Bonsoir ! J'espère que vous allez bien, bonne lecture à vous !

Rar : madlaine

Merci infiniment pour ta review, elles sont toujours aussi drôles et intéressantes !

Je suis vraiment contente de ton ressenti pour Ma Guofu et Fu Huoyuan, c'est vraiment ces émotions-là que je voulais faire passer. Cette espèce d'illusion naïve/désillusion inévitable qui suit les personnages. Ils sont tous naïfs finalement, surtout Fury, surtout Loki.

C'est sûr que Loki joue un jeu très dangereux. Plus l'un des deux camps lui fait confiance, plus il doit faire des choses qui mettent son rôle dans l'autre en péril. Sans parler de sa santé mentale.

On est d'accord, ils sont foutus. Je te laisse prendre le temps de sortir le pop corn avant que tu ne lises le réveil de Loki.

Merci encore, tes encouragements me touchent beaucoup ! Bonne lecture à toi !

Episode 4 - La Special K fait maigrir

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Time and again I tell myself

I'll stay clean tonight

But the little green wheels are following me

Oh no, not again…

David Bowie – "Ashes to Ashes"

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Loki émerge difficilement. Le soleil qui se couche lui brûle les yeux, et il se sent comme s'il est passé sous une rame de métro, cinq fois. Il a aussi l'impression de ne pas avoir mangé depuis une semaine.

Il a horriblement mal dans toute la jambe, au ventre et à la tête, bref, il est mort et il est en Enfer.

Il se rend compte qu'il n'est pas chez lui, et scrute avec inquiétude la chambre d'hôpital où il a atterri.

Stark sort alors de la salle de bain, s'essuyant les mains avec une serviette.

« Bienvenue parmi les vivants, le bleu, lui lance-t-il avec un sourire sarcastique. Tu as la formelle interdiction de me refaire ça un jour, et tu me dois un paquet de services.

-Je ne me souviens de rien, ment Loki. »

Il se souvient d'avoir fait la connerie de prendre une seconde dose, et du « k-hole » qui a suivi. Il n'a jamais fait un bad trip aussi violent : il avait été persuadé qu'il allait rester dans cet état jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il croit même avoir vécu une NDE, juste après avoir appelé Stark, mais tout ça est flou. Il réalise qu'il doit la vie à son formateur. Formidable. Il adore être aussi faible, aussi humilié, et surtout, avoir une dette pareille envers quelqu'un.

Il inspire longtemps, souhaitant vaguement être encore en plein délire pour que rien de tout ça ne soit réel.

« Tu te sens bien ?

-À votre avis, Stark ? Et j'ai menti, je me souviens d'un truc : vous avoir dit « pas d'hôpital ».

-Regarde tes pieds, gros malin. »

Avec mauvaise foi mais un brin d'inquiétude, Loki fait ce qu'on lui dit. Quand il soulève son drap, il découvre un plâtre qui va de sous son genou gauche à ses orteils.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? balbutie-t-il.

-Double fracture de la cheville. Tu as dû te faire ça en tombant dans ton appart, en essayant d'atteindre ta porte.

-Pourquoi je n'ai rien… Kétamine, soupire-t-il en retombant dans ses oreillers.

-Yep, c'est ce qu'un pote aux Stups m'a dit. Que c'est un anesthésiant et tout le bazar.

-Parce que vous avez parlé de moi à un collègue ? murmure-t-il en se redressant. Mais vous êtes complètement inconscient !

-Relax, j'ai dit que tu étais un suspect. Et tu pourrais devenir le sien si tu ne me parles pas un autre ton, drogué.

-Ah ouais ? Faites ça et je planque mes doses chez vous. »

Loki souffle par le nez, ferme les yeux et tente de réfléchir. Il aimerait tellement pouvoir remonter le temps et se gifler d'avoir fait ça. Les conséquences de son action sont graves, pour sa tête, pour son corps, pour sa vie. Avec ce plâtre, on pourrait lui imposer un arrêt de travail, et là, il perdrait toute utilité, et pour Fury et pour Thanos. Fury ne lui ferait rien, mais Thanos pouvait tout à fait décider qu'il était un petit pion sans intérêt en sachant beaucoup trop, et tenter de l'éliminer.

« Tu n'as pas l'air bien, c'est ce plâtre qui t'inquiète ? Tu es jeune, tu seras remis en huit semaines, deux mois si tu bois du lait.

-À partir de quand je peux retravailler ?

-Ouh là, tu peux obtenir minimum trois mois d'arrêt de travail… »

Il se stoppe en voyant les yeux du bleu s'écarquiller, et pas de joie.

« … Mais je suppose que tu peux négocier moins longtemps si tu ne fais aucun terrain jusqu'à être rétabli. »

Aucun terrain… Serait-il toujours utile à Thanos ?

Oui, et il devait le convaincre que c'était le cas. Il ne pourra plus cavaler entre le poste et les scènes de crime comme il l'avait fait la veille, mais le glanage d'informations et les auditions étaient toujours possibles… Il n'aurait qu'à en profiter pour envoyer enfin cette liste détaillée des points faibles des membres de la brigade et consolider la confiance de Thanos, rétablie grâce à l'affaire du temple.

Il allait s'en sortir, s'assène-t-il en s'appuyant de nouveau sur les oreillers.

Stark considère que le bleu a l'air d'aller un peu mieux et est entrain de digérer. Il décide que s'il ne demande pas maintenant, il va renoncer, alors il se lance :

« Ecoute, je voulais te parler d'un truc. Avec ta cheville, tu es handicapé physiquement pendant au moins soixante jours. Ça tombe bien, c'est une période de sevrage assez solide. »

Loki tourne la tête vers lui et fronce les sourcils. Ses yeux semblent lui dire de faire attention à ce qu'il va dire ensuite, mais il ne l'interrompt pas pour autant.

« Ce que je propose, continue Tony, c'est que tu en profites pour tout arrêter, et pour surveiller que tu ne replonges pas, j'emménage chez toi temporairement.

-Il n'en est pas question, répond Loki en articulant chaque mot.

-Tu préfères que j'appelle ton frère ? »

Loki roule des yeux.

« Je ne plaisante pas : il y a quelqu'un d'autre pour s'occuper de toi et t'empêcher de reprendre la kétamine ? N'importe qui d'autre ?

-Je n'ai pas besoin d'aide !

-Le mois dernier, tu m'as dit que tu essayais d'arrêter complètement. Hier soir, j'ai pu constater que tu t'en sortais comme un chef. »

Agacé par le sarcasme, Loki crache :

« Parce que vous êtes mieux que moi, peut-être ? Vous amenez même votre bouteille au boulot !

-Je n'ai pas dit que j'étais mieux que toi, moi, je n'ai pas la foi d'arrêter. Ta cheville peut te permettre de t'empêcher d'avoir accès à tes dealers, je veux juste être là pour aider si tu as la tentation de te faire livrer à domicile.

-On se connaît depuis deux mois, je peux savoir ce que vous y gagnez ?

- Qui sait, peut-être que quelqu'un me le rendra, quand je voudrais arrêter.

-Vous, en sevrage, alors que vous êtes insupportable en temps normal ? Je ne suis pas masochiste.

-Je ne te lâcherai pas, le bleu, martèle Stark. Tu as du talent, tu pourrais apporter beaucoup de choses à la brigade, je ne vais pas laisser une connerie pareille empêcher ça. »

Thanos.

Il doit mettre Thanos hors d'état de nuire.

Stark est peut-être incroyablement chiant, mais il a raison. Loki est allé trop loin, a trop sacrifié pour abandonner maintenant, juste parce qu'il est trop faible pour résister à une molécule, ou même la consommer correctement.

Il doit tout arrêter, et effectivement, toutes les fois où il a essayé seul, il a échoué.

Fait non négligeable, quand il sera clean, Stark le croira pleinement digne de confiance, et il aura plus de marge de manœuvre.

« Oui, je vais arrêter, avoue-t-il soudain à Stark. Hors de question que ça se reproduise. Mais je ne veux pas de vous chez moi.

-Comment je peux être sûr que tu ne vas pas replonger ?

-Ce ne sont pas vos affaires !

-Pas mes affaires ? Ecoute-moi bien, p'tite merde, commence à s'énerver Tony. Tu m'as appelé et je t'ai ramené des portes de la mort, tu as une dette envers moi. Tu peux la rembourser en me laissant m'assurer que je n'aurai jamais à revivre ça. J'ai déjà enterré des collègues, et tu ne seras certainement pas le prochain. »

C'était une erreur, d'appeler Stark, songe Loki en soupirant intérieurement. Voir son bizut au bord de l'overdose l'avait manifestement ébranlé, et Loki n'allait jamais s'en débarrasser tant qu'il n'aurait pas arrêté complètement. Et en guise de rétribution, Stark voulait continuer de l'aider.

« Vous laisser vous assurer que je ne replonge pas ne fera qu'aggraver ma dette, maugrée-t-il faiblement.

-Pour l'instant, c'est tout ce que tu peux m'offrir. Pour les cafés gratuits, les massages de pieds, et les appels au juge d'instruction, on verra après. »

Loki retrousse le nez de dégoût, mais ses épaules se détendent un peu. Bon.

C'est un risque sérieux, de ne pas avoir de temps de respiration entre les mensonges, de devoir jouer la comédie vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et qui plus est, en état de grande vulnérabilité. Mais s'il en est capable, il sera débarrassé de la kétamine, et Stark lui fera pleinement confiance. Or, il est le seul agent de la brigade à qui il n'a pas découvert de point de pression. Cela ferait deux grandes batailles de gagnées.

Cependant, être découvert pour en avoir trop dit pendant une crise d'angoisse reste un risque sérieux, et il doit prendre le temps de le peser.

« Je vais y réfléchir. »

Tony n'a pas de grand sourire supérieur ou de victoire. Il se contente d'hocher la tête d'un air apaisant.

« Prends ton temps, tu es en observation pour deux jours, de toute façon. »

On frappe à la porte de la chambre, et un infirmier entre.

« Bonjour, monsieur Odinson.

-Je te laisse. Je repasserai avant ta sortie pour savoir ce que tu décides. D'ici là, tu as mon numéro. »

Il sort de la chambre, puis revient trois secondes plus tard, pointant le placard.

« Là-dedans, il y a un sac de sport avec des fringues, ton portefeuille et tes clefs. De rien, le bleu. »

Le temps que Loki réalise qu'il ne lui a toujours pas dit merci, il est déjà parti.

L'infirmier lui demande comment il se sent, lui promet d'augmenter les antalgiques et de lui amener à manger, puis lui explique ce qu'a fait le chirurgien pour sa cheville. Il lui parle de clous, de plaques, et Loki ne s'y intéresse pas beaucoup. Il est trop occupé à être furieux contre lui-même pour faire un effort de compréhension.

« Vous devez probablement la vie à votre ami, vous aviez une sacrée dose de kétamine dans le sang.»

Merci, il sait.

« Un médecin spécialisé en addictologie va passer pour s'entretenir avec vous, et éventuellement, vous prescrire un substitut si vous souhaitez arrêter. »

Quelle merde.

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Tony conduit dans les rues encombrées de New York, son esprit lui aussi un peu encombré. Un lot d'émotions contradictoires l'envahit comme une nuée de moustiques, et il n'a pas d'alcool pour s'en débarrasser. Il a un peu de rancœur pour avoir eu aussi peur et avoir autant assuré, tout ça pour ne même pas récolter un merci. D'un autre coté, il se trouve stupide. Le bleu a raison, pourquoi a-t-il proposé ça ? Lui, pouvoir vivre avec quelqu'un d'autre H24 pendant plusieurs semaines ? Sans sexe, sans mettre AC/DC à fond pendant ses insomnies, sans se bourrer la gueule jusqu'à trouver le sommeil ? Impossible, et pourtant, c'est ce qu'il a proposé. Si le bleu accepte, il va devoir s'y tenir.

Quelle connerie, putain. Risquer sa vie pour un peu de bonheur en poudre. Il est en colère contre Loki. Il tire bien, écoute bien, pense bien, il pourrait devenir un excellent élément de la brigade. Et au lieu de ça, Tony avait vérifié sa respiration pendant une bonne demi-heure, avec à chaque seconde la peur au ventre que chaque expiration soit la dernière, et qu'il doive commencer une ventilation, avant de finalement sentir le pouls cesser sous ses doigts.

Il resserre ses mains autour de son volant. Il est cardiaque, merde, ce n'est pas humain de lui faire ça. Il déteste devoir l'admettre, mais entrer dans l'appart du bleu et le croire mort l'a remué. Il faut dire qu'à chaque corps qu'il voit, il croit voir celui de l'un de ses parents, qu'il a dû reconnaître tous les deux à la morgue lorsqu'il avait vingt-et-un an.

C'est pour ça, qu'il a voulu abandonner l'entreprise de son père et être flic. Pour tenter d'épargner à quelques-uns la souffrance qu'il a subie.

Pas pour regarder de jeunes bleus stupides faire des overdoses sous ses yeux !

« Calme-toi, marmonne-t-il.»

Il finit par sortir le gyrophare pour pouvoir sortir du bouchon et trouver une rue où décrasser son moteur et se détendre les nerfs.

Quand enfin il arrive au bureau, il salue tout le monde, s'excuse de son absence, prétexte l'horrible diarrhée dont il s'est remis, et va voir Fury.

Il frappe, on lui dit d'entrer, et il referme la porte derrière lui.

« Bonjour chef, fait-il avec un grand sourire. Je voulais m'excuser de mon absence aujourd'hui.

-On m'a tenu au courant, Stark, je ne veux pas entendre les détails de votre « horrible diarrhée ».

-Bon, d'accord, tant pis. Ah, et le petit Odinson m'a dit de vous dire qu'il s'est cassé la cheville.

-Pardon ? s'offusque Fury.

-Ouais ouais, double fracture, mais il veut revenir travailler le plus tôt possible, l'inconscient.

-Ça va dans les combien, ça ? grommelle-t-il.

-Aucune idée, le médecin dira. Deux mois au moins, je dirais. Pourquoi, s'enquiert Tony en haussant un sourcil, il ne va pas vous coûter si cher que ça en congé maladie, si ?

-Non, vous avez raison, ce n'est pas grave, relativise Fury. Comment il s'est fait ça, vous savez ?

-Tombé dans les escaliers, apparemment.

-Je croyais qu'il vivait en appartement.

-Il descendait ses poubelles, la lumière de la cave s'est éteinte, il est tombé dans les escaliers. Accident bête.

-… Si je l'appelle maintenant, c'est la version qu'il va me donner ?

-Absolument.

-Stark.

-Quoi ?

-Je suis commissaire de police. Je sais quand on me raconte des conneries.

-Qu'allez-vous chercher là ?

-J'ai commencé ma carrière aux Stups, je connais les symptômes du manque. »

Tony souffle par le nez.

« Stark, insiste Fury.

-Effectivement, il est tombé à cause de ça. Je suis allé le voir à l'hôpital, il compte arrêter cette merde.

-Vous n'aviez donc pas de diarrhée. Vous n'avez pas bonne mine, pourtant.

-Insomnie. Vous savez bien.

-Bien sûr, affirme Fury en le fixant de son œil unique, ses coudes sur la table et ses doigts entrelacés devant sa bouche.

-Bon, ben il vous tiendra au courant, bonne fin de journée.

-Stark. »

Tony se retourne à moitié, une main déjà sur la poignée.

« Prenez soin de lui.

-Il n'est pas très réceptif aux propositions d'aide.

-Je veux bien imaginer, mais pourtant il en aurait besoin.

-J'vais faire de mon mieux, chef.»

Il va ouvrir la porte quand il se stoppe un instant, pèse le pour et le contre, puis lance :

« Je sais que vous avez magouillé pour embaucher ce gamin. Je peux savoir pourquoi ?

-Il peut nous apporter beaucoup.

-Sur quel plan ?

-Beaucoup de plans.

-Vous savez que vous êtes très louche, là. Et que je suis hacker à mes heures perdues.

-Vous n'en ferez rien, parce que vous me faites confiance.

-Pas vraiment, non. »

Stark ouvre la porte et la referme devant la mine fatiguée de Fury.

Le commissaire soupire et se passe la main sur la tête. Il n'a rien mis sur les serveurs de la brigade précisément pour que ce petit fouineur de Stark ne fasse pas tout capoter. Il devrait presque lui dire la vérité, mais plus il y avait de gens dans le secret, plus il mettait leur opération en péril.

Or, le succès de celle-ci était une question de vie ou de mort pour un paquet de personnes, à commencer par celles impliquées.

Merde, il avait vu pourtant, que son infiltré avait l'air au bout du rouleau. Il aurait dû le traîner par la peau du cou chez la psy au lieu de le laisser rentrer chez lui seul.

Il a l'impression de faire des erreurs à répétition, en ce moment. Ses douleurs au ventre qui n'en finissent pas l'empêchent de se concentrer.

« J'aurais dû faire fleuriste, marmonne-t-il dans son bureau. »

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Loki parvient à prendre une douche sans que son plâtre ne touche quelque chose. Il faut dire que c'est une douche d'hôpital, avec tabouret et poignée de maintien, qui le fait se sentir faible et handicapé.

Dans le placard, il trouve effectivement le sac de sport avec portefeuille, clés d'appartement, et des vêtements pour trois jours, dont un t-shirt de Nirvana. Il lève les yeux au ciel, et en choisit un vert sombre à la place.

Il regagne son lit en songeant qu'il n'est pas question qu'il accepte la proposition de Stark. Sans compter sa forte capacité à devenir insupportable en un temps record, Stark est un indécrottable fouineur. Le laisser errer dans son appartement sans que Loki ne puisse le surveiller, car il dort ou prend sa douche ? C'était d'une stupidité sans limite. Certes, Loki n'avait rien qui l'incriminait à part son téléphone, qui se déverrouillait avec son empreinte digitale, mais Stark était flic, merde. Il pourrait même appliquer du scotch sur le bord d'un verre pour prendre son empreinte et accéder à son portable, qu'est-ce qu'il en savait ? Il ne le connaissait que depuis deux mois, et tout ce qu'il savait, était que Stark ne lui faisait pas encore confiance. Il avait été soupçonneux dès le premier jour de Loki, et avait même craqué son dossier avant même qu'il ne mette un pied à la brigade.

Il allait refuser son aide, et s'en sortir seul, comme il l'avait toujours fait.

On frappe à sa porte, et il répond d'entrer d'un ton absent.

«Bonjour, lui dit une jeune femme métis avec un dossier. Docteure Temple. Comment vous sentez-vous ? »

Il est fatigué de répondre à cette question, alors il se contente d'un vague mouvement de la main.

« Oui, je n'en doute pas, fait-elle comme si sa réponse était claire et prend une chaise pour s'asseoir à coté du lit. Je suis ici pour parler avec vous de votre consommation de kétamine. »

C'est parti, songe Loki avec découragement. Il respire profondément, et se redresse dans son lit. Elle est sans doute la meilleure informée, ainsi que la seule qui puisse lui donner de quoi diminuer le manque, alors il doit faire un effort pour ne pas la chasser trop vite.

« Après hier soir, commence-t-elle, que souhaitez-vous faire ?

-Je voudrais arrêter complètement, avoue-t-il.

-Très bien, de quelle façon ? Je vous demande ça afin de savoir comment vous aider dans votre démarche.

-J'aimerais être le plus seul possible. Pas de centre, d'accompagnement psychologique ou autre. Ce que je veux bien, c'est quelque chose contre les symptômes du manque, j'ai déjà essayé d'arrêter et ils étaient assez forts.

-Je peux vous prescrire ça. L'accompagnement psychologique n'est pas obligatoire. Mais est-ce que vous souhaitez quand même me dire les raisons pour lesquelles vous consommez ? Je pourrais ainsi mieux vous conseiller et ajuster ma prescription. »

Loki soupire, un petit sourire lui venant. Bien sûr, qu'elle ne va pas le laisser s'en sortir comme ça. Il réfléchit à ce qu'il peut dire, et souffle :

« J'ai beaucoup de pression à mon travail.

-Vous êtes policier, c'est ça ? »

Loki a un rictus. Ouais, c'est ça, « policier ». La médecin le toise, tentant d'interpréter son sourire moqueur.

« Je suis sous secret médical, vous savez. Je ne peux rien dire à personne. »

Loki n'en croit pas un mot. D'un autre coté, s'il est vague, il ne risque pas grand-chose. Pour Fury et pour Thanos, il est « sous couverture", alors c'est ce qu'il dit :

« Je suis sous couverture dans une mission difficile. Hier soir, je suis rentré angoissé, et j'ai mal dosé ma prise.

-Vous ressentiez moins d'effet et vous avez augmenté la dose ?

-Oui.

-Vous consommez depuis quand ?

-Plusieurs années. Je consommais occasionnellement coke, kétamine et cannabis, mais depuis récemment, la kétamine de façon régulière. Depuis le début de la mission, réalise-t-il.

-Cette mission est-elle compromise par votre cheville ? »

Loki la fixe sans savoir où elle veut en venir.

« Si c'est cette mission qui vous a poussé à augmenter votre consommation, élabore-t-elle, il serait bon pour votre sevrage que vous puissiez la quitter.

-Je ne peux pas, assura Loki.

-Personne n'est irremplaçable dans son travail.

-Pas moi. Je ne peux pas arrêter mon travail : avez-vous d'autres conseils à me donner, docteure ? lance Loki d'un ton acide.

-Dans vos précédents essais de sevrage, qu'est-ce qui a fait que vous avez repris ? »

Loki ferme les yeux et se frotte le front. Elle commence à l'énerver, avec ses questions. Il sait qu'analyser les circonstances de ses reprises peut fortement l'aider à réussir, il n'empêche qu'être confronté à ses échecs est hautement désagréable.

« Je suppose que les symptômes de manque étaient forts, et que j'avais besoin de me détendre après des situations stressantes.

-Aviez-vous du soutien, lors de ces premières fois ? Est-ce que votre famille, vos amis étaient au courant ? »

Famille ? Amis ?

Ça se mange ?

Il ne va pas lui dire ça, sinon elle va le coller en centre pendant des mois, alors pour la seconde fois, il garde le silence en affichant un large sourire sarcastique.

« Vous savez, attaque-t-elle, c'est extrêmement difficile d'arrêter une drogue dure, et quasiment impossible seul. Je veux bien vous laisser sortir sans séjour en centre ou rendez-vous psy, mais je peux vous assurer que si vous ne laissez personne vous aider et que vous continuez de vivre la situation qui vous pousse à consommer, vous allez rechuter en quelques jours. Je peux même faire un pari avec mon service que dans moins de deux mois, je vous retrouve dans cette chambre ou à la morgue. »

Elle le fixe sans baisser le regard, et il fait de même. Quelle sangsue agaçante, ce médecin.

« Votre cheville peut vous aider en vous empêchant de vous fournir, mais si vous n'avez personne chez vous à qui vous confier et qui empêchera les livraisons, vous allez rechuter, c'est garanti. Je crois comprendre que vous n'en avez pas envie.»

Loki souffle par le nez. Quelle chieuse. On croirait entendre Stark. Si elle veut tout savoir…

« Avec ma mission, je ne peux pas me permettre de m'entourer.

-Parce que vous allez mieux réussir votre mission si vous êtes défoncé ou mort ? »

On dirait qu'il n'a pas le choix. Il a un long soupir de désespoir, puis fait un signe de la main pour signifier qu'il capitule.

« Je suppose que vous vivez seul ?

-Oui, marmonne-t-il à contrecœur.

-Est-ce que vous avez quelqu'un qui pourrait passer au moins quelques jours avec vous ?

-On me l'a déjà proposé.

-Je vous conseille d'accepter. »

Elle le regarde un moment, Loki relève la tête, puis la hoche. Il sait reconnaître une adversaire plus forte que lui quand il en rencontre une. Elle l'imite, puis commence à griffonner sur sa planche pour la première fois depuis le début de leur conversation.

« Je vous prescris des compléments alimentaires et de la méthadone. Une gélule tous les matins. Malgré ça, vous devriez ressentir les symptômes du manque à partir de demain ou après-demain, et ils devraient durer d'une à deux semaines. S'ils sont trop forts, vous m'appellerez, je déciderai si j'augmente. On baissera ensuite le dosage au fil des semaines si tout va bien. Malgré cela, il va vous falloir beaucoup de volonté.

-J'ai de bonnes raisons d'arrêter. Je me donne plus de crédit que vous voulez bien m'en donner.

-Je voulais juste vous convaincre de ne pas rester seul durant cette épreuve, fait-elle avec un sourire. »

La garce, elle l'a eu en beauté.

« Bravo, bien joué, grogne-t-il.

-Je vous laisse tranquille. Vous aurez votre ordonnance à votre sortie. Prenez bien votre traitement, ouvrez-vous à vos proches, gardez-vous occupé le plus possible, et vous allez y arriver. Voilà ma carte en cas d'urgence, fait-elle en lui tendant une carte de visite. »

Il la lui prend, la retourne dans sa main pour éviter de regarder la médecin, et alors qu'elle va sortir de la chambre, il lance :

« Merci.

-De rien. Je vous appellerai une fois par semaine pour vérifier que tout va bien. D'ici là, tenez et réparez votre cheville. »

Il hoche de nouveau la tête, puis se retrouve seul dans sa chambre.

Bon, songe-t-il en levant les yeux vers le plafond.

Il reste à l'annoncer à Stark, et à vivre les deux pires semaines de sa vie.

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I'm stuck with a valuable friend

David Bowie – "Ashes to Ashes"

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Tin TIN !

Rassurez-vous, ça ne va être aussi facile que ça entre eux.

Bon week-end, portez-vous bien !