Nouvelle version, 2021

Ransa no Moribito

Gardien des Lanciers


Chapitre 4

Le garçon appelé Chagum

« Alika ! »

Je lâchai mon passe-temps, qui consistait à construire des couronnes de fleurs sauvages et courus vers le refuge avant d'y rentrer.

« Oui, Papa ? demandai-je.

- Je dois aller porter des commandes au Bas-Ougi. Changes-toi, tu es toute sale, regardes ta robe et ta ceinture ! »

Je regardai ma robe rose pâle Kanbalese qui était identique à celle de Maman, mais avec de longues manches. Il y avait de la terre et de la poussière par-dessus.

« Dépêche-toi de te changer, me pressa Papa.

- D'accord ! »

Je montai dans ma chambre et me changeai rapidement avant de laver les mains. Une fois sûre que j'étais bien propre, je descendis retrouver Papa proche de la porte.

« Me voilà !

- Ah, te voilà mieux préparé. »

Papa me sourit, prit son sac en bois avant de s'emparer de ma cape. En la voyant, je me mis à bouder. J'avais pour habitude de voir la cape de Maman et la mienne, ensembles, mais à ce moment-là, il n'y avait que la mienne... Ça faisait maintenant deux mois qu'elle était partie sans moi à cause d'une stupide embrouille relié au côté peureux de Papa. Voyant ma moue et mes sourcils froncés, Papa me questionna.

« Qu'est-ce qu'il y a, Alika-Chan ?

- C'est quand que Maman revient ?

- Je ne sais pas. En tant que garde-du-corps, elle a un horaire assez irrégulier.

- Mais je veux voir Maman !

- Je ne sais pas quand elle va revenir et qui sait, elle—

- Elle est toujours en vie, l'interrompis-je. Les esprits me l'ont dit.

- Encore tes amis spirituels ? soupira papa.

- Oui. Alors, c'est quand que je revois Maman ?

- Je t'ai dit que je ne le savais pas.

- ... Si seulement t'avais dit oui pour que je la rejoigne avec Murasaki... »

J'entendis Papa soupirer et le sentis attacher ma cape autour de mes épaules. Il prit ma main, mais je décidai de me laisser tomber avec tout mon poids sur le sol. Je piquai de nouveau ma crise de larmes hebdomadaire. Je voulais revoir Maman. Papa décida d'ouvrir la porte et de partir.

« Au revoir Alika, je pars au Bas-Ougi sans toi. On se revoit dans quelques jours. »

Je me redressai et fis la moue. Ça n'avait pas fonctionné cette fois-ci et ça ne l'avait pas arrêté. Je me mis sur mes pieds furieusement et le suivis.

« Tu es devenue très enthousiaste soudainement, plaisanta Papa en verrouillant notre porte. »

Je ne répondis pas et fis ma muette le long de la route. Papa chantonna pendant ce temps et ignorait totalement mon humeur massacrante. J'allais devoir changer de tactique très bientôt. Nous traversâmes la forêt, passâmes sur les sentiers des rizières pour finalement déboucher sur le Bas-Ougi. Nous passâmes sur le pont de bois principal et Papa s'arrêta avant de cogner deux fois du pied. Un garçon au teint mat, aux presque dents de lapin – je trouvais ça drôle – et habillé comme un coursier de rue, apparut devant nous.

« Je me disais bien que c'était toi, Tanda ! Oh ! Avec Alika-Chan ! »

Je ne daignai même pas de faire un sourire. Je pensais encore à Maman.

« Quoi de neuf ? Tu viens pas au Bas-Ougi, habituellement.

- Hum... je suppose que Balsa n'est pas encore passée par là.

- Désolée, mais ç'fait déjà deux ans avec nous, donc M'dame Balsa ne d'vrait pas tarder.

- Hm... j'espère que tu dis vrai. On a une petite cocotte qui s'ennuie beaucoup de sa maman ici. »

Une fille, plus jeune que lui, apparut à son tour. Elle était plus jolie aussi.

« Oh, Tanda-San, Alika-Chan. Vous ne voulez pas faire une halte ?

- Non merci, peut-être la prochaine fois. J'ai quelques commandes pour des herbes médicinales. Alors je vais travailler en ville pour deux ou trois jours.

- Est-ce que tu veux qu'on garde ta fille pendant ce temps ? proposa Saya.

- Je pense qu'Alika veut voir sa maman avant tout. Je vais la garder avec moi, elle aime beaucoup l'aventure.

- Je te l'dirai en premier si j'apprends quelque chose à propos de Balsa-Neesan, dit Tohya.

- Parfait. »

Papa prit ma main et nous continuâmes notre route. Il s'arrêta à son poste de commande, entra dans un petit magasin et s'assit derrière une table. Je décidai de sortir mes papiers origami et me mis à plier des formes que je connaissais facilement. Plusieurs clients, surtout les femmes, le questionnaient très souvent en me voyant.

« C'est votre fille ?

- Oui, se vantait-il en caressant mes deux lulus, alors que je débattais légèrement pour qu'il arrête de faire ça en publique. Elle a six ans.

- C'est une adorable petite frimousse.

- Elle a des traits semblables aux Kanbalese, remarqua une cliente.

- Sa maman est originaire de ce pays, justement.

- C'est une magnifique enfant que vous avez là, Tanda-San.

- Merci. »

La journée tira à sa fin et j'étais fatiguée. Je n'avais pas pu faire ma gymnastique habituelle ni mes entraînements au bô avec mon bâton en bambou. Et Dieu Yoram sait à quel point je ne tiens pas en place si je n'ai pas fait mon sport quotidien. Maman aurait été si fière de mes progrès. Une journée et une nuit passèrent et toujours pas de nouvelles de Maman ! La chance de pouvoir me dégourdir les jambes et de courir un peu se présenta lorsque Papa arriva à court de commandes.

« Je dois retourner au refuge pour aller chercher de nouvelles commandes. Je vais aller te porter chez Saya et Tohya. Tu dormiras là, d'accord ?

- D'accord !

- Surtout : pas de crise de colère et souviens-toi tes manières.

- Papa..., grognai-je. Je suis pas comme ça ! »

Dès que nous arrivâmes à leur refuge, ils n'étaient plus là. Ils avaient déserté la place. Papa et moi jetâmes un œil à l'intérieur : leurs effets personnels n'étaient nulle part.

« Étrange, pensa Papa.

- De quoi ? Que Tatie Saya et Tonton Tohya soient pas là ?

- Oui, un peu. Bon, ce n'est pas grave. Tu vas m'accompagner, je ne pourrais cependant pas te porter sur mon dos.

- Je suis aussi endurante que Maman !

- Ça je n'en doute pas, tu as déjà sa tête de mule, rit-il en touchant le bout de mon nez alors que je secouai vivement la tête, agacée. Allez viens, petite fleur. »


Ça faisait un moment qu'on marchait. Il faisait nuit et il avait commencé à pleuvoir. J'avais mis ma cape par-dessus ma tête. Je n'aimais pas les jours ni les nuits de pluies !

« On est presqu'arrivés, Papa ?

- Oui bientôt.

- T'as dit ça il y a cinq minutes.

- Mais c'est vrai, on arrive bientôt. »

Nous traversâmes les longues herbes qui cachaient notre refuge, lorsqu'on entendit une voix d'enfant crier :

« À l'aide ! Quelqu'un ! »

Papa accourut à l'appel et se dirigea vers le petit étang agité avant d'y plonger rapidement sa main. Il en retira un garçon portant un kimono bleu. Il avait les cheveux noirs attachés avec des objets qui m'étaient totalement inconnus.

« Tout vas bien ?! se renseigna Papa. Que fais-tu donc par ici ?

- Ê-Êtes-vous Tanda ?

- Oui, c'est moi. Tu as de la chance. J'étais en ville un peu plus tôt, mais j'ai eu tellement de commandes aujourd'hui que je me suis retrouvé à court d'herbes que je vends. Je viens de revenir ici. Alors tu es venu après avoir vu mon mot ? Tu as dû en baver pour arriver jusqu'ici. Bien, viens à l'intérieur, sèche-toi. Nous pourrons parler plus tard. »

Papa l'aida à se redresser, mais le garçon agrippa sa manche.

« Qu'y a-t-il ? demanda Papa.

- Balsa est... »

À ce moment, l'entente du prénom de Maman me fit tressaillir et j'allai proche du garçon. Il me regarda, d'un air étonné. Papa nous fit entrer dans le refuge et déposa ses sacs avant de passer une couverture au jeune garçon et une à moi.

« Que se passe-t-il avec Balsa ?

- Je suis poursuivi par des chasseurs qui veulent ma mort, commença-t-il. J'ai été confié à Balsa par ma mère dans le but de me protéger des assassins... Nous marchions dans les rizières quand on nous été attaqués. Je me suis enfui sous les ordres de Balsa, mais elle est grièvement blessée, dans la forêt, étendue au sol ! »

Je regardai Papa, inquiète.

« C'est bon, elle a l'habitude de se blesser. Reste ici avec Alika, je vais revenir.

- Nos préparatifs sont restés proche des rizières.

- Je vais aller les chercher également, sourit-il. »

Papa sortit en courant et je regardai le garçon. Il se mit à m'observer avec la même expression que lorsqu'il était dehors.

« J'ai de quoi sur le visage ? demandai-je innocemment.

- Non, je trouve que tu ressembles beaucoup à Balsa.

- Maman ? Évidemment, c'est ma Maman.

- HEIN ?! »

Il tomba presqu'à la renverse, je ris.

« Balsa a une enfant ? Tu es sa fille ?

- Oui. Je m'appelle Alika et toi ?

- Chagum. »

Je fronçai les sourcils alors que mon commandant esprit me murmurait de quoi à l'oreille.

« ... On a demandé à Maman de te protéger jusqu'à la fin de ses jours, pas vrai ?

- Oh..., se surprit-il. Oui. Comment le sais-tu ?

- Les esprits me l'ont dit.

- Tu vois... les esprits ?

- Oui. Grand-Mère Torogai dit que j'ai les dons Yakue de Papa. Je vois les auras, je vois les esprits, je peux même leur parler et les toucher... j'ai un esprit qui me suit partout et me protège. J'en ai beaucoup, mais lui c'est vraiment un gardien.

- Toi alors..., frissonna-t-il.

- ... Tu as faim ?

- Non, pas vraiment.

- Tu as sommeil ?

- Un peu. »

Je me levai et allai chercher deux gros coussins.

« On va dormir ici en attendant Papa.

- Tanda, tu veux dire ?

- Ouais, mais c'est mon Papa. »

Je me couchai et remontai la couverture à mon menton.

« Bonne sieste, Chagum.

- Bonne sieste. »

J'ouvris les yeux abruptement quand j'entendis la porte s'ouvrir sur Papa. Ce devait être proche le matin. Chagum se réveilla aussi, mais se terra dans un coin pour continuer sa nuit. Quel enfant roi !

« Alika, peux-tu m'aider à faire le lit et me donner mes instruments ? me demanda durement Papa, envahit par le stress.

- Eh, d'accord..., répondis-je. »

J'étais loin d'être compétente dans le domaine de la médecine, mais j'avais souvent vu Papa à l'œuvre quand Maman se blessait ou qu'il avait des urgences et se rendait personnellement chez ledit client. Il m'avait donné des bases, mais je n'arrivais toujours pas à retenir le nom des plantes et les préparations. Le plus souvent, pendant qu'il essayait de m'enseigner, je m'endormais. J'étais faite pour bouger et être une lancière comme Maman, pas médecin. Je n'avais pas peur du sang, mais la vue des blessures qui saignaient beaucoup me rendaient légèrement mal à l'aise. J'étendis le lit et lui apportait un bac d'eau avec des serviettes avant de faire bouillir l'eau afin de stériliser les instruments. Il coucha Maman dessus et je frissonnai à voir son teint de peau aussi livide. J'aidai Papa à retirer ses vêtements et lorsque je vis son entaille, je me sentis devenir faible.

« Papa..., murmurai-je.

- Ne regarde pas, cocotte. Tiens, tu peux nettoyer les vêtements de Maman avec le savon ?

- Oui...

- Après, tu dormiras un peu. »

Je remplis un nouveau bac d'eau et pris la planche à lavoir avant de me mettre dans un coin.

« Ne mets pas de l'eau partout, avertit Papa.

- Non... »

Je fis tremper les vêtements de Maman et pris le savon avant de frotter. Je rinçai à l'aide de la planche et étendit ses vêtements au second étage comme il pleuvait au dehors. Je remarquai la déchirure de son vêtement et me dis qu'une fois séché, je le recoudrai. Je revins à ma place initiale et m'enroulai dans ma couverture, sur le gros coussin, regardant Maman inconsciente.

« Je peux dormir, maintenant, Papa ?

- Oui, ne t'inquiète pas. Tu m'as beaucoup aidée, merci.

- ... est-ce que Maman va survivre ?

- Ta mère est la femme la plus forte que j'ai connue dans ce monde. Si elle a survécu à bien des combats, elle va s'en sortir. C'est une guerrière, après tout. »

Je souris et fermai les yeux. C'était la première fois que je voyais Maman à ce point blessée et revenir inconsciente. Ça me faisait peur...

Ce devait être l'après-midi quand je rouvris les yeux à nouveau. Papa parlait tout bas avec des personnes. Je me redressai légèrement avec une tête endormit et mes deux lulus en désordre. La luminosité naturelle extérieure rendait l'éclairage du refuge doré.

« Ah, on a une petite puce qui se réveille, sourit Tanda.

- Papa ? bâillai-je. Oh ! Tatie Saya et Tonton Tohya... ohayo.

- Nae, Alika-Chan, s'adressa Saya à moi. Tu as passé une nuit mouvementé il semblerait. Tu as dormi longtemps !

- J'ai aidé Papa avec Maman.

- Tu fais une bonne assistante. Es-tu sûre de ne pas vouloir devenir médecin ? »

Je grimaçai et repensai à Maman et sa blessure.

« Nah, finis-je. Je veux être une lancière, comme Maman !

- Je suis désolé, avoua Tohya. Tout est arrivé par ma faute.

- Ne te laisse pas aller, le rassura Tanda. Ce n'est pas de ta faute. C'est parce qu'elle était trop exigeante vis-à-vis elle-même. Peu importe, d'après ce que tu as dit, il semblerait que ce garçon soit le Prince du second palais. »

Cette phrase me sortit de ma léthargie.

« Prince ?! m'exclamai-je. Ah ! C'est pour ça qu'il parlait si... sophistiqué. »

Je me redressai et allai jeter un œil proche de Maman. Je posai ma main sur sa joue et soupirai en voyant qu'elle n'était pas fiévreuse, mais elle suait énormément. Je mouillai encore sa serviette pour la redéposer sur son front et rampai pour prendre la lance des mains de Papa.

« Hey, Alika ! dit-il.

- À moi, fis-je. Oh... il manque la lame...

- Elle est juste ici, indiqua-t-il. »

Lorsque je voulus la prendre, Papa me la retira hors de ma portée. Je fronçai les sourcils.

« Je me blesserai pas avec ! m'indignai-je.

- J'ai eu à recoudre ta Maman toute la nuit et je n'ai pas envie de devoir recoudre la main de ma propre fille si elle venait à se couper par mégarde.

- Tu me fais pas confiance, boudai-je.

- Tu tiens déjà la partie principale de la lance, contente-toi de ça. »

Je grimaçai et continuai de regarder la lance. Saya s'approcha de moi et proposa de me peigner. J'acceptai volontiers et la laissai faire. Une fois bien peignée, je continuai de regarder la lance, obnubilée.

« Jiguro ?! cria Maman soudainement, en se réveillant en sursaut. »

Elle tenta de se redresser avant de se tenir le ventre en gémissant. Elle observa Chagum qui s'était réveillé en même temps. Papa la recoucha lentement alors qu'elle le regarda.

« Toi... Pourquoi es-tu ici ? »

Papa ne répondit pas et redéposa la serviette humide sur son front.

« J'ai encore perdu contre Jiguro, c'est ça ?

- Euh... tu es gravement blessée. À un tel point que ta mémoire est perturbée, je crois bien. Fais un petit effort, rappelle-toi : Jiguro nous a quitté il y a bien longtemps avant la naissance d'Alika. Nous étions ensembles à son chevet, le dernier jour, tu t'en souviens ? »

Maman ferma les yeux à demi. Je sentais que sa souffrance physique l'avait ramenée en arrière, au temps de son enfance. Jiguro Musa, qui l'avait élevée et formée aux techniques de combat, était parfois si sévère à l'entraînement qu'elle en perdait connaissance. Jiguro était d'une force redoutable et il ne retenait pas ses coups de bâton et de poing sous prétexte qu'il se battait contre une enfant. Il poussait son élève jusqu'à ses extrêmes limites. C'est ce que mes parents m'ont expliqué quand ils me parlaient de lui.

Des larmes montèrent aux yeux de Maman.

« Ah oui, c'est vrai... Jiguro est mort... »

Elle se redressa à nouveau, paniquée.

« Combien de temps ai-je dormi ?

- Pas même une journée, répondit Papa la forçant à se coucher.

- Une journée... Tanda, as-tu ressenti une présence aux alentours quand tu m'as trouvée ?

- Il n'y avait que tes empreintes de pas et ton sang.

- Je vois...

- Pas d'affolement Balsa. Je sais. Ce gamin est remarquablement courageux et intelligent. Il m'a tout raconté, à commencer par le fait qu'il était poursuivi. Ainsi, j'ai pris toutes mes précautions quand je suis descendu te chercher. Ne t'inquiète pas, je n'ai vu personne rôder dans les parages. J'ai effacé toutes les traces de sang.

- Tu en es vraiment sûr ? Tu n'as jamais été doué pour les arts martiaux et les jeux de stratégies...

- Ne dis pas de bêtises ! J'ai un meilleur sixième sens que tous les samouraïs du pays ! Et tu peux remercier ces deux-là, dit-il en pointant Saya et Tohya.

- Tohya... merci. »

Son regard alla sur Chagum.

« Tanda, rien ne lui ai arrivé ? dit-elle.

- Rien de spécial. Plus important, il est...

- Je ne voulais pas que tu te retrouves impliqué, soupira Maman. Comme tu l'as su, c'est le Second Prince du Nouvel Empire de Yogo. Il s'appelle Chagum. Juste parce qu'il est possédé, il a presque été tué par l'empereur qui n'aime pas la notion de souillure. Alors la seconde Impératrice m'a demandé d'être son garde-du-corps. Et me voici...

- Ça alors, tu es tellement... j'aurai aimé pouvoir aidé, mais...

- Tanda, je veux que tu découvres ce qui le possède. Si possible, libère-en le.

- Ça pourrait être n'importe quoi...

- Est-ce impossible à moins que Torogai-Shi ne le fasse ?

- Je ne te dirai pas que c'est impossible. »

Papa approcha le prince et je m'approchai de Maman discrètement. Papa posa sa main sur le ventre de Chagum et se concentra. L'espace d'un instant, je vis une lueur bleutée se dégager de l'abdomen du prince, mais Papa recula comme s'il s'était brûlé les mains ou fait repousser.

« Papa ?! »

Il expliqua que ça semblait provenir de Nayug et que ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait gérer avec son niveau en tant que magic-weaver. Enfin, Maman me vit.

« Et comment se porte ma petite Alika ?

- Maman !

- Alika ! allait dire Papa. Ne lui saute pas— »

Trop tard je lui avais presque sauté dessus pour nicher ma tête dans son cou. Elle resserra son étreinte contre moi.

« Tu avais peur que je ne revienne pas, mon poussin ?

- Oui... j'ai eu peur !

- Mais non, tôt ou tard, je serai revenue pour toi ma chérie. »

Je me redressai et fis la moue.

« La prochaine fois, tu dois m'emmener avec toi !

- La prochaine fois, c'est sûr que je vais te faire découvrir les différents royaumes de notre pays. On passera plus de temps ensembles prochainement, me sourit-elle.

- Promis ?

- Promis.

- On va aller à Kanbal, hein Maman ?

- Oui, c'est certain. Tanda, n'y a-t-il pas quelque chose que je puisse manger pour récupérer des forces. Je n'ai pas beaucoup de temps. Combien de temps penses-tu que ça va prendre à mes blessures pour guérir ?

- Ne sois pas ridicule. Dix jours, au mieux, une semaine. Les muscles ne cicatriseront pas aussi vites !

- Je ne peux pas attendre aussi longtemps, paniqua-t-elle. Nous ne savons même pas quand nos poursuivants vont de nouveau se pointer ! Fais quelque chose ! Je ne veux pas t'ennuyer plus qu'avant...

- Quand ai-je dit que tu m'ennuyais ?! Je vais te cuisiner un repas digne de ce nom et je vais également vous protéger de vos poursuivants. Alors arrête de t'inquiéter et concentre-toi sur ta guérison. Reposes-toi, ordonna Papa. »

Je me mis à jouer dans ses cheveux et lui dis que je la protégerai aussi. Je vis un mince sourire s'esquisser sur ses lèvres.