Nouvelle version, 2021

Ransa no Moribito

Gardien des Lanciers


Chapitre 13

Le village de Toumi

Je mis mon kimono rose et mes souliers. Nous allions terminer nos préparatifs pour le voyage.

« Si l'on prend en compte la distance et notre faible allure, ça prendra deux jours à l'aller et au retour, analysa Maman. Soit, environ cinq jours en tout. »

Elle regarda sa bourse remplit d'argent.

« Ça me rend nerveuse. »

Niisan essuya la poussière de ses bottes, agacé.

« Chagum, nous allons nous rendre au Bas-Ougi un moment. J'aimerai récupérer un peu d'argent pour le voyage et nous devons t'acheter des guêtres et un katchl.

- D'accord. »

Lors du chemin, je me tenais toujours agrippée à la main de Maman.

« C'est encore loin ? questionna Niisan.

- Tu comprendras une fois que nous y serons. »

Maman me jeta un œil légèrement inquiet. Je lui renvoyai son regard.

« Maman ?

- Je dois aller chercher un peu d'argent... ça ira bien avec cet endroit ?

- Oui, souris-je. Il s'agit d'un endroit de tranquillité et sérénité... si personne abîme leurs tombes, ils resteront en paix. »

Nous arrivâmes devant le cimetière, d'où la crainte fondée de Maman me concernant. Niisan fut surprit, mais il continua de nous suivre. Quelques esprits, assit proche des arbres, ou en face des tombes me saluèrent gentiment. Mon commandant esprit leur faisait bien comprendre que je n'étais pas de passage pour faire le messager. Maman arriva devant un petit mur fait de pierres rectangulaires.

« C'est ici, si je me souviens bien. »

Elle tâta la pierre du bout de sa lance et frappa quelques coups dessus.

« Balsa ! Qu'est-ce que tu fais ? Tu vas mettre les gens en colère ! »

Je ris un peu en sachant que les esprits étaient détendus et ne se préoccupaient pas des gestes de Maman. Je pense qu'ils l'avaient déjà vu cacher son argent à cet endroit auparavant. Un bruit retentit. Maman me passa sa lance – que je pris de façon presqu'obsédée – et bougea la pierre qui se retira facilement. Elle glissa sa main dans l'ouverture et en ressortit un cube emballé dans un papier sous le regard étonné de Chagum.

« C'était trop dangereux à garder à la maison et trop encombrant à emmener partout. Alors, j'en ai caché en différents endroits, expliqua-t-elle en ouvrant le papier qui découvrit l'argent. C'est le secret grâce auquel nous avons pu vivre sans que je n'aie à travailler comme garde-du-corps.

- Je vois. C'est comme la planque du pic vert.

- La planque ? Oui, tu dois avoir raison. Tu es cultivé. »

Il sourit. Nous nous dirigeâmes vers le marché public du Bas-Ougi.

« Ça va être une sacré randonnée jusqu'au village de Toumi. Nous allons beaucoup marcher, alors tiens-toi prêt.

- Ça ira avec de nouvelles guêtres et un katchl, répondit Niisan.

- Je me demande. Je ne vais pas te porter sur mon dos à nouveau, se moqua-t-elle.

- Ça ira, se froissa Niisan. »

Elle s'arrêta et Chagum lui fonça dessus. J'éclatai d'un fou rire incontrôlable.

« Oups, je suis désolée, rit-elle. Prenez ça et allez-vous acheter quelques hekimooms.

- Oh, c'est bien vrai ?! s'écria-t-il.

- Oui. Passer aujourd'hui, vous ne pourrez pas en avoir pendant longtemps, alors marchandez bien et achetez-en plein.

- D'accord ! Viens, Alika. »

Il me tira si rapidement que j'en fus déstabilisée.

« Prenez garde à pas trop vous éloigner ! avertit-elle. »

Niisan trouva le marchand d'Hekimooms et commanda deux paquets en négociant fermement sous mon regard enjoué. On nous donna notre commande et nous étions prêts à aller rejoindre Maman lorsqu'un grand homme aux longs cheveux blancs apparut devant nous. À la vue de ses vêtements, je savais déjà qu'il venait de la cour et n'était, en aucun cas, un roturier comme moi.

« Prince Chagum, murmura-t-il.

- Euh ? Shuga ? s'étonna Chagum, troublé. »

Ils restèrent un moment sans bouger, sous le choc.

« Votre Altesse. Dans quel état déplorable êtes-vous. »

Il voulut approcher sa main de lui, mais Chagum recula en me mettant en arrière de lui comme pour me protéger.

« Il y a trop de gens ici. Allons par là-bas. »

Il changea de direction et Chagum le suivit sans aucune hésitation. Je lâchai sa main, je ne voulais pas suivre cet inconnu. Même si son énergie dégageait une sorte de bienveillance, pour le moment, je savais que ses intentions étaient plus égoïstes qu'autre chose. J'avais analysé les informations dans son énergie : il était accompagné d'une bande d'hommes et ils blâmaient Maman pour je-ne-sais quelles raisons. Je pris la fuite et retrouvai Maman rapidement qui avait fini de faire ses achats. En me voyant aussi paniquée, elle me demanda ce qu'il y avait.

« Il y a un homme bizarre... il porte des vêtements d'aristocrates et semble connaître Niisan...

- Où sont-ils allés ?

- Ils sont partis à une place pas loin des hekimooms, mais j'ai eu peur. Alors je suis venue te voir...

- Je vois..., comprit-elle en serrant les dents avant de me prendre par la main. Allons chercher Chagum dans ce cas. »

Ils ne furent pas difficiles à retrouver, cachés dans une ruelle adjacente.

« ... En conséquence, plus personne ne pourrait vous blesser, Votre Altesse.

- C'est une affirmation forte intéressée, l'interrompit sévèrement Maman. »

L'homme que j'avais vu se redressa et nous observa.

« C'est donc vous, Balsa.

- D'abord, tu envoies des assassins à ses trousses, et maintenant que les circonstances ont changé, tu veux le récupérer ? N'est-ce pas une attitude intéressée ? siffla-t-elle en utilisant un langage informelle alors qu'elle montait les escaliers, sans doute pour récupérer Niisan.

- Tu te trompes, Balsa ! riposta Niisan.

- En effet. Vous avez toute ma gratitude pour avoir protégé Votre Altesse jusqu'à présent. Toutefois, nous n'avons désormais plus besoin de vos services. Nous vous acquitterons de vos crimes et vous offrirons une confortable récompense. »

Maman sembla étonnée.

« Il semblerait qu'il y ait confusion. Je ne l'ai pas protégé pour de l'argent. Je le protège car sa mère m'a demandée de le protéger jusqu'à la fin de mes jours. Seule la Seconde Impératrice pourrait en décider autrement.

- Alors je devrais également parler en son nom.

- Ce n'est pas suffisant, rétorqua-t-elle en continuant de maintenir son bout.

- Je comprends que vous vous inquiétez pour lui après avoir partagé ses joies et ses peines pendant si longtemps. Mais cela ne saurait avoir une quelconque importance, désormais. Je vous saurais gré d'accepter cela et d'y renoncer. »

Elle s'approcha encore.

« Malheureusement, je ne peux pas faire ça, même si la Seconde Impératrice venait le chercher en personne.

- Quoi ?

- Je ne sais pas à quel point tu comprends l'entité qui le possède, mais il y a des raisons qui m'empêchent de le laisser retourner à la cour.

- Hein ? s'étonna Niisan.

- Que savez-vous ? s'intrigua l'aristocrate de plus en plus.

- Allons-y, Chagum, ordonna Maman en ne répondant pas à sa question. »

Elle menaça gestuellement l'homme de sa lance même si son protège-lame était toujours en place. Je lâchai sa main pour qu'elle puisse prendre celle de Niisan.

« Votre Altesse ! Le Prince Sagum est décédé, annonça l'aristocrate.

- Que voulez-vous dire ? s'inquiéta Chagum, soudainement.

- Il semble que ses devoirs en tant que Prince de la Couronne aient été trop lourds pour lui. Il est décédé paisiblement, comme s'il dormait, il y a quelques jours.

- C'est un mensonge.

- Non, ce n'est pas un mensonge. Lancière. C'est ainsi que sont les choses. Si le Prince Chagum ne revient pas, l'agitation s'emparera de la cour. Nous ne pouvons fermer les yeux sur vous et vos "raisons". C'est ainsi. Je finirai par vous envoyer un messager.

- Je refuse, réfuta-t-elle, décidemment ennuyé de son attitude.

- Si vous insistez pour emmener Son Altesse, alors vous devrez me tuer. Si vous ne le faites pas, j'enverrai immédiatement une force armée à vos trousses. Je sais déjà où vous vous cachez et je crois devinez que vous avez même votre enfant avec vous, menaça-t-il me regardant droit dans les yeux. »

Je couinai en me cachant derrière Maman.

« Il ne fait aucune doute que celle-ci est la vôtre.

- Comment ?

- Votre Altesse, tout le monde attend impatiemment votre retour. Je vous servirai du mieux que je le pourrai. Je vous en supplie ! »

Maman s'énerva enfin, retourna sa lance et lui planta le bout métallique non tranchant au milieu du torse. Elle l'avait frappé à l'endroit le plus fragile, là, où tous les nerfs se rejoignaient. Il s'effondra au sol.

« Chagum, je t'expliquerai de quoi il en retourne une fois que nous serons en chemin.

- Attend, Balsa. Mon frère–

- Allons-y.

- Shuga ! »

Nous partîmes à la course. Le restant du trajet se fit en silence et dans une ambiance lourde. Maman était devenue taciturne, ses pas étaient furieux. Elle tenait toujours le poignet de Chagum dans sa main, fermement. Je vis Papa et courus vers lui.

« Vous êtes en retard, indiqua-t-il en me caressant le dos après un légère étreinte. Que se passe-t-il ? Il est arrivé quelque chose ?

- Nous sommes tombés sur une personne de la cour, répondit Maman.

- Et que s'est-il passé ?

- Nous avons réussi à nous enfuir car ce n'était pas un guerrier, mais je suis sûre que nous allons être poursuivis très rapidement. Partons directement pour le village de Toumi.

- Mais qu'en est-il des préparatifs de ton voyage ?

- Nous ne serons absents que pendant trois jours. Nous nous en sortirons.

- Je suppose qu'on ne peut rien y faire. Qu'est-ce qu'il y a, Chagum ? le questionna Papa alors que Niisan regardait ailleurs.

- Il semblerait qu'il s'entendait bien avec la personne sur laquelle nous sommes tombés. Et nous avons appris que le grand frère de Chagum, le Prince Sagum, était décédé.

- Mais, ça veut dire que...

- Mais pour le moment, nous avons des choses beaucoup plus importantes à gérer. Nous n'avons pas le choix.

- Quelles "choses plus importantes" pourrait-il y avoir ? Mon frère est mort ! s'indigna Chagum.

- Je t'ai dit que je t'expliquerai pourquoi plus tard, pas vrai ? Pour l'instant, fais avec et pars devant avec Tanda et Alika.

- Que comptes-tu faire ? lui demanda Papa.

- J'ai laissé la carte de Toumi au moulin. Je pense qu'on s'en sortirait sans, mais je vais quand même aller la chercher au cas où. Si nous quittons la ville maintenant, nous éviterons à coup sûr d'être repérés. Pars devant et rejoins Torogai, s'il te plait.

- Écoute, si jamais tu es inquiète pour le moulin, je pense que tout ira bien comme ça.

- Je veux juste m'en assurer. Prends soin de Chagum et d'Alika. »

Et elle partit en courant. Mon commandant esprit décida de l'accompagner afin d'offrir sa protection. J'aidai Papa à porter quelques bagages et regardai Niisan. Son aura était maintenant de couleur grise, ce qui signifiait la plupart du temps une déprime passagère, ou, dans des cas plus extrême, une dépression. Nous marchâmes un long moment dans le silence, tendus, alors que la nuit tombait. Moi-même je n'avais aucun sujet intéressant à raconter. Après quelques kilomètres, nous prîmes une pause, sur les marches sculptées à même une montagne. Le chemin devait sans doute mener à un point de repos. Chagum était toujours aussi déprimé.

« Est-ce que... Maman va être correcte ? demandai-je en m'approchant de Papa.

- Oui... elle ne se sent juste pas très en sécurité, me rassura-t-il en me prenant dans ses bras. As-tu vu la personne de la cour ?

- Oui.

- ... Alors ainsi il serait au courant de ton existence.

- Je pense que Maman aime pas ça...

- Elle ne parle jamais de toi à des étrangers pour pas qu'un malheur ou quelque chose de grave puisse t'arriver.

- ... Papa ?

- Oui ?

- Je peux avoir un petit frère ou une petite sœur ?

- Aucune idée.

- Maman m'a dit comment on faisait les bébés...

- Eh ?!

- Parce qu'on m'a traitée de bâtarde. Maman a dit que j'étais une enfant naturelle. C'est vrai ?

- Oui, je suppose que c'est bien vrai, mais tu n'es pas une bâtarde, tu es notre fille. »

Je souris en attendant Grand-Mère et le retour de Maman.


Grand-mère Torogai-Shi arriva à son tour et je pus enfin me rendre au point de repos, dans un petit temple. Maman prenait beaucoup de temps, et ce n'était pas dans son habitude faire ça, surtout en cas d'urgence. Même mon commandant esprit n'était toujours pas revenu. Grand-Mère offrit une cape à Chagum et Papa me donna la mienne pour contrer le froid. J'étais en train de m'assoupir quand Papa prononça un nom familier. Je vis mon commandant esprit également.

« Balsa ? Tu es en retard, encore une fois. Je craignais que tu te sois fait capturer par quelqu'un de la cour.

- Où est Chagum ? demanda-t-elle.

- Il est juste-là, répondit Grand-Mère en sortant à son tour, vite suivit de moi. On m'a expliqué ce qu'il s'était passé. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous rendre directement au village de Toumi.

- Oui.

- Alors dépêchons-nous.

- Balsa. J'aimerai retourner à la cour juste une fois, pour en apprendre un peu plus sur mon frère. Si mon frère est vraiment décédé, je...

- Non, le coupa Maman sévèrement. Je ne peux pas te laisser retourner à la cour. Je t'expliquerai pourquoi plus tard. De plus, la priorité est de semer nos poursuivants. »

On se mit en route rapidement. Papa s'inquiéta de savoir si j'allais tomber endormie durant le trajet, mais je répondais vivement que j'étais aussi endurante que Maman et que j'étais capable de marcher seule, que je n'étais plus un bébé. Et comme un regain d'énergie, je reprenais la marche avec plus de vigueur, têtue et trop orgueilleuse. Pour Chagum, ce n'était pas la même chose. Il était exténué et n'avait plus de volonté pour avancer. Il tomba sur ses genoux.

« Est-ce que ça va ? s'inquiéta Papa avant de retirer son sac de son dos. Je vais te porter sur mon dos. Aller, ne fais pas le timide.

- Avance par toi-même, Chagum, décréta Maman. Comme le fait Alika alors qu'elle est plus jeune que toi. »

Sa comparaison me surprit, soudainement. Elle qui m'avait amadouée à considérer Niisan comme mon égal et me rassurer qu'il n'y avait aucun favoritisme ni compétition entre nous, me mettait soudainement sur un pied d'estale. D'un côté, je me sentais fière et un peu supérieure, mais d'un autre côté... c'était quand même chiant de sa part. Je vis mon commandant esprit se mettre un claque sur le front.

« C'est bon, Balsa, répliqua Papa. Je vais bien.

- Si Tanda te porte, qui portera son sac ? Torogai-Shi ? Moi ? Alika ? Ou est-ce que Tanda te portera avec son sac ?

- Tu n'avais pas besoin de le dire comme ça !

- Très bien, je marcherai tout seul, répondit Niisan. Nous pouvons continuer, mais je veux que tu me parles de cette "raison" et de l'œuf à l'intérieur de moi... Cette raison plus importante que la mort elle-même de mon propre frère.

- Nous n'avons pas le temps pour ça actuellement. »

Grand-Mère observa la route, songeuse.

« Quel est le problème ? la questionna Papa.

- Je suis perdue... »

Ce fut à mon tour de me mettre une claque sur le front et affichai un regard blasé. Finalement, nous trouvâmes une petite grotte dans laquelle nous pouvions se reposer un peu. Chagun n'avait rien dit depuis que Maman lui avait ordonné de marcher seul... il ne me regardait même plus. Pourquoi Maman m'avait-elle mêlé dans tout ça ? Peut-être que c'était pour le motiver un peu... Après m'être reposée, je mangeai quelque chose d'inconnue, mais comestible et la route reprit. Grand-Mère vit un fruit sur une branche basse d'un arbre et tenta de l'attraper avec sa petite taille en sautant, ce qui me fit rire.

« Maître, ce chemin est-il vraiment un raccourci ?

- Cette route devrait nous faire gagner une demi-journée. Beurk !... Il n'est même pas mûr ! »

Je me mis à rire. Grand-mère parvenait toujours à nous divertir, même quand ce n'était pas son intention première. Nous trouvâmes un point d'eau où l'on pouvait s'y abreuver, puis escaladâmes une montagne avant de traverser un tronc d'arbre qui servait de pont entre deux montagnes. Papa le fit tomber dans le ravin pour éviter d'être poursuivi.

« Le temps en montagne est vraiment changeant, observa Papa, une fois dans une nouvelle grotte.

- Ça veut juste dire que la pluie va bientôt se calmer, dit Grand-Mère. »

Maman revint avec un oiseau qui était tombé dans un piège conçut à cet effet.

« Butin ! m'écriai-je en le voyant avant de le pointer du doigt.

- Oh oui, un petit butin, sourit Maman.

- Oh oh ! On dirait que nous allons manger quelque chose de potable pour la première fois en deux jours, se réjouit Grand-Mère.

- Tu dois être affamé aussi, Chagum, tenta Papa. »

Niisan ne dit toujours rien, toujours profondément ancré dans sa déprime. Soudain, un bruit de feuillage retentit. Nous nous mîmes sur nos gardes.

« Un singe ?

- Non, une personne. »

Trop curieuse, je suivis Papa pour retrouver Maman. Une jeune fille portant un chandail rose typique des gens Yakue et au teint plus mât que Papa reposait sur le sol. Elle était tombée et semblait essoufflée.

« Êtes-vous du coin ? lui demanda Maman, pointant sa lance sur elle, avec son protège-lame. »

Je rejoignis Maman et pris sa main.

« Euh..., commença la jeune fille alors qu'elle croisa le regard de Papa. Vous devez être de la famille de Kunda-San...

- Hein ? se surprit Papa. »

La jeune fille habitait le village de Toumi et accepta de nous montrer la route. En chemin, je m'arrêtai un moment en voyant une belle grosse branche, assez solide et droite qui terminait en forme de Y. Elle était un peu plus grande que moi. Je frappai un rocher pour vérifier sa solidité et souris. Papa avait continué de marcher avec Grand-Mère, la jeune fille Yakue et Chagum, mais Maman s'était arrêtée pour m'attendre.

« Maman ! Regarde, j'ai trouvé une branche ! Je peux l'avoir pour m'entraîner ?

- Bien sûre que si, mon trésor.

- Super !

- C'est une bonne chose que tu aies pu trouver cette branche, elle m'a l'air très rigide et assez droite.

- Ah ? Pourquoi ?

- On a eu un petit problème avec le moulin à eau, commença-t-elle. La raison de pourquoi j'ai été en retard avant de partir en voyage c'est parce que le moulin a pris feu. Tous nos biens ont brûlés. Heureusement que Papa avait la majorité de nos choses, mais ton bâton en bambou n'a pas pu être sauvé. »

J'exécutai une moue triste. Je n'avais rien de très important, sauf si ce n'est ma petite robe provenant directement de Kanbal et mon bâton en bambou... qui n'était plus.

« Hey, souris petite fleur, dit mon commandant esprit. Tu as trouvé une belle branche pour t'entrainer !

- Au moins j'ai une branche pour le remplacer, répétai-je à Maman. »

Maman rattrapa la conversation dans laquelle Papa et la fille Yakue étaient plongés.

« Je vois, alors tu connais mon grand-père, s'exclama Papa.

- Oui. Kunda-San a pris grand soin de ma famille, alors j'ai immédiatement su que vous aviez un lien avec lui, Tanda-San.

- Je vois, dit Grand-Mère. Alors tu ressembles à tes grands-parents. Au fait, se pourrait-il que ce soit...

- Oh, c'est de l'alcool de mashira que j'ai récupéré sur la montagne.

- Je le savais ! s'enivra-t-elle en s'approchant un peu trop près de la jeune fille Yakue.

- Maître, s'il vous plait, s'exaspéra Papa en la retirant plus loin. »

La jeune fille regarda Chagum avant de me faire un sourire que je lui renvoyai dans l'immédiat. Elle regarda l'entrée du village de Toumi et sauta dans les ornements qui étaient fait en os de Nahji. Grand-Mère nous expliqua qu'il s'agissait d'un charme de séparation des chemins. On secoue les os attachés à la corde pour éloigner les mauvais esprits. Mon commandant esprit n'était pas mauvais et le charme ne lui fit rien. Chagum ouvrit soudain la bouche pour la première fois en deux jours et dit qu'il en avait déjà vu dans des villages Yogoese. Papa lui confirma qu'il s'agissait d'un des nombreux exemples de copie des traditions Yakue par le peuple de Yogo. Les faire pendre à l'entrée des villages était la vraie façon de faire. La jeune fille regarda une dernière fois Niisan et partit en courant.

« Allons-y, on dirait que Toumi se trouve tout juste derrière cette colline, annonça Grand-Mère. »

Papa passa sous les os, Niisan sauta sous le regard de Maman et cette dernière me prit par les hanches pour me soulever afin que je puisse les secouer à mon tour. Une fois dans le village, je vis des femmes qui tissaient des paniers, d'autres qui cultivaient des légumes et des fruits ou élevaient des animaux en liberté. Tout le monde nous regardait, intrigués, mais je savais que c'était de la curiosité et non pas du mépris.

« Alors c'est bien vrai que le style de vie antérieur Yakue depuis l'arrivée du peuple Yogoese existe toujours, songea Grand-Mère.

- Je suppose qu'il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils soient curieux à propos de Chagum et moi. Même Alika semble se fondre un peu dans le décor, commenta Maman.

- Mais... Maman... j'ai la peau aussi blanche que toi et tes cheveux...

- Mais tu as quelques traits Yakue et les yeux de ton père. »

Un vieil homme vint nous accueillir.

« Ah bienvenu ! Je suis le Doyen du village, Souya. Nous n'avons pas eu de visite depuis de nombreuses années. Êtes-vous le petit-fils de Kunda-San ? demanda le doyen en regardant Papa de plus proche. Vous êtes vraiment son portrait craché ! »

Tout le monde se mit à rire et moi également. Je l'avais vu un court instant quand je m'étais retrouvée seule avec Niisan et Papa.

« Malheureusement, Kunda-San est décédé il y a deux ans.

- Pour vous dire la vérité... nous ne sommes pas venus rendre visite à mon grand-père, mais pour consulter votre sagesse ancestrale. Nous aimerions en apprendre plus sur le Nyunga Ro Chaga. »

À cette annonce, les Yakue s'agitèrent un peu. Je sentis leur tension.

« Eh bien, nous ne devrions pas rester ici pour en parler. Venez d'abord chez moi, s'il vous plait. Nous pourrons discuter là-bas en toute intimité. »