Votre dose bimensuelle de drama est arrivée, j'espère que vous vous portez bien, bonne lecture à vous.
"All I want" – Kodaline
"Experience"- Ludivico Einaudi (OST Sense8)
"Secret Love" – Johannes Bornlof
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« "Tout ce que je te demande, c'est de ne pas t'en mêler (…). Laisse-moi faire mon coup – tu as les mains pures, et moi, je n'ai rien à perdre."
Lorenzo, Acte III Scène 3, Lorenzaccio, Alfred de Musset
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Il se réveille avec la bouche pâteuse et le corps ankylosé. Il tente de bouger, mais son épaule le tire, et il décide d'ouvrir les yeux à la place.
La peur le prend lorsqu'il réalise qu'il ne reconnait pas l'endroit. Il regarde tout autour de lui, et ses souvenirs lui reviennent lentement.
Il ferme les yeux en grimaçant. Ah oui, Tony lui a tiré dessus, et pour rester en vie, Loki a dû se trahir auprès de lui. Le meilleur flic, et accessoirement, pire menteur de la ville, sait qu'il est un agent double entre le crime organisé et le FBI.
S'il n'est pas encore mort, ça ne va pas tarder.
Il entend un frottement de tissu, et rouvre les yeux. Amora se lève, et s'approche du lit où il est allongé.
« Tu as intérêt à avoir une bonne explication, lui lance-t-elle d'un ton aigre.
-Merci, souffle-t-il. Cabinet privé ?
-Oui, c'est là que j'emmène mes gars quand ils ont une balle perdue. Le type est doué, peu regardant si on le paye assez, et s'il lui prend l'envie de baver, il a trois enfants.
-L'homme parfait, grommelle-t-il en voulant se redresser.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qui t'a tiré dessus ?
-Un flic.
-Pourquoi il était parti quand je suis arrivée ?
-Il m'a laissé pour mort, brode-t-il en fermant les yeux.
Il se sent encore nauséeux, et a du mal à réfléchir. L'anesthésie ne doit pas s'être entièrement dissipée. Il songe qu'il aurait préféré la douleur au fait de ne pas être capable d'inventer une histoire crédible.
Il espère aussi qu'avoir pris un anesthésiant ne va pas le faire replonger dans la kétamine.
« Ne me mens pas, assène Amora. Ta blessure était loin d'être mortelle, et j'ai vu la veste sur ta blessure. Non seulement il n'a pas appelé ses collègues pour te foutre au trou, mais il t'a empêché de te vider de ton sang le temps que j'arrive. Qui c'est ? Tu es compromis, c'est ça ?
-Non, proteste-t-il. Lui, il est compromis. Il s'en voulait trop pour la balle, il a perdu ses moyens.
-Pourquoi a-t-il réussi à te tirer dessus pour commencer ?
-Mon arme était trop loin, ment-il en reposant sa tête.
-Menteur. Elle était au sol à côté de toi, donc tu l'as lâchée en tombant. Pourquoi tu n'as pas tiré en premier ?
-Je ne suis pas comme toi, s'énerve-t-il, je ne tire pas partout au moindre bruit.
-C'était Stark, n'est-ce pas ? C'est pour ça, qu'il n'est toujours pas mort alors que c'est un vrai emmerdeur ? Tu couchais avec lui quand tu étais infiltré, et hier soir, tu as flanché ?
-Non. »
Amora serre les dents, et s'approche de son côté gauche. Loki essaye de l'arrêter de son bras valide, mais sa main menace déjà d'appuyer sur ses bandages, et il souffle :
-Oui. Tu es contente ? Ça s'appelle être humain.
-Non, ça s'appelle être une tafiole. »
Hors de lui, il empoigne un bistouri sur la table près de lui, et le brandit en direction de sa gorge.
"Tu sais quoi ? Pour toi, je ne flancherais pas.
-C'est bien ça mon problème, Loki. Je suis dans ton camp, lui, il est dans celui d'en face !
-Ça ne se reproduira plus, assène -t-il d'un ton acide en baissant la lame.
-Je sais. Parce que si j'ai de nouveau le moindre doute sur ta loyauté, je viserai mieux que lui."
Elle se tourne pour partir, mais avant de franchir la porte, elle pose son poing sur le battant. Elle le frappe doucement une fois, deux fois, puis revient vers lui en lançant :
"Tu sais ce qui me chiffonne ? Mon indic qui est devenue dangereuse, j'ai dû la tuer. Pourquoi le tien aurait le droit de s'en sortir vivant ?
-On a toujours le choix.
-Menteur ! Je n'avais pas le choix, et tu ne l'as pas non plus !
-Ca prouve bien que si."
Elle fixe avec de la haine et des larmes coulant de ses yeux, avant de lui coller une violente gifle. Pointant son doigt vers lui, elle lui assène :
"Je me fous de l'état de ton épaule. Tu as une semaine pour le tuer. Si ce n'est pas fait, j'annonce au patron que tu es compromis, et je t'abats moi-même."
Elle le gratifie d'un long regard qui certifie à quel point elle pense ce qu'elle a dit, et sort en claquant la porte.
Il reste assis sur le lit médical en se tenant l'épaule.
Une semaine. Il a une semaine pour mettre le plan à exécution, ou il devra choisir entre sa vie et celle de Tony.
La sueur perle dans son dos et le fait frissonner.
Maria et lui n'ont pas de temps à perdre.
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Loki va échouer, il en est de plus en plus sûr. Cela ne se passera pas bien. L'univers l'a toujours détesté de toute façon.
D'une manière étrange, s'il a peu pensé à Tony après avoir quitté violemment la Brigade, il se surprend à présent devoir constamment rediriger ses pensées pour ne pas qu'elles s'attardent sur lui. Après avoir abattu Fury, il s'est efforcé d'ignorer à quel point il traînait le fantôme de Tony partout où il allait, et y parvenait plutôt bien. Mais depuis qu'il lui a tiré une balle dans l'épaule, Tony est partout, sur les murs, sur les visages, dans les voix des gens. Il croit le sentir près de lui, prêt à poser sa main sur son épaule et lui réciter une réplique de film. Dans les embouteillages, on dirait que les gens n'écoutent plus qu'Ac/dc, Bowie et The Cure.
Une semaine est devenue six jours, puis cinq, puis quatre. Il a commencé à réunir des preuves matérielles, mais Maria n'est pas prête, son service est encore infecté de ripoux. Ils manquent cruellement de temps, mais si Loki ne trouve pas une solution, Tony va mourir.
L'avant dernier soir, vers deux heures du matin, alors qu'il essaye désespérément de faire taire l'horloge résonnant dans sa tête, son téléphone sonne.
Il s'agit de son nouveau, celui qu'il a utilisé pour appeler Clint. Il s'était pourtant mis en numéro masqué : cela ne peut qu'être Tony pour avoir réussi à le retrouver.
Il hésite un long moment, et à la sixième sonnerie, soudain inquiet de l'entendre raccrocher, il décroche sans prononcer un mot.
« Loki ?"
La voix de Tony est basse et hésitante, mais Loki ne répond rien, terrifié que son téléphone soit sur écoute.
« Je t'appelle d'un canal sécurisé."
Il reste silencieux, se contentant d'écouter la respiration de Tony à l'autre bout du fil. Les secondes s'étirent, et alors que ses épaules se détendent doucement, il entend murmurer :
"Dis-moi quelque chose..."
Loki cède, et se lève pour allumer la sono de l'appartement, ayant besoin de musique pour étouffer le son de sa voix.
"Je ne peux pas parler, finit-il par souffler. Trop dangereux.
-J'ai acheté un prépayé. Comment va ton épaule ?
-Elle guérit. Ecoute-moi, tu dois partir. Les Bahamas, l'Europe…
-Je ne veux pas te laisser seul là dedans.
-Je pourrai agir plus librement si tu n'es plus dans la balance. Va-t'en, insiste-t-il.
-Désolé, mais non. Pas sans toi. »
Loki retient son soupir d'exaspération, et appuie le coude de son bras valide contre le mur pour se tenir le front.
Tony ne rajoute rien de plus, et Loki non plus. Ils se contentent d'écouter leurs respirations, et la mélodie litanique derrière eux.
« Le temps sans risque est écoulé, je dois raccrocher, murmure Tony. Sois prudent. »
Il attend encore quelques secondes, sans doute dans l'espoir qu'on lui réponde quelque chose, mais Loki ne dit rien, et dans le silence, il finit par entendre le son de fin d'appel.
Il garde le téléphone dans sa main, et glisse lentement le long du mur. Il a envie de hurler, et se sent terriblement en colère contre lui-même. Pourquoi l'a-t-il regardé, approché, écouté, raccompagné à moto, mis dans sa tête et partout ailleurs, y compris dans son nouvel appartement. Il le voit dans le salon, dans la chambre, dans la cuisine, il l'y voit rire, pester, et lire son recueil de Robert Frost avec un whisky au café.
Il le voit aussi dormir devant le film Sous la Route de Madison, au moment où la main de Meryl Streep tremble sur la poignée de la portière, mais qu'elle la relâche sans rejoindre Clint Eastwood pour s'enfuir avec lui.
Il se souvient encore de la discussion qu'ils ont eue le lendemain. Tony trouvait stupide de sa part de laisser partir l'amour de sa vie, tout ça pour rester avec ses enfants et un mari qu'elle n'aime plus. Loki avait répondu calmement que faire ce qui est juste exige des sacrifices, et qu'elle était très courageuse.
Le courage, c'est pour les imbéciles, songe-t-il en se sentant terriblement seul.
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Tony est appuyé depuis de longues minutes contre le mur, serrant un téléphone satellitaire dans sa main, quand la silhouette de Natasha s'appuie sur l'encadrement de la porte. Elle y reste un instant les bras croisés à le regarder avant de murmurer :
« Il est fou d'avoir décroché.
-J'ai un prépayé, et on a été brefs.
-Tu as l'air pire qu'avant de l'avoir appelé.
-Je bous, Natasha. Il est à New York, et je ne peux pas le voir, pas lui parler, pas lui arracher des putain d'explications… »
Sans rien ajouter, Natasha s'approche et vient s'asseoir au sol à ses côtés.
Ils restent là un instant, Tony tentant de se calquer sur la respiration calme de son amie.
« Qu'est-ce qu'il a eu le temps de te dire ? finit-elle par lui demander.
-Que je devais partir. Aux Bahamas de préférence. Que ça lui permettrait d'avoir les coudées franches.
-Il a peur qu'ils lui demandent de t'éliminer, conclut-elle.
-Quoi ?
-Ils le croient compromis. Et ils ont raison. Si j'étais eux, je lui demanderais de te tuer pour voir où va sa loyauté. Il n'a pas tort, tu devrais quitter New York.
-Pas question. C'est ma ville, et je ne veux pas m'éloigner.
-T'éloigner de lui.
-M'éloigner de tous ceux qui sont en danger.
-C'est toi la cible actuelle, c'est en restant près de toi qu'ils risquent une balle perdue. »
Tony serre les dents. Non. Peut-être ? Il ne sait plus. Est-il vraiment en danger de mort en ce moment-même ?
Les bouffées d'angoisse qui l'avaient pris au meurtre de Fury le reprennent, et bien qu'il sache qu'elle ait raison, il en veut à Natasha de raviver en lui sa peur de mourir.
Mais il ne peut pas partir, pas tout de suite. Rongé par l'inquiétude comme il est, il reprendrait un avion à la seconde où il atterrirait quelque part.
« Tu dis ça pour que je parte, murmure-t-il sans la regarder.
-Oui. Ça marche ?
-Non. Tu as gagné, c'est pour lui que j'ai peur.
-Tu ne peux pas l'aider, Tony. La seule chose que tu puisses faire, c'est rester planqué chez toi. J'ai fini Lorenzaccio, et il meurt de façon horriblement stupide à la fin. Il aurait survécu, s'il était resté sagement caché chez Philippe Strozzi.
-Il est sorti parce qu'il n'avait plus de but dans sa vie, et parce qu'il était dévasté par la mort de sa mère.
-Comment crois-tu que Loki va se sentir si tu meurs ?
-Comme un charme, marmonne-t-il. Qui est Lorenzo, là, dans ta métaphore ?»
Natasha serre les dents à son tour, mais s'efforce de rester patiente.
« Tu m'as raconté, Tony, reprend-elle d'une voix lente et appuyée. Le type a préféré se prendre une balle plutôt que t'en mettre une. Ça dit quoi, sur lui, d'après toi ?
-Mais rien ! s'énerve-t-il. Je ne connais rien de lui ! Il peut nous avoir servi mensonge sur mensonge, manipulation sur manipulation… »
Natasha finit par céder à l'agacement et lui donner une tape sur la tête.
« Tu m'énerves. Tu es flic, tu dissèques les gens quand tu les vois. La règle numéro un d'un mensonge crédible, c'est de raconter le plus de vérité possible. On a tous cru à ses salades, tire tes propres conclusions. »
Voulant qu'il intègre ce qu'elle lui a dit, elle se lève en murmurant qu'elle va faire des tisanes.
Assis dans le salon, Tony finit par se calmer, et commence à se souvenir de tous les détails futiles qu'il sait ou pense savoir sur Loki. Il aime Nirvana, fumer devant sa machine à laver, le shampooing parfumé et les œufs brouillés. Il n'aime pas le café trop fort, les enfants, les insectes et les surnoms. Il a le tic de se frotter le nez quand il est stressé, et ne finit jamais ses cigarettes jusqu'au bout. En plus déterminant, selon lui, il aurait perdu sa maman jeune, et aurait une relation compliquée avec son frère.
Tony écarquille les yeux.
Dès la mort de Fury, il aurait dû traiter Loki comme n'importe quel suspect numéro un, et enquêter sur lui. Son amie a raison, il est flic, et il est temps qu'il s'en rappelle.
Il se lève à son tour, et rejoint Natasha dans la cuisine. Il hésite à annoncer qu'il a quelqu'un à voir le lendemain, mais se ravise pour ne pas qu'elle l'empêche de sortir.
« Merci, murmure-t-il. De me ramener les pieds sur terre.
-De rien, souffle-t-elle en lui tendant une tasse de camomille. C'est ce que les amis font. »
Tony lui sourit, et enveloppe ses mains froides autour du mug.
Ils restent appuyés contre le comptoir à attendre le sommeil, doucement apaisés par la présence de l'autre.
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Tôt le matin, Tony s'enfuit de l'appartement de Natasha avec son ordinateur sous le bras. Il va se garer un bloc plus loin pour ne pas qu'elle le trouve, et, caché dans sa voiture, s'introduit dans les serveurs de la police. Il y extrait l'adresse de Thor Odinson, et l'entre dans son GPS.
Le type est à l'anti gang, il ne doit pas l'oublier. Avec le passif de son frère, il est sûrement mouillé là-dedans jusqu'au cou. Même si Tony reste très prudent dans ce qu'il choisit de lui dire, il prend un sacré risque en allant chez ce gars. Il y a réfléchi toute la nuit, mais il est trop inquiet que Thor ait son téléphone sur écoute, et que le moindre de ses mots ne mettent Loki en danger. Il préfère se déplacer avec un gilet pare-balles, qu'il ne quitte de toute façon plus depuis leur entrevue. Natasha lui a dit qu'elle le tuerait elle-même si elle le voyait à l'extérieur sans. Il veut se faire sa propre idée du frère adoptif de Loki, tant pis s'il abîme son gilet dans la manœuvre. C'est l'argent du contribuable, de toute façon.
New York est déjà encombré de voitures aux propriétaires endormis et de mauvaise humeur. Tony monte le son de la radio pour ne pas bouillir, et c'est un rythme entrainant et mélancolique à la fois qui s'installe, ressemblant à un Come and Get Your Love désenchanté.
Tony laisse s'installer un sourire amer sur ses lèvres, mais lorsque David commence à parler avec du velours dans la voix, il est rapidement vaincu, et fredonne avec lui les paroles. L'homme des étoiles lui murmure que bien que tout les sépare, et que rien ne repoussera ceux qui les poursuivent, ils peuvent être héroïques, juste pour aujourd'hui.
Le lieutenant laisse s'échapper un souffle qu'il ne se souvenait pas retenir, et accepte de laisser la nostalgie l'atteindre. Loki, assis dans son fauteuil roulant, lui explique la signification de Space Oddity en parlant un peu des mains, probablement à cause des quelques verres qu'il a bus. Ils fêtent sa première semaine sans kétamine, et probablement qu'à cause du whisky, Tony le regarde mimer un astronaute avec un peu trop d'attention. Loki les fait ensuite redescendre en avouant que Major Tom n'est qu'un junkie faisant un bad trip, mais c'est trop tard, ce moment marque la première fois où Tony a eu envie de l'embrasser.
Le lieutenant coupe la radio, et chasse le souvenir.
Il arrive devant l'immeuble de Thor Odinson un quart d'heure plus tard, et sonne à son interphone. Personne ne lui ouvre, et après avoir relevé le numéro de l'appartement, il utilise sa bonne vieille technique jusqu'à ce qu'une dame âgée ne lui ouvre. Il sourit un peu en songeant à Evelyn Evans, avec ses soixante-neuf ans, son string rouge et sa passion pour le cinéma, et entre dans le hall. Il hésite à prendre l'ascenseur, mais de nouveau, le fantôme de Loki l'attend devant le bouton d'appel, et il décide de prendre les escaliers.
Arrivé devant le bon numéro d'appartement, il prend une seconde pour peaufiner son rôle. Il veut pouvoir dire à Thor qu'il sait ou pense savoir des choses intimes sur son frère sans laisser croire qu'il a des soupçons. Il était le collègue le plus proche de Loki, il ne comprend pas pourquoi il a tué leur chef du jour au lendemain.
En bref, il va jouer à l'imbécile affectueux et incrédule.
Ce qu'il est peut-être, songe-t-il en retenant un grommellement.
Il frappe une première fois à la porte, et avoue qu'il ne s'attendait pas à ça.
Thor Odinson est un ours blond bourru et ensommeillé vivant dans un conteneur à verres.
« Thor Odinson ?
-Ça dépend.
-Tony Stark, j'étais un collègue de votre frère, à la Crim'. »
Thor le considère un long moment, puis décide de lui fermer la porte au nez.
Tony se masse les tempes, puis frappe de nouveau sur le battant. Il attend un instant, puis recommence un peu plus fort.
« Allez-vous-en ! grommelle-t-on à travers.
-Je veux qu'on parle de votre frère !
-Je n'ai rien à vous dire !
-On était… proches, lui et moi. Je veux comprendre.
-Je ne lui ai pas parlé depuis des années.
-Je sais que c'est faux, il vous avait donné rendez-vous pour boire un verre il y a environ deux mois, il me l'a dit. »
Un silence surpris est sa seule réponse, et Tony sent qu'il est sur la bonne voie. Il insiste contre le panneau de bois :
« Ouvrez-moi. S'il vous plaît. »
Thor Odinson entrouvre sa porte et laisse passer son visage hirsute. Il le fixe un instant de son regard bleu, dur et inconsolable, avant de marmonner :
« Il n'y a rien à dire. J'ai vu la vidéo, comme toute la police. Il travaillait pour eux, comme il l'a toujours fait. »
Tony est surpris par sa réponse et par son expression. Thor et Loki sont le jour et la nuit, Loki pourrait être fait de porcelaine tant son visage ne change jamais, alors que Thor est de ses personnes qu'on lit comme un livre ouvert. Soit le grand blond est un excellent acteur qui contrefait parfaitement toutes les expressions de tristesse facilement lisibles sur son visage, soit…
Soit il est innocent, et a le coeur brisé d'avoir cru que Loki l'était devenu.
Ils se dévisagent un long moment, Tony continuant de fouiller son regard pour y décortiquer les émotions, puis il jette un regard dans le couloir. L'immeuble est de haut standing, et il y a des caméras dans le couloir.
« Laissez-moi entrer, souffle-t-il, je ne veux pas en parler ici. »
Thor le regarde une dernière fois, finit par céder, et s'écarte de l'entrée. Tony s'essuie les pieds sur le paillasson, et on referme la porte derrière lui. Il jette un œil au coin des murs, puis, en faisant un geste circulaire du doigt pour désigner la pièce, il murmure :
« On peut parler sans risque ?
Thor fronce les sourcils, et jette de son tour un regard inquiet au plafond, comme s'il n'avait jamais pris la peine de vérifier s'il y avait des micros chez lui.
Tony mettrait sa main au feu que personne ne travaillant pour la mafia n'aurait une réaction aussi sincère et naïve.
« Non, pourquoi est-ce que… Oh, réalise-t-il soudain. Non, je n'ai rien à voir avec eux. Aucun d'entre eux n'est jamais entré chez moi. Pas même… Loki. Et vous ? soupçonne-t-il.
-Je ne suis pas avec eux, souffle Tony en levant ses mains en signe d'innocence. Je ne sais pas comment vous le prouver, mais je traque ces ordures depuis des années. »
Une lueur triste passe dans le regard de Thor. Il baisse les yeux et murmure :
« Donc vous traquiez aussi mon frère.
-Non, je… enfin, je ne savais pas qu'il en faisait partie… »
Le mal est fait, et Tony a l'impression d'avoir donné un coup de pied à un chiot. En le voyant avancer voûté vers la cuisine, vraisemblablement en quête de bière, Tony finit par lâcher :
«J'ai des doutes sur la culpabilité de votre frère, et je voulais en discuter avec vous.
-Quels doutes ? marmonne Thor en se retournant tout de même. Il espionnait Nick Fury depuis presque un an, et il a été filmé en train de le tuer.
-Notre patron avait un cancer foudroyant, révèle doucement Tony. Votre frère était le seul au courant. On les soupçonne d'avoir passé un marché douteux entre eux pour flouer la mafia. Vous avez mes infos, maintenant, je voudrais savoir s'il vous a dit quelque chose ces derniers jours ou semaines. »
Au fil de ses mots, une lueur s'est allumée dans les yeux de Thor, puis quelque peu atténuée, comme s'il se morigénait d'avoir autant d'espoir aussi vite. Semblant réfléchir, le grand blond passe une main dans ses cheveux un peu gras, rencontre un nœud, et est obligé de la retirer. Il souffle par le nez, et ses yeux se reposent sur Tony avec un peu de méfiance dans le regard.
« Pourquoi ça vous intéresse ? »
Tony entrouvre les lèvres pour répondre, mais les mots ne viennent pas. Normalement, on ne pense pas à ces choses-là devant le frère de quelqu'un, mais sans qu'il ne puisse s'en empêcher, le soir où il a présenté toutes ses recherches à Loki lui revient comme un extrait de film. Sa main posée sur son bras, ses doigts dans ses cheveux, et ses yeux dans les siens. Tony l'a très bien en mémoire, ce moment où le type terriblement séduisant et qu'il tenait à l'écart depuis des mois pour ne pas souffrir, avait décidé d'écarter toutes ses défenses, avec la même facilité que l'on passe sous une balise de police.
Finalement, ce que Tony a désespérément besoin de savoir, c'est si Loki était sincère cette nuit-là et celles d'après. Il s'était fait à l'idée que ce n'était que de la manipulation, mais depuis six jours, dès qu'il ferme les yeux, il le voit blessé au sol, une larme roulant sur sa tempe, et malgré tout, un mince sourire aux lèvres. On ne sourit pas à quelqu'un qui vient de vous mettre une balle dans l'épaule, à moins d'avoir un grave souci relationnel avec cette personne.
Ça dit quoi, sur lui, d'après toi ?
Incapable de fournir une réponse à la question de Thor, il détourne le regard avec une grimace gênée. Le grand blond semble comprendre de quoi il en retourne, parce que sa bouche forme un rond muet et confus. Il se détourne pour aller ce qui ressemble à une cuisine, et lance :
« Bière ? »
Il est huit heures du matin, mais Tony accepte d'un geste de la main.
Il n'est plus à ça près.
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J'ai l'honneur de vous annoncer que le prochain chapitre est le climax de cette histoire, le dénouement, les cris, les larmes, le kaboom. Merci pour votre soutien et à bientôt !
