Bonjour, merci d'être là !

Petite note : si vous n'avez jamais lu l'Ecume des Jours ou Lorenzzaccio et comptez le faire, faites-le avant de lire ce chapitre, car Loki et Tony vont les spoiler allègrement.

Playlist : Duke Ellington – Chloe

Rar : madlaine

Merci, une nouvelle fois, pour tes fantastiques reviews, elles illuminent toujours mes journées !

Oui, Loki s'est montré un peu trop gourmand, il y a de véritables informations dans cette histoire de grille-pain. Et on est d'accord, Loki prend de gros risques, sans parler du fait qu'il se voile la face trois fois mille. (il est foutu, ils sont foutus)

Tu as deviné, l'appart de Tony est un appart Ikea, on le verra sans doute un peu plus tard !

Heureuse que tu aimes le fait que parler de bouquins en dit plus sur eux, il va y avoir encore un peu de ça dans ce chapitre.

Oh oui, ça va jaser à la crim', tu ne crois pas si bien dire...

J'ai regardé un documentaire sur le dark net (disponible gratuitement sur Netspif, si ça t'intéresse), et oui, ça m'a fait rire de voir que le logiciel le plus courant s'appelait Tor.

C'est toi qui est incroyable ! Merci encore et très bonne lecture !

-o-o-o-o-

Loki sort de son appartement avec soulagement. Cela fait trois semaines qu'il n'est pas sorti, et il étouffe. Le manque, l'inactivité et l'impossibilité de faire du sport l'ont transformé en une boule de nerfs. Il faut qu'il se contrôle en présence de Stark, car comme Loki est interdit de moto jusqu'à ce que son plâtre soit retiré, c'est lui qui l'emmènera au boulot tous les matins à 8H30.

Mouais, songe-il sur le trottoir en regardant l'heure sur son téléphone. Il a peut-être surestimé Stark sur ce coup-là.

L'hiver est arrivé d'un seul coup. L'automne avait dû durer quoi, trois semaines ? Ils avaient chuté de vingt degrés en vingt jours. Il avait quitté les newyorkais encore en shorts, et il les retrouvait avec d'épais manteaux.

Loki fait rouler son fauteuil en rond pour se réchauffer quand l'audi rouge de son coéquipier déboule et se gare devant lui.

« Je parie que tu es là depuis huit heures trente alors que je t'avais dit neuf heures moins le quart, l'accueille Stark avec reproche.

-Bonjour à vous aussi. »

Stark charge le fauteuil roulant dans le coffre pendant que Loki boitille sur ses béquilles jusqu'au siège passager, et quand il est revenu au volant, son formateur lui raconte tous les potins de la brigade.

« Darcy et Jessica ont trouvé un appart, apparemment, dans Hell's Kitchen. La porte ferme mal et les murs sont moisis, mais rien d'irréparable. Elles sont lesbiennes, ce qui implique as du bricolage, alors on leur fait confiance. La maîtresse d'école de Lila, la fille de Clint, repart en burn out, donc on l'aura peut-être en garderie dans la semaine. Lila, pas la maîtresse. Peter, le stagiaire de Bruce, a fait tomber la boîte contenant les organes de la victime de Clint, il y en avait paaartout dans toute la morgue, il était en panique complète, à mourir de rire. »

Loki lève les yeux au ciel en souriant. La brigade lui a presque manqué.

Il déchante bien vite quand il est cloué à son bureau avec seulement des relevés téléphoniques et de comptes à passer au peigne fin. Petit ruban sur le papier cadeau : le chauffage, tout comme la clim avant lui, est en panne, et il fait dix degrés dans l'open space.

Heureusement, le chat roux saute rapidement sur ses genoux. Loki grimace à cause de la douleur de l'impact, mais ne le chasse pas, parce qu'une bouillote est une bouillote.

Il reste là toute la journée, à part trois allers-retours vers la machine à café. Le chat ne bouge pas quand il enclenche les roues, et se laisse promener dans les bureaux.

« Eh, le bleu, l'interpelle Clint quand il passe devant son bureau. J'ai froid. Je t'échange un café contre Leprechaun. »

Loki hausse les épaules et accepte. Ses jambes qui n'ont plus l'habitude de marcher sont engourdies par le poids du chat.

Cinq minutes plus tard, FBI saute de nouveau sur ses genoux, et Clint le suit, furieux.

« Tu l'as acheté, ce n'est pas possible autrement. Tu lui donnes des whiskas quand personne ne regarde.

-Tout à fait, lieutenant, » répond Loki avec un sourire en grattant la tête de l'animal.

Clint repart vers son bureau avec contrariété, et Loki gratouille la zone des mâchoires tandis que le chat ronronne.

Il note l'idée, et le soir, il achète des croquettes à la supérette en bas de son immeuble après que Stark l'ait déposé.

Il reste longtemps allongé sur son lit, résistant à l'envie d'appeler Amora pour qu'elle lui amène de la kétamine.

-o-o-o-o-

Le lendemain, comme Stark l'avait prédit, ils ont une petite fille dans les bureaux de la brigade. Elle a des tresses, les yeux vert-de-gris de son père, et un je-ne-sais-quoi d'une grenade trois secondes avant qu'elle n'explose.

« Elle est infernale, explique Clint à Stark et Loki. La maîtresse est en burn out, il n'y a pas de place dans la classe de son frère, et plus aucune baby-sitter ne veut la prendre. Hein, crapaud ? Fait-il en baissant les yeux vers sa fille. Ne souris pas comme ça, c'est de l'insolence. Papa est bien embêté maintenant. »

Loki observe la gamine en persistant que les enfants sont des créatures inutiles, pénibles, et au potentiel de nuisance insoupçonné.

« Donc bref, Fury accepte qu'elle soit là, mais juste le temps que je trouve une baby-sitter et si elle est bien sage. Sinon, papa la met en prison. Vu ?

-Trop cool, fait-elle avec un grand sourire.

-Toute seule, bien sûr, pas avec les criminels. »

Elle a une moue déçue, et va s'asseoir au bureau de son père avec un cahier de vacances.

«Donc, je récapitule, souffle Clint à Tony et lui. Ma victime est une femme de 32 ans, retrouvée dans un container sur les docks. Elle a été tuée par balle dans le cœur, du 9 millimètres, on n'a pas retrouvé l'arme du crime. Je soupçonne le mari, et un collègue de travail assez insistant. Le couple avait des soucis conjugaux, et ma victime a passé ses derniers jours dans un hôtel. Stark et moi, on doit retourner interroger le mari, mais si Lila n'est pas sage, le bleu, tu m'appelles. Je te laisse les caméras de l'hôtel à visionner. Si on peut prouver que l'un de nos deux suspects est venue voir la victime durant les deux jours où elle y était, on a déjà un bon bout de piste. Voilà les photos, fit-elle en tendant deux portraits d'hommes blancs à Loki.

-Bien reçu. »

Stark s'approche de son bureau avec un sourire affectueux pour la gamine, et un sourire de requin pour lui.

« Tu détestes toujours les gamins, le bleu ?

-Toujours. Bruyant, inutile, salissant. »

Stark a un petit rire et conseille :

« Vous êtes coincés dans les bureaux toute la journée, alors ne lui aboie pas trop dessus si elle vient te voir. Elle a sauté une classe, c'est une gamine brillante qui s'ennuie facilement. Tu sais que tu as l'air d'un méchant de dessin animé, à détester les enfants ? »

Loki hausse un sourcil.

« Ce n'est pas parce que je suis du côté des gentils que je dois aimer les enfants.

-Un peu, si. La veuve et l'orphelin, tout ça. Alors sois sympa, ou si c'est trop dur, un peu moins désagréable. »

Stark lui fait un clin d'œil, et rejoint Clint dans l'ascenseur.

Loki soupire.

La gamine reste un total d'une heure assise calmement avant de sauter de son siège et de s'approcher de Loki. Elle fixe un instant l'homme grand et sévère aux cheveux noirs, puis lance :

« Tu ressembles au professeur Rogue.

-Je croyais que ton père t'avait dit de rester à son bureau à faire ton cahier de vacances ? répond Loki sans quitter son écran des yeux.

-Je l'ai fini, ment la gamine. Je peux t'aider pour ton enquête ?

-C'est hors de question, les petites filles ne travaillent pas pour la brigade criminelle.

-Je lis tous les rapports à la maison, et je ne me fais jamais prendre. Tu vas voir, je suis super forte.

-Tu as trois secondes pour retourner à ton cahier avant que je décide d'informer ton père que tu m'empêches de travailler.

-Je m'ennuie, et je peux vraiment aider ! Tu regardes les caméras, c'est ça ? A deux, on ira deux fois plus vite."

Loki lève les yeux au ciel. Il ne va jamais s'en débarrasser.

Il réfléchit à terroriser la gamine pour lui passer l'envie de le déranger, puis se rappelle la remarque de Tony. Oui, bon. Si cela peut aider les autres à lui faire confiance…

« Bon allez, prends ton siège et viens là. Que ce soit bien clair, si tu en parles à ton père, je te tue et j'enterre ton corps dans Central Park. »

La gamine affiche un immense sourire de victoire et court au bureau de Clint pour faire rouler son fauteuil jusqu'à Loki.

« On cherche ces deux messieurs-là. Tu prends celui-là, je prends celui-là. »

Il songe qu'il n'en a que pour cinq minutes le temps que la gamine se lasse et retourne à son cahier de vacances, mais une demi-heure passe, et leur concentration à eux deux est intacte. Dès qu'elle voit un visage nouveau, le regard de la fillette oscille un instant vers la photo, puis retourne à l'écran. Loki pensait pourtant que les enfants de cet âge avaient la capacité attentionnelle d'une huître, mais ce n'était pas le cas de la gamine.

Au bout d'un peu plus d'une heure, elle s'écrie :

«Là, c'est lui !

-Quoi ?" s'enquiert Loki en se penchant.

Il fait pause, remonte quelques secondes avant l'arrivée de l'homme, et observe attentivement la photo.

"Tu as raison, constate Loki, légèrement impressionné.

-Je t'avais dit, je suis super forte, crâne-t-elle en sautant de son siège et agitant ses tresses de fierté.

Elle allait retourner vers le bureau de son père, mais elle se rappelle soudain de quelque chose, et retourne vers lui en revendiquant :

« J'ai trouvé ton suspect, j'ai le droit à tes bonbons !

-Ah bon ?

-Ben oui !

-D'accord, » accepte Loki en fouillant dans son tiroir.

Il sort une croquette Whiskas de son sachet, et le tend à la gamine. A l'aspect poisseux de la friandise, elle le sent prudemment puis proteste :

« Berk ! ça pue ton truc ! Je vais le dire à mon père !

-Non, parce que sinon, si tu reviens, je ne te laisserai plus m'aider, et tu seras coincé avec ton cahier de vacances. Je les appelle, ton père va arriver, tu as trois minutes pour le finir."

Elle se précipite à son bureau, et griffonne à toute vitesse les réponses des activités.

Clint arrive, lui dit que c'est bien joué, et qu'ils vont pouvoir faire pression sur le mari. Il imprime les captures d'écran et va voir le cahier de vacances de sa fille. Elle lui montre qu'elle a tout fini, il lui ébouriffe les cheveux, et sort un puzzle de cent pièces d'un sac de courses. Elle s'y attelle avec enthousiasme, et le finit peu avant le déjeuner. Elle ne revient pas l'après-midi, parce que Clint a trouvé une étudiante pour le dépanner.

-o-o-o-o-

Le lendemain, Lila est encore là, car elle a enfermé l'étudiante dans les toilettes pendant une bonne heure. Clint ne fait aucune remarque à Loki sur sa manière de garder les enfants, donc il conclue que la gosse n'a pas moufté sur sa matinée passée devant des vidéos de surveillance. Honnêtement, Clint a l'air tellement désespéré qu'il laisserait Bruce faire l'autopsie avec elle, pourvu que quelqu'un sache s'y prendre avec elle.

Son père repart, et trois secondes plus tard, elle est devant le bureau de Loki avec un sourire innocent. Il lève les yeux au ciel, et n'essaye même pas de discuter.

« Bon, tu vois l'homme que tu as trouvé hier ? On va regarder son compte en banque. Si tu vois une grosse somme ou une dépense bizarre, tu me dis. Moi, je regarde les relevés téléphoniques et les messageries privées.

-Sur les réseaux sociaux ? Je pourrais faire ?

-C'est son mari. J'ai peur qu'ils parlent de faire des bébés dans la messagerie.

-Berk ! D'accord, je regarde les relevés de compte. »

Quelle drôle de gamine.

Il pique un ordinateur portable dans la salle de conférence et la laisse travailler dessus. Le siège est trop petit pour elle, elle est obligée de se mettre à genoux dessus, donc il finit par laisser la gosse monter sur ses genoux pour mieux voir l'écran.

Tony passe par là, et aperçoit Loki et la fille de Clint fixant leurs écrans, assis tous les deux dans le fauteuil roulant. Il sourit avant de s'en aller.

« Eh, professeur Rogue, fait la gamine quinze minutes plus tard.

-Oui, crapaud ?

-Il a retiré cinq cent dollars il y a un mois. C'est bizarre, ça ?"

Loki se penche vers l'écran de la gamine. En effet, c'est beaucoup pour aller acheter du pain.

"Cinq cent dollars, c'est assez pour une arme à feu. Il l'aurait achetée au noir à un vendeur privé pour ne pas laisser de traces.

-Oh ! Cool ! Alors j'ai trouvé la preuve qu'il a bien acheté l'arme du crime ? S'écrie-t-elle en serrant ses poings d'excitation.

-Peut-être. J'appelle ton papa."

Clint arrête le mari le lendemain, et Lila et lui se font un discret high-five.

Parfois, Clint trouve une baby-sitter, et certains matins, Loki est seul à son bureau. Mais Lila use rapidement les nerfs de ceux qui la gardent, et elle revient quelques heures, ou quelques jours après pour les plus solides.

Clint finit par demander à Loki d'arrêter la police et de devenir baby-sitter, parce qu'il est celui qui a duré le plus de temps avec Lila, et feint la surprise quand Loki refuse.

Après le mafieux flic, le mafieux baby sitter. Il y aurait probablement sa photo en face de la définition du mot "déchéance".

Ou de "rédemption", au choix.

Il se frotte l'oreille. Il n'aurait pas dû accepter de regarder ce film, Sur le Route de Madison. Il a depuis une petite voix dans sa tête, ressemblant à s'y méprendre à celle de sa mère. Et aussi, il a envie d'appeler son frère.

Thanksgiving passe. Il le fête à la planque, avec Amora et un nombre impressionnant de bouteilles de vodka. Il prétexte une prise de sang pour sa cheville afin de refuser ses propositions de drogues diverses, mais sait qu'il ne pourra pas se trouver des excuses très longtemps.

L'école trouve quelqu'un pour remplacer la maîtresse de Lila. D'après Clint, il joue de la guitare pour chanter des histoires d'amour bizarres, entre des camemberts et des soupières, des chauves-souris et des parapluies. Il est possible que Loki le déteste.

Début décembre, il en a ras-le bol du fauteuil et des escarts, alors il passe aux béquilles. Stark se moque de lui, et les lui vole à chaque fois qu'il en a l'occasion.

La nuit de Noël, ils sont de service pour prêter renfort à la police municipale. Fou ce que les gens normaux sont violents envers eux-mêmes ou les autres la nuit de Noël. Ils ont des appels pour des disputes, des accidents de métro, des gens sur le bord du toit de leur immeuble. Dans un registre plus léger, ils prennent en flagrant délit un père noël en train de braquer une bijouterie. Loki doit se contenter de regarder à cause de son plâtre, mais Tony se retrouve à lui courir après dans les rues de Manhattan. Le père noël finit par tomber dans les branches d'un sapin en vente sur le trottoir parce qu'il regardait trop derrière lui.

Honnêtement, ils s'étaient bien marrés.

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Un jeudi matin de début janvier, Tony se gare devant l'immeuble de Loki. Ce dernier dépose ses béquilles dans le coffre, et va en boîtant s'asseoir dans le siège passager.

"Quand est-ce qu'ils t'enlèvent ton plâtre, déjà ?

-Dans cinq jours, six heures et trente-six minutes."

Stark rit et renchérit :

"Tu pourras faire de la moto ?

-Oui, probablement, mais ils m'ont dit que j'aurai toujours besoin des béquilles. Pourquoi, le métier de taxi vous lasse ?

-Non, mais je dois mettre ma voiture au garage bientôt, je pensais que tu pourrais m'emmener.

-Bien sûr. Vous tiendrez mes béquilles, comme ça."

Ils sont dans les bouchons quand Stark lui tend un livre avec une fleur blanche sur la couverture.

« L'Ecume des Jours, précise-t-il. J'avais dit que je te le prêterais.

-Merci, lance Loki en prenant le bouquin. Je le commencerai ce soir.

-Prends ton temps, je le connais par cœur.

-«La plus belle histoire d'amour contemporaine», lit-il sur la quatrième de couverture. Rien que ça ?

-Tu vas voir, il est spécial. »

Loki hausse les épaules, et passe la journée sans y repenser.

Rentré chez lui, il téléphone rapidement à Viktor et à l'Autre. Viktor a trouvé Natasha, ou plutôt Natalia, et a rassemblé de quoi faire pression sur elle le moment venu. L'Autre, lui, a fini de collecter les informations complémentaires du tableau qu'a envoyé Loki, comme les écoles des enfants, ou les lieux de travail des conjointes. Loki décide de se plonger dans le livre de Stark pour se changer les idées. Il commence sa lecture vers vingt-trois heures sans s'attendre à grand-chose.

À la fin de la première page, il se demande ce que c'est que ce truc.

À la moitié de la deuxième, il se dit qu'il n'a jamais lu quelque chose d'aussi poétique et chtarbé, et que si ceci est son livre préféré, Stark est gonflé de se moquer de son affection pour les hublots de machine à laver.

À la page quinze, Colin montre à son ami Chick le pianococktail qu'il a inventé, et Loki sourit à la description de l'engin. Un truc à coma éthylique, ça, songe-t-il en secouant la tête.

Puis Colin rencontre Chloé, et Loki trouve que ce livre a une tendresse infinie pour les choses et la musique, la lumière et les couleurs.

Il y reste coincé. À 23h45, il imite Colin et met à tourner en boucle la chanson Chloe, de Duke Ellington. Vers minuit, lors de leur voyage de noces, Chloé tousse comme une étoffe de soie qui se déchire. Il referme le livre à une heure et demie du matin, avec la ferme intention d'étriper Stark.

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Il attend sur le trottoir de mauvaise humeur. Il est là depuis dix minutes alors qu'il ne prend plus la peine de descendre avant neuf heures moins le quart. Il déteste être en retard, et il déteste attendre dans le froid.

Il aperçoit enfin la voiture rouge de Stark, aussi discrète que son propriétaire.

Tony se gare et se prend un coup de béquille dans la jambe.

«Mais aïe !

- Vous n'êtes qu'un sale type !

-Je suis juste en retard !

-L'Ecume des jours, grogne Loki en prenant les deux béquilles à une main pour brandir le livre. Vous ne m'aviez pas dit que tout le monde meurt à la fin.

-Désolé, fait Stark avec un sourire d'excuse. Mais ils ne meurent pas tous…

-Vous vous moquez de moi ? Même la putain de souris se suicide !

-Tu t'attendais à quoi ? C'est pas…

-Ne le dites pas, ou je vous étrangle.

-…le monde des bisoun… aïe !

-Je vais vous faire bouffer votre bouquin ! »

Tony tente d'éviter les coups de béquille en riant et reculant vers son coffre.

« Arrête ou je tape dans ton plâtre ! »

Il finit par enfin faire rentrer Loki dans sa voiture. Parce qu'ils vont être en retard, avec tout ça. Il manque de se prendre un coup de poing pour sa remarque.

« Tu l'as aimé quand même ? s'enquit-il une fois que le bleu est un peu calmé.

-Aimé ? Aimé ? Je n'ai pas dormi de la nuit, oui ! Quelle idée de me proposer des trucs pareils, comme votre Route de Madison, là.

-Boude pas, le bleu. La prochaine fois, c'est toi qui choisis.

-Je n'en attendais pas moins, fait Loki en sortant un autre livre de son sac pour le poser sur le tableau de bord.

-Ah nan, proteste Stark en reconnaissant Lorenzaccio, ton théâtre d'espionnage là ? Je suis sûr que ton livre est pire que le mien.

-J'ai lu votre livre préféré, j'ai souffert, à votre tour.

-Donc, le tien est pire, conclut Stark.

-Rien n'est pire que votre livre ! Justement parce que comme la réalité y est merveilleuse, la vie ne devrait pas se révéler être une enfoirée cruelle comme dans la nôtre !

-C'est un peu une métaphore de l'enfance, non ?

-Vous allez voir où je vais vous la mettre, votre métaphore de l'enfance.

-Mais calme-toi enfin, ce n'est qu'un livre !

-Je ne suivrai plus jamais vos conseils !

-Mais si, enfin. Bon, je vais la lire ce week-end, ta pièce, et on sera quitte. »

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« Mais c'est affreux ton truc ! proteste Stark en sortant de sa voiture le lundi matin. Tout le monde meurt à la fin ! »

Loki l'écoute pester en chargeant ses béquilles avec un sourire satisfait.

« Je savais que ça allait mal se terminer pour le duc, parce que c'est un despote, continue-t-il dans les bouchons, et même pour Lorenzo, parce que c'était quand même un régicide, qu'il allait commettre. Mais sa mère, putain ! Et Louise ! Franchement, quel gâchis. Tout ça pour qu'ils mettent un autre pauvre type au pouvoir le lendemain !

-Eh oui, les tentatives d'instauration de la République ont échoué.

-C'est horriblement cynique !

-Comme dans L'Ecume des Jours.

-Je ne trouve pas que L'Ecume des Jours soit cynique, au contraire. C'est un fait, la vie est merveilleuse et tragique. On peut inventer le pianococktail, et les anguilles viennent dans les robinets pour manger notre dentifrice à l'ananas, mais, parfois, on tue l'employé de la patinoire parce que la fille qu'on aime a un nénuphar dans le poumon droit.»

Loki est subitement silencieux, et Tony réalise soudain qu'il a manqué de tact.

« Mince, s'excuse-t-il, je n'avais pas pensé, pour ta mère.

-Ce n'était pas le poumon, je n'y ai pas vraiment pensé. C'est juste que Colin va finir par se noyer, à vouloir arracher les nénuphars dans l'étang. »

Tony tourne la tête vers son passager, et l'observe regarder par la fenêtre. Il finit par détourner le regard et se recentrer sur la route.

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« C'est la vie, dit Chick.

-Non, dit Colin. »

Boris Vian, L'Ecume des Jours

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Ils arrivent enfin à la brigade, se font engueuler pour leur retard, et se mettent au travail. Tony continue de penser au livre qui l'a hanté tout le week-end, et finit par lancer :

« Non mais on est d'accord, ils étaient ensemble, le duc et Lorenzo.

-Pardon ? s'excuse Loki en levant les yeux de son écran.

-Mais si, ça crève les yeux.

-Mais pas du tout !

-Regarde, fait Tony en s'approchant du bureau pour reprendre le livre, attend, c'est où déjà… je sais plus, abandonne-t-il, il dit un truc comme « j'ai bu à ses lèvres » machin, c'est hyper tendancieux ! Et le meurtre, il l'appelle sa nuit de noces !

-C'est parce qu'il regagne son statut d'homme en retournant sur la voie du bien.

-Tu ne vas pas me dire que l'épée, ce n'est pas hyper phallique comme symbole.

-Arrêtez avec ça enfin, il ne couchait pas avec le duc ! »

Loki l'avouait, il se projetait en Lorenzo, et ce livre l'aidait à tenir pendant ce merdier. Mais s'il était Lorenzo, alors le duc était Thanos, et visualiser la scène lui donnait envie de gerber partout.

« Le type s'habille en nonne pour le carnaval, s'il te plaît, insiste Stark.

-Oui d'accord, concède Loki, il est sans doute gay, mais ce n'est pas pour ça qu'il couche avec tout le monde.

-Non mais je suis d'accord, il n'empêche que leur relation est hyper ambigüe.

-Bon, les intellos de service ! les coupe Natasha. On a un cadavre qui nous attend ! Ramène ton plâtre ici le bleu ! »

Loki n'aime pas son ton agacé, alors il se dépêche de béquiller jusqu'à elle. La russe pouvait sonner très menaçante quand elle était énervée.

« Descend chercher Bruce, il t'emmènera dans le camion. Comme ça tu pourras lever ta cheville, parce qu'il y a un paquet de bouchons, on en a pour des heures. On y va en voiture, nous, Tony. »

Loki ne proteste pas, et Stark non plus.

Seul en voiture avec le matériel et Natasha, il se permet de lancer :

« T'es d'une humeur de chien, Nat.

-Crache le morceau : qu'est-ce que tu fais avec le bleu ?

-Quoi ? Pourquoi tu dis ça, on parlait littérature.

-Tu le dragues.

-Mais pas du tout ! s'offusque Tony.

-On a des règles strictes pour ça.

-Je te dis que non. Je sais quand même quand je drague quelqu'un, merde, Nat.

-Depuis deux mois, vous êtes devenus très proches.

-C'est normal, je l'aide avec sa jambe. On fait le trajet ensemble matin et soir, donc on discute, donc on échange nos bouquins, donc on discute des bouquins qu'on a échangés. Où tu vois le mal là-dedans ?

-Et comme par hasard, tu lui parles d'une liaison gay entre deux personnages ?

- Très bien, je vais prendre ta remarque en compte, dorénavant je ne parlerai avec lui que de personnes hétérosexuelles. Les autres, je les foutrais au placard, et moi avec.

-Ne le prends pas comme ça, soupire-t-elle en descendant son ton, c'est simplement que je m'inquiète pour toi.

-Pour moi ? répète Tony avec perplexité. Explique-moi, là, je ne te suis plus.

-Il y a un truc pas net avec ce gars-là, et tu sembles l'oublier. Pourtant, tu es le premier à avoir dit qu'il était louche, et qu'il ne devrait pas être ici.

-Ah, ça ? T'inquiète, quoi que ce soit, je suis sans doute déjà au courant. C'est mon bleu, et je gère.

-Avec ton vécu, je pensais que tu serais plus méfiant. »

Son souffle lui échappe comme si elle l'avait frappé. Il ne l'a pas vue venir, celle-là.

« Je vais me fâcher, Nat, assène Tony d'un ton bas et menaçant. Je dois te rappeler d'où on t'a récupérée, toi ?

-Ne ramène pas mon passé sur la nappe, ça ne sert à rien qu'on s'écharpe pour ça.

-On dit « sur la table ». Je ne ramène pas le tien, et tu ne ramènes pas le mien, ni ne fouilles dans celui du bleu. Je suis au courant je te dis, il est clean. Tu me briffes sur la victime, ou tu dois aussi m'informer d'une plainte pour harcèlement sexuel ?

-Très bien, on n'en parle plus. »

Même si c'est vrai qu'il le trouvait louche, au début.

Non, il est ridicule.

Alors qu'il écoute le topo de Natasha, Tony grave malgré lui cette conversation dans sa tête, et les nuits de doute, elle revient parfois le visiter.

Neuf mois plus tard, elle le lancinera comme ses éclats à la poitrine, parce que Loki aura abattu Fury d'une balle dans la tête.

-o-o-o-o-

He lies, he bluffs, he's unreliable

He's a sucker with a gun

I know you told me I should stay away

Britney Spears – Criminal

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Badum tss !

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Malgré mon absence totale de temps libre, j'essaye de ne pas trop faire trainer le prochain. Gros bisous et portez-vous bien !