Note - Nouvelle version, 2021 : Le titre est une chanson chantée par Michael Bublé ("Haven't Met You Yet") et également très représentatif de ce qu'est le premier chapitre de ma fanfic. La fin a été inspirée du OST du manga/anime « Okami no Kodomo – Okaasan' no Uta ». Toutes les recherches effectuées pour ce chapitre ont été faites il y a plus de 12 ans... alors tout a été de mémoire.

Bonne lecture~

Ransa no Moribito

Gardien des Lanciers


Chapitre 1

Je ne t'ai pas encore rencontré

Tanda avait envie de crier sa joie au monde entier. Il n'arrivait toujours pas à croire que l'un de ses rêves le plus cher était sur le point de devenir réalité : avoir une famille avec Balsa à ses côtés. Ils étaient parvenus à faire de nombreux compromis et Balsa, une fois l'enfant né et assez vieux pour ne plus dépendre uniquement de ses soins, pourrait toujours continuer à voyager et remplir sa promesse faite à Jiguro.

« Qui sait ? Peut-être qu'iel va aussi aimer se battre tout comme toi ! avait-il émit comme hypothèse.

- Est-ce que tu crois qu'iel pourra m'accompagner lors de voyage, une fois atteint l'âge de quatre ans, au moins ? avait demandé Balsa.

- Ce sera très possible, mais je ne voudrais pas le/la mettre en danger...

- Iel ne m'accompagnera que pour un petit voyage. Sans contrat ni ennemis en vue. Des vacances, un peu comme lorsque nous allons au Marché des Herbes à Rota, au début du printemps... nous avions l'habitude d'y aller en famille, Jiguro, Torogai, toi et moi, comme une tradition après chaque hiver. »

Tanda sourit. Le Marché des Herbes à Rota récoltait de la nourriture, des médicaments et des plantes rares à travers le monde.

« Et cette tradition continuera, promit-il en posant sa main sur le ventre de Balsa qui avait commencé à prendre une légère enflure. Tes muscles abdominaux sont encore très fermes... mais j'ai hâte de voir ce ventre s'arrondir ! »

Balsa tourna son regard, légèrement malaisée alors que Tanda parlait déjà au bébé et lui faisait part de ses plans pour la tradition familiale, ainsi que pleins d'histoires mignonnes. Elle comprenait néanmoins sa joie.

La famille de Tanda l'avait toujours mis de côté. Étant le deuxième d'une famille de trois frères, Tanda, très jeune, avait été étiqueté comme étant un petit garçon étrange. Sensible, peu sûr de lui, il voyait des choses que personne d'autre dans sa famille ne pouvait voir. Ses parents s'étaient souvent sentis malaisés d'avoir un fils qui commençait à voir l'ombre de la mort sur le visage d'une vieille femme qui arrêtait souvent pour papoter devant un thé, ou encore des oiseaux luminescents, que personne ne semblait voir, planant paresseusement dans le ciel crépusculaire. Sa fratrie riait ouvertement de lui. À l'âge de quatre ans, il avait rencontré maitre Torogai alors qu'il avait suivi un de ces oiseaux de lumière. De leur première rencontre s'était alors forgé un lien très profond entre Torogai et lui, et chaque fois qu'il avait du temps libre, il allait la voir pour continuer d'en apprendre plus sur les secrets de Nayug. Bien sûr, les parents de Tanda avaient plus ou moins abandonné leur fil, consentant implicitement son étrange style de vie nouvellement acquis. Étant le deuxième de sa fratrie, Tanda n'aurait pas pu hériter des terres de toute façon.

Balsa était aussi au courant que le frère aîné de Tanda, Noshir, avait souvent pour habitude de se moquer de lui. Une phrase, particulièrement cruelle, lui revint en mémoire. Noshir avait dit à Tanda :

« À quel âge es-tu rendu Tanda ? Comme j'ai trente ans, tu dois être aux alentours de vingt-et-un ans. C'est le temps que tu aies enfin une mignonne petite fille ou un joli petit garçon. Au milieu des montagnes, il n'y a aucune femme... peu importe comment les magic-weavers ou les garde-du-corps sont respectés, te tenir constamment avec eux te fait voir comme un morveux à mes yeux. »

Tanda avait trouvé la position couchée sur ses cuisses, la tête contre son ventre. Elle sentait déjà le profond attachement qu'il avait envers son futur bébé. Elle joua dans ses cheveux un moment avant d'attirer son attention.

« Est-ce que tu vas leur dire concernant le bébé ? demanda Balsa.

- Dire quoi à qui ? questionna-t-il en faisant jouer ses doigts contre le vêtement de son kimono rouge.

- Ta famille... »

Il se redressa doucement et haussa les épaules.

« Je ne leur dirai pas concernant ta grossesse... et pour être franc, je préférerai attendre que le petit ait au moins dépassé les cent jours de vie après sa naissance. »

Bien que Balsa ait eu de grosses hésitations à garder ou non le bébé, quand elle avait découvert qu'elle était enceinte, elle avoua sentir un nœud se former dans son estomac. Elle savait que beaucoup de bébés décédaient avant les trois premiers mois. C'était le temps le plus critique des morts infantiles. À Kanbal, une femme donnait durement naissance à quatre enfants vivants sur dix grossesses. Yogo déjà était une terre plus prospère et riche, néanmoins, le fantôme de la mortalité infantile rôdait constamment.

« Hey Tanda, nous ne le perdrons pas, sourit-elle. Souviens-toi ! J'ai déboulé le flanc d'une montagne dans les semaines les plus critiques et iel est toujours dans mon ventre.

- Je sais, Balsa, sourit-il. J'ai confiance en l'avenir... Il va falloir annoncer à maître Torogai qu'elle sera grand-mère !

- Comment le ferons-nous ?

- J'ai une petite idée... »


Torogai ne se pointa que deux semaines après que Balsa eut pris la décision de garder le bébé et lui donner une chance. La chamane les retrouva tous les deux dans le refuge. Tanda était occupé à couper les champignons pour le ragoût. Quant à Balsa, elle était encore afférée à polir sa lance et observer la lame.

« Tiens, mais qui voilà ! rit Balsa.

- Voilà un nouvel oiseau migrateur, salua Torogai. Je vois que je ne suis pas la seule à avoir choisi de revenir au bercail. »

La chamane déposa sa canne sur le sol et prit place proche du feu, où était accroché la marmite dont le contenu mijotait tranquillement. Tanda jeta un œil à Balsa, mais elle ne lui renvoya pas son regard pour ne pas attirer de soupçon. Torogai prit une petite bouteille d'alcool et s'en versa dans une coupe. Elle raconta les rumeurs qui circulaient à travers Yogo, ainsi que le monde de Nayug et ses événements.

« Tanda, sortit Torogai, j'ai eu vent que la fille d'une de mes connaissances t'avait à l'œil. Elle t'a vue s'occuper de son oncle et il semble qu'elle soit tombée amoureuse de toi.

- Pour de vrai ? rit-il en mettant du riz dans un bol.

- Oui. Il est encore temps pour toi de te trouver une épouse convenable et avoir enfin ta famille tant désiré.

- Hmmm... avec tout le respect que je vous dois, maître, je ne suis pas pressé de me marier. Ma vie actuelle me plait de cette façon-là. »

C'était un demi-mensonge. Profondément en lui, Tanda désirait parfois garder Balsa à ses côtés avec une passion brûlante. Ces sentiments, aussi intenses que les rayons d'un soleil d'été, avaient mué avec le temps pour ressembler à ceux de l'automne. Encore, avec le temps, les sentiments de Tanda quant à vouloir la compagnie de quelqu'un lui échappaient, comme une pendule balançant inévitablement en arrière. Dans ces moment-là, quand Torogai revenait et lui enseignait quelques tours de magic-weavers, il pouvait oublier cette solitude le cours d'un instant. Puis, soudain, Torogai s'éclipsait dans de nouvelles aventures par caprice, laissant son élève avec rien d'autres comme compagnie que ses sentiments pour Balsa. Mais tout cela allait bientôt changer avec l'arrivée du futur bébé parmi eux.

« Ah ? Je me demande ! dit Torogai alors qu'ils étaient tous les trois en train de manger. Je n'aurai probablement jamais la chance d'avoir de petits-enfants et les regarder grandir, alors. »

Balsa dût se retenir de recracher sa bouchée et Tanda faillit s'étouffer.

« Voyez ? Je ne fais que parler de ça et vous voilà déjà en train de paniquer.

- Nous ne paniquons pas, la reprit Balsa.

- Je seconde Balsa, dit Tanda. Écoutez, maître, il y a quelque chose que nous aimerons vous faire part, Balsa et moi.

- Ah ! vous allez enfin vous marier ?! s'exclama Torogai. Enfin ! J'ai vécu assez longtemps pour voir ce jour !

- Eh, non, la coupa la lancière. Il n'y a pas de mariage en vue. »

L'enthousiasme de Torogai s'évanouit aussi vite qu'elle était arrivée.

« Ne me faites pas accroire des choses, alors !

- En fait, ce que nous essayons de vous dire, maître, reprit Tanda, c'est que vous allez avoir un futur petit-enfant, dans quelques mois. Vous allez être grand-mère ! »

Ce fut au chamane de presque s'étouffer avec sa nourriture. Torogai n'en crut pas ses oreilles.

« Vous vous moquez de moi, ce soir ?! se méfia-t-elle.

- Pour être honnête... pas du tout, termina Balsa. Tanda et moi avons déjà expérimenté les relations sexuelles, sauf que cette dernière fois, ce n'était pas prévu...

- Alors vous avez vraiment fait l'amour quand je n'étais pas présente ?!

- Évidemment, rit Tanda, légèrement malaisé. Et Balsa est enceinte présentement.

- C'était donc ça, cette étrange énergie qui émanait de ton aura, comprit Torogai en s'approchant de Balsa. Je me demandais, mais je n'étais pas certaine. »

Balsa sursauta en sentant la main de Torogai se poser sur son ventre, là où une enflure avait déjà commencé à se faire.

« J'ai bien mes confirmations ! Mah, je suppose que cela signifie que je vais devoir rester dans les environs pour surveiller ta grossesse et m'assurer qu'aucuns esprits malveillants ne s'en prennent à vous.

- Des esprits malveillants ? demanda Balsa, incrédule. Cela existe ?

- Oui et ils sont particulièrement présents lorsqu'une femme est enceinte. Pour protéger l'âme de votre futur bébé, il est essentiel d'être bien préparés et protégés. Soyez sans craintes, je serai là. »

Tanda et Balsa se regardèrent, mais ne dirent rien de plus.


À sept mois de grossesse, Balsa commença à se poser une certaine question quant à la naissance du bébé. Tanda en savait un peu sur le sujet, mais elle se demandait si Torogai en savait plus avec ses années de sagesse. La neige avait commencé à tomber et Torogai sortait moins souvent. Son ventre bien rond, elle attendit patiemment que la chamane revienne au refuge, sa cape sur le dos pour se tenir au chaud. Comme prédit, Torogai entra et, comme à son habitude, alla caresser son ventre et saluer le bébé en premier, avant même Balsa.

« Bonjour, mon petit ! Grand-Mère est revenue. J'espère que tu as été sage entre temps. »

Un coup de pied se fit sentir sous la main ridée de Torogai. Elle éclata de rire et leva la tête. C'est une Balsa blasée qui croisa son regard.

« Bonjour Balsa ! la salua-t-elle comme si elle ne l'avait jamais remarqué.

- Bonjour, répondit la lancière sans grand enthousiasme. Torogai, j'ai... j'ai quelques questions à vous poser.

- Je suis toute-ouïe. »

La jeune femme Kanbalese se mordit la lèvre inférieure et ramena son index proche de ses lèvres, comme si elle cherchait ses mots.

« Hmm... je sais que nous avons déjà eu la discussion à propos des bébés et des relations sexuelles. Je sais aussi que les bébés sont très vulnérables avant les cent premiers jours, mais... dites-moi, comment on accouche ?

- Ah ! Ça ! comprit Torogai. Ça commence à te tarauder l'esprit, pas vrai ?

- Hé bin... je sais comment on fait les bébés, comment ils arrivent dans notre ventre, mais je n'ai jamais accouché ni même assister à une naissance. J'ai simplement vu des bébés dans les bras de leur mère. »

Torogai frotta ses mains et se versa encore une coupe d'alcool.

« Tu as demandé à la bonne personne ! J'ai déjà eu des enfants.

- Hein ?! s'exclama Tanda en sortant de l'ombre. Vous, maître ?!

- C'est vraiment ce que tu penses de moi, crétin ?! se froissa la chamane. J'ai déjà été jeune moi aussi !

- Oh, c'est vrai que... enfin bref, je ne connais pas tout de votre vie, non plus.

- J'ai été mariée à l'âge de quatorze ans et je suis tombée enceinte trois fois, et trois fois j'ai donné naissance. Alors, Balsa, pour répondre à ta question, je vais t'expliquer ce qu'est vraiment un accouchement. Donner naissance, ce n'est pas comme un pique-nique. C'est très émotionnel, très puissant et très intime. Il y a trois phases, mais le bébé naît à la deuxième. Un premier accouchement prend beaucoup plus de temps que les suivants.

- Pourquoi ? demanda Balsa.

- Je crois que le corps n'est pas habitué. Il n'a donc pas encore la mémoire intégrée en lui.

- Oh, je vois. Et comment vais-je savoir quand mon corps sera prêt à faire naître le bébé ?

- Tu vas ressentir ce qu'on appelle "des contractions". Ton ventre va devenir dur et l'effet est semblable à des crampes menstruelles... mais beaucoup, beaucoup plus intenses. Plus le temps passera, et plus elles vont augmenter d'intensité et le temps entre elles se réduira à deux minutes d'intervalles et moins. Si Tanda veut avoir une idée lui aussi, c'est semblable à des crampes aux mollets... mais en pire. »

Tanda rit et reporta son attention vers Torogai. Balsa déglutit.

« La première phase est la dilatation. En lien avec les contractions, la dilatation va permettre d'ouvrir un passage pour laisser passer ton bébé, de ton bassin jusqu'à ton entrejambe. C'est l'étape la plus épuisante et la plus longue. Lorsque tu auras tes premières contractions, relaxe. Le stress est très mauvais et ça peut ralentir, voire même arrêter le travail actif.

- C'est donc pour ça que les femmes qui accouchent sont souvent dans des pièces isolées, comprit Tanda.

- Oui. On dit souvent qu'il ne faut pas déranger les animaux qui mettent bas, c'est la même chose pour les humains. Nous avons juste la conscience et l'intelligence en plus. Au bout d'un moment, il y a la perte des eaux.

- Les eaux ? questionna Balsa.

- Ton bébé baigne dans une eau, à l'intérieur de ton ventre. Cette eau appelée liquide amniotique protège ton bébé des coups extérieurs. Il agit comme un coussin amortisseur quand les contractions arrivent. C'est une poche qui l'entoure. Quand elle rompt, les eaux se perdent et les contractions augmentent d'intensité. C'est là que la deuxième phase commence et elle est la plus active et la puissante : il faut faire sortir l'enfant et pousser, mais seulement lorsque le besoin se fait sentir. Pas avant. »

Balsa fronça les sourcils.

« Je vais vraiment le sentir ? s'inquiéta Balsa.

- Oui. Il s'agit d'un réflexe naturel. Tu vas avoir l'impression que ton corps poussera de lui-même. Depuis un moment, j'entends des femmes me dirent qu'elles essaient d'encourager la mère en lui disant de "pousser". Ceci est totalement inutile. Comme il s'agit d'un réflexe, et non pas d'un ordre, cela ne sert qu'à épuiser la mère, la stresser et nous déséquilibrons son rythme naturel. Alors Tanda, n'ordonne jamais à Balsa de devoir pousser et si quelqu'un ose le faire, défends-là.

- Compris... je ne le ferai pas et je la protégerai !

- C'est moi qui est sensé dire cette phrase, pas toi, rétorqua Balsa en croisant ses bras contre son chest. »

Ils éclatèrent de rire.

« Balsa, lorsque tu pousseras, ça ne doit jamais excéder plus de quinze minutes.

- Pourquoi pas plus que quinze minutes ? demanda Balsa encore.

- J'aime tes questions, Miss ! Déjà que l'énergie principale a été prise par les contractions et la dilatation, les mères en devenir sont déjà épuisées à cette étape. Ce pourquoi nous avons différentes positions pour accélérer la sortie du bébé, et nous épuiser le moins possible.

- Des positions ?!

- Oui. Nous utilisons généralement la gravité, ce qui inclut toutes les positions à la verticale. Tu peux te suspendre à un morceau de tissus ou à une corde, te pencher en avant, sur une table, debout sur tes jambes, ou t'accroupir. Cette dernière position est la position traditionnelle et l'une des plus efficaces. J'ai accouché dans cette position très souvent et elle soulage énormément. Si Tanda est assez gentil avec toi, il pourra te servir de support si tu choisi la position accroupie. »

Les deux parents en devenir se regardèrent et Tanda affirma qu'il prendrait bien soin de soutenir Balsa.

« D'accord et y a-t-il d'autres positions ? reprit Balsa.

- Pleinement. Tu peux te mettre à quatre pattes, t'asseoir. Toutes les positions sont bonnes, sauf une seule.

- Une seule qui est nocive ?! s'étonna Tanda.

- Oui et il s'agit de la position allongée sur le dos, les jambes écartés.

- Comme quand on fait l'amour... généralement ?

- Exactement. Cette position n'est aucunement naturelle dans un accouchement. Couchée sur le dos, une femme ne peut pas utiliser de la gravité pour s'aider et va s'épuiser plus rapidement. Elle ne poussera pas convenablement et il y a des risques plus grands de déchirures dans cette position.

- Je peux déchirer ?! se scandalisa Balsa. À cet endroit ?!

- Ça peut arriver, mais crois-moi, Balsa, il y a des moyens pour les éviter. Des compresses d'eau chaudes, pousser plus doucement lorsque la tête se pointe. Quand on commence à voir la tête, tu peux avoir l'impression de sentir un anneau de feu à cet endroit. Tu auras l'impression que la tête recule après chaque poussée, mais c'est normal, il faut étirer, préparer et dilater les muscles. Au bout d'un moment, la tête ne bougera plus. On appelle cette phase "le couronnement", la naissance est imminente.

- Quoi ?!

- Oui et crois-moi, c'est probablement le plus beau moment de la naissance. Et enfin, la tête finira par sortir d'elle-même.

- Combien de temps la tête du bébé peut rester hors... eh... hors de mon corps ?

- Tant et aussi longtemps que tu n'auras pas fait sortir les épaules. Si le cordon ombilical est toujours à l'intérieur de ton ventre, le bébé n'a pas besoin de respirer même si la tête est sortie. Mais il ne doit pas rester plus de cinq minutes. Si c'est le cas, la sage-femme va aider la mère à dégager le bébé. En général, nous évitons le plus que possible de toucher le bébé, mais il faut aider de temps en temps. Une fois le bébé sortit, nous attendons que le pouls du cordon cesse de battre avant de le couper. »

Balsa et Tanda se regardèrent à nouveau, comme s'ils avaient peur d'oublier un élément important.

« Les positions que j'ai énoncé ne sont que des suggestions. Ça ne veut pas dire que la position initialement choisit sera dans laquelle Balsa finira par accoucher. Tout se fera par instinct.

- Par instinct ? demanda la lancière.

- Ton corps sait comment donner naissance. Certes, le premier accouchement est plus long et il faut être patient, mais faire confiance à ton corps et en tes capacités innées est la meilleure des choses. Ton corps ne te mentira jamais. Enfin, la troisième phase est l'expulsion totale. Il s'agit du délivre, ou le placenta. Cet organe a agi comme un filtre pendant les neufs mois de la grossesse et a nourri le bébé. Une fois l'enfant hors du ventre, il n'est plus d'aucune utilité. Pas besoin d'aide extérieure, ton corps le fera sortir de lui-même. Tu auras l'impression d'accoucher une deuxième fois...

- Oh... comme si je n'en avais pas eu assez avec la dilatation, la perte des eaux, la poussée et la tête...

- Cette étape est la plus dangereuse. »

La lancière réprimanda un frisson et l'ambiance de la pièce, chaleureuse et enjouée, devint alors extrêmement froide et un malaise se fit sentir.

« Pourquoi ? osa demander Tanda, ne désirant pas perdre Balsa.

- Lorsque le délivre se détache et sort, le ventre se contracte pour arrêter le saignement. Il y a un très gros risque d'hémorragie pendant cette période précise et s'il manque un morceau, il faut aller le chercher et se charger que le ventre se durcisse. S'il ne durcit pas, le saignement ne s'arrêtera pas. »

Voyant que Balsa ne disait plus rien et était pâle comme un drap, Torogai reprit sur un ton plus rassurant.

« Toutefois, j'ai eu trois accouchements et je n'ai jamais vécu d'hémorragie. Tanda m'a posé la question de "pourquoi" cette étape était la plus dangereuse, et j'ai seulement répondu. J'ai foi en toi, Balsa. Tu seras assez forte pour survivre à l'accouchement, mais plusieurs femmes très fortes que j'ai connues en sont décédées. Mauvaise position, stressées ou pas assez d'énergie afin de pousser convenablement, je ne saurai dire. Mais avec tous les conseils que je t'ai offert, moi et Tanda à tes côtés, nous nous chargerons que tout se passe bien et que toi et l'enfant ne mourriez pas.

- D'accord... hé bien... merci pour le cours ! la remercia-t-elle.

- Je me sens prêt ! annonça Tanda.

- Tant mieux ! conclut Torogai. Enfin, je peux mettre à profit mes connaissances sur cet événement, ô combien, important dans la vie de jeunes parents ! »

Torogai se redressa aisément. Balsa se tint le dos et se massa le bas de la colonne vertébral en soupirant, faisant ressortir son ventre.

« Est-ce que ça va, Balsa ? s'inquiéta Tanda en posant une main sur son ventre.

- Oui, ne t'inquiète pas, soupira-t-elle. Mais mon dos me fait vraiment mal depuis les dernières semaines... je sais que je suis habituée d'avoir des courbatures suite à mes entraînements... mais ça, c'est différent.

- Est-ce que tu veux que je te masse ?

- Non... »

Tanda la regarda, encore très insistant. Elle ne lâcha pas son regard, puis, malgré elle, elle sourit de façon réservée.

« ... D'accord..., abandonna-t-elle. Tu as gagné. »

Elle prit place sur un gros coussin, à quatre pattes et laissa Tanda ouvrir son kimono pour l'abaisser et avoir accès à son bas du dos. Elle tenta de se relaxer et se laissa, pour les rares fois, dorloter. Il termina de la masser et la laissa se rassoir, pour se remettre sur ses jambes par la suite. Chose qu'elle ne fit pas. Elle resta assise-là, à ne rien faire. Il l'entendit soupirer.

« Besoin d'aide ? offrit-il.

- Oui, s'il te plait... »

Tanda prit ses mains et l'aida à se remettre sur pied. Balsa sortit dehors avec sa lance. Une des choses qui lui faisait plaisir fut qu'elle pouvait toujours continuer de s'entrainer. Elle faisait ses entrainements quotidiens et faisait le vide dans son esprit. Elle était, certes, un peu plus lente, mais cela lui apportait une joie immense. Après avoir pris des notes sur le cours de Torogai sur la natalité, Tanda sortit dehors et s'accota contre un arbre. Il regarda Balsa s'entrainer et sourit.

« Une lancière enceinte qui combat et tient une lance, on aura tout vu. »

Balsa se retourna et juste par amusement, pointa sa lance vers son visage.

« Alors je dois être la première ! sourit-elle avant de poser une main rapide sur son ventre. Le bébé s'amuse autant que moi quand je m'entraine ! Iel bouge beaucoup.

- Ne me dis pas que tu as futur guerrier dans le ventre, s'amusa Tanda en s'empressant de mettre sa main là où Balsa lui indiquait.

- Mon rêve ! »

Tanda s'agenouilla et posa sa tête contre son ventre avant d'enlacer le corps de Balsa. Il donna un bisou et frotta sa joue contre.

« Nous avons vraiment hâte de te rencontrer, murmura-t-il. À qui ressembleras-tu le plus ? Balsa ou moi ?... »

Il se mit alors à fredonner une berceuse.

Je ne te vois pas encore, mais j'aimerais déjà te rencontrer.

Fuu-uu... Je me demande à quoi ressemblera ton visage.

Fuu-uu... Je me demande comment sera ta voix.

C'est un nouveau matin,

C'est un nouveau vent

Qui a été préparé juste pour toi.

C'est un nouveau matin,

C'est une nouvelle lumière,

Le monde n'est là que pour toi.

C'est un nouveau matin,

C'est un nouvel arc-en-ciel,

Le monde est rempli de merveilles.