Nouvelle version, 2021
Ransa no Moribito
Gardien des Lanciers
Épilogue
Gardien des Lanciers
Le premier nuage se montra peu de temps après l'éclosion de l'œuf, quand je m'entraînais seule avec Jiguro.
« Maman ! m'exclamai-je. Il y a un nuage dans le ciel ! »
Elle sortit du refuge avec Papa et ils levèrent les yeux au ciel. Papa sourit et un rire de soulagement et de bien-être s'échappa de ses lèvres.
« On a manqué le marché d'herbe annuel de Rota cette année à cause de ça, me souvins-je.
- Il y aura d'autre occasion, sourit Papa. Et l'année prochaine, nous aurons un petit bébé avec nous.
- Oui ! m'émerveillai-je. »
La vie reprit son cours rapidement, mais j'avais toujours la sensation d'avoir perdu mon Niisan... ou que ce « Niisan » était simplement parti habiter ailleurs que chez « Papa et Maman ». Je décidai alors de concentrer mon énergie sur le futur bébé quand la déprime d'avoir perdu Chagum m'assaillait. Il fallait que je rende Niisan fier et que je sois cette grande sœur modèle, comme il me l'avait demandé. Trois à quatre mois s'écoulèrent, le temps que les nausées et la fatigue du début de grossesse de Maman s'apaisent enfin. Maman avait confié vouloir retourner à Kanbal et cette fois-ci, elle avait bien averti Papa que j'allais l'accompagner jusqu'au bout. J'étais vraiment heureuse !
« J'ai besoin d'un peu de temps, dit-elle en cherchant maladroitement ses mots. Je voudrais aller voir la famille et les amis de Jiguro, les informer sur ce qu'a été sa vie, ce qu'il a été pour moi... J'avais toujours refusé de le faire, mais je crois que le moment est venu. J'ai été la garde-du-corps de Chagum. Je crois que maintenant, je comprends ce qu'a dû être le sentiment de Jiguro vis-à-vis de moi. C'est pour ça que j'ai décidé de retourner à Kanbal pour raconter toute la vérité. Et si je le peux, j'aimerai retrouver la seule famille que je possède encore là-bas : ma Tante Yuka.
- Je suis content pour toi, de voir que cette idée t'enchante et que tu fais doucement la paix avec ton passé, mais... »
Encore une fois, Papa fit son rabat-joie. Je soupirai d'exaspération, regardant le petit ventre de Maman sous son kimono.
« Ne peux-tu pas attendre après la naissance du bébé ? demanda-t-il. »
Maman lui jeta un regard fatigué, également. Pour cette fois-ci, je sentis que Maman avait les arguments pour convaincre Papa. Simple intuition.
« Je n'étais pas enceinte quand j'étais la garde-du-corps de Murasaki et de sa Maman... et tu n'as pas voulu que j'emmène Alika avec moi. Tu sais déjà que si je retourne à Kanbal après la naissance du bébé, ce sera encore plus compliqué... se promener avec un bébé qui pleure, lui donner le sein, changer ses langes... à ce rythme, je ne pourrai pas retourner à Kanbal avant que le petit ait au moins atteint trois ans de vie. Et tu sais à quel point la présence d'une Maman est cruciale lors des premières années de vie d'un bébé. Et tu sais déjà que l'espérance de vie d'un bébé est encore plus cruciale après la naissance.
- Je sais que tu es impatiente de retourner dans ton pays natal, c'est vraiment un beau projet mais— »
Je levai ma main pour l'interrompre. J'avais beau avoir sept ans, je comprenais la pulsion de Maman de devoir retourner à Kanbal.
« Je sais que tu es inquiet, Papa, dis-je. Mais Grand-Mère m'a toujours appris à me fier à mon intuition d'abord... tu peux avoir l'impression de te tromper. Ou que l'intuition peut être trompeur, mais, parfois, il faut sauter dans la bataille sans réfléchir. Si Maman a ce sentiment que "c'est ici et maintenant", c'est son intuition. Si elle ressent que sa chance sera passée après la naissance du bébé, c'est encore son intuition.
- Alors ce serait "le moment idéal", malgré sa grossesse ? comprit-il.
- Oui, parfaitement. Et cette fois-là, je viens aussi. »
Papa soupira.
« J'ai déjà voyagé avec Alika dans mon ventre, le reprit Maman. Fais-moi confiance.
- Je te fais confiance, certes, mais tu ne pourras pas te battre si tu te fais attaquer par des bandits.
- Je serai-là, moi ! annonçai-je, le regard remplit de fierté et de confiance absolue.
- Hahaha... toutefois, je me demande.
- Tu doutes de mes capacités, Papa ?
- Non, non...
- Mensonge ! Tu veux que je te prouve mes capacités ?
- Non, merci. Je ne doute pas une seconde.
- Il faut vraiment que j'y aille, Tanda. Je t'en supplie.
- Dis-moi pour combien de mois ? Les derniers mois de grossesse sont les plus épuisants. Alors te faire revenir à Yogo pour la naissance du bébé, je ne me sens pas à l'aise... Et si tu pars là-bas pour un mois, si aller à Kanbal prend un mois de marche ou deux semaines à dos de cheval... deux mois ce sont déjà écoulés pour l'aller et pour le retour. »
Maman afficha une expression de surprise. Elle avait une idée derrière la tête.
« Tu n'es jamais venu à Kanbal, commença-t-elle, une lueur de malice dans les yeux. Et écoute, nous pouvons faire un compromis.
- Quoi ? s'étonna Papa. Un compromis ?
- Ta dernière option me plaît d'une certaine manière... Je pourrais aller là-bas pour un mois de vacances et revenir me poser ici. De plus, tu pourrais nous accompagner, Alika et moi. Tu pourras aussi rencontrer ma Tante Yuka et tu connais les bases de la langue Kanbalese. Avec moi et Alika, tu seras parfaitement capable de te débrouiller. Il y aura peut-être des plantes médicinales qu'on ne retrouve que là-bas aussi, des rares. »
Je croisais les doigts pour que Papa accepte la proposition de Maman. C'était un merveilleux terrain d'entente.
« Oh s'il te plait, Papa, le priai-je. Changer d'air te fera du bien ! Maman n'est pas en travail pour le moment... la Seconde Impératrice nous a suffisamment payer pour les dix prochaines années. Et s'il y a un problème, tu peux toujours contacter Grand-Mère avec le peuple de l'eau, non ? »
Il continua de nous regarder.
« Puis-je prendre le temps pour y penser ? dit-il.
- Bien sûre, sourit Maman. C'est pour ça que je te l'ai offert la proposition. Après un mois, nous serons revenus ici et je mettrai au monde notre enfant en toute sécurité. On louera même deux chevaux pour aider. Je serai extrêmement prudente et nous ne ferons que marcher avec les chevaux. Pas de trot ni de galop. »
L'idée des chevaux sembla soulagé Papa un instant, mais je savais que comparativement à Maman, il avait besoin d'être rassuré avant de se jeter à l'eau, comme on dit souvent.
« Balsa, je te déconseille d'emporter ta lance, dit-il.
- Pourquoi ? s'étonna Maman.
- Parce que des hommes plus beaux que moi, tu en trouveras peut-être, mais tu n'en trouveras aucun pour te faire des points de suture gratuitement ! »
Nous rîmes de bon cœur.
« Je ne pense pas que ça puisse arriver, le contredit-elle. Je ne vais pas à Kanbal pour me battre. Mais bien vu. »
Il fallut trois jours avant que Papa nous annonce qu'il venait enfin avec nous. Nous louâmes deux chevaux de Kokku, dont on disait qu'ils pouvaient traverser trois pays en une nuit si on les mettait au galop. Or, nous n'avions pas l'intention de partir au galop, mais Maman éviterait de s'épuiser trop facilement. Je sentis de Jiguro semblait un peu nerveux, et quand je le questionnai à ce niveau, il disait que je ne devais pas m'inquiéter pour lui et de me concentrer sur ma vie du moment. Un peu avant l'aube, je ne dormais plus. J'étais trop impatiente et excitée. Je vérifiai pour la millième fois nos valises. J'aiguisai ma lance et celle de Maman et brossai les deux chevaux de Kokku. Grand-Mère était là et nous souhaita un bon voyage.
« J'aurai enfin le refuge pour moi toute seule ! annonça-t-elle comme si nous étions de vrais parasites.
- Tu vas t'ennuyer, dis-je.
- Je vais certainement en profiter, dans tous les cas. »
Papa avait apporté un banc repliable et s'en servit pour aider Maman à ménager ses forces quand elle se mit en selle. Je montai derrière elle. Papa aussi se mit en selle et observa une dernière fois le refuge. Je ne serai pas surprise s'il se prendrait un petit mal du pays au bout de deux semaines à Kanbal... j'entourai mes bras autour de la taille de Maman et posai mes mains sur son ventre.
« Tu vas voyager avant même d'avoir pointé ton bout de nez, souris-je à l'intention du bébé. On va vraiment s'amuser ! »
Je ne sentis pas ses coups en guise de réponse, mais Maman me confirma qu'elle avait bien senti un coup de pied après avoir entendu ma voix. Nous nous mîmes en route vers les montagnes Aogiri. Les feuilles au-dessus de nos têtes bruissaient sous le vent chaud et humide. Enfin, en route pour mon tout premier voyage à Kanbal !
Merci à tous d'avoir lu jusqu'au bout avec cette toute nouvelle édition, V.3 ! :D
Ceci marque la fin du tout premier Tome de ma trilogie "no Moribito".
Alors pour ceux qui sont curieux de connaître la suite des aventures d'Alika-Chan, il y a second Tome intitulé "Kurasa no Moribito" (anciennement "Yami no Moribito" - le titre est sur le point d'être changé) ainsi qu'un troisième intitulé "Kazoku no Moribito". Si ce n'est pas le cas, j'espère que vous avez grandement apprécié votre lecture~
La version anglaise devrait arriver prochainement - elle se sera publié ici, ainsi que sur mon compte Ao3. Soyez patients pour cette version, cependant, car rédiger mon entière fanfic en anglais va me demander énormément de travail, mais je le fais car j'aime écrire et que je suis une MoriFan Lover 1000x :D
À très bientôt
