Nouvelle version, 2021

Ransa no Moribito

Gardien des Lanciers


Chapitre 18

Mutation

Ma fièvre se calma dans les deux jours qui suivirent mes premiers symptômes de rhume. Je restai quand même un peu plus faible qu'à mon habitude, mais j'allais beaucoup mieux. J'avais un peu perdu la notion du temps, mais je savais que le printemps approchait. Un matin, je me levai plus tard qu'à mon habitude. Je me changeai dès que mon pied se posa sur le sol et allai dans le salon pour manger un peu de gruau de riz. Je vis Maman entrer à son tour alors que je bougeais la louche dans la marmite mijotant de gruau.

« Bon matin, Alika.

- Bon matin Maman. Tu as déjà mangé ?

- Hmmm, pas encore, grimaça Maman.

- Et Niisan ?

- Je pense qu'il fait encore dodo, avoua-t-elle. Quoique se lever tard ne lui ressemble pas... »

Je déposai mon bol de gruau sur le palier en bois et proposai à Maman d'aller vérifier l'état de Niisan. Il avait peut-être attrapé froid et commençait peut-être un rhume à son tour. Sa chambre était plongée dans une semi-obscurité et je pouvais entendre un léger ronflement. Maman s'agenouilla à son niveau.

« Hé, Chagum, est-ce que ça va ? Tu fais la grasse matinée ?

- ... Je ne me sens pas bien..., avoua-t-il en levant un regard ensommeillé.

- Le rhume d'Alika a trouvé refuge chez toi ? Tu te sens enrhumé ? questionna Maman en tâtant son front. Pourtant je ne décèle aucune fièvre. Alika, peux-tu aller chercher Papa et lui dire de venir, car Chagum ne se sent pas bien ?

- Oui ! »

Je retrouvai Papa qui était revenu au salon et était en train de mettre de l'eau à chauffer.

« Papa, Niisan se sent pas bien.

- Oh ? s'étonna-t-il. Il est fiévreux ?

- Non, Maman m'a envoyé te chercher.

- Allons vérifier son état. »

Papa entra dans la pièce et toucha Niisan derrière son oreille avant de prendre le pouls via son poignet.

« Effectivement, le pouls est un peu lent, dit-il au bout de quelques secondes. Tu sens autre chose, Chagum ?

- J'ai sommeil... comme si je n'avais pas fermé l'œil depuis deux jours... »

Il n'eut pas terminé sa phrase qu'il se rendormit comme une masse. J'aurai pu le secouer et lui crier dans les oreilles de se réveiller, rien ne l'aurait retiré de son sommeil. Mes parents se regardèrent.

« C'est l'œuf, d'après toi ? hasarda Maman.

- Je ne sais pas. Ça ne m'a pas l'air d'être rhume, en tout cas. Le printemps approche, il est possible que l'œuf se développe et provoque une mutation dans le corps de son hôte...

- Le bébé œuf que Niisan porte dans son ventre grandit ? compris-je. »

Maman éclata de rire face à ma métaphore.

« Oui, on peut dire ça. Tu es drôle, ma cocotte. Que faut-il faire, Tanda ? On le réveille ou on le laisse dormir ? Et s'il ne se réveillait plus ?!

- Pas d'affolement, Balsa... si son état est causé par l'esprit des eaux, il ne lui arrivera rien de fâcheux. Si c'est à cause du Ralunga, on devrait être en mesure de sentir une présence menaçante. Et personnellement, je ne sens rien. Est-ce qu'Alika sent quelque chose ? »

Il me regarda. En dehors de mon commandant esprit qui aiguisait son arme, je ne sentais rien de plus dans la grotte.

« Rien, dis-je.

- Et toi, Balsa ? »

Maman tenta à son tour de se concentrer pour essayer de capter quelque chose d'inhabituelle dans l'atmosphère autour de Niisan.

« Non plus, rien, annonça-t-elle. Mais notre ennemi n'est pas un humain ni un esprit. Il s'agit d'une créature de Nayug. De ce fait, je ne suis pas sûre que nous puissions nous fier à nos sens.

- Je vais être en mesure de devoir te contredire, annonça Papa. Chagum est un être de Sagu et si Ralunga veut l'attaquer, il va bien falloir que la créature se montre dans notre dimension. Je suppose que si un tel monstre se trouvait actuellement à proximité de notre positon dans Sagu, nous le sentirions. Mais je vais quand même essayer de jeter un œil... »

Je m'accotai sur l'épaule de Maman et regardai Papa frotter ses mains l'une contre l'autre et plisser les yeux, marmonnant une sorte de prière. Ensuite, il retira doucement la couette de Niisan et posa ses mains sur sa poitrine. Maman et moi retînmes notre souffle en voyant que les mains de Papa étaient devenues floues et que le phénomène avait gagné la poitrine de Niisan, comme si les deux corps se mêlaient. Soudain, Papa retira vivement ses mains, haletant comme s'il avait manqué de souffle.

« Ça va ? lui demanda Maman. »

Il ne répondit pas sur le coup, mais au bout de quelques instants, une fois son souffle retrouvé, il répondit enfin :

« Pffiou, c'était pénible !... effectivement, l'œuf a muté. On aurait dit un cœur qui bat, maintenant.

- Le cœur du bébé est en bonne santé, répondis-je, amusée. »

Maman ravala un fou rire et me caressa les cheveux avant de reprendre son sérieux.

« Je suis quand même inquiète, maintint-elle en fronçant les sourcils. Chagum abrite une créature en lui, est-ce que vraiment sans conséquence ? Je pense à certaine espèce de guêpes qui pondent leurs œufs à l'intérieur du corps d'un insecte. Chagum ne risque-t-il pas de se faire dévorer de l'intérieur comme eux ?

- Je ne pense pas, argumenta Papa en secouant la tête et balayant une mèche de cheveux dont la sueur avait collé sur son front. Je n'ai remarqué aucun signe d'affaiblissement. Son corps appartient toujours à Sagu.

- Mais il a dit qu'il se sentait lourd et regarde : il ne se réveille même pas.

- Cela me semble correspondre à un phénomène de croissance normal. Son corps doit s'adapter au mûrissement de l'œuf. Ça demande une très grosse dépense énergétique. Comme lorsque tu es enceinte et es sur le point de donner naissance... »

Maman arqua un sourcil.

« Tu ne t'en souviens pas, mais avant la naissance d'Alika, quelques semaines avant l'accouchement, tu dormais énormément. Concernant l'état de Chagum, tu ne me crois pas parce que c'est moi qui te le dis. Mais Maître Torogai ne disait rien d'autre. Si elle croyait Chagum en danger, elle m'aurait prévenu. Tout vas bien, ne te fais pas de souci !

- M'ouais, s'ironisa Maman en scrutant Papa. Je te trouve bien calme...

- Vraiment ? Eh bien, c'est peut-être parce que justement, il n'y a pas de raison de s'alarmer. À vrai dire, je m'attendais à une réaction de ce type pour Chagum. Aller, à table maintenant ! Nous n'avons qu'à laisser évoluer la situation, de toute façon, nous n'avons pas le choix. »

Nous revînmes au salon et je remarquai que mon gruau de riz était désormais froid. Comme je n'y avais pas encore touché, je demandai à Papa si je pouvais le remettre dans la marmite pour le réchauffer. Il me permit de le faire et je me resservis à nouveau avant d'entamer mon plat. Papa prit un bol et remit la louche à Maman pour qu'elle se serve à son tour. Elle fit une grimace.

« Balsa, ça ne va pas ? dit-il.

- Tanda, l'odeur du gruau me donne la nausée..., avoua-t-elle.

- T'as mal au cœur Maman ? T'es pas malade toi aussi ?!

- Excusez-moi... »

Elle déposa rapidement la louche et courut à troisième vitesse vers les latrines. Je l'avais observé avec ma cuillère dans la bouche avec un regard stupéfait. Je déposai encore mon bol et ma cuillère et courus pour la retrouver avec Papa sur mes talons. J'arrivai dans les latrines faiblement éclairées avec la bougie qui avait été allumée-là pour la nuit. Maman était agenouillée et reprenait sa respiration. Elle vomit une deuxième fois et Papa alla la soutenir, frictionnant son dos.

« Urgh, ne trouva-t-elle qu'à dire.

- Maman, est-ce que ça va ? demandai-je, apeurée.

- Ne t'inquiète pas, ma belle... ce n'est que passager. »

Elle me regarda et força un sourire. Mes parents se regardèrent et je les vis hocher la tête comme s'ils se donnaient un accord mutuel.

« Approche. »

Je la rejoignis de plus près. Elle prit ma main et l'apposa doucement sur son ventre. Sur le coup, je ne compris pas pourquoi.

« Tu te souviens quand tu demandais sans arrêt quand tu allais avoir un petit frère ou une petite sœur ?

- Oui.

- Je crois que ton souhait va être exaucé, sourit-elle. Iel est là depuis un mois déjà.

- Je vais être grande sœur ?! s'exclamai-je.

- Hé oui, sourit Papa. Es-tu contente ?

- Oui, je suis vraiment contente ! »

Je sautai dans les bras de Maman.

« Quand Niisan va se réveiller, je voudrais lui dire, je peux ?!

- Je ne vois aucun problème, sourit Maman en se levant. Cependant... j'aimerai prendre une marche avec toi, ma belle.

- Une marche ?

- Oui.

- Tu es sûre que ça ira, Balsa ? la questionna Papa.

- Oui. Je vais mieux. »

Nous sortîmes de la pièce. Elle prit ma main, mais je la retirai vivement avant d'aller chercher mon bâton. Trop fière comme d'habitude et je repris sa main. Nous mîmes nos capes, nos bottes et nos gants avant de sortir à l'extérieur. Nous prîmes un chemin quelconque dans la neige et se promenâmes en forêt. Ça sentait le froid, la neige, la pureté de la nature. J'étais bien.

« Tu voulais qu'on parle ? dis-je.

- Oui.

- À propos du bébé ?

- Exactement.

- Qu'est-ce qu'il y a, Maman ?

- J'ai repensé à ta crise contre Chagum et ta peur de te faire remplacer. Si je m'occupe du bébé à sa naissance, vas-tu... être jalouse, comme ça l'a été avec Chagum ?

- Non. Parce qu'iel sera plus petit que moi et qu'iel sera vulnérable... Niisan est aussi plus grand que moi. Le bébé, lui... c'est qu'un bébé. C'est mon commandant esprit qui m'a dit tout ça. »

Maman sembla soulagée.

« Et je vais t'aider avec le bébé aussi ! ajoutai-je fièrement.

- Je vois. Alors ça me rassure.

- Je suis vraiment contente ! »

Soudain, j'eus un souvenir en tête. Je ne parvenais pas à me rappeler précisément quand, mais je sais que je m'étais réveillée au milieu de ma nuit et que mon commandant esprit m'avait limite ordonné de me recoucher et de me mettre la tête sous l'oreiller. Papa et Maman respiraient bizarrement...

« Maman... ?

- Oui ?

- Une nuit, cet hiver, je t'ai entendue avec Papa... »

Maman se figea.

« Vous parliez pas, mais vous respiriez très fort comme si vous étiez essoufflés... vous faisiez quoi ? Tu t'entrainais ? T'avais mal ? »

Je vis de nouvelles rougeurs sur ses joues.

« Je crois que ton père et moi avons manqué de vigilance... Tu te souviens de la conversation qu'on a eue, toi et moi, à propos des couples non-mariés et ce qu'est "faire l'amour", n'est-ce pas ?

- Je m'en souviens.

- Hmmm... quand deux personnes font l'amour, ils peuvent gémir.

- Mais tu avais l'air d'avoir mal...

- Rassure-toi, je n'avais pas mal et ton père non plus. Tu comprendras quand tu seras plus vieille.

- D'accord, mais ça fait mal ?

- Non. C'est très agréable... je t'expliquerai quand tu seras plus vieille et il n'y a pas de quoi s'alarmer.

- Papa t'a donné un cadeau et c'est comme ça que le bébé est arrivé, hein ? dis-je en pointant son ventre.

- En effet, tu as tout compris. La prochaine fois, Papa et moi allons se montrer plus discrets.

- D'accord... merci. »

Après quelques minutes, Maman me posa à son tour une autre question.

« Au fait, Alika, peux-tu finalement me dire qui sont tes amis esprits. Tu dois bien connaître leur nom, non ? »

Je m'arrêtai dans la neige et tournai autour de mon bâton, planté le sol gelé, pour faire face à Maman.

« Tu veux vraiment savoir ? dis-je au bout d'un moment.

- Oui. Tu m'as déjà décrit Jiguro alors que tu ne l'avais jamais vue. Tu dis souvent que tu as des amis esprits qui te suivent. Je veux vraiment savoir qui ils sont. »

Je regardai mon commandant esprit qui me fit signe. Je compris à l'énergie qu'il me transmettait que le moment était venu pour parler de lui à Maman.

« ... D'accord, je veux bien. Le premier est un esprit qui veille sur moi depuis que je suis née.

- Il te suit depuis ta naissance ? s'étonna-t-elle. Comme un gardien spirituel ?

- Oui. Il m'a dit de jamais dire son nom à personne jusqu'à ce qu'il me donne la permission... il a choisi que je l'appelle "commandant esprit" à la place.

- Oui, tu en as un peu parlé. Et tu viens de me le dire un peu plus tôt.

- Je peux te dire son nom... il veut bien.

- Dis-le-moi.

- Le commandant esprit qui me suit... c'est Jiguro Musa lui-même. Quand tu m'entrainais pas, il m'entrainait. »

Maman fit une expression surprise.

« Étrangement, je ne suis pas plus étonnée que ça, me dit-elle. Je ne sais pas si c'est ce que toi, ton père et Grand-Mère Torogai appelez "l'intuition", mais j'ai eu de gros doutes quand tu disais que ton "commandant esprit" faisait telle action ou tel geste.

- Ah bon ?

- Oui. »

Je la vis sourire.

« Alors comme ça Jiguro veille ma fille depuis qu'elle a trouvé sa place dans mon ventre et a pris sa première respiration, sourit-elle avec émotions, se parlant pour elle-même. Wow... j'ignorai qu'il y avait une vie après la mort.

- Tu serais surprise par beaucoup de choses, Maman. Jiguro me suit partout. Il est mon gardien. Et... parfois, il y a huit hommes avec des lances le suivent. Jiguro dit qu'il les ramène au bercail parfois... »

La tête de Maman changea.

« Tu es sérieuse ?

- Oui.

- ... Me veulent-ils du mal ? demanda-t-elle en regardant derrière elle, soudain sur ses gardes.

- Non. Ils ne te suivent pas. Ils se promènent ailleurs que proche de toi. Ils viennent quand Jiguro prend un verre... ça veut dire quoi "prendre un verre" ?! »

Maman rit.

« Ça veut dire faire comme Grand-Mère. Avec de l'alcool.

- Erk !

- Est-ce que les esprits... nous regardent quand on est en intimité et qu'on se lave ?

- Non ! ris-je alors que Jiguro, le commandant esprit, se mettait aussi à rire. Ils te laissent tranquille.

- Ouf... je suis soulagée.

- Ils sont respectueux. Ils te laissent tes moments privés. Mon autre amie esprit est une jeune femme... tu ne la connais pas, mais elle est très jolie ! Je l'ai rencontrée quand Monsieur Jin est venu au village de Toumi. Elle s'appelle Mayuna Monaeta. Elle vient parfois me voir et jouer avec moi pour l'heure du thé. Et les autres sont vraiment aléatoires.

- Si les esprits ne sont pas méchants et que Jiguro veille sur toi, je ne vois pas en quoi je devrais m'inquiéter pour ta sécurité.

- Tu veux savoir autres choses, Maman ?

- ... Non. Mais est-ce que ça te déranges de toujours les voir ?

- Non. Je suis habituée... c'est aussi normal pour moi que toi et le maniement de la lance. »

Nous rebroussâmes le chemin pour revenir dans la Grotte des Chasseurs. Lorsque Niisan se leva enfin de son lit et vint nous retrouver dans le salon, je lui annonçai la nouvelle une fois certaine qu'il n'était plus fatigué.

« Niisan ! Niisan ! l'interpellai-je.

- Eh ? Oui Alika-Chan ?

- Je dois te dire une chose...

- Quoi donc ?

- Maman aussi porte un bébé dans son ventre comme toi ! annonçai-je alors que mes parents éclataient de rire.

- Alika, pour la millième fois, combien de fois dois-je te répéter que je ne suis pas enceinte ?!... »

Il s'immobilisa, ayant compris le principal élément de ma nouvelle. Il regarda Maman et Papa qui étaient assis autour du foyer.

« Balsa ! Tanda !... Vous allez avoir un nouveau bébé dans votre famille ?!

- Hé oui ! sourit Tanda. N'est-ce pas merveilleux ?

- À quel point !

- Peu importe ce que les gens peuvent croire, commença Maman, Tanda et moi te considérons comme notre propre fils. Le grand frère d'Alika. Alors tu peux considérer le bébé comme ton futur petit-e fragin-e.

- Je vais certainement endosser ce rôle avec honneur ! Wow ! Es-tu contente Alika ?

- Oui ! Je suis très contente ! »

Chagum continua de s'émerveiller et passait son temps à observer le ventre de Maman, même si le bébé était trop petit pour montrer un ventre bien rond.


Je revins de ma sortie extérieure, après m'être amusée avec Jiguro. J'allai prendre un verre d'eau pour ensuite me rendre dans ma chambre. Une fois dans la pièce, je remarquai un paquet sur mon futon. Intriguée, je regardai autour et ne vis personne.

« Bah... ouvre-le, proposa Jiguro. »

Je pris le paquet et le secouai avant de l'observer : mon nom était écrit dessus. Je l'ouvris et y découvris une queue de renard roux et une queue de loup grise et blanche, toutes deux attachés solidement à une ficelle. Je poussai un cri de joie et les mis toutes les deux à ma taille.

« Jiguro, commandant, regarde ! Ça me va bien, hein ?

- Elles te vont à merveille, sourit-il.

- Joyeux anniversaire Alika ! résonnèrent plusieurs voix derrière moi. »

Je me retournai et vis mes parents et Niisan. J'avais été tellement occupée que je n'avais pas vu le temps passer et que j'en avais presqu'oublier mon anniversaire. Je me redressai et sautai dans les bras de Maman, avant d'embrasser Papa sur la joue et d'offrir un gros câlin à Niisan.

« Aussi... j'ai ce cadeau pour toi, me confia Maman. »

Je vis sa lance dans ses mains.

« Ta lance ?

- Non, c'est la tienne. La mienne repose au pied de l'entrée. Voilà les raisons du "pourquoi" je te faisais porter ma lance de temps à autre et finalement, régulièrement. Maintenant, on va pouvoir s'entrainer, me sourit-elle. Pour de vrai, ensembles, avec de vraies lances ! »

J'étais encore bouche-bée face à ce cadeau. Elle me la mit en main et m'embrassa sur le front. Elle était identique à la sienne, à part le manche qui était de couleur ambre et l'anneau en argent. Voilà, je n'avais d'yeux que pour ma lance désormais. La mienne. Mon arme personnelle. Mon trésor.

« Les deux queues proviennent de Papa et de Chagum. Nous les avons bien empaillés, de sorte qu'elles bougent à chacun de tes mouvements.

- Merci, Maman, Papa, Niisan !... comment vous avez attrapé le loup et le renard ? demandai-je.

- Avec des pièges, me renseigna Maman.

- Et la viande, vous en avez fait quoi ?

- Oh, ma belle, en forêt, en mode survie, tous les animaux sont comestibles SAUF... les canidés... il faudrait que je sois à l'article de la mort pour en manger.

- Ah... alors vous avez remis leurs carcasses à la nature.

- C'est bien ça. »

Je souris. Papa avait fait une recette maison d'Hekimoom et un gâteau de riz avec ses talents de chef cuisinier. On choisit également de fêter l'anniversaire de Maman par la même occasion, comme nous n'étions qu'à trois jours d'intervalles. Je me rappelai le pot en terre cuite que Nimka et sa maman nous avaient offert avant de quitter le voyage de Toumi. C'était du nectar de Sikul.

« On pourrait peut-être y goûter ! m'exclamai-je.

- Bien sûr ! Je vais aller le chercher, répondit Papa. »

Il nous en versa dans de petites coupoles. La texture était liquide comme de l'eau, mais une odeur subtile sucrée pouvait se faire sentir quand je le reniflai. J'y goûtai et le goût était sucré, pas trop non plus.

« C'était un beau cadeau de la part de Nimka, sortit Niisan. C'est très bon.

- C'est la première fois que j'y goûte également, dit Maman.

- Je n'y ai goûté qu'une seule fois, pensa Papa. Quand j'étais en visite pour voir mes grands-parents. Cette saveur me rappelle de nombreux souvenirs nostalgiques de mon enfance. »

Je fis une séance d'entrainement avec Maman et la sensation était vraiment différente. Le bruit métallique résonnait dans la vallée. C'était un son magique à mes oreilles, un son merveilleux qui portait mon esprit loin, très au loin et mon cœur s'emballait. J'étais désormais une lancière, une apprentie certes, mais une lancière en devenir et j'en étais très fière.