Bonjour à vous !

Voici le dernier chapitre de "confinement" de Tony et Loki, puis c'est le retour au travail !

Rar : madlaine

Merci beaucoup pour ta lumineuse review !

Les sautes d'humeur sont un gros symptôme du manque, mais il faut dire que sa vie en ce moment y est pour quelque chose, ainsi que son caractère de base, comme tu dis.

Tu as entièrement raison pour Darcy !

J'ai explosé de rire à ton raisonnement "shampoing volé car shampoing sent bon, shampoing de Loki donc Loki sent bon". C'est sans doute vrai, mais Tony ne le sait pas encore !

J'aime beaucoup ta vision des livres préférés, et c'est très vrai pour eux, surtout Loki.

Merci encore, j'adore tes petites théories, d'autant que certaines tapent en plein dans le mille ! J'espère que ce chapitre te plaira également.

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Loki se doutait pourtant qu'il n'aurait pas dû boire autant, et laisser échapper autant d'informations. Mais il y avait la voix de David, l'anxiété qui s'atténuait à chaque verre, et un lâcher-prise qu'il n'avait plus ressenti depuis de nombreux shoots de kétamine.

La playlist Bowie s'est terminée, et ils ont décidé de passer à The Cure. Vers deux heures du matin, c'est Close To Me qui passe quand Stark lance soudain :

« Je ne connais rien de toi. Donne-moi quelque chose.

-Mais moi non plus, je ne connais rien de vous.

-Tu sais que je bois, que je bricole et que je hacke. Il n'y a pas grand-chose à savoir de plus. »

Loki n'est pas convaincu, et réplique :

« Vous possédez déjà beaucoup d'informations personnelles sur moi. La kétamine, ma mère… Il n'y a pas grand-chose à savoir de plus, répète-t-il avec un sourire sarcastique.

-C'est bon, j'ai compris, fait Stark avec un sourire en reconnaissant ses propres mots. J'en sais rien, moi, qu'est-ce que tu veux savoir ?

-Je n'en sais rien, qu'est-ce que vous pouvez me donner ?

-J'ai 39 ans…

-Je le savais déjà.

-Je suis lieutenant de police à la brigade criminelle de New York…

-Pourquoi vous consommez, vous ?

-…Mon livre préféré est l'Ecume des Jours

-Bon, tant pis, fait-il en posant ses mains sur les roues de son fauteuil pour aller se coucher. »

Stark le rattrape par le poignet et souffle avec un sourire :

« Ça va, t'as gagné. Reste. Qu'est-ce que je pourrais te donner qui me mettra pas trop en vrac… Mon tout premier souvenir, c'est d'avoir démonté entièrement le grille-pain parce qu'il avait un problème de ressort. »

Loki lève les yeux au ciel. Ce n'est pas comme ça qu'il aura sa réponse, mais il se doutait un peu qu'on ne lui dirait rien.

« Puis j'ai huilé le ressort, je l'ai un peu déplacé, et j'ai tout remonté tout seul. Le truc marchait comme un charme. Par contre, personne ne l'a jamais remarqué, et donc, je n'ai pas été félicité. J'étais très frustré, mais je ne suis pas vanté, parce que j'ai eu peur que personne d'autre que moi n'ait remarqué le défaut du ressort, et de passer pour un menteur. En y réfléchissant, avec des débuts pareils, ce n'est pas étonnant que je n'aie jamais été proche de ma famille.

-J'apprécie, vraiment, mais vous n'avez vraiment rien de mieux à me donner que vous réparant un grille-pain ? Votre cicatrice au torse, par exemple.

-Ah, ça ? fait-il en passant une main sous sa chemise. Nan, désolé. »

Loki a un geste exaspéré de la main et Tony explique :

« C'est juste qu'en ce moment, c'est mieux si je suis bien dans ma tête, pour pouvoir aider si tu vas moins bien. Donc j'aimerais ne pas en parler, sinon ça va me miner pendant plusieurs jours. Bon, tu veux de l'information de valeur, c'est ça ? »

Il fait remuer le whisky dans son verre, et Loki l'attend sans rien dire.

« Moi aussi, j'ai perdu ma mère jeune. Mon père aussi, d'ailleurs. Accident de voiture, le truc le plus con du monde. J'avais vingt-et-un ans.

-Merde, marmonne Loki sous la surprise. Je suis désolé, je ne savais pas.

-Je sais que tu ne savais pas, ce n'est pas le genre de trucs que je dis aux bleus quand ils arrivent, et l'équipe a suffisamment de compétences sociales pour ne jamais m'en parler. Comme je te l'ai dit, je n'étais vraiment pas proche d'eux, de toute façon. Ce qui continue de me chiffonner après tout ce temps, c'est que les freins ont sans doute été sabotés, et l'enquête n'a jamais révélé par qui et pourquoi. Sans doute un rapport avec l'entreprise de mon père ou ses engagements politiques, mais en tout cas, on n'a jamais su. »

Loki est perplexe. Parce qu'il ne peut pas parler d'une vieille blessure sans être au fond du trou ensuite, mais le meurtre non élucidé de ses deux parents, pas de problème ?

Par contre, il comprend mieux la vocation de flic à la brigade criminelle.

« C'est du sacré dossier, compatie maladroitement Loki. Vous me faites peur en revanche, si l'histoire de votre cicatrice est pire.»

Stark a un sourire douloureux.

« Je te raconterai peut-être un jour si tu restes dans le coin, mais pas ce soir. Par contre, arrête-moi si j'ai tort, mais il me semble que la balance est un peu légère de ton coté, maintenant.

« Bon, souffle Loki en faisant lui aussi tourner l'alcool dans son verre. Je suppose que c'est le cas. »

Il jette un regard par la fenêtre, avec les néons des enseignes des restaurants de rues et les autres fenêtres des appartements. Stark ne lui ferait pas confiance tant qu'il ne penserait pas tout savoir de lui. S'il voulait pouvoir manipuler ses réactions parce que ça lui sauverait la vie un jour, il n'avait pas d'autre option que de lui donner un peu de contrôle sur lui-même également.

Sa gorge était sèche, mais il raconta.

« Si je suis adopté, c'est parce que mes parents biologiques étaient des terroristes. Je ne sais pas si vous vous souvenez du vieil attentat dans le métro, il y a trente ans, qui avait fait une cinquantaine de morts. Ils avaient aidé à organiser ça. Ils se sont fait abattre par les forces spéciales, et on m'a trouvé dans l'appartement. Un sénateur a voulu m'adopter pour polir son image, et ça a marché, maintenant, il est maire de New York.»

Bien sûr, Loki ne précise pas que c'est grâce à ses lettres de noblesse-là qu'il a pu entrer dans la mafia même en étant fils de sénateur. C'est toi, le fils de terroristes ? Parfait, bienvenue dans la bande, petit. Puis des années plus tard, ils lui avaient même dit que s'il tuait ce flic, là, il pourrait même donner des ordres, lui aussi.

Loki secoue la tête. Il ne faut pas qu'il pense à ça ce soir, alors il continue de parler.

« Ce même sénateur a cru bon de me l'annoncer peu après la mort de ma mère. Inutile de préciser que je ne lui ai pas parlé depuis bientôt dix ans.

-La vache, le bleu, commente Stark. C'est des sacrées casseroles que tu te traînes.

-C'est bon, maintenant, j'ai le droit d'être un drogué ?

-Tu as le droit à un peu plus de conneries que le commun des mortels, ouais, confirme Stark avec un sourire. Mais tu as le droit aussi à un peu plus de soutien. Et ils te l'ont caché toutes ces années ? »

Loki hausse les épaules.

« Je suppose que c'est plus facile de grandir en pensant qu'on est fils de sénateur plutôt que de terroristes. Je ne leur en veux pas pour ça, j'aurais simplement préféré que ce soit elle qui me l'annonce. Elle aurait eu plus de tact, j'aurais peut-être moins fait n'importe quoi ensuite. Mais bon, avec des si, on mettrait le monde en bouteille, comme disent les vieux. À propos de bouteille, fait-il en reposant ses mains sur ses roues, je suis complètement fait, je vais dormir.

-Bonne nuit, le bleu. Merci de m'avoir raconté.

-C'est bien parce que vous m'avez sauvé la vie, et que j'ai tardé à vous dire merci.

-T'es pardonné, le bleu. »

Loki hoche la tête, et roule jusqu'à sa chambre. Tony reste seul dans le salon, un peu assommé par la révélation.

'Tain, merde, fils de terroristes. Effectivement, on a le droit de vouloir échapper à la réalité, avec un passé pareil.

Peut-être est-ce pour ça que Fury l'a embauché, même sans école de police et en falsifiant son dossier ? Il a vu son potentiel, mais savait pertinemment que sans analyse toxico clean, Loki ne pourrait pas mettre un pied ne serait-ce qu'au concours d'entrée ? Et que sans métier, il allait s'enfoncer de plus en plus dedans ?

Oui, bon, songe-t-il en faisant tourner le whisky dans son verre. En tout cas, ça remet les choses en perspective.

Si le petit arrive à rester une semaine sobre même avec toute cette merde dans la tête, Tony pourrait faire pareil.

Pas maintenant, songe-t-il, ils ne pouvaient pas être deux en sevrage, ou ils allaient se taper dessus.

Mais peut-être quand il serait rentré chez lui, il pourrait essayer de lever le pied.

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Le lendemain, vers onze heures, Loki roule dans la cuisine, et fait couler deux cafés forts. Stark le rejoint quelques minutes plus tard, l'estomac et les cheveux en bien meilleure forme que ceux de Loki. Ils font tous les deux semblant de n'avoir qu'un souvenir flou de la veille pour ne pas reparler des souvenirs désagréables évoqués. Loki tente de prendre une journée « gueule de bois », mais la kétamine qu'il a dans la peau revient constamment dans ses pensées, et il se met à travailler malgré la migraine. Stark le rejoint, et ils discutent de l'affaire toute la journée à travers la porte entrouverte de la chambre de Loki.

Le neuvième jour, Loki a une double consultation à l'hôpital, une avec le chirurgien pour sa cheville et une avec la docteure Temple. Ils sont tous les deux satisfaits par son état. Loki déploie des trésors de manipulation pour obtenir de revenir au travail, et obtient de pouvoir y retourner sous quinze jours. Il l'annonce à Stark, et ils en discutent un long moment. Loki maintient être capable de rester seul la semaine suivante, mais son formateur parvient à repousser la décision à la fin de ses vacances. Loki met du poivre dans son café en signe de contrariété, mais Stark le boit tellement fort qu'il ne semble même pas le remarquer.

Le dixième matin, il se réveille en sueur et haletant, transpercé par le bleu des yeux de l'homme qu'il a tué. Il met un long moment à être suffisamment calme pour pouvoir se mettre dans son fauteuil et rouler jusqu'à la cuisine.

« Bonjour, lui lance Stark avec son café à la main.

-Bonjour.

-Tu as une tête affreuse. Encore un cauchemar de l'Exorciste ?

-Oui.

-Il t'a marqué ce film, hein ?

-Oui.

-Bon, fait Stark en se levant avec un sourire moqueur, j'ai compris, je te laisse boire ton café tranquille. »

Il embarque sa tasse et part dans le salon. Loki inspire profondément, et va prendre sa pilule de méthadone.

Le douzième soir, Tony lance :

« On se fait un film ?

-Passez le programme, impose Loki en tendant la main tendue depuis son fauteuil.

-On habite ensemble, tu pourrais me tutoyer, non ?

-Passez le programme, répète Loki. »

Tony l'ignore et feuillette distraitement le magazine.

« Alors… Tiens, ils passent Sur La Route de Madison.

-Jamais vu, annonce le bleu.

-Quoi ? s'étrangle Tony. Ok, c'est tout vu, » affirme-t-il en posant le programme.

Loki se penche sur son fauteuil pour l'attraper, mais bien sûr, on éloigne le programme, ainsi que la télécommande.

Quelle plaie, ce type.

Passé une heure de film, il décide que c'est… bien. Il n'a pas fait de soirée film depuis le lycée, avec Thor, et c'est bien.

Il découvre avec attention l'amour impossible de Clint Eastwood et Meryl Streep. Sa famille à elle s'en va pour quelques jours, et lui, artiste photographe traversant l'Etat, arrive. Loki les regarde visiter le pont, danser dans le salon, prendre un bain ensemble avec une douceur infinie, et enfin, alors que la pluie s'écrase sur les vitres de la voiture, alors qu'il l'attend à un carrefour, alors qu'elle en meure d'envie, elle n'ouvre pas la portière pour partir avec lui.

Il est surpris de sentir une larme rouler sur sa joue, et jette un regard prudent à Stark. Ce dernier dort profondément dans le canapé, et il en est soulagé.

Loki pleure toujours devant les films, mais jamais dans sa vie.

Il n'a pas pleuré à l'annonce de la mort de sa mère, ni à son enterrement, simplement cassé énormément de choses ensuite.

La seule fois où il avait pleuré en l'absence de film, c'était lorsqu'il avait tué pour la première fois. Ce pauvre flic qui n'avait pas voulu accepter leur argent pour se taire.

Il éteint la télé, laisse Tony dormir, et roule jusqu'à sa chambre.

Il reste allongé sur son lit, à regarder le plafond, à songer à sa mère. Il se souvenait, maintenant. Il s'agissait d'un de ses films préférés, mais quand elle était encore là, il était trop jeune pour apprécier une telle histoire. Un jour où son mari travaillait et Thor était chez ses amis, elle le lui avait proposé, mais il avait dit que c'était pour les filles, et passé la soirée seul dans sa chambre.

Thor l'avait-il regardé avec elle, lui ?

Pour la première fois depuis plusieurs années, il a envie d'appeler son frère.

Il réalise ensuite qu'il n'a pas pensé à la kétamine depuis plusieurs heures, et s'endort.

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Comme pour le punir d'avoir passé une soirée tranquille sans angoisse ni manque, il fait un cauchemar horrifiant. Il a mis une balle dans la tête de sa mère, et a jeté son corps dans l'Hudson River depuis le pont de Brooklyn. Elle s'est réveillée, et s'est noyée sous ses yeux. Son frère tente de la sauver, mais perd pied à son tour à son tour. Loki est juste resté là, à les regarder. Il se réveille en sursaut alors que leurs corps remontent à la surface, avec le visage livide des noyés.

C'est fini, songe-t-il en tentant de reprendre son souffle. Ce n'est pas réel. C'est fini.

Les réalités de son cauchemar se diluent dans ses souvenirs, notamment le fait que sa mère est morte depuis des années. Il inspire fortement par le nez, et tend la main vers son paquet de cigarettes.

Le treizième matin, donc, après avoir fumé une clope et repris contenance, il trouve Tony à la table de la cuisine avec l'un de ses trois livres, un recueil des poèmes de Robert Frost.

«Vous fouinez dès le matin ? l'accueille Loki d'un ton rude.

-Bonjour à toi aussi. Je n'ai pas envie de commencer les recherches pénibles de Clint, alors je bouquine. »

Loki a encore été aussi agréable qu'un cactus dans un canapé. Il se renfrogne et roule jusqu'au flacon contenant les pilules de méthadone. Ça, plus un café, et cinq minutes de silence le font se sentir capable de tenir une conversation sans montrer les dents.

« Ça vous plaît ? lance-t-il à Stark en désignant le livre du menton.

-Je détestais la poésie quand j'étais jeune, mais maintenant, je dois avouer que ce n'est plus si inintéressant. « Fire ans Ice », par exemple.

-Celui où il se demande si la fin du monde va être causée par le désir ou par la haine ?

-Oui, voilà, et j'avoue que c'est une bonne question. Est-ce que c'est l'avidité qui va détruire la planète, ou est-ce que c'est la haine, donc une bonne guerre nucléaire des familles ?

-Est-ce que les guerres ne sont pas causées par la cupidité, cependant ?

-Je ne sais pas, les guerres actuelles sont des guerres de religion, non ?

-Je crois que le motif originel était les territoires et le pétrole dessous.

-Tu n'as sans doute pas tort. Donc le monde périra par le feu ?

-Assurément, » marmonne Loki dans son café.

N'était-ce pas du simple business qui s'apprêtait à mettre New York à feu et à sang ?

« Je ne sais pas, fredonne Stark. La haine est un sentiment très fort, alors que le désir ou la jalousie, cela peut s'ignorer.

-La haine et la jalousie sont deux des trois mobiles de votre théorie sur leur meurtre, non ? Alors, lequel des deux est le plus en cause, d'après votre expérience ? Quel est le ratio des mobiles silence/haine/ jalousie ? »

Stark ne répond rien, semblant réfléchir. Loki insiste :

« Alors ? Combien de meurtres pour posséder quelqu'un ou quelque chose, et combien d'une haine véritable et profonde ?

-Je ne sais pas, je n'ai pas tué grand monde. »

Il regarde par la fenêtre en reprenant une gorgée de café, et Loki comprend que c'est un sujet sensible. Et les deux seuls sujets sensibles dont il a connaissance chez Stark ne sont pas du summum du joyeux.

« En tout cas, conclut Loki, si la fin du monde est pour bientôt, nous avons du whisky, de la méthadone et la télé. Nous devrions nous en sortir.

Stark relève la tête et lui sourit avant de s'enquérir :

-Tu as aimé le film d'hier soir ?

-Il n'était pas si mal.

-Je crois que j'étais trop claqué pour voir la fin. Bon, pour être honnête, c'est parce que je n'aime pas le moment où elle renonce à partir avec lui, alors qu'il l'attend de l'autre côté du carrefour.

-Elle a choisi de remplir son devoir de rester avec sa famille, c'est courageux.

-Non, c'est complètement con. C'était l'homme de sa vie.

-Parfois, faire ce qui est juste requiert des sacrifices.

-C'est juste, de rester avec un homme qu'elle n'aime pas, ou en tout cas moins qu'un autre ? Tu crois qu'il ne l'a pas perçu, le type ?

-Au moins elle a vu ses enfants grandir.

-J'aurais préféré que ma mère vive sa vie et m'abandonne plutôt qu'elle reste avec un type qu'elle n'aimait pas. En tout cas, je suis persuadé que c'est ce qu'il s'est passé pour la mienne, mon père était un sacré connard. »

Loki ne répond rien. Est-ce que sa mère avait aimé un autre homme qu'Odin ? Il l'espérait pour elle. Avait-elle renoncé à faire sa vie avec un autre pour prendre soin de Thor et lui ? Avec son cancer, elle n'avait pas eu le temps de faire quoi que ce soit d'autre.

Il aimerait en discuter avec Thor. Peut-être le savait-il.

Les images de son cauchemar lui reviennent, et il préfère changer de sujet.

« En tout cas, c'était un film intéressant. Merci.

-De rien, merci de m'avoir reconcilié avec la poésie. C'est lequel que tu aimes bien, là-dedans ?

-« The Road Not Taken ».

-Ah oui, j'ai dû l'étudier au lycée celui-là. Celui avec les deux chemins, complètement différents et en tout point similaires ? se moque Tony.

-Certes, Frost est un peu incohérent là-dessus, mais j'aime surtout la dernière strophe. Il regrette d'avoir pris le chemin le moins parcouru, mais il reconnaît que ça a fait toute la différence.

-Il a préféré se perdre dans la forêt via un sentier battu plutôt que sur l'allée empruntée par tout le monde, hein ?

-Comme Major Tom, fait Loki.

-Je croyais que nous avions établi que Major Tom n'était qu'un vilain drogué comme toi. »

Loki a un sourire amusé alors qu'il lève sa tasse pour prendre une gorgée de café.

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Le quatorzième soir, ils concluent que Loki va mieux, et que Tony peut rentrer chez lui et retourner au boulot. Loki, lui, doit attendre encore une semaine à cause de sa stupide cheville, mais sera en visio et en télé-travail officieux pour ne pas rouler en rond dans son appartement.

Stark a fait ses affaires, le clic-clac est replié, et ils sont tous les deux dans l'entrée.

« Merci, Stark, souffla Loki. Pour ce que vous avez fait pour moi.

-De rien, le bleu. Tu sais, ce n'est sans doute pas ton cas, mais à part les moments compliqués, j'ai passé deux semaines sympas.

-Très honnêtement, je pourrais aimer refaire une soirée cinéma. Il y a des films que je ne pense jamais à regarder.

-Je savais que tu aimerais Sur la Route de Madison. Au fait, tu as pleuré, à la fin ?

-Bien sûr que non.

-Menteur. Mais, oui, quand tu veux, j'amènerai le film et les pop corn.

-Ce sera mon tour de choisir le film.

-Si tu veux.

-Bonne soirée.

-Bonne soirée, le bleu, » salue Stark en prenant ses affaires.

Loki sourit, et ferme la porte derrière lui.

Il tourne un instant en rond dans son fauteuil pour réfléchir, et se dit que oui, c'est une bonne chose. C'est plein de bonnes choses.

Il regardait le coucher de soleil avec une cigarette quand il reçoit un coup de fil d'Amora, appelée « ex » sur sa seconde carte SIM.

« Bonsoir, Lock's. Comment va ta cheville ?

-Elle est cassée, répond Loki d'un ton neutre.

-Bien fait pour toi. Deux choses : le patron s'impatiente, il veut la liste ce soir. Il te soupçonne de te ramollir, et crois-moi, ce n'est pas un compliment »

Loki ne peut s'empêcher de grimacer, mais ne laisse échapper aucun son.

« Ce sera fait, concède-t-il. La deuxième chose ?

-Comme je suis une personne formidable, j'ai réalisé qu'avec ta cheville cassée, tu ne pouvais plus te déplacer pour venir chercher de la kétamine. Tu veux que je t'en ramène ? »

Il entrouvre les lèvres. Il en crève d'envie depuis deux semaines, il peut la faire sortir de sa tête…

« Non, merci, a-t-il le courage de dire, il m'en reste un bon stock.

-Comme tu veux, dis-moi quand tu n'en as plus.

-Comment tournent les affaires ? s'enquiert-il pour changer de sujet.

-La première cargaison d'héroïne du Mandarin arrive dans un mois. Il a mis deux nouveaux moines au temple de Manhattan pour la contrefaçon d'art. Moi, j'ai reçu mes armes hier soir, tout est conforme. Viktor attend une livraison de filles jeudi. Il y a une nouvelle recrue à la Mondaine, il va la faire surveiller avant de l'approcher. Jessica Jones, tu vois qui c'est ?

-Jamais entendu parler, » ment Loki sans trop prendre le temps d'y réfléchir.

Jessica… Non, ce ne doit pas être celle qu'il connait.

« Moi non plus, je sais juste que ce n'est pas une bleue, et qu'elle était flic à Little Hollow. Je vais faire des recherches, savoir si elle se laissera acheter, si elle est inoffensive, ou si elle représente un risque. »

Merde. Quand ils étaient venus à Little Hollow tous les deux, Stark avait parlé à Jessica du poste à la Mondaine, et c'était parce qu'elle avait accepté un job à New York qu'elle avait proposé à Darcy qu'elles emménagent ensemble. Il aurait dû le voir venir. Merde.

« Bien, répond rapidement Loki. Tu as un job pour moi ?

-Ce putain de tableau, poussière dans l'œil, c'est pour ça que tu es à la Crim' en premier lieu, et le boss l'attend depuis trois mois.

-Deux et demi.

-Il n'est pas patient, Lock's. Tu le sais mieux que moi. »

Elle raccroche, et Loki regarde son plafond.

Merde.

La mort dans l'âme, il roule jusqu'à l'ordinateur, l'allume et contemple son tableau. Il a dessus tous les noms, toutes les adresses, les numéros de téléphone. Dans la dernière colonne, il y a le montant d'argent susceptible d'intéresser la personne, et sinon, les points de pression.

Pour Clint, c'est ses enfants.

Pour Natasha, c'est son passé au Kremlin, que Viktor se chargera de creuser.

Pour Steve, c'est sa femme, Peggy Carter, qui travaille apparemment au gouvernement.

Pour Stark, il met « parents assassinés » dans le point de pression pour creuser de ce côté-là. Peut-être que Thanos a des infos dessus. Il y a aussi sa cicatrice, mais Loki n'a aucune précision, et il n'a pas envie de divulguer ce point-là qui a l'air réellement sensible. Dans « somme à verser » il écrit trente mille dollars, même s'il est persuadé que s'ils les lui proposent, Stark va refuser, et que cela va être un bordel monstre.

Pour Fury, c'est cinquante mille dollars, que le commissaire fera semblant d'accepter.

Pour le légiste, c'est sa femme, et sa schizophrénie.

Pour l'ingénieure scientifique, c'est sa compagne, récemment transférée à la Mondaine. D'une pierre deux coups.

Il lance le logiciel Tor pour accéder au dark web, et envoyer à Thanos le fameux tableau de manière sécurisée. Il le lit une dernière fois, et hésite un long instant à la dernière ligne.

Il déplace sa souris vers le bouton d'envoi, puis l'enlève et efface rapidement « Jessica Jones » devant « Darcy Lewis ».

Cela va se savoir tôt ou tard, dès qu'elles auront trouvé un appartement, emménagé ensemble, et qu'Amora aura trouvé leur adresse. Mais Loki ne veut pas être responsable de la transmission de cette information, et de ses conséquences.

Il envoie le fichier et commence un massage de tempes. Il pense au poème de Frost, sur la fin du monde. Il se dit qu'il ne va pas sortir vivant de cette histoire, et finalement, feu ou glace importent peu. Que ce soit son ambition aveugle, ou la haine de tous ceux qu'il avait trahi, par un camp, par l'autre ou par lui-même, il va finir tué, et balancé dans le fleuve. C'est ce que ses cauchemars essayent de lui dire.

Il se secoue. C'est l'anxiété causée par le manque qui parle. Il est infiniment plus solide que ça, mais il va lui falloir quelque chose de fort pour faire passer l'envoi de ce fichu tableau. Il aurait dû dire oui à Amora pour la kétamine.

Le bleu, le réprimande une voix dans sa tête.

Il va dans la cuisine reprendre un comprimé de méthadone, récupère la bouteille de whisky que Stark a laissé dans un placard, et roule jusqu'à sa machine à laver.

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Merci d'avoir lu, portez-vous bien !