Note - Nouvelle version, 2021 : Le titre est une traduction d'une chanson chantée par Britney Spears ("Someday I will Understand") et également très représentatif de ce qu'est le deuxième chapitre de ma fanfic. Il s'agit de l'unique scène de naissance de ma fanfic entière, alors si vous n'êtes pas à l'aise, sentez-vous libre de sauter ce chapitre.

Toutes les recherches effectuées pour ce chapitre ont été faites il y a plus de 12 ans... alors tout a été de mémoire.

Bonne lecture~

Ransa no Moribito

Gardien des Lanciers


Chapitre 2

Un jour, je comprendrai

Le printemps dans Nayug était à son apogée. Le soleil de cet univers parallèle se reflétait sur Sagu en tant que seconde lune et pendant trois nuits consécutives, il y avait deux pleines lunes dans le ciel. L'une était bleutée : c'était celle de Sagu. L'autre était auréolée d'une couleur rosée et légèrement plus grosse : c'était celle de Nayug. L'attraction était très puissante entre les deux mondes lors de ces phases lunaires. Et dans quelques jours suivant les doubles lunes, Balsa aura atteint ses vingt-quatre ans. La nuit était tombée.

« Tiens bon, Balsa, tenta un Tanda impuissant.

- J'ai mal..., gémit Balsa, agrippée aux bras du jeune Yakue. »

Elle ne portait que son kimono gris qui lui servait de pyjama et ses cheveux étaient détachés.

« Ça fait plus de douze heures que je suis en douleur... je suis épuisée. On dirait que je me bats contre Jiguro depuis le tout début des contractions... »

Elle laissa échapper un grognement. Torogai se dépêcha de rentrer dans le refuge. Elle vit que Tanda avait déjà tout préparé : du lit de médecine, avec une corde suspendue à la poutre la plus solide du refuge, à la bouilloire d'eau chaude au-dessus du feu, aux serviettes propres en coton ainsi que les instruments pour la coupe du cordon ombilical et de possibles points s'il y a lieu.

« Je suis sûr que Jiguro doit être avec nous en ce moment, émit comme hypothèse Tanda.

- ... C'est de ta faute, grogna Balsa.

- Quoi ?

- ... Oui, c'est de ta faute. Tu m'as mis enceinte et à cause de toi, je ne peux pas me reposer à cause de ces maudites contractions. Tu ne me toucheras plus !

- Ma faute ou celle du bébé ?

- Les deux ! »

Tanda dévisagea Torogai, décidemment déconcerté des paroles de Balsa qui ne faisaient aucun sens. Son maître lui fit signe de délaisser Balsa un moment. Elle alla proche d'elle. La fatigue pouvait se lire sur le visage de la jeune femme Kanbalese.

« Ca fait des heures que je déambule dehors et dans le refuge..., murmura Balsa. Aucune position ne soulage ma douleur... et je n'ai pas perdu les eaux, je suis fatiguée, je suis épuisée. Je n'en peux plus... je n'en peux plus...

- Aller Balsa, agenouilles-toi. Je suis là, tout ira bien. »

Torogai aida Balsa à s'asseoir sur ses genoux et elle écarta les cuisses pour laisser de la place à son ventre énorme. Elle avait la tête basse et quand une nouvelle contraction la prit d'assaut, Balsa ne crut jamais devoir se mettre à pleurer d'inconfort. Torogai, agenouillée à son niveau, posa une main rassurante sur son épaule alors que Balsa sanglotait et grognait.

« Je sais que tu es épuisée et c'est normal. En état de grande fatigue, on a l'impression que plus rien ne fonctionne et on n'en voit pas la fin. Regarde tout le travail que tu as fait, tu t'en sors très bien. Reprends ta respiration...

- Je ne suis plus capable de continuer... Je vais tuer quelqu'un... urgh... Ça fait trop mal. »

Balsa se mit à paniquer, désespérée.

« Je ne peux pas le faire... je n'en peux plus ! Je veux juste qu'iel sorte !

- Balsa, regarde-moi, la reprit Torogai dans un fort murmure. Regarde-moi... »

La jeune femme croisa son regard épuisé dans le sien.

« Relaxe et respire à fond. Ne te laisse pas aller à la panique. Je sais que tu es fatiguée, que tu as mal partout. Mais tu ne peux pas contrôler ce qui t'arrive. En ce moment, c'est ton bébé qui décide. Laisse faire la douleur, ne lutte pas contre elle, accompagne-là. Ton enfant doit sortir et tu es en train de faire un passage pour lui...

- Torogai... Je ne peux pas... j'ai mal...

- Fais juste relaxer... relaxe, Balsa... tout vas bien. Détends-toi... respire le plus lentement possible comme je le fais. Reste calme... Regarde-moi. Observe mes yeux. »

Torogai posa sa main sur la joue mouillée d'une Balsa exténuée.

« Tu es en train de faire un passage pour ton bébé qui veut sortir... Ne ferme pas les yeux, je sais que tu es très fatiguée. Laisse-toi aller, laisse-le faire. Iel doit sortir... Laisse aller la douleur, ça te fera moins mal. Maintenant, je vais te demander de te déconnecter de la réalité et te laisser porter dans ton monde intérieur. Tu dois te concentrer sur ton enfant et sur toi en premier lieu. Oublie tout. Tu dois te concentrer comme au combat pour que le monde ne soit réduit qu'à toi et ton bébé. Peux-tu le faire ? »

La sensation que Balsa ressentait avant chaque combat revint en elle. Elle comprenait ce que Torogai lui disait et elle avait raison. Tanda aida Balsa à se redresser doucement et une flaque d'eau s'échappa entre ses jambes.

« Enfin ! s'exclama Balsa en retirant son sous-vêtement. J'ai perdu les eaux !

- Tu vois ? Il fallait juste qu'on te rassure, ma belle, sourit Torogai. Abandonne-toi... »

Balsa figea et se tint le ventre.

« Ça pousse... je ne peux pas contrôler !

- Où ton instinct t'emmène-t-il, Balsa ? »

Elle regarda la pièce, se dirigea vers la corde suspendue et regarda Tanda.

« J'ai besoin de toi... il faut que tu me soutiennes quand je vais m'accroupir.

- On y va, sourit Tanda en détachant son kimono, démontrant son énorme ventre. »

Tanda s'assit sur une caisse de bois, proche de la corde et du lit de médecine. Balsa prit la corde entre ses mains, et doucement, s'accroupit proche de Tanda. Il l'accueillit dans ses bras, elle, dos à son abdomen et plaça ses bras sous ses aisselles pour lui servir de support.

« Vous faites ça comme des champions, commenta Torogai en venant prendre place proche d'elle. Redresse un peu ton dos, Balsa. Voilà. Place tes pieds bien à plat, comme ça, écarte un peu les jambes, parfait... »

Il eut une pause et enfin, Balsa poussa en suivant le rythme de son corps. Tanda caressa doucement son front puis son ventre. Il prit une serviette qu'il humidifia et la passa délicatement sur son front et dans son cou. Elle poussa encore et comme un réflexe, referma un peu l'ouverture de ses cuisses. Sa respiration devint de plus en plus saccadée et rapide. Sa contraction termina alors qu'elle geignit.

« C'est bien, tu t'en sors très bien. Reprends ta respiration, conseilla Torogai. »

Balsa plaça sa tête dans le cou de Tanda, qui en profita pour passer la serviette humide dans son cou à nouveau, et elle ferma les yeux en reprenant de son mieux. Quelques secondes plus tard, elle poussa à nouveau dans un gémissement plaintif. Le cercle de cheveux s'élargissait au fur et à mesure qu'elle poussait et que la tête progressait. Elle poussa encore dans un grognement, resserrant son emprise contre la corde à un tel point que ses jointures étaient blanches et que ses ongles lui rentraient dans les paumes. Elle reprit enfin sa respiration. Torogai mouilla une serviette d'eau chaude et la déposa proche de la tête du bébé qui était maintenant visible pour protéger et détendre les muscles.

« Tout vas bien. Je vois la tête.

- Ça chauffe... grimaça Balsa. Ça brûle...

- C'est normal. Aller, encore un dernier effort à la prochaine contraction, la tête est presque sortie, annonça la chamane. »

Tanda épongea son front et lui vola un bisou furtif dans le cou avant de resserrer son emprise.

« Tout ira bien, notre enfant sera bientôt-là..., murmura-t-il. Tu en es capable, t'es forte Balsa. Sors la tigresse qui est toi.

- Pousse le plus doucement que tu es capables, conseilla Torogai. Je suis là. »

Balsa inspira et poussa lentement et plus profondément en grognant de douleur en s'agrippant à une main fermement aux bras de Tanda, tenant la corde de l'autre main. Elle ferma les yeux. La tête apparut doucement et elle lâcha un cri en sentant la tête débloquer d'un seul coup. Tanda redressa un peu Balsa en la tirant vers lui. Torogai sourit.

« Et voilà la tête ! Une seconde poussée pour les épaules... tu vas y arriver ! On a presque fini. »

Balsa se pencha un peu plus par en avant afin d'y ramener une main proche de la tête du bébé. Tanda resserra son étreinte sur ses épaules. Elle toucha les cheveux, fascinée à la fois curieuse. Il eut une pause, et enfin, deux dernières poussées. Dans la dernière, le bébé glissa dans les bras accueillant de Balsa ainsi que dans ceux de Torogai, juste au cas. Balsa lâcha la corde soudainement et elles attrapèrent le bébé sous les bras. Rapidement, la lancière attira l'enfant rapidement contre elle, contre sa poitrine. La douleur cessa d'un coup, elle sentit son ventre être libéré d'un poids comme un grand vide et le bébé se mit gigoter lentement, comme endormit avant de se crisper et de se mettre à vagir faiblement.

« Mon bébé... ! murmura-t-elle, comme si elle n'en croyait pas ses yeux. Mon bébé... mon trésor... !

- C'est une fille ! s'exclama Torogai.

- On l'a fait, pleura Tanda. On l'a vraiment fait... »

La nouvelle maman s'assit sur le lit, aidée par Tanda, exténuée et pris plus solidement sa fille en l'observant. Balsa sourit, les larmes aux yeux et la colla contre elle, contre sa poitrine avant de l'inonder de bisous. Tanda les couvrit toutes les deux d'une chaude couette avant de les entourer de ses bras de façon protecteur et de caresser doucement et timidement la tête du bébé. Le regard du poupon croisa celui de Tanda, un regard profond qui le fit sentir déjà comme un « père ». Balsa était submergée par pleins d'émotions en même temps et n'était pas capable de s'arrêter de pleurer.

« Bonjour, mon cœur... tu es si jolie ! Tout vas bien, c'est fini... la douleur est partie et tu es là... dix petits doigts, dix petites orteils... déjà des cheveux... Tanda, regarde comme elle est petite...

- Oui, j'ai vu... Bienvenu parmi nous, mon cœur, susurra-t-il. Elle est magnifique ! Est-ce qu'on l'a vraiment fait ?!

- Hey, je n'ai pas souffert tout ce temps pour rien ! répliqua Balsa avec un sourire, épuisée, mais heureuse. »

Torogai ne dit rien et se rapprocha pour observer le bébé avec attention. De plus près, on pouvait voir de fines larmes qui s'écoulaient de ses yeux et qui mouillaient ses joues ridées.

« Vous pleurez, maître ? s'étonna Tanda.

- Ne pose pas cette question ! s'irrita le chamane.

- Vous avez le droit de pleurer d'émotions, vous aussi..., essaya-t-il.

- Toi aussi tu pleures, apprenti. »

Balsa regarda son bébé. De longues minutes de silence ponctué de chuchotements s'écoulèrent parmi lesquelles le bébé regardait ses parents et même le chamane, apaisé. Torogai offrit de couper le cordon ombilical avec une lame stérilisée et désinfectée, quelque chose que Tanda fit nerveusement, mais clairement avec une fierté certaine. Pour se faire, elle noua une mince ficelle à cinq centimètres au-dessus du futur nombril ainsi qu'une autre plus loin avec la même longueur. Tanda coupa entre les deux morceaux de ficelles. Il était fortement au courant de son privilège et il savait qu'il était très inhabituel qu'un homme assiste à l'accouchement d'une femme.

Le bébé commença à faire des grimaces avec sa bouche et bougea ses lèvres et sa langue. Balsa pressa sa fille contre sa poitrine et Torogai l'aida à lui donner le sein pour la toute première fois. Dès que la troisième phase termina et qu'ils étaient certains qu'il n'y avait aucun signe d'hémorragie ni déchirures, Balsa s'endormit doucement avec sa fille collée contre elle, veillée par les deux personnes les plus importantes dans sa vie. Ç'avait été une nuit particulièrement forte en émotion et en travail.


Les jours suivant la naissance du bébé, Torogai montra aux nouveaux parents comment changer les langes, donner le premier bain, nettoyer et prendre soin du cordon ombilical restant jusqu'à ce qu'il tombe de lui-même et tout ce qu'ils devaient savoir à propos des bébés. Balsa remarqua un changement important au niveau de sa poitrine, laquelle avait enflée, devenant dur et douloureuse. Torogai lui proposa d'allaiter, ce qui sembla calmer l'effet de pesanteur.

Toutefois, la chamane surveillait avec une attention extrême le bébé, quand les parents étaient en train de se reposer. Alors que Balsa était toujours endormie, Torogai prit délicatement la nouveau-née de son berceau, son corps chaud enroulé dans une douce et confortable couverture, et se mit à la bercer. Assise en tailleur, elle observa le bébé. La loterie génétique avait fait en sorte que le bébé hérite de la peau pâle de Balsa ainsi que de ses cheveux bruns, mais ses yeux, même fermé, étaient en tout point ceux de Tanda.

« Maître Torogai, murmura Balsa, dans la semi-obscurité de l'aube.

- Oui ? répondit-elle, tenant toujours le bébé dans ses bras.

- Où est Tanda ?

- Il est parti couper un peu de bois pour nous garder au chaud, en particulier la petiote. Il voulait aussi faire quelques commissions pour ramener de la bonne nourriture afin de t'aider à reprendre des forces. »

Balsa se redressa lentement sur ses coudes avant de regarder, avec une douceur qui ne lui était pas familière, Torogai bercer sa fille.

« Grand-Mère...

- Grand-Mère ?! s'exclama la chamane Yakue avant de se faire dire "chut" par la lancière. Il n'y a aucuns risques. Les bébés dorment vraiment dur à ce stade de leur vie. »

La nouvelle maman sourit.

« J'espère que ça ne vous dérange pas trop si nous vous donnons le titre officiel de Grand-mère pour notre fille. Tanda est le papa et vous êtes la Grand-Mère. De plus, je devrais vous être reconnaissante. Vous m'avez vraiment bien supportée lorsque j'étais dans l'état le plus vulnérable de ma vie.

- C'est un honneur d'être sa grand-maman.

- Cela peut sembler étrange, ou pas, mais... d'aussi loin que je me souvienne, je vous ai toujours vue comme ma propre grand-mère depuis qu'on se connait... pensez-vous que Jiguro aurait été fier ?

- Et comment ! Il aurait été si heureux de voir ce bébé ! Je sais qu'il est avec nous en ce moment. Même si je ne peux pas le voir, je sens sa présence avec nous. »

Balsa souleva un sourcil, ne sentant aucune présente spirituelle dans la place.

« Au fait, Balsa, comment allez-vous appeler ce bébé ?

- Je ne sais toujours pas, pour être honnête...

- Alors le nom viendra de lui-même avec le temps. Nous le choisirons par instinct, ou dépendant sa personnalité future.

- Bonne idée.

- Qu'est-ce qui se passe, Balsa ? remarqua Torogai comme si elle avait de quoi à dire.

- Je suis un peu confuse, admit-elle. Vous m'avez dit que vous avez eu trois enfants... mais je ne sais pas ce qu'ils sont devenus et vous semblez nerveuse et tendue avec notre fille. Vous la surveillez comme votre propre ombre, jour et nuit... je ne suis pas chamane, encore moins un magic-weaver, mais... qu'est-ce qui se passe avec vous ? »

Torogai soupira et regarda le bébé dormir, caressant sa douce joue potelée du bout du doigt.

« Elle sent si bonne... elle sent la vie en elle-même..., ajouta-t-elle. Je suppose que je peux finalement te le dire, maintenant que tu es une mère aussi. Je ne voulais pas t'effrayer pendant ton accouchement. Mais désormais que le bébé est avec nous, je vais te dire pourquoi. »

Au même moment, Tanda revint avec du bois attaché par une ficelle et de son autre main, tenait un sac qui contenait de la viande et du riz. Balsa lui expliqua que Torogai était sur le point de lui dire quelque chose de très important à propos de son passé.

« J'ai donné naissance à trois enfants. Deux garçons et une fille. Mais mon village était plus pauvre que les autres communes, les terres étaient pauvres et non-fertiles, comme à Kanbal. Alors... les trois sont décédés avant l'âge de quatre ans. Je suis née dans un petit village seulement composé de Yakue. Il n'y a en plus beaucoup de nos jours. Tous les villageois sont des proches et sont reliés, et en vertu d'une loi Yakue, tu ne peux pas te marier mutuellement même si vous êtes cousins éloignés. Alors marier des Yogoese d'un village en aval était très commun. Je suis sûre que tu peux l'imaginer, mais j'étais déjà une fille étrange depuis ma naissance. »

Torogai regarda Tanda, puis Balsa avant de grimacer. C'était la première fois que Torogai leur parlait de quelque chose reliée à son passé, à son histoire. Et c'était un mystérieux et triste récit.

« Se réveiller le matin, travailler toute la journée et dormir. Être mariés, avoir des enfants, vieillir et mourir. Dans ce village où tous les gens pensaient que ceci était la vie normale et que personne ne considérait autre chose de différent, je vivais constamment en pensant qu'il devait y avoir d'autres façons de pouvoir vivre. »

Elle perdit son regard, reportant son attention sur la nouveau-née.

« J'aimais écouter les chansons chantée par les chanteurs voyageurs pendant les festivals. Parce qu'ils me donnaient de si beaux rêves. Rêver de ces lointaines contrées faisait battre mon cœur très vite. Seulement, alors que j'étais coincée dans cette vie morne, de tels rêves restaient endormit profondément en moi, latent comme un feu de foyer. Vous voyez, quand j'ai eu quatorze ans, j'ai été mariée à un fermier que je n'ai jamais rencontré avant, d'un village en aval. »

Une lueur cruelle fut visible dans les yeux de Torogai.

« Il était un homme terrible. Il travaillait dur, mais c'était tout. Il ne se sentait pas obligé d'être gentil envers sa femme et même quand les enfants sont nés, il ne leur a pas montré une affection particulière non plus. Parce que le village dans lequel nous vivions était beaucoup plus pauvre que les autres, les femmes donnaient difficilement naissance à dix enfants, mais seulement quatre d'entre eux survivaient.

- Comme Kanbal, dit Balsa en faisant un lien.

- Oui. À quinze ans, j'ai donné naissance à un enfant aussi, et plus tard, encore et encore. J'ai donné naissance à trois enfants. Mais ils sont tous décédés trop rapidement. Mon mari n'était pas particulièrement triste. Son expression lui faisait presque dire que "c'était juste comme ça". Il pensait probablement qu'il pourrait facilement en avoir d'autres. »

Torogai regarda Tanda.

« Mais je ne pouvais pas penser comme ça. Pendant un moment, après avoir perdu un enfant, j'ai cru que je pouvais entendre ses rires. J'ai cru que j'étais capable de les sentir courir autour de mes pieds quand je marchais. J'ai cru que je pouvais les sentir me toucher et jouer dans mes cheveux quand je pleurais. J'ai cru que je pouvais entendre leur voix et m'appeler quand j'avais le dos tourné... C'est à peu près à ce moment-là que j'ai commencé à devenir étrange. Je ne pouvais pas surpasser cette tristesse comme les autres femmes le faisaient. Les sentiments que je gardais profondément enfuit ont mué d'un simple feu à devenir d'énormes flammes éclatantes. »

Elle prit une pause.

« Après avoir perdu mon dernier enfant, j'ai été appelé par les montagnes. »

Tanda hocha la tête, légèrement. Parfois, les femmes disparaissaient complètement après avoir perdu leurs enfants. La moitié du mois, elles pouvaient être vues, errant autour des montagnes dans des vêtements déchirés et en piteux état. Dans ces situations, les villageois disaient que « la fille avait été appelé par les montagnes ».

« Si tu restes au village, c'est comme si tu ne peux pas respirer. Seulement cueillir des herbes et des fleurs sauvages dans les montagnes peut apaiser ton cœur, termina la chamane. Ce pourquoi je veille votre fille si attentivement... je ne veux pas qu'un malheur lui tombe dessus, ou qu'une malédiction s'abatte sur elle. Je ne veux pas la perdre aussi, confessa-t-elle. »

Balsa sourit doucement.

« Ça n'arrivera pas. Je me sens mieux, maintenant que je sais que notre enfant est en sûreté avec nous. Elle grandira, certainement. Peut-être sera-t-elle une guerrière, ou un futur médecin apothicaire comme son père. Nous ne la laisserons pas mourir. Ayez l'esprit en paix, Grand-Mère. »

Dès lors, le bébé commença à faire des drôles de bruits avec sa bouche. Torogai mit un doigt dans sa petite bouche et la nouveau-née commença à téter, faisant rire Tanda. La chamane rit également avant de regarder Balsa qui s'était redressée et commençait à ouvrir son kimono.

« La petite a faim, dit Torogai, remettant doucement le bébé dans les bras de sa mère.

- Vous allez pouvoir la reprendre juste après, sourit Balsa. C'est votre petite-fille, après tout.

- Elle ne mourra pas, maître, tenta de la réconforter Tanda. Vous aurez le privilège de la voir grandir. Peut-être même pourriez-vous lui enseigner quelques incantations de magic-weaver et un peu des traditions Yakue si cela vous enchante.

- Parfait ! confirma la chamane. »

Balsa porta sa fille à sa poitrine, lui donna le sein et chantonna une berceuse en la berçant doucement.

« J'ai perdu ma mère à l'âge de cinq ans, confessa-t-elle. Je ne me souviens plus de son visage maintenant, mais dernièrement, je me suis rappelée d'elle. C'était comme ça qu'elle me chantait une berceuse Kanbalese. C'était comme ça qu'elle me berçait... oh, oui, j'ai été un bébé une fois, moi aussi. »


Le moment où Torogai explique son histoire et son passé à Tanda et Balsa a été pris du troisième volume traduit, Yume no Moribito. Aussi, les [...] plus tard représenteront des événements qui surviennent au même moment dans ma trame originelle. Quelque chose d'important qui n'est pas nécessairement connu du point de vue du personnage principal.