître tant que leur armée ne sera pas plus affaiblie…
Et voilà Granger qui remonte et frappe à ma porte… je saute sur mon lit et fait mine d'être occupé à compter le nombre de tâches qui couvrent le plafond.
- On est tout seul pour ce soir…
- Hum…
- Tu ne demandes pas pourquoi ?
- Je suppose que si vous m'avez envoyé ici, c'est pour pas que je le sache.
Elle hausse les épaules et s'assois sur mon lit. Elle a de la chance que j'ai pas confiance en mes draps et que je garde mes habits pour dormir.
- Ca à l'air grave cette fois…
Salazar, fais moi devenir sourd, je sens qu'elle va me déballer sa vie.
- J'ai toujours l'impression que…
- On est en temps de guerre, fallait pas t'attendre à ce que ce soit facile.
- C'est toi qui dis ça ? On ne sait même pas de quel côté tu es !
- Vraiment ? Pourtant ça ne t'empêche pas de rester seule avec moi ? Simplement parce que tu veux mourir en martyre ? Dis moi de quelle façon tu veux mourir et j'exaucerai peut-être ton souhait…
- Tu te crois drôle ? Je te rappelle que je t'ai vu tuer un gosse !
- Arrête de me rabâcher ça tu veux !
Elle se lève de nouveau et pointe ses yeux féroces sur moi. Je me mords la lèvre, elle a cette manie récente de pouvoir me faire sortir facilement de mes gonds… moi l'impassible Malefoy.
- Je veux bien croire que ton empoissonnement t'a ravagé le cerveau ! Peut-être même te pousse à des actes que tu ne désires pas mais…
- Mais je viens de te dire que je n'étais ni un mangemort, ni un tueur d'enfant ! Et mon cerveau est assez performant pour voir que tu me prends pour un con !
Je suis à mon tour debout et la colère m'a poussé à me rapprocher d'elle… je suis à quelques centimètres de son visage et le sang fait bourdonner mes oreilles. Elle m'a poussé à bout… elle a réussi… et elle m'attire indéniablement.
Je ne sais pas ce qui me pousse à faire ça… peut-être mon cerveau paralysé comme elle dit… ou peut-être juste le désire… Mais me voilà en train presser mes lèvres contre les siennes, forçant l'entrée de sa bouche et m'amusant à la tourmenter. Le résultat de cette expérience me choque presque… et je découvre dans cet échange une sensualité que je refusais de lui attribuer.
Et soudain, la nature de sa personne reprend le dessus dans mon esprit… Salazar, j'embrasse une sang de bourbe et le pire dans tout ça, c'est que j'en prend du plaisir.
Je me recule bien vite et suis intrigué de la voir devant moi, les yeux fermés. Mon esprit doit vraiment être embrumé car je ne peux refreiner l'envie de retenter l'échange : elle ne m'a pas repoussé. Mais cette fois pourtant, ça main rencontre avec force ma joue et j'enrage de m'être fait avoir. Je m'efforce de garder ce sourire qui l'énerve tant et lui fait remarquer pour ne pas qu'elle gagne tout à fait :
- Je ne te savais pas aussi libertine… c'est Weasley qui va être content.
Au moins, j'aurais gagné la possibilité de la faire marcher…
