Merci pour les retours, un bisou spécial à Soleil breton, on la remercie d'être là parce que c'est vrai qu'il pleut un peu trop souvent dans cette région.

Playlist :

Lana Del Rey - Serial Killer

Fauve - Voyou

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"Le mariage n'a rien de romantique, malheureux ! Ce qui est romantique, c'est l'emportement, le délire, l'emphase, le sacrifice, le martyre, le meurtre, le suicide."

Eric Emmanuel Schmitt, Les perroquets de la place d'Arezzo

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A New York, derrière le miroir sans tain de la salle d'entretien, Loki range son téléphone et presse le bouton de communication. Natasha cuisinait toujours l'espion de Samsung, et il lui lance :

"Stark a du nouveau.

-J'arrive."

Elle sort de la pièce et le rejoint dans l'autre.

"Il a arrêté l'assassin, annonce-t-il. Sarah Watson, 34 ans, petite amie d'Emily Wilson, elle avait les organes génitaux de notre victime dans son congélo.

-Sympa, commente la russe. Ecoute, je flaire tout de même un truc pas net du coté de l'espionnage industriel, ça fait trop de coïncidences, alors je vais prendre rendez-vous auprès de chargé de communications d'Apple, au cas où.

-Entendu, fait le nouveau, je vais voir Darcy en attendant.

-Mmh il est à peine neuf heures, tu as intérêt à lui ramener un bubble tea.

-Un bubble quoi ? s'enquiert-il d'un air perplexe.

-T'as une boutique juste en bas de l'immeuble. C'est du thé au lait avec des perles de tapioca, elle se drogue à ça. "

Loki fait comme demandé, et si l'ingénieure scientifique grommelle en le voyant arriver et commence à dire que c'est inhumain de la faire travailler aussi tôt, elle a un cri hystérique en le voyant sortir de derrière son dos un grand gobelet d'un liquide beige, l'opercule percé d'une grosse paille orange et des billes noires remuant au fond. Elle court vers lui, se met sur la pointe des pieds et l'embrasse sur les lèvres.

Il la repousse aussitôt en s'écriant :

"WOW, par contre, ça c'est non, il y a quelque chose qui s'appelle l'espace personnel...

-Ah oui pardon ! J'avais oublié que cette chose-là existait. Je suis désolée ? Je ne le ferais plus. C'est ta faute aussi, tu l'as cherché, à m'apporter mes bubulles le matin alors que t'es arrivé de la veille… grogne-t-elle en lui prenant des mains le récipient en plastique et en prenant une première gorgée. Aaah ce truc est trop bon, commente-t-elle avant de claquer trois fois des doigts, faisant s'allumer ses ordinateurs. Qu'est-ce que j'aime faire ça. Bref, j'ai manqué quoi ?

Loki inspire à fond. Elle est folle, oui. Il perd complètement pied avec elle, oui. Mais d'un autre coté, elle n'est vraiment pas dangereuse, alors il peut sans doute laisser couler. Il a promis à Fury qu'ils iraient au bout de leur plan, et il y aurait bien pire à faire plus tard.

"On a attrapé l'espion industriel coréen cette nuit, résume Loki, mais surtout, Stark a arrêté l'assassin.

-Ah bon, s'étrangle-t-elle et les petites billes sautèrent dans le gobelet. Qui est ?!

-Sarah Watson, la petite amie d'Emily Wilson, la plus vieille des trois sœurs mortes il y a treize ans.

-Ah bon, répète-t-elle pensivement. Je ne suis pas sûre à propos de ça. Même si c'est vrai que nous, les homosexuels, avons les histoires d'amour les plus poignantes. Parce qu'elle sont souvent impossibles, mais surtout parce que, je ne sais pas, je crois qu'on se déchire bien plus le cœur que les hétéros. Ou alors c'est parce qu'on est plus romantiques, et qu'on arrive plus facilement au meurtre ou au suicide.

-C'est romantique, ces trucs-là ? fait Loki d'un ton perplexe.

-Comment oses-tu, si tu dis ça tu n'as jamais été amoureux, accuse-t-elle en pointant son index sur sa poitrine."

Il ouvre la bouche, puis la referme parce que c'est vrai. Il faut vraiment être un parent atroce pour mettre dans l'ecstasy dans un biberon, mais il n'a pas d'autre hypothèse qui puisse expliquer le cerveau de cette fille.

"Je le savais, fit-elle en relevant son doigt et sirotant sa boisson. Tu sais quoi, je vais hacker un peu Apple comme me l'a demandé Natasha par texto, et je te dis quand j'ai du nouveau. Tiens, c'est la souris mécanique de Cookie, elle est restée là cette nuit. Pardon pour l'espace personnel, et merci pour le thé.

-C'est rien, ne t'en fais pas, fit-il en prenant le jouet pour chat et en retournant vers l'ascenseur."

Il se passe la main dans les cheveux en montant les étages, et se dit qu'il a besoin d'une dose avant que son formateur ne revienne.

Et comme il le présume, cet interrogatoire se révèle un enfer. Une heure qu'ils étaient assis près de Grincheux à une table dans une salle sombre, tandis que les yeux furieux au milieu de visage fatigué de Sarah Watson suintaient d'envie de meurtre.

"Je ne l'ai pas tué ! assène la journaliste pour au moins la vingtième fois.

-Maintenant ça suffit… commence à s'énerver Stark.

-Il s'était déjà suicidé quand je suis entrée ! Oui, j'avais prémédité tout ce que je voulais lui faire subir, mais je l'ai pas tué ! Il était déjà pendu dans sa chambre la langue dehors.

-On sait qu'il ne s'est pas tué, merde, ne nous prend pas pour des cons ! explose son formateur.

-C'est vous les imbéciles ! crache la jeune femme, sortie à son tour de ses gonds. Vous croyez vraiment que je ne l'aurais pas fait souffrir plus que ça ? Il a torturé et tué l'amour de ma vie ! Jamais je ne lui aurais coupé les couilles alors qu'il ne pouvait plus rien sentir si j'avais eu un autre choix !

-Ok le bleu, tu prends le relais, sinon je vais l'étrangler."

Loki cache sa surprise, et laisse son formateur sortir de la pièce, le laissant seul avec la suspecte. Celle-ci se radosse à sa chaise et ferme étroitement les yeux, sans doute pour ravaler des larmes d'épuisement.

-Mademoiselle Watson, dit-il doucement le calme revenu, vous dites que lorsque vous êtes arrivée au domicile de monsieur Millow, il était déjà mort, c'est bien ça ?

Elle hoche la tête, et soupire :

-J'étais si en colère. Je ne comprenais pas pourquoi il avait eu un si bon timing, comment il avait réussi à échapper à ce que je voulais lui faire. J'aurais dû être heureuse, parce que peut-être qu'il éprouvait enfin des remords de ce qu'il avait fait à Emily et ses petites sœurs. Mais j'étais juste folle furieuse de l'avoir manqué. Je l'ai mutilé parce qu'il n'avait pas eu les couilles de se dénoncer, il ne les méritait pas. Moi, j'ai eu les miennes, de prendre le risque de passer ma vie en prison, comme je vais sans doute le faire. Mais Emily est vengée, fait-elle en relevant ses yeux bleus vers lui, alors ça valait la peine.

-La vengeance n'intéresse pas les gens morts, laisse échapper Loki.

-POURQUOI IL AVAIT LE DROIT DE VIVRE ALORS QU'ELLE, ELLE ÉTAIT MORTE ! s'étrangle-t-elle dans un sanglot en se levant soudainement de sa chaise. Qu'elle allait faire sa vie avec moi ! Je ne vis plus depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais respiré. Alors quand j'ai appris qu'il faisait sa petite vie de sale ordure pétée de thunes, je n'ai pas pu… je n'ai pas pu…

-Qui vous a reparlé de Millow, réalise-t-il soudain, et vous a poussé faire vous venger, treize ans après ?

Elle se rassied, les jambes coupées, son regard vide de fantôme embué par le chagrin.

-J'ai reçu un mail anonyme, avoue-t-elle. Disant que c'était bien lui le coupable. Qu'il y avait besoin de quelqu'un pour faire justice. Avec son adresse à New York, le code de la porte, tout.

Loki détache ses yeux du visage de la journaliste une fois qu'il eut disséqué ses mimiques et vérifié qu'elle ne mentait pas, et reporte son regard sur le miroir sans tain, où devait se trouver son formateur. On avait manipulé l'âme brisée et le bras vengeur de Sarah Watson comme une poupée de son. L'assassin courait toujours, ou plutôt, se prélassait dans son canapé inquiété de rien.

"Nous allons avoir besoin de voir ce mail, afin de montrer qu'on vous a poussé à cet acte, ça devrait alléger votre peine.

-Je l'ai fait en mon âme et conscience, proteste la journaliste.

-Je n'en doute pas, mais avant ce mail, comment étiez-vous ? Est-ce que vous n'aviez pas reconstruit votre vie ? Accepté la présomption d'innocence de ce Mark Millow que tout le monde savait coupable ?"

La jeune femme baisse la tête.

"Je vais coopérer, lance-t-elle pour éluder la question, et vous donner les codes de ma messagerie. Je peux avoir un avocat ?

-Bien sûr. Je vous apporte de l'eau et quelque chose à manger."

Il sort de la pièce en laissant Mlle Watson se recroqueviller et commencer à pleurer doucement. En l'écoutant, il serre si fort la poignée que ses jointures blanchissent.

"Bien joué le bleu, concède Stark, sorti de la salle de surveillance. Tu n'as pas bonne mine, tu tiens le coup ?

-On s'en est servi comme d'un pantin, crache-t-il doucement avant de partir vers le distributeur.

-Il y a tout de même quelque chose de pas net, marmonne Grincheux en le suivant. Parce qu'admettons que quelqu'un a voulu utiliser Sarah Watson comme arme du crime pour ne pas se salir les mains : sa mort était déjà maquillée en suicide quand elle est arrivée pour le tuer… Cela nous fait trois assassins pour le même cadavre, résume-t-il alors que son café coule dans un gobelet rose.

La barre énergétique et la bouteille d'eau tombent avec fracas dans le fond en métal de la machine, et Loki songe à voix haute en les récupérant :

-Pour un type aimé de tout le monde, il en avait des gens après sa peau, songea le nouveau à voix haute.

-Et ça inquiète un peu un type aussi agaçant que moi, pour tout te dire, lui avoue d'un ton amusé son formateur.

La remarque fait légèrement s'étirer les lèvres de Loki parce qu'il a pensé la même chose pour lui-même. Enfin lui, ce n'est pas tant qu'il est agaçant mais un meurtrier et un membre du crime organisé, alors c'est encore plus alarmant.

"Tu sais sourire finalement, fait remarquer Stark.

-Si seulement vous, vous saviez vous taire, soupire-t-il en abandonnant son rôle du bleu docile et intimidé.

-J'aurais pu te coller trois avertissements en vingt-quatre heures le bleu, je vais vraiment mettre ta candidature à la corbeille."

Loki repart vers la salle d'interrogatoire en ne répondant rien et en s'efforçant de se recentrer. Il pose devant Sarah Watson ce qu'il a pris au distributeur avant de lui tendre un papier et un stylo.

"Je veux bien que vous notiez votre adresse mail et le mot de passe de la messagerie."

Sans surprise, le code secret comporte "Emily", et alors que la journaliste trace les lettres familières, une nouvelle larme roule sur sa joue.

"Mark Millow ne s'est pas pendu, ne peut s'empêcher de révéler Loki. Quelqu'un l'avait tué et maquillé l'acte en suicide avant que vous n'arriviez.

Elle lève des yeux ronds vers lui, la marque de son chagrin tombant sur le papier.

'Quelqu'un les a vengées avant moi ?

-On ne connaît ni le meurtrier ni le mobile pour l'instant, voilà pourquoi on était persuadés que c'était vous.

-Alors il a connu la terreur qu'elles ont ressentie. C'est bien. Mais s'il ne s'est pas supprimé, c'est qu'il n'a jamais éprouvé de remords.

-Ou que ce n'était pas lui, avance Loki.

-Que voulez-vous dire ? murmure-t-elle, s'étant légèrement pétrifiée.

-Si on n'a jamais pu établir que c'était lui, soit il était génie du crime, soit il n'était pas coupable. Quelles preuves avançaient le mail qu'on vous a envoyé ?"

Ses lèvres s'entrouvrent, mais rien n'en sort.

"Mangez un morceau, la laisse tranquille Loki, on va vous apporter une liste des avocats commis d'office."

Il sort avec le petit papier et se dirige sans s'arrêter vers le labo.

"Eh le bleu ! l'arrêta Clint, revenu au travail. Quoi de neuf ?

Malgré son envie de voir ce mail au plus vite, il prend le temps de récapituler les dernières avancées, et le flic émet un sifflement impressionné quand il eut fini.

"J'en ai loupé des trucs. Et là tu vas où ? lui demande-t-il.

-Au labo, lire le fameux mail et identifier l'expéditeur.

-C'est super le bleu, t'es investi, motivé et tout, mais il est déjà plus de onze heures du mat', et tout le monde ici à part toi a fait une sieste après l'opération de cette nuit.

-Stark ne l'a pas fait, note-t-il, n'ayant aucune envie d'abandonner cette affaire, Sarah Watson, Mark Millow et Emily Wilson pour aller tenter de dormir, et terminer par ressasser son rôle et sa mort prochaine.

-Tous les camés de New York réunis ont une meilleure hygiène de vie que Tony, alors si tu commences à faire comme lui, tu vas crever en deux semaines. Tu vas voir Darcy mais ensuite tu vas te reposer, tu m'entends ? Sinon, t'as beau avoir le métier dans la peau, on te relègue aux archives. Clair ? "

Il promet d'un ton sincère alors qu'il n'en a aucune intention et Barton le relâche. Il retrouve FBI devant la porte de l'ascenseur, et le voit bondir pour taper le bouton d'appel, qui s'allume pour témoigner de son succès.

"T'es le chat le plus doué que j'ai jamais vu, lui lance Loki.

Et s'il commence à parler aux animaux il est peut-être un peu fatigué par sa nuit trop courte. Le chat miaule de ravissement à son compliment, et Loki fronce ses sourcils avant d'entrer dans l'ascenseur, arrivé devant eux.

Les portes se referment, et il montra à FBI :

"Tu vois, les bureaux c'est ce bouton-là, fait-il en montrant le sixième étage, chez Darcy c'est celui-ci, continue-t-il en désignant le niveau moins un, et Bruce celui-là, termine-t-il en baissant son doigt vers le moins deux.

Le chat se concentre, bondit et frappe le -1 de ses pattes avant.

-Okkk, lâche Loki d'un ton perplexe, c'est moi, ou tu es l'être vivant le plus intelligent de toute cette brigade ?"

Le chat ronronne avant de se lancer dans une longue réplique de miaulements qui ressemble fortement à quelque chose comme : "tu me flattes trop le bleu, avoue tu veux m'avoir à la bonne, mais je me trompe, ou t'es un type ultra louche qu'a jamais fait de la police ?"

L'infiltré cligne des yeux, et se dit que finalement il va écouter Barton.

"Loki et Cookie, chantonne Darcy après leur avoir jeté un coup d'œil, Cookie et Loki, Coulis et Koki, Kikou et Koli- la vache c'est super dur à prononcer pire que les chaussettes de la duchesse, mais ils portaient pas plutôt des bas à cette époque-là ? Est-ce qu'il y avait des la dentelle aux porte-jarretelles ? J'aurais kiffé me faire une marquise, mais ils ne se lavaient pas beaucoup de ce que je sais, alors déjà que quelques heures après la douche ça sent déjà la moule, mais deux mois après, ça doit être encore plus affreux que la poissonnerie de contrebande sur la douzième-

-Darcy, l'interrompt Loki sinon il est encore là ce soir, j'ai besoin que tu m'ouvres une boîte mail.

-Yup, je te craque ça en deux secondes oh t'as les codes ? Mais c'est merveilleux."

Elle jette un coup œil au papier tout en ouvrant la page web, et son sourire se fane.

"Est-ce que c'est elle la tueuse finalement ? s'enquit-elle en passant le pouce sur la tâche ronde encore humide près du prénom féminin.

-Non, tu avais raison.

-Biiiiim, s'écrie-t-elle, qui c'est qui vous a encore niqués au Cluedo Real Life, je veux un D, je veux un A, je veux un R…

-… Mais ça s'est joué à très peu de temps. Elle a débarqué à son appartement avec la ferme intention de l'étriper, et l'a trouvé déjà étranglé et accroché au lustre.

-Retour à la case départ, donc."

Loki ne peut s'empêcher de pousser un petit soupir parce que c'était vrai.

-Tu as l'air épuisé, remarque l'ingénieure, j'ai un canapé tu sais. Avant, je dormais au labo une fois sur deux, mais ma copine a dit que ce n'était vraiment pas raisonnable, alors lui, il se sent seul maintenant.

-Ce n'est pas une mauvaise idée, mais tout à l'heure.

-Et voilà, c'est ouvert, tu cherchais un mail en particulier ?

-Oui, entre deux et sept jours avant, expéditeur sûrement crypté.

Ils n'ont pas à chercher bien loin, parce qu'après quelques mails non lus de facebook, deezer, sa banque qui lui file un troisième avertissement pour découvert, l'un avait pour objet « SON ASSASSIN EST VIVANT ET LIBRE » et était le dernier à avoir été ouvert.

-Oh les ordures, souffle Darcy.

Elle clique dessus alors que FBI se glisse vers eux en marchant sur la table de travail pour quémander des caresses. L'ingénieure le prend dans ses bras et commence à lire silencieusement, tout comme Loki.

« Mlle Sarah Watson,

Comment pouvez-vous dormir ?

Mark Millow a bien tué Anna, Tracy et Emily Wilson, mais il est à présent tellement riche qu'il a acheté le silence des enquêteurs, malgré les preuves qu'ils ont trouvés ces derniers mois.

Il dort dans un bel appartement qu'il possède sur la neuvième rue à New York, a une femme aimante, en résumé, il vit la belle vie alors qu'il en ôtées trois, et bien plus précieuses que la sienne.

Justice doit être faite.

N° 66, 9ème, code immeuble 3498, appartement 1458, code 24019856

Aurez-vous le courage de la rendre ? Pour qu'elles reposent en paix ? »

-Oh les ordures, répète Darcy. Je vais vomir.

-Qui a écrit ça ? s'enquiert Loki.

-C'est effectivement crypté, mais je vais les tracer. Cela va me prendre un peu de temps, et je dois continuer de craquer Apple, donc tu as trois heures très barbantes devant toi."

Il a un grommellement, parce qu'il doute fortement de réussir à dormir, surtout sans dose.

"Ne t'inquiète pas, j'ai un cache-yeux Totoro, efficacité garantie."

Il se laisse guider, et FBI les suit vers le fond du labo. C'est le vestiaire de Darcy et donc le bazar absolu, mais il parvient à identifier un kigurumi pikachu, une grenade et tout Virginia Woolf.

-Tiens, fait-elle en lançant une peluche panda dans un coin du canapé en faux cuir vert foncé, et mets ça, impose-t-elle en lui tendant le cache-yeux.

Il passe l'élastique derrière sa tête, peu convaincu, et s'allonge cinq minutes.

Après ce qui lui semble un instant plus tard, il entend quelqu'un le saluer mais c'était beaucoup trop près d'un lui vulnérable pour qu'il réagisse comme quelqu'un d'ordinaire. A la place, il retire le bandeau en vitesse avant de tordre le bras de la menace, au moyen d'une main poussant sur le coude et l'autre tirant le poignet vers lui.

-Tout va bien le bleu ! lui lance le lieutenant Rogers. Je ne voulais pas te faire peur, mais tu as des techniques d'immobilisation très efficaces et très douloureuses, alors tu veux bien me lâcher ?

Bravo Loki, songe-t-il avec colère, à peine une trentaine d'heures après ton arrivée, tu as déjà fait tomber ta couverture de fils à papa pistonné et inoffensif.

"Pardon lieutenant, s'écria-t-il faussement en le lâchant, vous m'avez surpris.

-Il n'y a pas de mal, j'aurais dû m'annoncer, fit le policier blond en massant son bras libéré. Où tu as appris ça ?

-Deux ans d'entraînement militaire à ma majorité, ment allègrement Loki, sans doute un peu traumatisé par les réveils à l'eau glacée.

Et là, on se met au garde à vous sous son nez, alors que lui ne sait même pas comment tourner sa main. Il l'imite tant bien que mal, et se fait frapper l'épaule d'une main un peu trop lourde. Bon sang, que ce type ressemble à son frère.

"Mes collègues pensent que tu es une excellente recrue, et ils ont l'air d'avoir raison."

Étaient-ils tous des lèches-bottes finis ou avait-il vraiment raté sa vocation autant qu'on puisse le faire ?

Sa vie était en train de devenir une telle blague.

Darcy débarque à leurs cotés, et fait une petite pirouette.

"Totoro est magique. Tu me crois si je te dis que t'as dormi douze heures ?

-Quoi ? s'étouffe-t-il un peu.

-Nan, tu ne me crois pas, et tu as raison, parce que tu n'en as dormi que trois, mais tu as déjà meilleure mine. Du coup, je vais pouvoir te faire un topo de ce qu'on a.

-Je remonte, fait Super flic en regardant son téléphone, ça bouge là haut. Tu nous rejoins quand tu sais tout.

Loki se masse un peu les tempes en revenant vers le labo, et fait une rapide queue de cheval pour mieux se concentrer. Il n'a pas le droit de refaire une gaffe comme celle-là. Pourquoi pas mettre une balle dans l'un d'entre eux, non plus. Il ne redormira plus jamais ici, c'était une mauvaise idée de se mettre dans un état vulnérable.

"Cette coiffure te va très bien, lui lance Darcy avec comme d'habitude aucun point de départ à sa remarque. Plus qu'une paire de lunettes rondes à monture noire, et tu es exactement le bleu nerd à tomber dans les séries policières que tout le monde veut se taper, mais qu'en fait, sort avec la serveuse du café où ils se retrouvent tous une fois l'enquête terminée-

-Darcy, soupire-t-il doucement.

-Oui, donc, on a du nouveau : j'ai craqué l'expéditeur, j'ai craqué Apple, et ça a fait fuuusion parce que ce sont les mêmes et qu'on a le responsable de Millow en garde à vue dans la 2.

-Question honnête, finit par s'agacer Loki, est-ce que tu fais exprès que tout ce qui n'a aucune importance prend des heures, alors que tu expédies l'essentiel comme du dos de paquet de céréales ?

-…Mais c'est important les dos de paquet de céréales, balbutie-t-elle après un temps de latence.

-Fais comme si c'en est, et explique pourquoi Apple aurait envoyé un mail incitant à tuer Mark Millow

-Mais parce qu'il allait vendre leurs secrets et qu'ils ont voulu le faire disparaître sans qu'on remonte jusqu'à eux, fait-elle avant d'hausser un sourcil perplexe.

Il ouvre la bouche, la referme, et il doit avouer que cela fait sens. Pour sa défense, il vient de se réveiller, et les références inutiles et décalées de l'ingénieure parasitent absolument tout ce qu'elle dit.

Et puis, mince, Apple aussi expéditif que Xi Jinping ou Thanos. Il a l'impression d'être un enfant de chœur, maintenant.

"Quelqu'un en particulier, à Apple ?

-Gregory Pettrow, son supérieur direct, que Natasha interroge mais il a déjà presque tout av-

Shoot to Thrill résonne soudain dans le labo, et Darcy attrape son téléphone pour le décrocher.

"Hey Tony, lança-t-elle.

-T'as vu mon bleu ? Je le cherche partout.

-Il est avec moi.

-Dis-lui que la règle numéro un, c'est répondre au putain de téléphone.

-Je n'ai plus de batterie Stark, ment Loki d'un ton agressif.

-La règle numéro 2, c'est qu'il est chargé, ledit putain de téléphone. Ramène tes fesses, la victime avait une assurance vie, et la veuve un amant. Clint vient d'arriver avec elle.

Darcy donne du riz cantonais à Loki, puis ses rapports balistiques, puis le chat.

Quand le mafieux débarque dans les bureaux avec beaucoup trop de choses dans ses bras, c'est le Ragnarok.

"Vous n'allez pas m'arrêter parce que je couche avec quelqu'un non plus, on est à New York ou en Iran ici ?! crie madame Millow dans l'espace ouvert.

-Vous aviez les clefs, un mobile financier, un autre mec, je continue ou quoi ? s'énerve Clint qui a récupéré les cernes sous ses yeux.

-Bien sûr, s'agace-t-elle en agitant ses menottes, parce que je ne suis pas assez riche, il faut que je tue mon mari pour m'enfuir avec un autre ! Mais vous croyez à vos conneries ?!

-Tout le monde se calme ! assène la russe avec un accent plus fort que d'habitude et en posant une main autoritaire sur l'épaule de la suspecte. Madame Millow, suivez-moi, on va discuter ailleurs.

FBI saute des bras de Loki tandis qu'il pose la paperasse et le bol en carton sur le bureau de Grincheux. Celui-ci a un café qui sentait le whisky à la main, ainsi qu'une expression lasse sur ses traits.

-Donc, depuis le début ? s'enquiert le mafieux, légèrement perdu.

-Tu étais où, bon sang ? s'énerva son formateur en se tournant vers lui.

-Je suis humain, cinq heures de pause entre neuf et deux ne sont pas une nuit de sommeil, s'agace Loki. Mark Millow a une assurance vie ?

-On n'en a pas fini, assure-t-il avant de répondre, Oui il en a une, et assez conséquente. Donc c'est soit la veuve soit l'amant, dont elle n'a pas voulu dire le nom.

-Comment on l'a su, alors ?

-Vidéos de surveillance du couloir de sa chambre, à l'hôtel Prestige de Washington. Tu sais, où elle faisait un séminaire. Un homme est entré deux heures dans sa chambre, et le groom qui a apporté le champagne a confirmé qu'ils ne jouaient pas aux échecs. De dos, il a un vague air de Mac Logan, tu te souviens, celui qui nous a briffé dans l'appartement de la victime.

-La vidéo du couloir ? répète Loki. Vous l'avez demandée absolument au hasard, sans présomption. Comment avez-vous obtenu un mandat pour ça, demande Loki en cachant difficilement la pointe d'agacement dans sa voix.

-Oh tu sais bizut, lâche le mot meurtre et toutes les portes s'ouvrent.

-C'est dégueulasse de surveiller une femme sur des clichés à la con, laisse échapper le mafieux. Vous n'avez pas une mère, Stark ?

-Laisse ma mère en dehors de ça le bleu, assène son formateur. Et il s'avère que j'avais raison, donc je continuerai de suivre mes méthodes et clichés « à la con » !

-C'est louche ! Elle fait quoi déjà cette femme, fit-il en se détournant pour récupérer ses notes, « avocate d'entreprise chez Caterpillar », lit-il après un instant de recherches, c'est une grosse boîte, son salaire mensuel a quatre zéros au moins. Si elle l'avait voulu, elle n'avait besoin d'aucune assurance vie pour s'enfuir avec qui que ce soit.

-C'est quoi ce féminisme, mon chou ?

-Stark, vous m'énervez, s'agace Loki. Vos surnoms de merde, vos abus de pouvoir, vos hypothèses à chier !

-J'taime bien le bleu, mais là tu dépasses les bornes, affirme-t-il en faisant un pas en avant.

Le sang bouillonnant, Loki oublie pour quelques secondes sa couverture, et ouvre le tiroir où il a rangé son flingue, avant de l'empoigner et le pointer sur Stark.

-WOW ça ne va pas la tête, s'étrangle Rogers en s'interposant entre eux deux, les enfants on se calme ! Tony, tu te maîtrises, Odinson, pas d'armes sur les collègues, ou tu fais tes affaires dès ce soir !

Cela a beau le démanger, Loki finit par ranger son arme. Après tout, on guérit très bien d'une balle dans le genou. C'est complètement faux, et c'est pour ça que ça lui ferait du bien d'infliger ça à Stark. Il commence à se rappeler qu'il doit à tout prix rester dans cette brigade, et s'excuse pour son geste.

Stark lui ordonne de retranscrire des rapports manuscrits dans la base de données, ainsi que de rester loin de lui pour l'après-midi.

Clint passe vers quinze heures pour l'informer qu'on avait les résultats Adn de la corde, et qu'on avait retrouvé celui de la veuve. Donc que c'était sûrement elle, même si sans aveux écrits, ce serait sans doute insuffisant pour l'écrouer. Sarah Watson avait été transférée au centre de détention le plus proche en attendant son procès. Loki demande si on a des indices supplémentaires sur si oui ou non Millow était l'assassin des sœurs, Clint lui répond qu'on ne peut pas résoudre toutes les affaires, et s'en va.

Laissé à sa tâche humiliante, Loki songe à la jeune journaliste, sans doute maintenant nue comme un ver, penchée en avant et toussant trois fois devant des gardiens peu amènes, tandis que le procès du salarié d'Apple sera sans doute sans cesse ajourné pour aboutir sur un non coupable.

Et, d'accord. C'est très hypocrite de sa part de cracher sur des injustices. S'il veut rendre le monde meilleur, autant lui-même se passer les menottes. Mais lui sait pertinemment qu'il n'est qu'une sale ordure. Que des types comme Stark se prennent pour des bons samaritains le pousse à bout. Ce n'est pas parce qu'on est dans la police qu'on est un brave type, la preuve par lui mais aussi son formateur.

Dans un de ses mouvements brusques, une feuille mécontente lui ouvre sa peau fine en passant d'une main à l'autre, et une soudaine réalisation le fait contempler le filet de sang.

C'était impossible que le meurtre des trois sœurs soit resté irrésolu. Impossible, pas avec les moyens scientifiques que possédait la police, même treize ans auparavant. Il y avait les cadavres en parfait état, du sang partout, le type s'était forcément tâché, avait forcément laissé un cheveu quelque part.

L'explication était que le meurtrier était forcément dans la police. Mobile, meurtre racial dans la petite conservatrice Little Hollow, ou bien fétichisme, ou qui savait, et suffisamment de pouvoir pour faire diriger les preuves vers Millow.

Sa conclusion le fait soupirer une nouvelle fois.

Même FBI venant dormir sur ses genoux ne l'apaise pas. En début de soirée, il finit sa paperasse, et va dans le bureau de Fury pour faire un point. Le commissaire l'engueule pour son coup de sang du midi, même s'il sait que Stark peut se rendre insupportable. Après de longues minutes désagréables, il lui demande si la mafia nourrit des soupçons à son égard, et Loki répond qu'il va passer à la planque pour prendre la température.

Il roule beaucoup trop vite dans New York, songeant que tout cela était beaucoup de risque et d'humiliation pour un résultat hypothétique. Même s'il réussisait, qu'est-ce que cela changerait ? Comme dans son livre préféré, Lorenzaccio, si Loki réussissait à évincer Thanos, quelqu'un d'autre prendrait aussitôt sa place. Sarah Watson croupirait en prison, l'émetteur du mail serait relâché, l'assassin des trois filles Wilson courrait toujours dans la nature, et la veuve Millow elle-même, qui avait pourtant l'air si sincère, avait tué son mari par tentation d'une retraite au soleil.

Un feu rouge le force à ralentir, puis à s'arrêter. Il allume son clignotant droit pour se diriger vers la planque, puis pose un pied sur le bitume. Il continue de réfléchir en contemplant la lueur agressive derrière sa visière.

Quelque chose ne colle pas. La veille, il l'aurait juré sur sa propre vie, que Millow ne mentait pas. Elle aimait son mari, bien qu'elle soit au courant du meurtre des Wilson. Comme le dit Darcy, Loki n'a jamais été amoureux, mais s'il l'était, pourrait-il supporter que tout le monde considère comme un assassin celui qu'il aimait ? Aurait-il cru le mail anonyme le désignant comme coupable ? Non, il voudrait faire éclater la vérité, et faire payer le vrai meurtrier pour toutes ces années de suspicion et de regards menaçants. Le plus vite possible, pour éviter que les proches des trois sœurs n'accomplissent leur vengeance, quitte à accélérer le processus et se compromettre lui-même. Oui, décidément, la veuve Millow était amoureuse, et donc non coupable. Vue l'intelligence de l'avocate, ce n'était peut-être pas le cas de l'homme sur les caméras du couloir de l'hôtel Prestige à Washington.

Il sort son téléphone, et commence à composer le numéro de Stark. Il devait savoir si l'amant de la veuve Millow était un important fonctionnaire de police.

Non, songe-t-il en verrouillant et rangeant son téléphone. L'enquête est moins importante que la mission. Il doit d'abord passer à la planque pour parler aux autre hauts placés de la mafia, et tenter de discerner s'ils lui font moins confiance qu'avant.

Il se dit une nouvelle fois que Fury et lui ont complètement perdu la tête, et qu'ils vont se faire tuer tous les deux sans sommation.

Si une policière considère que le meurtre et le suicide sont les actes les plus romantiques qui soient, alors la mafia newyorkaise sera le seul amour de sa courte vie.