Playlist :
Rage against the Machine – Killing in the Name
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Huit heures plus tard, sa nuit trop courte ayant rétréci sa cage thoracique et lui donnant la nausée, Loki course un coréen dans Central Park.
"ARRÊTE-TOI ! hurle-t-il, très énervé."
Bordel, ces quatre clopes étaient une mauvaise idée. Mais il a toujours couru très vite alors il va chopper ce mec. Mais la sortie du parc est tout près, et s'ils le laissent s'égayer dans les rues pleines de fêtards de Manhattan, ça va être l'enfer.
"STOP OU JE TE FLINGUE."
Leur suspect a confiance en sa chance car il s'apprête à passer les barrières, mais se retourne vers Loki pour vérifier s'il a une arme. Une voiture de patrouille sans gyrophare déboule de la rue, et leur cible s'écrase dessus comme un moustique sur une autoroute. Natasha baisse sa vitre pour le contempler tomber au sol contre la portière, totalement sonné.
La russe vient de passer première dans la liste des flics préférés de Loki.
"Bah alors le bleu ? se moque-t-elle en le voyant haleter avec ses mains sur les genoux. On a séché la gym ?"
La russe vient de passer dernière dans la liste des flics préférés de Loki. Oui, même derrière Grincheux, parce qu'il est toujours dans sa petite bourgade endeuillée et ne l'ennuie pas tant que ça.
Il lui fait un doigt d'honneur parce qu'il n'a pas assez de souffle pour lui dire de se mettre sa bagnole quelque part, et Clint, haletant comme une locomotive asthmatique, arrive à leur niveau en manquant de tomber au sol. Il lève d'abord le pouce en remerciement, puis quand Natasha fait remarquer que ce n'était pas lui qui aurait dû prendre du poids avec les jumeaux, il change de doigt pour imiter Loki. Ce dernier passe les menottes aux poignets amorphes de leur suspect en débitant de façon hachée :
-Vous êtes en état d'arrestation… pour violation de confidentialité professionnelle… espionnage industriel… refus d'obtempérer… Vous avez le droit de garder le silence…
-Je connais mes droits, marmonne le type sans un accent, encore tout étourdi par sa rencontre intime avec la vitre.
-Vous avez droit à un avocat…
-Ok le bleu arrête de parler, on a l'impression que tu vas crever.
En grommelant, Loki ouvre la portière arrière et fait asseoir le suspect sur la banquette avant de se mettre à ses cotés.
-Y'a intérêt que ce soit ça, fait-il pendant que Natasha démarre alors que Clint a à peine fermé sa porte, alors enclenché sa ceinture n'en parlons pas, et il s'attache en marmonnant.
-Sinon on est juste partis pour une longue et difficile enquête, le bleu, répond la russe."
Loki est déjà fatigué de ce surnom alors qu'il n'est arrivé qu'hier et qu'il sera sans doute mort avant que ses nouveaux collègues ne l'appellent par son prénom.
"C'est Millow qui m'a balancé, pas vrai ? grogne leur suspect.
-En quelque sorte, fait Clint d'un ton évasif, sans doute parce qu'il voulait la réaction du mec sur caméra pour pouvoir disséquer son expression et savoir s'il mentait ou non."
Après trois heures d'interrogatoire, ils ne savaient que deux choses du coréen : qu'il ignorait que son partenaire en affaires avait été assassiné, et qu'il voulait un avocat.
"Génial, grommelle Clint. Et avec ça, ma nouvelle nounou démissionne, journée géniale, vraiment. Nat, couvre-moi auprès du boss, je dois aller emmener mes gamins à l'école. Heureusement, la maîtresse est revenue.
-Tu as déjà plus de cent heures sup à te faire payer, lui répond la rousse, ce n'est pas un problème. Bon le bleu, des nouvelles de ton formateur ?
-Non, je vais l'appeler."
Elle hocha la tête, et Loki fait sonner la tonalité tout en caressant distraitement la tête de FBI, qui avait sauté sur un bureau pour des gratouilles et ronronne quelque chose comme, plus comme ça s'il te plaît, tu n'aurais pas vu ma souris mécanique, je crois qu'elle est restée au labo, mais le bleu ne l'entend pas parce que son mentor a décroché (et de toute façon, il ne comprend pas le chat).
"On t'a jamais appris la différence entre la nuit, le jour, et durant lequel des deux on passe les coups de fil, le bleu ?
-Il est huit heures, c'est une heure normale pour les gens normaux et je suis debout depuis minuit, ne peut s'empêcher de répliquer Loki, un mal de crâne faisant son chemin et se demandant si c'est légal de la part de Fury de demander à ses agents d'être sur le pont vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
-Qu'est-ce que ta vie est dure mon pauvre chou. Vous avez choppé le coréen ?
-…Oui, répond le mafieux en choisissant de laisser couler, mais il ne sait rien sur la mort de Millow et ne veut rien nous dire sur le reste. Et vous ?
-J'ai été chez les parents. Deux petits vieux afro-américains inconsolables et sans histoire. Mais à priori quelqu'un, la petite amie de la plus grande des trois sœurs, nommée Sarah Watson, maintenant 34 ans et journaliste, était au bord du suicide après le drame, et a parlé plusieurs fois de la venger. Donc je suis allé la voir mais elle n'était pas là, et les voisins m'ont dit qu'elle sortait souvent le soir. Résultat, j'ai fait le pied de grue devant sa maison toute la nuit dans ma bagnole. Et bordel rien de neuf mais maintenant j'ai hyper mal au dos.
-Qu'est-ce que votre vie est dure mon pauvre chou, fait claquer Loki tout en délaissant FBI pour griffonner rapidement « Sarah Watson ? », faisant chouiner le chat de frustration."
Et il est ra-vi parce qu'il entendit un hoquet de surprise puis un grognement de douleur.
"Je pourrais te coller une insulte à agent pour ton insolence, le bleu. Et je me suis brûlé avec mon café, donc j'ajoute coups et blessures. Et j'entends Jarvis miauler, donc t'as encore maltraitance animale sur le dos, allez bim, dix ans de prison et comme ça je ne vois plus ta sale gueule d'ange dans nos bureaux."
Loki hausse un sourcil peu impressionné tout en tapant Sarah Watson sur le clavier pour trouver compte facebook, casier judiciaire, coupures de journaux.
S'il savait. Il a fait tellement pire que ça.
"J'te laisse sale type, elle rentre chez elle, j'te rappelle si j'ai du neuf.
Tony raccroche sans attendre de réponse et sort de sa voiture, mécontent de la tâche brune sur sa chemise.
"Mademoiselle Sarah Watson ? s'enquiert-il en arrivant devant la jeune femme."
Cheveux courts, typée blanche, maigre, cernes violettes sous ses yeux gris, elle a cet air hanté des personnes qui ont trop vécu, et quelque chose de vif dans le regard.
"C'est moi.
-Lieutenant Stark, police de New York, se présente-t-il en montrant son insigne, je peux vous parler quelques minutes ?
-Je comptais prendre une douche rapide avant de filer au travail.
-Vous avez bien le temps pour un café ? New York, ce n'est pas la porte à coté vous savez. Mais les voisins m'ont dit que vous aviez fait une petite virée récemment, alors peut-être que vous êtes au courant.
-Je ne comprends pas vos sous-entendus, lieutenant. Mais entrez, vous verrez que je suis de bonne volonté."
Elle met ses clefs dans la serrure et les tourne d'un mouvement saccadé. Elle semble épuisée et triste, treize ans après, mais il n'arrive pas à compatir parce que les bagages lourds il sait ce que c'est, et lui n'a pas l'air d'un cadavre. Mais bon, peut-être que lui n'a pas étranglé et coupé les testicules du meurtrier de son premier amour deux jours auparavant, sans doute que c'est éprouvant comme activité.
Cette Sarah, il en a entendu parler depuis son arrivée à Little Hollow, et entendre ce prénom partout avait fini par lui filer des soupçons. Les parents surtout, lui offrant du bon thé et des sablés, lui ont dit qu'elle venait manger tous les dimanches, les aidait à joindre les deux bouts malgré leur refus systématique alors elle laissait l'argent dans le micro-onde, et lui avaient finalement défendu d'aller la voir parce qu'elle était beaucoup trop brisée par la mort d'Emily. Enfin, eux aussi, leurs trois trésors martyrisés et partis pour toujours en une nuit. Tony a refusé d'imaginer ce que ça pouvait faire, et c'était encore une affaire que Clint n'aurait pas pu mener jusqu'au bout.
Il pénètre dans la maison, et la première chose qu'il voit est Emily Wilson lui souriant dans son cadre photo posé sur un petit meuble.
"Ҫa ne devait pas être facile, dans un petit bled comme ça, commence Tony, d'être un couple de non seulement deux filles, mais l'une noire et l'autre blanche."
La journaliste se retourne d'un mouvement sec, la bouche ouverte. Elle se retient apparemment de lui hurler dessus, et cherche longtemps ses mots, retenant les plus durs en refermant la bouche puis la rouvrant.
"… Croyez bien, finit-elle par dire d'un ton calme, que j'aurais affronté mille fois toutes ces épreuves qui nous attendaient, plutôt que de devoir vivre dans ce monde sans elle."
Et ça ne lui arrive pas souvent dans une affaire, mais il se sent un peu atteint par cette phrase et les yeux brûlants qui semblent vouloir le foudroyer sur place. Elle n'ajoute rien et partit dans la cuisine faire du café, lui désignant une chaise d'un mouvement de la main.
-Que faisiez-vous avant-hier soir ? lui lance-t-il en s'asseyant.
-J'étais dans le Massachusetts, pour écrire un article sur une bavure policière. J'ai dormi au Big Street Hostel. J'avais imprimé la réservation, si vous voulez.
-Non je vous crois, fait-il d'un ton rassurant.
Quand elle lui tend son café, il a un maladroit mouvement de la main et la tasse se renverse. Il la relève aussitôt, mais la moitié de la boisson fumante a eu le temps de se renverser sur la table.
-Oh pardon je suis navré, s'exclame-t-il.
-Ce n'est pas grave, lâche-t-elle en lui tournant le dos pour attraper l'éponge.
Il profite qu'elle ne le regarde pas pour aller vers le frigo. En entendant le bruit de chaise, elle se retourne d'un bond mais il n'y fait pas attention et continue son geste.
"Vous auriez du lait ? fait-il en ouvrant la porte du congélateur."
Et comme il s'y attendait, les chairs rouges et congelées des organes génitaux de Mark Millow étaient mal cachées derrière les petits pois.
"Ils ont de drôles de spécialités culinaires dans le Massachusetts, commente-t-il en haussant un sourcil. Mlle Sarah Watson, vous avez le droit de garder le silence…
-Vous n'aviez aucun mandat !
-Je cherchais une brique de lait et je tombe là-dessus, je ne vais pas ignorer que je l'ai vu parce que le proc ne m'a pas signé de papelard, pas vrai ? Allez venez, on retourne à New York."
Dans la voiture, Sarah ayant choisi de conserver un silence absolument furieux à l'arrière, et un petit bout de Mark Millow dans une glacière dans le coffre, Tony appelle son bizut :
"Salut le bleu !
-Je m'appelle Loki. Et rien de nouveau ici.
-C'est normal, c'est moi qui ai l'assassin.
-JE N'AI PAS TUE MARK MILLOW ! crache la journaliste.
-Ouais ouais, c'est ça. Donc j'ai trouvé les attributs de notre victime dans le freezer de la petite amie d'Emily, la plus vieille des sœurs…
-C'EST EMILY LA VICTIME ! ET JE VOUS INTERDIS DE PRONONCER SON NOM !
-… et comme t'entends, ça va être une longue route. À tout à l'heure.
