Je vais être très prise les trois prochaines semaines, donc je publie pour être sûre de ne pas vous faire mariner pendant un mois. Bonne lecture !
Kavinsky - "Nightcall"
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Was it obvious to everybody else
That I'd fallen for a lie ?
You were never on my side
Billie Eilish - "No Time To Die"
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C'est avec une expression lasse que les ambulanciers leur avouent que puisqu'ils sont de la Brigade Criminelle, ils vont les laisser emmener leur patron directement à la médecine légale sans passer par l'hôpital central. Vu l'état de la boîte crânienne, il est inutile de tenter une IRM ou un coma artificiel. C'est fini. A ce stade de la nuit, Tony a envie de tout casser.
Aucun d'eux n'a le courage de proposer qu'ils rentrent se coucher et reportent ça au lendemain, pas même Clint, et ils se retrouvent dans leurs bureaux à une heure du matin. Au téléphone, Bruce a poussé un très long soupir, et dit qu'il arrivait dès que possible. Steve lui a conseillé de donner le dossier à un collègue, mais il a répondu qu'il allait le faire. Il voulait trouver quoique ce soit qui puisse les aider, et discuter une dernière fois seul avec un ami. Malgré leurs différents quand Bruce est arrivé, au bout du compte, Fury et lui ont fini par s'apprécier.
Natasha est une ligne de colère brutale et tendue. Ses bras étroitement croisés laissent voir ses doigts qu'elle craque de temps à autre, faisant tiquer Clint qui ne supporte pas ce bruit.
"Il avait de la famille ? demande-t-il au-dessus du son des articulations.
-Sa sœur, je crois, révèle Steve. Il ne me semble pas qu'il ait quelqu'un.
-Il faudra qu'on trouve un moyen de la prévenir, vu que le téléphone a disparu. Le fichier central, peut-être. Nat ? finit-il par supplier. Tes doigts ?
-On s'est fait avoir comme des bleus ! explose-t-elle en se redressant pour commencer à faire les cent pas.
-Nous ne savons pas ce qu'il s'est passé avec certitude pour l'instant, tempère Steve.
-C'est ça, mon cul ! renchérit-elle. On a tous très bien vu la moto de Loki devant cet entrepôt. Si même Tony veut bien l'accuser...
-Nat', proteste Steve.
-Laisse, Steve, marmonne Tony en regardant ailleurs.
-Si c'est vrai, comment aurions nous pu savoir ? le défend Client. C'est un sacré bon acteur. Rien qu'avec Lila, quand il la gardait la journée, elle en parlait tout le temps.
-On n'est pas juste un bon acteur, à ce stade, proteste Tony d'un ton amer. Sociopathe mythomane, plutôt.
-Tu te méfiais de lui, au début, lui rappelle Natasha. Comme moi. Si vous ne couchiez pas ensemble..."
Tony bondit et Steve s'insère entre eux, attrapant ses poings dans ses mains ridiculement grandes.
"Ça suffit ! Nous sommes tous très choqués. Rentrons nous coucher, nous ne serons bon à rien ce soir. Tout le monde sur le pont demain matin à huit heures."
Tony se sent stupidement irrité de la facilité avec laquelle Steve a endossé le rôle de leader de l'enquête du meurtre de leur boss, et par extension, de toute la Brigade. Lui se sent incapable de toute décision n'étant pas de mettre une balle dans la tête de Loki. Ce n'est pas très original, mais il sent que ça lui ferait le plus grand bien.
"Bonne idée, soupire Clint. Tout le monde a des somnifères chez lui ? »
Natasha pousse un juron en russe et traverse les bureaux pour partir. La porte de l'escalier claque, et les épaules de Clint s'affaissent alors qu'il lance :
"Ne lui en veux pas, Tony. Elle appréciait beaucoup Fury, il lui a sauvé la vie en l'embauchant, apparemment. S'il n'avait pas fait pression au gouvernement pour la faire protéger, le KGB l'aurait fait disparaître.
-Et elle sait qu'il est mort par ma faute, ouais, j'ai pigé, crache-t-il en se détournant de lui."
Clint rouvre la bouche, puis pousse un soupir silencieux. Il est trop fatigué pour faire du soutien psychologique, et il n'est pas doué pour ça de toute façon. Après une moue désolée à Steve, il prend sa veste à son tour et suit le chemin de Natasha.
Après un dernier regard vers Clint, Steve s'approche de Tony et lui souffle :
"Allez, viens. Tu peux dormir à la maison, si tu veux.
-Je reste un peu. J'ai mes insomnies, de toute façon.
-Tu ne vas rien faire de stupide ?
-Ils ont décampé, je n'ai aucune idée d'où ils sont. Je fouille juste dans nos dossiers. Huit heures tapantes demain matin."
Steve sait qu'ils vont se disputer s'il insiste, et part en le laissant seul.
Tony va prendre un tournevis, et démonte la porte du bureau de son boss.
Au bout d'une dizaine de minutes d'injures, la serrure cède, et il pénètre dans la pièce sombre. La lune passe à travers la fenêtre et éclaire le bureau, ainsi qu'un angle de la plaque qui se trouve dessus. Il était venu pour l'organigramme derrière le panneau de liège, mais il se surprend à contempler la pièce et soupirer silencieusement. Il s'approche du siège, et regarde le bureau impeccablement rangé. Ces derniers temps, il y a eu du bazar dessus, avec les dossiers s'accumulant à cause des congés du commissaire dus à son mal de dos, mais ce soir, il est parfaitement propre. Tony a un pincement au cœur en songeant que peut-être Fury a-t-il eu un mauvais pressentiment, et a tout nettoyé.
Dans un coin, il y a un cadre photo qu'il n'a jamais pris la peine de regarder, et il décide de s'approcher.
Il s'agit d'une photo officielle de la Brigade, prise deux ans auparavant. La police avait mauvaise presse à cause d'un énième connard de collègue ayant tué un jeune homme noir, et la ville de New York a décidé d'une campagne de presse pour redorer leur image. Un photographe est venu, et a pris un nombre innombrable de clichés alors qu'ils avaient du boulot par-dessus la tête. Alors que l'employé de la mairie leur demandait d'en refaire une dernière, rien que pour être sûr, Natasha a grommelé quelque chose que Tony n'a pas entendu, et Darcy a éclaté de rire. C'est cette photo que Fury a encadrée, et en se penchant dessus, il voit son patron esquisser un sourire.
Le boulot de Fury était toute sa vie, et il y a trouvé la mort.
Serrant les dents, Tony repose le cadre, et se dirige vers le panneau pour le poser à terre. Il contemple un long moment l'organigramme à l'ancienne, épinglé de photos, de bouts de ficelle et de coupures de journaux. Tout en haut trône un point d'interrogation, et partant de lui descendent cinq fils de laine rouge : le Bras Droit, Le Russe, L'irlandaise, Le Mandarin, et le numéro 5. "Le numéro 5 en infiltration quelque part"... Tony fixe le dernier nom avec un malaise grandissant. Il a eu ce tableau sous les yeux, il l'a vu, et tout ce temps, ce numéro aurait été Loki ?
Fury a lui aussi eu ce tableau sous les yeux, et n'a rien vu venir.
Qu'est-ce qu'il espérait ? Pouvoir retourner quelqu'un ayant gravi les échelons de la mafia en se hissant sur des cadavres, et le mettre dans leur camp ? C'est ce qu'il s'était passé ?
Quel con. Ils ont tous été trop cons, et maintenant, ils ont leur commissaire dans un tiroir de leur propre morgue.
Il pousse un cri de frustration, et décroche le second tableau de liège pour l'emmener chez lui. Si Steve récupère leur Brigade, lui, il récupère l'enquête de son boss. Quoiqu'il lui en coûte, il fera tomber ces salopards.
Et mettra une balle dans la tête d'un sale menteur.
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L'organigramme dans son coffre, il a foncé à toute allure. En partant nettoyer sa voiture ce soir, il a pris les clefs de l'appartement de Loki pour fermer derrière lui. Penser à ça lui donne la nausée, et il s'efforce de penser comme un flic.
Il sort de l'ascenseur furieux et déterminé, mais arrivé devant la porte avec la clef dans sa main, il ne peut pas faire un pas de plus. La première fois qu'il s'est retrouvé là, la porte était déverrouillée, et Loki agonisait dans son entrée en overdose de kétamine. Il a eu si peur, ce soir-là, le bleu était sous sa responsabilité, et le jour-même, il n'a pas vu qu'il était mal à ce point-là.
Cela éclaire beaucoup de choses, évidemment. Jouer les infiltrés du crime organisé dans une brigade criminelle n'encourage pas à un mode de vie sain.
Et Tony n'a rien vu. Pourquoi n'a-t-il rien vu ?
"Si vous ne couchiez pas ensemble..."
Il a un mouvement de tête et un juron pour chasser la voix de Natasha, et met la clef dans la serrure. Il entre en s'efforçant de ne pas regarder ni l'entrée, ni la cuisine, ni le clic-clac, ni en direction de la salle de bains. Putain, celle-ci va être dure à digérer.
Se sentant flancher, il serre le poing, frappe un mur, et la douleur le recentre. Il met des gants qu'il a pris en partant du bureau, et fouille. Il ne sait pas exactement ce qu'il cherche. Un second téléphone, une liste, un code, n'importe quoi prouvant qu'il s'est fait niquer pendant tout ce temps.
Le disque dur manque dans l'ordinateur. Pourquoi n'a-t-il pas vu Loki le retirer ? La lune descend dans le ciel, allongeant les ombres dans l'appartement, mais il ne trouve rien. L'appartement de Loki est aussi vide et impersonnel qu'au premier jour. Depuis qu'il y a mis les pieds, il se dit que cet endroit ressemble à une planque, un lieu de passage d'un criminel en fuite qui ne compte pas rester. Il aurait dû le voir venir... Plus il cherche, moins il suit les méthodes classiques de perquisition. Il jette les vêtements hors de l'armoire, balaie les livres de son étagère, renverse le bureau. L'appartement finit dévasté, et il se sent toujours aussi en colère.
Cette fois-ci, il a pris son flingue avec lui. Il va jusqu'à la machine à laver, et après s'être décalé, met une balle dans le hublot. Le son lui vrille les tympans, et la paroi explose en une pluie de verre, mais il a évacué un peu de la rage qui ne veut pas le laisser.
Sans regarder la table où il buvait son café, ni la fenêtre où Loki fumait le matin même, il prend sa bouteille de whisky dans un placard de la cuisine. Il traverse le salon, et au milieu du foutoir, il se laisse tomber dans le canapé où il a dormi tant de fois. Il boit une longue goulée à la bouteille, puis se penche en avant, et se pince l'arête du nez.
Alors qu'il est seul dans la pièce ravagée, le silence rampe vers lui mètre par mètre. Avec la télé en face de lui, les soirées film lui reviennent, et il revoit Loki sourire devant Victor Victoria. Il se redresse d'un coup, et quitte la pièce. S'il reste ici, avec son flingue et de l'alcool, cela risque d'être sa dernière nuit.
Il emporte la bouteille et rentre chez lui en laissant la porte ouverte.
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Il a évité au maximum sa cuisine. Sans doute aura-t-il besoin de changer les meubles à un moment donné. Le film du soir où Loki a prétendu être attiré par lui est gravé dans sa tête, il se souvient de chaque réplique, et de chaque émotion. S'il y pense trop, il peut encore sentir des lèvres sentant le tabac se mettre sur les siennes, et une main lui serrer la nuque pour les rapprocher. Il se souvient de cette joie irréelle, il se souvient s'être répété avec incrédulité que ses sentiments sont réciproques, qu'après tous ces mois à avoir un faible à sens unique, il est bien le type de Loki. Alors qu'ils s'embrassaient, il a repassé dans sa tête tous les moments où ils étaient proches l'un de l'autre, tous ces instants où il a pensé qu'il y avait quelque chose entre eux, avant de cesser d'y croire quelques heures plus tard. Etrangement, il a aussi pensé à ces trajets en moto, où il faisait semblant d'avoir si peur pour pouvoir s'accrocher un peu plus fort, et où parfois, il se disait que Loki accélérait pour qu'il le fasse.
Poussant un cri de frustration pour la énième fois de la nuit, il claque la porte de sa cuisine et s'enferme dans son bureau. Il ne dort pas, passant la nuit à boire et à épingler sur son mur l'organigramme, y ajoutant au fur et à mesure les informations de Vanessa. Le puzzle est plutôt complet, songe-t-il en prenant une douche vers six heures du matin. Il ne lui manque que des preuves matérielles recevables devant un juge, et bien plus dur encore, une personne suffisamment fiable pour recevoir ces informations. A partir de maintenant, il a une cible sur le front. Loki va peut-être venir l'achever dans les heures qui viennent, qui sait. Maintenant qu'il n'a plus besoin de faire semblant, il n'est pas raisonnable pour lui de le laisser en vie. Si Tony était à sa place, il l'aurait fait dès cette nuit. Bordel, avec les informations de Vanessa, il en sait peut-être même plus que Fury. Et Fury est mort parce qu'il en savait trop.
Il sort de la douche pétri d'angoisse, et part au boulot. Il n'a probablement jamais été aussi matinal de sa vie. Lorsque Steve arrive vers sept heures et demi du matin, il croit même qu'il a passé la nuit au travail, et commence à lui faire les gros yeux.
"Calme-toi, Captain Syndic, je suis rentré chez moi. J'étais juste... inquiet."
Steve hoche la tête, et reste pensif un instant, avant de murmurer :
"Tu devrais probablement être mis sous protection. Natasha m'a dit que je devais garder un œil sur toi parce que tu enquêtais sur eux.
-On sait tous les deux que ça ne changera rien. S'ils veulent m'éliminer, ils le feront, peut-être même par des flics à eux. On leur faciliterait la tâche en me mettant sous protection. Sans parler qu'on ne l'aurait jamais, sous quel programme, quels soupçons ? Il n'y a aucun moyen que je dise à des ripoux que j'enquête sur eux.
-Notre patron a eu une balle dans la tête, je pense qu'on y aurait tous droit d'office."
Natasha arrive peu de temps après mais ne leur adresse pas un mot, et se met à son ordinateur en commençant à travailler.
C'est Darcy qui monte ensuite à leur étage, les yeux rouges et la démarche traînante.
C'est suffisamment exceptionnel de la voir en haut pour qu'ils soient tous surpris, et s'approchent en silence.
"Bruce m'a appelée tôt ce matin, murmure-t-elle. Je... Je n'arrive pas à croire que Nick... Qu'il..."
Steve l'étreint alors qu'elle craque dans ses bras. Tony regarde fixement une lampe de bureau, et le chat s'étire longuement avant de venir se frotter contre la jambe de l'ingénieure scientifique. Fury était secrètement gaga de ce chat, songe Tony. Plusieurs fois, il l'a vu le caresser près de la photocopieuse en lui parlant comme à un bébé.
Fais chier, songe-t-il en se massant le front d'une main.
Natasha se glisse à ses côtés, et murmure :
"Je suis désolée, pour hier soir. Je n'aurais pas dû te dire ça.
-Non, c'est toi qui avais raison. On avait tous les deux des soupçons depuis le début.
-J'étais en colère contre moi-même, en fait. À l'époque où j'ai eu mes doutes sur Loki, Fury m'a balancé un bobard, comme quoi il était là pour démasquer les ripoux des autres brigades. Comme une imbécile, je l'ai cru, et j'ai baissé ma garde.
-Fury t'avait dit ça ? lance Tony en relevant la tête. Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
-Je pensais que ce serait mieux si c'était lui qui te le disait. Mais bon, je suppose que s'il le faisait, il aurait été obligé de te donner des informations, au vu de tes recherches poussées dans le domaine."
Tony croise les bras et baisse les yeux. On leur a servi mensonge sur mensonge, et eux, les flics payés pour découvrir la vérité sur des meurtres, ils ont été roulés dans la farine.
Darcy approche et vient l'étreindre aussi. Se détachant de lui, elle murmure :
« Où est Loki ? »
Tony soupire et resserre sa prise sur les épaules de Darcy.
« On a vu sa moto devant l'entrepôt où on a retrouvé Fury, lui épargne Natasha. On a bien peur qu'il ne soit un ripou, ou même un infiltré à eux.
-Quoi ? Non, c'est impossible. Loki est hyper intègre…
-Ecoute, Darcy, la coupe sèchement Tony. On essaye de tirer ça au clair. On se voit plus tard, d'accord ? »
La jeune femme lui jette un regard, et part vers l'ascenseur en essuyant ses larmes.
Une douleur coupable lui fend le cœur, et Natasha détourne se pensées en lui soufflant :
"Il faut que tu sois très prudent, Tony. Tu viens vivre chez moi quelques jours ?
-Que s'est-il passé, alors, selon toi ? élude-t-il. Que s'est-il passé dans la tête de Fury, embaucher un mafieux dans sa propre brigade ?
-Je suis sérieuse, Tony.
-Je vais y réfléchir. Réponds-moi.
-Il ne m'a rien dit d'autre. Mais je suppose que Fury pensait qu'il pouvait le retourner, en faire un agent double, qui lui fournirait des preuves pour les faire tomber. Le problème, avec les agents doubles, c'est qu'on ne sait jamais vraiment dans quel camp ils jouent, conclue-t-elle avec amertume.
-Je vais voir Bruce, annonce Steve en s'approchant d'eux. Personne n'est obligé de venir avec moi.
-Je viens, souffle Tony.
-Tu n'as pas à t'infliger ça.
-Je suis toujours chargé de l'affaire avec vous, j'ai le droit de descendre voir la victime."
Il se dirige à grands pas pressés vers l'ascenseur, sentant Steve et Natasha s'échanger un regard. Il appuie sur le bouton de l'étage médico légal, et Steve doit presque bloquer la porte pour entrer.
Un silence pesant s'installe, jusqu'à ce que Steve baisse les yeux vers sa main, et la pointe du doigt en demandant :
"Tu t'es blessé ?"
Tony jette un œil dans la direction de son regard. En effet, il a une coupure sur le côté. Cela a dû arriver quand il a balancé les tasses à café de Loki sur le sol, ou bien son coup de sang sur la machine à laver, et avec l'alcool, il n'a dû rien sentir.
"Ah oui. Je n'avais pas vu.
-Bruce doit avoir des pansements, fait Steve en prenant sa main pour l'examiner. Est-ce que Loki a les clefs de chez toi ?"
Au lieu de s'énerver tout de suite, Tony décide de prendre la remarque à la légère. Cela ne manque jamais d'agacer Steve, et inconsciemment, il a envie que son ami lui crie dessus, au lieu de le traiter comme une porcelaine fêlée.
"Tu sais, je ne savais pas que tu étais au courant. Je pensais que tu l'apprendrais dans six mois avec un air horrifié.
-Tony, le réprimande-t-on, tu ne rates jamais une occasion pour parler de ta vie sexuelle, et tu avais un faible pour lui dès le premier jour.
-Finalement, se renfrogne-t-il, je ne veux pas en parler.
-Loki savait, pour tes recherches ?
-Tu sais quoi, je n'ai même plus envie qu'on prononce son nom, avoue-t-il en sortant de l'ascenseur.
-Tu es peut-être en danger, Tony, insiste Steve en le suivant.
-Est-ce qu'on peut arrêter de parler de moi, et faire notre boulot ? craque-t-il en se retournant. Ce n'est pas moi qui suis mort hier soir, d'accord ? S'ils avaient voulu que je ferme ma gueule pour de bon, ils auraient fait le job cette nuit.
-Peut-être que Loki ne leur a rien dit."
Tony pousse un cri de frustration, et fait demi-tour pour se diriger à grands pas vers la morgue. Pourquoi Loki n'aurait-il rien dit ? C'est absurde, Loki leur a dit, et lui, il va mourir.
Ça suffit. Ce n'est pas toi sur cette table, se morigène-t-il en voyant la forme allongée. Il s'efforce d'inspirer doucement, et s'approche de Bruce.
"Bonjour, souffle Bruce. Je suis désolé, de ce que l'on vit.
-Nous aussi, doc, murmure Steve en arrivant à son tour. Tu as trouvé quelque chose ?
-Oui, une caméra embarquée sur son manteau. Minuscule, très discrète. Ils ne l'ont pas détruite, donc ils n'ont pas dû la voir. Comme ça vous saurez ce qu'il s'est passé, mais vous n'aurez sans doute pas l'audio.
-Au moins on aura les visages de ces enflures, marmonne Tony.
-Et sinon, pour le reste, vous n'avez pas besoin de moi pour avoir une idée assez précise de la cause de la mort et de l'heure du décès. Mais je vais tout de même faire cela dans les règles, on ne sait jamais. Peut-être lui ont-ils injecté quelque chose pour le faire parler, je vais vérifier."
Tony ferme les yeux et souffle par le nez. Il ne doit pas craquer. Ils ont du travail. Il ne doit ni laisser remonter à la surface ni l'angoisse, ni la culpabilité.
Si vous continuez, vous allez nous faire tuer tous les deux.
"Tony ? l'interpelle Bruce. Tu restes parler ?
-Plus tard, Bruce. Il faut qu'on avance.
-Quand vous aurez ce qu'il vous faut, alors, fait-il en hochant la tête sans le quitter des yeux."
Dans son regard, Tony voit qu'on ne va pas le lâcher, et hoche la tête à son tour. Il jette un dernier coup d'œil au corps de son boss, et suit Steve dans l'ascenseur.
Pardon, patron.
Bruce soupire discrètement en les voyant partir avec les épaules aussi basses. S'il a bien compris, ils soupçonnent Loki de jouer contre son camp depuis le début, et d'avoir attiré Fury dans un traquenard.
Il se souvient de l'avoir eu un long moment à la morgue, à l'époque de Vanessa Thompson. Il était resté si longtemps que Bruce s'était demandé s'il ne la connaissait pas personnellement. Peut-être que c'était le cas.
"Commissaire, soupire-t-il en se penchant vers son client. Vous qui étiez si méfiant, à quoi vous pensiez ?"
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Tony passe les dix prochaines minutes à triturer précautionneusement la caméra pour en extraire les fichiers. Il ne trouve dessus qu'une lourde vidéo d'environ dix minutes, et il fixe l'icône un long moment. Il n'est pas sûr d'être prêt pour ça. C'est Clint qui l'arrache à sa contemplation en arrivant vers eux à pas pressés, posant ses affaires sur son bureau.
"Je suis là, souffle-t-il. Désolé pour mon retard, j'allais partir et Cooper s'est mis à vomir.
-Tu arrives au bon moment, le rassure Steve. Bruce vient de nous dire qu'il avait trouvé une caméra embarquée sur la veste de... du commissaire. On ne va pas pouvoir entendre, mais on verra ce qu'il s'est passé.
-C'est prêt, lance Tony à contrecœur."
Ses collègues se rassemblent derrière lui pour former un mur soudé et tendu, et il lance la vidéo avant de planter nerveusement ses ongles dans son bras. Est-ce que c'est Loki qui a tiré ? Il ne va pas pouvoir garder son calme si c'est le cas.
Ils sont bien dans l'entrepôt, et tous les hauts pontes du crime organisé sont là. Tony s'efforce de ne pas regarder Loki, dont les yeux froids lui donnent la chair de poule. Il reconnait Amora, qui dirige la partie irlandaise, et celui avec la cicatrice doit être le Russe, le numéro 4. Il ne sait pas quoi penser du type immense, est-ce l'assistant chargé du sale boulot, ou le chef en personne ?
Ils semblent parler pendant un temps interminable, tant il est frustrant de ne pas savoir ce qu'ils se disent. Les visages de plus en plus crispés les informent que la discussion semble s'envenimer, et Loki finit par s'avancer, son arme à la main.
Ils ont beau savoir ce qu'ils vont voir, Loki les glace en levant le bras, et après un long regard fixant un point juste au-dessus de la caméra, les fait sursauter en pressant la détente.
« Ah putain, jure Clint. Quelle enflure !"
Natasha jette un œil à Tony, qui a les yeux fermés et serre les dents à se les briser.
Un silence lourd et long s'installe, durant lequel Steve alterne entre le bureau vide de leur ancienne recrue, et son ami prêt à craquer. Il s'éloigne discrètement pour pouvoir le laisser partir en cas de besoin.
"Bon, soupire Natasha. Je vais voir ce que je peux lire sur leurs lèvres.
-On va devoir faire une perquis' chez lui, glisse prudemment Clint.
-Merde. Putain de merde ! explose Tony."
Il se lève d'un bond, et va vers l'ascenseur.
Finalement, il a besoin de cette discussion.
Il débarque à la morgue comme une furie, assénant :
"C'était lui. C'était lui, Bruce. Il l'a tué. Et moi, je lui ai tout raconté, tout ce que j'ai trouvé en enquêtant sur eux. Fury m'avait prévenu, que je nous mettais tous en danger.
-Il ne faut pas t'en vouloir, Tony. Fury enquêtait déjà depuis la mort de Phil, tout le monde le savait. Tu n'aurais pas pu empêcher ça.
-J'étais son formateur, Bruce, assène-t-il en évitant soigneusement de préciser de qui il parle. On était... proches, j'aurais dû voir, j'aurais dû comprendre…
-C'est précisément pour cela que tu étais le moins bien placé pour voir quelque chose. »
Un silence s'installe, et Tony lui semble un instant calmé par ses paroles. Bruce hésite, mais ne peut pas s'empêcher de dire quelque chose qui lui semble, bien que douloureux, véridique et important. Il souffle :
« Tu sais, je crois qu'il était sincère, avec toi.
-Ne remue pas le bistouri dans la plaie, doc. »
Après un dernier regard à Fury et son trou dans la tête, Tony quitte la pièce, habité par une rage encore plus meurtrière qu'avant.
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Merci d'avoir lu, bonnes vacances de la Toussaint à ceux qui en ont, prenez soin de vous.
