Me and the Devil – Soap & Skin

Rar : Ilona

Merci beaucoup pour ta review ! J'espère que les chamailleries vont continuer de te faire sourire, et que tu vas aimer cette enquête !

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Le lendemain à dix heures, de retour à la brigade, Clint sort un tableau blanc du local et le fait rouler jusqu'au milieu de l'open space. Steve le regarde faire avec un sourire, puis retourne à ses plaques d'immatriculation.

Armé de ses photos en couleur et de quatre marqueurs, Clint commence à barbouiller le tableau.

Tony arrive un quart d'heure plus tard et le regarde faire, un café à la main, affichant un air peu impressionné. Il finit par lancer :

« Clint, on a des logiciels pour ça, maintenant.

-Je suis scolaire, Tony, j'ai besoin d'un bon vieux tableau blanc, des photos et des flèches pour y voir clair. Clair ?

-Comme tu veux, lieutenant Ringard. »

Clint sourit. Il ne l'aurait même pas avoué sous la torture, mais il aime bien ces surnoms à la con que Tony leur donne.

« On n'a pas grand-chose, se justifie le père célibataire, autant déjà voir ce qu'on peut faire avec."

Loki revient de chez Bruce quelques minutes plus tard, et résume :

« Sept coups de couteau. Bruce n'a rien d'autre à dire pour l'instant. Darcy n'a rien non plus, et est furieuse que l'on n'ait rien à lui donner d'autre que les vêtements. Elle exige un bubble tea tous les matins pendant deux semaines.

-Oui, oui, dit distraitement Clint, observant son tableau. Elle a trouvé quelque chose ?

-Rien que des vieux vêtements trempés de sang sentant le vieux et la naphtaline, avec une tâche de soupe sur le gilet. Elle a lancé son spectromètre de masse, et c'est une soupe au butternut et au brocolis. Elle avait l'air hors d'elle.

-Entendu, finit-il par céder, j'irai lui chercher son thé au lait au plastique."

Ils ne pouvaient donc compter que sur ces éléments-là. Clint reporte son attention sa carte mentale avec la salle de cinéma, la vieille dame, les blessures, et les photos d'autopsie. Il y a aussi le profil du projectionniste, et le résumé de sa déclaration en tirets. Clint relit tout, puis s'exclame :

« C'est le détour du projectionniste qui a rendu ce meurtre possible. Ces deux minutes de trajet après la fin du générique, entre le projecteur et la salle, rallongés par le débarras dans l'escalier. Il n'y a qu'en travaillant là-bas qu'on pouvait le savoir. Je mettrais ma main à couper que notre meurtrier est salarié du cinéma ou de l'hôtel.

-Cela ne pourrait pas être une simple coïncidence ?

-Règle 39, Loki, affirme Tony en caressant le chat qui a sauté sur son bureau. Les coïncidences n'existent pas. Et surtout pas dans notre métier.

-Il va tout de même nous falloir l'identité de la victime, ajoute Clint. Une vieille dame tuée sans que ses bijoux ne soient volés, ça me fait penser à une histoire d'héritage, et puis si elle allait au cinéma toutes les semaines, c'était à la portée de n'importe qui de se renseigner un peu. Si on néglige ça, on risque de faire une connerie. Donc, une vieille dame portée disparue ?

-Non, toujours rien, répond Tony.

-On continue de surveiller les fichiers de disparition, et on attend le rapport d'autopsie pour avoir une idée de l'arme du crime et du profil du tueur.

-Je peux diffuser un portrait robot dans la presse, si tu veux.

-Pas la peine d'effrayer notre type et de lui faire quitter la ville, on va lui faire croire qu'on patine dans la semoule.

-Ce n'est pas ce qu'on fait ?

-Tu exagères Tony, on est à H +12, c'est une avancée raisonnable.

-C'est tout de même plus simple quand on a l'identité de la victime.

-Tu arrêtes de te plaindre, cinq minutes dans ta vie ? le chambre Clint.

-Moi je dis, c'est l'heure du café." affirme le lieutenant en soulevant le chat pour l'emmener à la machine.

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Clint redescend voir Bruce quelques heures plus tard. Dans l'ascenseur, il sort son téléphone. Comme prévu, Laura lui en veut toujours pour hier soir, et n'a pas répondu à son message.

Il range son portable dans sa poche en soufflant par le nez. Il n'a jamais pu mettre le boulot de ses rêves de côté pour tenter de sauver son mariage, mais parfois, il regrette. Il lui semble parfois, de plus en plus souvent, qu'il l'aime encore, et qu'il l'aime beaucoup.

Le ding de l'ascenseur le tire de ses pensées, et le force à revenir à son affaire. Il passe les portes automatiques de la morgue, et ne peut s'en empêcher de retrousser le nez en apercevant le corps minuscule et fripé sur la table d'autopsie.

"Quelque chose de neuf, Doc ?

-Rien, Clint, soupire Bruce. Les sept coups de couteau dont Loki a dû te parler. Si, fait-il en agitant son doigt, pour moi, vu l'angle des blessures, c'est un homme assez petit, un peu en dessous de la moyenne de taille.

-D'accord, c'est déjà ça. Du nouveau sur l'arme du crime ?

-Non, c'est toujours un couteau d'une vingtaine de centimètres à lame lisse. N'importe quel couteau de cuisine aurait fait l'affaire.

-Aide-moi un peu, là, Bruce. On patine dans la semoule, comme dit Tony.

-Je ne peux pas t'aider plus, Clint, je ne suis pas voyant.

-A mes yeux, tu l'étais pourtant."

Le médecin légiste lève les yeux au ciel avec une trace d'amusement.

"Je fais des autopsies, pas des miracles. Darcy est en colère, d'ailleurs, vous ne lui avez ramené aucune pièce à conviction avec laquelle travailler.

-Je sais, Bruce, je suis allé lui acheter un bubble tea, ses trucs au plastique dont elle se drogue toute la journée, mais je ne peux pas faire mieux. Crois-moi, moi aussi j'aurais aimé qu'on ait plus d'éléments.

-Je sais bien, mais pour l'instant on a que ça. Tout ce que je peux te dire, de mon point de vue, c'est que sept coups fait beaucoup pour tuer quelqu'un. Il y a du personnel, je trouverais étrange que ce soit pour son portefeuille.

-Oui, c'est ce que je pensais aussi. Bon, merci, Bruce."

Clint reprend l'ascenseur vers l'open space en se demandant comment ils vont s'y prendre avec cette enquête.

Il retourne auprès de Tony et Loki en lançant :

"On retourne au cinéma à la lueur du jour, et on secoue les arbres pour voir ce qui tombe, pour mettre un coup de pression.

-Chef oui chef,", lance Tony avec un sourire en enfilant sa veste.

Clint lève les yeux au ciel et le suit. Son collègue est toujours beaucoup trop excité quand il s'agit de cinéma. Clint aurait dû le destituer de l'enquête juste pour ce motif, mais il aurait probablement eu du sel dans son café jusqu'à la retraite.

La première personne qu'ils voient en arrivant est la guichetière. Sa peau est mate, ses cheveux sont coiffés en un chignon haut, et elle a l'air mal à l'aise de les voir.

"Bonjour madame, brigade criminelle de New York. Vous savez ce qu'il s'est passé hier soir ?

-Oui... Une cliente est morte.

-Vous saviez qui c'était ?

-Non, non je vous le jure, je ne connais pas les prénoms."

Clint fronce les sourcils et s'approche un peu plus. Tony, resté en retrait, tape sur le bras de Loki, et lui chuchote :

"Regarde, technique d'intimidation classique.

-Je connais, tout ça, Tony, soupire Loki. Cela fait sept mois que je suis là.

-Je sais, mais j'aime bien me la jouer mentor avec toi.

-Bien sûr que oui.

-Je vais prendre votre nom et prénom, demande Clint quelques mètres plus loin.

-Nadia Cardenas.

-Vous travaillez ici à plein temps ?

-Mi-temps.

-Et qu'est-ce que vous faites à côté ?

-Femme de ménage et nounou, dit-elle après une pause d'un instant. Chez des particuliers.

-Pourquoi vous hésitez ? Vous ne savez plus ?

-Si, c'est juste que... ça m'a fait peur, ce qu'il s'est passé. Qu'un tueur puisse entrer dans le cinéma comme ça...

-Ou une tueuse, on ne sait pas encore.

-Pour-pourquoi vous dites ça ?

-Vous pensez qu'on pourrait continuer cette conversation à la brigade criminelle ?

-Je travaille... et je ne sais rien de plus, je vous assure.

-C'est ce que je vous propose de vérifier chez nous. Vous voyez, on a une théorie. Pour agir, le tueur devait savoir que la cage d'escalier servait de local à ménage et que le projectionniste devait faire un grand tour pour arriver dans la salle. C'est ce détour qui lui a permis d'agir, et seul un employé du cinéma avait accès à cette information. Ou une employée.

-J'ai un alibi, balbutia-t-elle. Je gardais trois enfants hier soir. Mes employeurs le confirmeront.

-Je peux avoir leurs noms, prénoms, adresse et numéro de téléphone ?"

Elle hoche la tête, et écrit tout sur un bout de papier qui traîne sur le comptoir.

"Nous vérifierons ça, affirme Clint en le lui prenant. En attendant, restez en ville."

Elle hoche la tête, et le lieutenant revient vers ses collègues.

"Elle nous cache quelque chose, affirme Tony tout bas. Tu veux que j'appelle tout de suite, tant qu'on est là ?

-Pourquoi pas. Mais Bruce m'a dit que le coupable était un homme. Je crois plutôt qu'elle protège quelqu'un.

-Ou elle a engagé quelqu'un pour le faire, suggère Loki.

-Elle fait des ménages, rappelle Clint.

-Elle aura de quoi le payer une fois qu'elle aura l'argent de notre victime.

-Oui, mais si elle n'a que son portefeuille, comment va-t-elle le toucher ? La carte sera bloquée par la banque dès que le décès sera certifié, ce qui ne lui laisse pas beaucoup de temps pour vider le compte courant, et elle n'aura rien du compte épargne. Ce qui nous ramène toujours au même point : il nous faut l'identité de notre petite grand-mère. Une fois qu'on aura les proches et le testament s'il existe, on aura notre coupable.

-On n'a toujours rien là-dessus.

-Ca va venir, assure Tony. Le coupable n'est pas assez stupide pour signaler la disparition, et il faut du temps pour remarquer qu'une vieille dame n'est plus là. Si ses enfants venaient la voir une fois tous les mois, ça peut durer longtemps.

-Donc on doit attendre ?

-Exactement. Tiens, au bureau, tu m'aideras à écrire le rapport sur mon affaire, tu sais, quand tu étais aux parcmètres ?

-Tu ne l'as toujours pas fait ? balbutie Loki avec un air sidéré.

-Oh allez, ne sois pas surpris, je déteste les rapports. Personne ne les lit, ça fait chier tout le monde, et ça encombre les serveurs !"

Clint les regarde entrer dans le cinéma en secouant la tête. En un sens, il est rassuré. Il n'a pas vu la flasque de son ancien mentor pointer le bout de son nez, et ce dernier râle sur les mêmes choses comme un disque rayé, sans plus mentionner la mort et l'absence de justice.

Tant mieux. Il a déjà deux enfants, un divorce et un meurtre à élucider, il ne peut pas se permettre de s'inquiéter pour des amis.

Tony lui annonce cinq minutes plus tard que l'alibi de la guichetière tient la route. Clint note tout ça dans son téléphone, en ajoutant tout de même qu'elle avait l'air de mentir. Il précise en marge avec des points d'interrogation "tueur à gage" et "protéger quelqu'un".

Quand il va chercher ses enfants à l'école ce soir-là, Lila boude parce que c'est une semaine "paire" mais ils ont passé la soirée avec leur mère. Elle se plaint qu'il n'est jamais là,et qu'il n'a pas changé. Au feu rouge, Clint se masse l'arête du nez, se promettant de faire un rendez-vous carrière avec Fury une fois cette enquête terminée.

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Deux semaines avant le meurtre

Evelyn Evans soupira d'exaspération, et râla :

"Nadia ! Arrête de me faire des plats trop consistants !

-Mais vous ne mangez rien, Evelyn !

-Je dois maintenir ma ligne, jeune fille ! Je vais avoir des bourrelets avec ta semoule, ton maïs et ton riz !

-Aya, soupira-t-elle d'exaspération, vous faites soixante kilos toute mouillée !

-Justement !"

Nadia se planta devant elle, dardant ses yeux noirs dans les siens. Evelyn ne cilla pas, restant campée sur sa position.

"Mangez, insista-t-elle son aide ménagère.

-Pourquoi tu y tiens autant ? Tu as mis du poison dedans ?" soupçonna-t-elle en fronçant les sourcils avant de rire toute seule.

Nadia leva les mains puis les yeux au ciel, comme si elle demandait à Dieu de lui donner assez de patience pour supporter cette abuela fantasque et têtue.

"Je t'aime beaucoup, tu sais, tenta de l'amadouer Evelyn. J'ai quelque chose à te dire.

-Si c'est un prétexte pour parler d'autre chose...

-Non, je t'assure, ce n'est pas ça. J'ai été chez le notaire hier, et j'ai arrangé mon testament. Je t'ai mise dedans."

Nadia s'étrangla.

"Mais, voyons, madame Evans...

-C'est toujours Evelyn. Tu as beaucoup de mérite de t'occuper d'une vieille tête de mule, c'est pour te remercier. Et ne te réjouis pas trop vite, tu sais bien que j'ai vu le médecin la semaine dernière, et qu'il m'a trouvé une forme olympique, mens sana in corpore sano. Tu n'auras rien avant une bonne dizaine d'années.

-Il ne fallait vraiment pas, c'est mon travail, comme vous dites, de m'occuper des vieilles têtes de mule.

-Vilaine fille, rit la vieille dame. Bon, allez, céda-t-elle, je veux bien manger la moitié.

-Aya, abuela, je n'ai quasiment rien mis dans cette assiette."

Nadia resta silencieuse tout le long du repas, perturbée par cette annonce d'héritage.

Une jolie somme aiderait sans doute à convaincre Julio de partir s'installer au soleil, loin de toutes ses magouilles et de la grisaille de New York.

Elle secoua la tête en se sentant coupable d'avoir pensé à ça. Comme disait Evelyn, il restait une dizaine d'années, ce serait sans doute trop tard pour ce genre de rêves.

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Quand Clint descend dans le labo le lendemain, il tient devant lui comme un bouclier la boisson chaude en plastique qu'il est allé chercher en bas de la rue. Darcy lève la tête, le fusille du regard, baisse les yeux vers sa main, et s'adoucit.

"Merci, marmonne-t-elle en lui prenant son bubble tea. Tu sais comment je suis, si je n'ai pas de preuve, je n'ai pas de travail, si je n'ai pas de travail, je m'ennuie, si je m'ennuie, je...

-Projette d'assassiner toute la brigade de manière lente et douloureuse, je sais, Darcy, soupire Clint. Je suis désolé, dès que notre victime sera signalée disparue quelque part, on aura son adresse, on pourra fouiller son domicile, te ramener des pièces à conviction, et...

-J'aurai du travail, soupire-t-elle avec dépit avant d'aspirer une gorgée de sa drogue. Tu es sûr que je ne peux pas aller au cinéma avec vous ? Je suis sûre que le tueur était assis à côté d'elle, et il a forcément laissé un cheveu, un bout de peau...

-Comme tous les autres clients de ce cinéma depuis au moins un an et demi, Darcy. Si tu avais vu cet endroit, tu ne penserais pas qu'ils passent l'aspirateur souvent.

-Il n'empêche, ça m'occuperait, et ça réduirait votre liste de suspect, qui s'étend à tout New-York, pour l'instant...

-Ecoute, vu les circonstances louches et peu connues du meurtre, on pense que le coupable est un employé de l'hôtel ou du cinéma. Il ne serait pas louche de retrouver leur adn sur leur lieu de travail, donc, ça ne constituerait pas une preuve.

-Vous avez des suspects, donc ? Qui a l'air louche ?

-La guichetière a l'air louche, mais elle a un alibi pour ce soir-là, et de toute façon, Bruce dit que notre tueur est un homme.

-C'est peut-être son mari. Elle côtoyait peut-être la petite vieille assez pour savoir qu'il y avait du magot, et ils se sont arrangés ensemble pour toucher le jackpot et revivre leur vie ailleurs après."

Clint ne dit plus rien, réfléchissant à toute vitesse. La théorie tient la route. Mais reste le problème de l'héritage : comment allaient-ils le toucher ? Il aurait fallu que la guichetière soit proche de la victime pour être sur le testament. Qui héritaient des petites vieilles dont personne ne remarque l'absence en deux jours ? Le mari, les enfants, les petits-enfants, les infirmières, les aides ménagères...

"Elle fait des ménages à mi-temps, marmonne-t-il. Elle pouvait travailler chez notre vieille dame. C'est peut-être même la victime qui l'a recommandé à son cinéma préféré pour lui faire un temps plein.

-Fonce, poulet fringant !" s'extasie Darcy en sautant sur place, les billes noires de tapioca s'entrechoquant dans son thé.

Clint retourne à pas pressés vers l'ascenseur, et alors que les portes s'ouvrent, il lance à Darcy :

"Tu es la meilleure ! Un petit génie !

-À ton service, mon lieutenant !"

L'ascenseur remonte avec Clint à l'intérieur, et d'humour joyeuse, elle lance une playlist de Metallica.

De retour à l'étage, Clint lance :

"Tony ! Loki ! Au cinéma !

-Encore ? râle Loki.

-On ne va jamais assez au cinéma, petit rabat-joie !" affirme Tony en enfilant sa veste.

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"Je vais finir par croire que vous voulez un abonnement, lieutenant, leur affirme le directeur avec un grand sourire.

-Ne le prenez pas mal, j'adore votre petit bouiboui, mais c'est surtout le meurtre qui y a été commis qui m'intéresse, affirme Clint d'un ton professionnaliste. J'ai besoin de revoir votre guichetière. Elle travaille ce matin ?

-Non messieurs, ce soir seulement, on a surtout besoin d'elle le soir, quand il y a beaucoup de séances et que le projectionniste ne peut pas faire les deux. Vous avez eu de la chance hier, c'était mercredi, avec les sorties il y a plus d'horaires.

-Vous pourriez me donner son adresse ? Nous avons d'autres questions à lui poser, en personne.

-Aucun problème, je vous laisse me suivre à mon bureau."

Pendant que le directeur cherche dans son ordinateur le fichier d'infirmations de ses employés, les policiers détaillent la pièce. Tout y est doré ou rouge, dans les couleurs du cinéma, avec quelques grandes plantes vertes, diverses décorations, et captures d'écran de vieux films en noir et blanc.

Tony rêve un peu en se disant qu'il se verrait bien travailler dans ce bureau-là. Si un jour il en a marre de la Crim', il fera un emprunt, un gros emprunt, peut-être même un tour au local de preuves des Stups, et rachètera ce cinéma.

Le directeur leur imprime l'adresse sur son vieux photocopieur. Clint peut voir, malgré les néons, le velours et les dorures, que les finances du cinéma ne sont pas au beau fixe. A l'heure de Netflix et du streaming, hormis les nostalgiques, qui vient voir des vieux films hors de prix avec des inconnus ?

Il ressent presque de la compassion en souhaitant une bonne journée au directeur et en descendant les petites marches grinçantes vers leur voiture.

"Loki, tu conduis, affirme-t-il en montant sur le siège passager.

-Quoi ? S'étrangle Tony. Clint, tu n'y penses pas, sa conduite est pire que celle de Natasha !

-Justement, on y sera plus vite que si c'est nous. Allez, Tony, ne fais pas ta drama queen."

Tony lui frappe l'arrière de la tête avant de monter à l'arrière, et Clint fronce les sourcils. Cela faisait longtemps qu'il n'en avait pas eu une, à vrai dire, très peu depuis qu'il n'est plus "le bleu" et fait pleinement partie de l'équipe. Il réfléchit à la raison de cette réaction disproportionnée, et tourne la tête vers le regard intrigué que Loki jette à Stark.

Le bleu ne savait pas que son mentor était queer, et Tony voulait que ça reste ainsi.

Quoi, malgré toutes les allusions, les private jokes, la presque drague, Tony était dans le placard auprès de Loki ?

Peu importe, ce n'était pas ses oignons, et surtout, ce n'était pas son rôle d'outer son ancien formateur.

Clint passe le trajet à s'en vouloir silencieusement pour sa gaffe, et un peu à craindre pour sa vie, parce que Tony a raison : son bleu conduit encore plus mal que Nat'.

Pour sa défense, il les amène en vie et en six minutes à l'immeuble de leur suspecte, un vrai record.

"Tu gardes la voiture, le bleu ?"

Loki souffle par le nez, mais ne bouge pas. Les deux lieutenants appuient sur l'interphone, mais personne ne leur répond. Tony fait alors glisser son doigt sur tous les boutons d'appels, et sur la première personne qui répond, il gémit qu'il est désolé mais qu'il a oublié ses clefs. On lui ouvre, et Clint se moque :

"Tu mens vraiment très mal, tu sais.

-Tant que ça fait le taf, rétorque-t-il.

-Il ne le sait pas, affirme tout à coup le père célibataire avec une question dans sa voix.

-Je ne pense pas, et j'aimerais que ça reste ainsi.

-Quoi ? Mais vous vous draguiez à moitié à un moment, je croyais qu'il savait.

-On ne se draguait pas, c'est clair ? A tout casser, c'était du bizutage.

-N'importe quoi. Il en est aussi, tu sais. Ou au moins bi.

-Moi aussi je suis bi, trou du cul.

-Tu le sais, pas vrai ? Je crois que tu aurais tes chances.

-On travaille ensemble, Clint. Tu couches avec Natasha, peut-être ?

-Eurk, non, mes enfants l'appellent "Tante Nat".

-CQFD. Le travail c'est le travail, point.

-Il te plaît, affirme Clint avec un grand sourire et le sourcil relevé.

-Raison de plus pour fermer ma gueule, et la tienne."

Clint affiche un grand sourire de victoire, et Tony lui redonne une taloche sur le crâne.

"Je ne plaisante pas, Barton.

-Bien, bien. Qu'est-ce que tu me donnes, pour mon silence ?

-La vie sauve.

-Original, commente-t-il en poussant la porte de la cage d'escalier.

-Appartement 57.

-Je sais, Sherlock."

Retrouvant son sérieux, Clint frappe à la porte, et ne lance pas "Brigade criminelle" pour ne pas faire peur.

"C'est pourquoi ? leur lance un homme typé mexicain en entrebâillant la porte.

-On voudrait parler à Nadia Cardenas, elle est là ?"

Dès que l'homme voit leur uniforme, il leur ferme la porte au nez et ils l'entendent cavaler dans l'appartement.

"Pourquoi j'ai un air de déjà-vu ? lance Tony.

-Ah ? s'enquiert Clint en sortant son communicateur, faisant volte-face vers la cage d'escalier.

-L'Affaire Simon Hill, on avait couru après un suspect. Mais il ne vendait que de la weed.

-Espérons que cette fois-ci, ce soit utile. Loki, lance Clint dans la radio, notre suspect s'enfuit, probablement par l'escalier de secours, essaye de le coincer par derrière avec la voiture.

-Pourquoi j'ai un air de déjà-vu ?

-Vous faites vraiment la paire, tous les deux, insiste Clint en dévalant les escaliers.

-Je t'ai dit de te la fermer, Clint. Economise ton souffle."

Loki démarre la voiture sans entendre la fin de la conversation, et appuie sur l'accélérateur. Ses pneus crissent quand il fait demi-tour sur la rue, et les autres véhiculent le klaxonnent furieusement. Il a un sourire sur son visage en prenant le virage, et attrape son arme à son holster en voyant un homme courir sur le trottoir. Il le dépasse, allume le gyrophare, et sort l'arme au poing.

"Police ! Mains sur la tête ! Ne bougez plus !"

L'homme fait mine de s'enfuir, mais Loki enlève la sécurité de son Glock, et le son sans doute familier stoppe net leur suspect. Il tombe à genou avec ses mains sur la tête, et Loki le rejoint en quelques pas. Le visage de l'homme lui est familier, et il reconnaît avec frayeur un de leurs vieux dealers d'héroïne, assez haut dans la hiérarchie pour connaître son visage.

"Pas un mot sur mon rôle, murmure-t-il à l'homme, ou ce n'est pas de quelques années de prison qu'il faudra t'inquiéter. Pense à ta femme en un seul morceau."

La surprise passée, Julio Cardenas hoche la tête, et quelques secondes plus tard, Clint et Tony les rejoignent en courant.

"Monsieur Cardenas ? Je vous mets en garde à vue pour refus d'obtempérer et entrave à enquête criminelle."

Julio n'a pas une protestation et ne fait que jeter un regard inquiet à Loki, qui remet la sécurité sur son arme et soupire intérieurement.

Quel dommage qu'il ait arrêté la kétamine, il aurait bien besoin de quelque chose pour décompresser.

"Ça a intérêt à ne pas être une histoire de drogue," marmonne Tony en faisant monter leur suspect dans la voiture.

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J'espère que ce chapitre vous a plu, et je vous souhaite en avance un noël aussi joyeux que possible. Plein de bisous et prenez soin de vous !