Fauve – "Voyou"

Robbi Robb – "In Time" (Mr Robot OST)

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« On risque de pleurer un peu si on s'est laissé apprivoiser"

Le Renard dans Le Petit Prince, d'Antoine de Saint-Exupéry

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Thor et lui passent au tutoiement une fois les bières décapsulées, et parlent un long moment dans cette cuisine sale et encombrée. L'officier de l'antigang commence par lui parler de ce soir dans un bar gay, le Rise– celui de Simon Hill, se souvient Tony – où Loki et lui se sont expliqués puis réconciliés. Avant que la tension ne s'apaise définitivement, Loki lui avait dit qu'il essayait de se racheter, mais qu'il devait encore donner le change, et donc faire des choses « louches ».

Hormis le fait que « louche » est très loin de désigner un meurtre de sang froid, encore moins commis sur le chef de la Brigade Criminelle de New York. Cela expliquait la perte totale de confiance de Thor et son désespoir des quinze derniers jours, au point que son médecin l'ait mis en arrêt pour burn out.

« C'est sûr que c'est un très large euphémisme, concède Tony.

-C'est pour ça que je suis désespéré, gémit Thor en soutenant son visage d'une main, son coude appuyé sur la table. Il m'avait dit qu'il était clean, qu'il revenait dans le droit chemin, et il y a deux semaines, ça !

-Non, écoute, ça me fait quand même du bien d'entendre ça. Moi aussi, il m'a dit qu'il avait un plan. Tu connais Lorenzaccio ?

-Lorenquoi ?

-Laisse tomber, marmonne Tony en réalisant que la moitié de son argumentaire tombe à l'eau.

-Ca me dit quelque chose, c'est un livre que ma mère lui a offert, non ? »

Tony fouille dans sa mémoire, mais il est incapable de se souvenir de cet élément, et secoue la tête en signe d'ignorance.

« De quoi ça parle ? insiste Thor. »

Il ne connait véritablement le gars que depuis trente minutes, mais Tony ressent beaucoup de sympathie pour lui. Le voir en vrac après avoir été terriblement déçu par son frère, mais prêt à s'accrocher au moindre indice apporté par un type le disant moins coupable qu'il n'y paraît, témoigne d'une loyauté forçant l'admiration.

Tony cède et lui raconte le synopsis de Lorenzaccio. Malgré son évidente gueule de bois perpétuelle, Thor reste attentif tout le long du récit, posant des questions pour identifier un personnage ou le contexte politique. Tony s'efforce d'y répondre au mieux, et s'en veut d'avoir laissé le livre chez Natasha.

« Et c'est ce qu'il t'a dit quand tu l'as menacé, qu'il était comme le héros de la pièce ? finit par demander Thor. Comment peux-tu savoir qu'il ne mentait pas ? Mon frère a toujours beaucoup menti. »

Le lieutenant grimace. C'est la partie qu'il aurait aimé éluder. Bien que ce soit une occasion se présentant rarement dans la vie de quelqu'un, il est toujours délicat de dire à un homme qu'on a tiré sur son frère, et qui plus est, au moment précis où il baissait son arme.

« Il était blessé, commence Tony en édulcorant la situation, et… »

Thor bondit de sa chaise pour se pencher vers lui et s'affoler :

« Blessé ? Où ? Il va bien ?

-À l'épaule, mais je l'ai eu au téléphone, et il m'a dit que ça guérissait. »

L'homme se renfrogne et s'assied pour reprendre une gorgée de bière.

« Il ne m'a pas appelé, moi.

-C'est moi qui l'ai appelé, avoue Tony sous la culpabilité avant de regretter sa phrase un instant plus tard.

-Tu dois me donner son numéro, assène Thor d'un ton suppliant. Je dois lui dire que j'ai toujours confiance en lui malgré… la mort de Nick Fury. Je n'osais pas y croire, mais nous sommes deux, c'est différent maintenant. »

En entendant quelqu'un y croire à côté de lui, Tony se sent tout à coup complètement idiot et naïf. Non, il doit se tromper, il a vu Loki tuer un homme désarmé, ce doit être son affection aveugle qui parle…

Oui, mais il y a eu la blessure et ce coup de téléphone. Loki lui a dit de lui faire confiance, et de s'enfuir loin. Non, il doit s'accrocher, même s'il est le seul type de New York à penser que Loki est dans leur camp, mis à part son frère l'aimant beaucoup.

C'est sans doute dangereux, mais il sort le téléphone prépayé qui ne quitte plus sa poche. Ça peut aider Loki de savoir que des personnes sont de son côté, et lui… ça peut l'aider d'avoir une confirmation de plus.

Tony paramètre la communication pour qu'elle soit la plus brouillée et protégée possible, et quand il se sent prêt, Thor appuie sur le bouton d'appel. Tony songe un instant que les frères aimeraient être seuls, mais il ne peut se résoudre à quitter la pièce pour l'instant, pas avec Loki s'apprêtant à décrocher.

Les tonalités s'allongent sans recevoir de réponse, et c'est une messagerie automatique qui reçoit leur déception. Malgré l'échec de leur appel, Thor porte le téléphone à son oreille, et une fois autorisé par un bip à laisser un message, il souffle :

« Loki, c'est moi, je… je voulais te dire que.. j'ai rencontré Tony, et il croit.. que tu m'as dit la vérité ce soir-là, au bar. Alors, je voulais te dire que j'ai confiance en toi malgré ce qu'il s'est passé. On ne va rien dire pour te protéger, mais on voulait que tu saches que s'il y a un moyen quelconque pour que nous puissions t'aider, nous sommes là. Je… je t'aime, petit frère. Sois très prudent. »

Après une seconde d'hésitation, Thor raccroche. Il contemple le téléphone un long moment, ce qui inquiète rapidement Tony. Le pire ne se fait pas attendre, et Thor éclate en sanglots bruyants. Le lieutenant passe un bras au-dessus de la montagne d'épaules tressautant, et lui murmure des paroles de réconfort.

Bon.

Ça ne s'est pas passé si mal que ça.

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Vers onze heures, sur les docks, Loki termine la vérification d'un convoi de contrefaçons d'œuvres d'art asiatique arrivé la veille. Destinées au temple bouddhiste, elles y seront transférées le soir même, puis revendues aux enchères une fois leurs origines blanchies. Ils ont convenu à quatre du quai où elles arriveraient et du nombre de containers concernés quelques jours plus tôt, et tout est arrivé à bon port. Deux sous-fifres du Mandarin aux armes discrètes les surveillent toute la journée pour être sûr que personne n'ait l'idée de les ouvrir en attendant leur déplacement à la nuit.

Épuisé par ses insomnies s'aggravant de jour en jour, il va marcher vers le chantier naval pour se réveiller. Il est encore remué par l'appel nocturne de Tony, et tente d'arrêter d'y penser. Sa tentative se solde par un échec, et avec un soupir exaspéré, il allume son téléphone prépayé.

Un sms lui annonce qu'on lui a laissé un message vocal, et malgré lui, il se retourne pour vérifier qu'il est bien seul sur le quai. Son pouls s'accélérant, il place le téléphone contre son oreille, et écoute le message.

Il est d'abord terrifié d'entendre la voix de son frère lui affirmer qu'il lui fait confiance. Il va supprimer le message pour en effacer toute trace, mais au moment de presser le numéro, il se ravise, et l'écoute une nouvelle fois à la place. Son regard se perd dans le vague pendant qu'il écoute les mots de soutien et d'affection. Le message est aussi douloureux que réconfortant, et il ne peut s'empêcher de l'écouter plusieurs fois, pour se prouver qu'il ne rêve pas, mais aussi mesurer le danger qu'il implique.

Son frère et Tony, ensemble. Dans un lieu public ?

Si quelqu'un les voit tous les deux parler de lui, ils sont morts, et Loki avec.

Il doit prendre une décision, vite.

La deadline d'Amora est à demain, mais de toute évidence, il n'a plus le temps. Quel plan peut-il établir en deux heures ?

Qu'a-t-il comme armes sous la main, en cet instant ?

Le trafic d'art, et les conteneurs qu'il vient de voir, pleins à craquer de contrefaçons.

C'est maigre, comme crime, comparé à la drogue, à la prostitution et aux meurtres, mais une fois qu'elle les aura attrapés par un bout, Maria n'aura qu'à tirer sur le fil pour tout dérouler. Si elle arrive à monter l'opération rapidement et à les prendre en flagrant délit, il y aura trop de preuves et trop de témoins pour que Thanos ne s'en sorte cette fois-ci.

Ce sera ces infos, ou rien. Il refuse de faire prendre plus de risques à ceux qui comptent.

Sa main valide se met à trembler, et il la regarde un long moment avant de retourner à pas pressés vers sa moto.

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Il rejoint rapidement à l'immeuble qui leur sert de base d'opérations temporaire. Il a besoin de quelques derniers documents pour compléter le dossier, qu'il envoie à Maria sur messagerie sécurisée aussi rapidement que sa seule main le lui permet. Il efface ensuite toutes ses traces, puis jette un œil aux caméras des couloirs. Il vérifie rapidement qu'il est seul à cet étage, et une fois sûr que personne ne peut l'entendre, appelle Maria d'un prépayé. Elle décroche à la première tonalité, et il souffle :

" C'est moi. On agit maintenant.

-Je ne suis pas prête, le coupe-t-elle, il reste…

-Je suis compromis, si vous voulez que je vive, c'est maintenant. Ils ont eu une livraison hier soir du Mandarin. La marchandise est sur les docks jusqu'à ce soir, deux hommes armés. Si vous tombez là-dessus, il y aura trop de preuves pour qu'ils réussissent à les faire disparaître. Je vous ai envoyé les comptes, les transactions, les échanges cryptés. On ne peut pas les avoir avec la drogue, la prostitution ou la drogue, mais on les aura pour le trafic d'art, pour l'instant.

-D'accord, murmure-t-elle rapidement. Je verrai pour le reste avec les mandats.

-Je signe mon arrêt de mort avec ces infos, nous ne sommes que nous quatre à les avoir, et je me suis personnellement occupé de cette opération.

-Je sais Loki, mais…

-Il n'y a pas de mais, Hill, vous devez m'exfiltrer de toute urgence, ou je vais finir comme Coulson et Fury.

-Si vous ne faites ne serait-ce que sortir votre valise du placard, ils vont vous tuer. Vous devez attendre que j'aie le feu vert du proc' avec vos preuves, et qu'une équipe d'intervention viennent vous cueillir tous les quatre sans distinction.

-Vos taupes sont toujours là, ça va se répandre comme une trainée de poudre. Vous avez deux heures pour me sortir de là.

-Je vous en offre six. Laissez votre téléphone allumé pour la position. Je ne peux pas faire plus rapide, vous connaissez l'administration.

-Ce sera trop tard.

-Je vous dis de tenir bon. Gagnez du temps, merde.

-Priez pour qu'ils fassent durer le plaisir, ou vous aurez ma mort sur la conscience. »

Il raccroche avec rage, et regarde son téléphone.

Quatorze heures sept.

Il doit rester en vie jusqu'à vingt heures.

« Alors, poussière-dans l'œil ? lui lance la voix de Viktor derrière lui. On passe un coup de fil ? »

Il ne verra pas le coucher du soleil, songe-t-il avant qu'une violente douleur résonne dans sa nuque, et qu'il ne perde connaissance.

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Sa première pensée en reprenant conscience est se demander avec inquiétude l'heure qu'il est.

Il ouvre difficilement les yeux, et cherche une fenêtre pour regarder dehors. Le soleil commence à disparaître derrière les grattes ciel. Il doit être dans les environs de 17h30.

C'est trop tôt, beaucoup trop tôt. Il tourne la tête d'un mouvement paniqué pour identifier les menaces. Dans l'obscurité qui tombe, il reconnaît leurs bureaux. Donc ils n'ont pas bougé, songe-t-il avec une pointe de soulagement. Il y a peut-être une chance que Maria le trouve, il doit désespérément gagner du temps.

Face à lui, Viktor a un sourire mauvais, et une seringue à la main.

"Ça y est, tu es réveillé. J'ai cru comprendre que ton épaule te faisait encore mal, alors je t'ai apporté quelque chose."

Loki se tend immédiatement, et son épaule le fait grimacer. Ils ont enlevé son écharpe pour attacher ses mains au dossier de la chaise sur laquelle il est assis, et ses points de suture le tirent terriblement.

"C'est de la kétamine, ça te fera du bien."

Merde. Il n'a rien contre le fait de se faire arracher les ongles, ou quelques dents. C'est de la douleur, et la douleur peut s'ignorer deux petites heures si on sait qu'on finira par être sauvé.

Par contre, avoir ça dans le cerveau de nouveau est hautement plus terrifiant.

Il sait que l'effet est beaucoup plus rapide et puissant par intraveineuse ou intramusculaire. Avec l'état d'angoisse dans lequel il est, il est bon pour le pire bas trip de sa vie.

Enfermé dans sa propre tête avec ses démons, il va tout balancer en quelques minutes, et une fois qu'ils auront le nom de Maria, ils vont le tuer.

Coulson, lui, a tenu plusieurs jours, et aurait pu tenir bien plus longtemps si Loki ne l'avait pas abattu.

Pathétique.

"Merci, mais c'est supportable, affirme-t-il en s'efforçant de garder sa voix plaisante et confiante. »

Même lui peut entendre que c'est un échec flagrant. Sa tête et son épaule le lancent terriblement, et il commence à avoir très froid sous l'effet de la peur.

« Très bien, si tu réponds correctement à ma question, je la réserve à quelqu'un d'autre. Es-tu de notre côté ?

-Bien sûr ! Pourquoi penses-tu une chose pareille, tout à coup ?

-Parce qu'ils ont des infos qu'ils ne devraient pas avoir. Des infos que seuls nous quatre avons. J'ai la confirmation que ton coup de fil n'était pas à ton petit copain, mais bien à quelqu'un du FBI. Amora m'a tout raconté pendant ta sieste, explique-t-il en faisant un signe de tête vers sa droite. »

Loki suit le geste du regard, et remarque finalement la jeune femme aux cheveux courts. Elle se tient du côté de son épaule blessée, et son regard le transperce. Il ne pensait pas que voir de la haine dans ses yeux pourrait l'atteindre, mais c'est pourtant le cas. Il a dû s'attacher, entre deux nuits passées à se menacer, se faire du mal et compatir.

Peut-être qu'avant Vanessa, ils auraient pu finir dans le même camp. Si elle avait choisi d'épargner la journaliste, et si elles avaient cherché une échappatoire toute cette situation, il les aurait aidées à s'enfuir aux Bahamas.

Mais elle l'a tuée, et pour justifier son acte à ses propres yeux, elle s'est entièrement consacrée à l'organisation.

Que Loki se retourne contre eux pour sauver son indic doit lui être intolérable.

Il détourne le regard pour se reconcentrer, et se focalise sur le mafieux russe pour négocier d'une voix qu'il espère calme :

« Viktor, il n'y a pas de raison de m'injecter ça, on peut discuter entre adultes civilisés.

-Dommage, parce que je ne te trouve pas très bavard, et souvent ça aide. J'ai une dose létale, ici. Je n'en mets que la moitié si ta réponse me plaît. Deal ?"

Viktor s'approche de son côté gauche avec le pouce sur le poussoir de la seringue, et Loki cède finalement à la panique. Pour l'empêcher de se débattre, Amora empoigne son épaule blessée, et il laisse échapper un cri de douleur. Elle lui crache au visage, et assène avec un reproche menaçant :

« Je t'avais prévenu, Loki. Un soupçon de plus, et je lâchais les chiens. »

Viktor plante la pointe de métal dans son épaule blessée, et lui fait serrer les dents. Loki tentait de résister encore un peu, mais la morsure de l'aiguille finit de le pétrifier. Tournant difficilement la tête, il regarde avec horreur le piston se baisser dangereusement, et peut presque sentir le poison se frayer un chemin jusqu'à ses veines.

"Voilà, l'informe Viktor sans retirer l'aiguille, j'ai mis la moitié. Maintenant réponds correctement à ma question, ou je te mets le reste. Confirmes-tu être notre taupe ?

-Bien sûr que non."

Viktor appuie sur la seringue.

"Oui, avoue-t-il immédiatement, je leur ai dit, mais pour les piéger ! Je ne leur ai pas donné les bons conteneurs, ils ne trouveront rien…

-Ferme-la, menteur ! crache Amora.

-Une langue de serpent, c'est tout ce que tu as toujours été….

-Sois courageux, Loki, souffle une voix grave et profonde au fond de la pièce. »

Se détachant d'un pilier dans un coin sombre et faisant immédiatement cesser les cris, Thanos s'approche de lui à pas lents. Il arrive finalement à son niveau, baissant la tête pour le voir. Attaché à sa chaise, Loki le regarde avec impuissance le dominer de toute sa hauteur. Se penchant vers lui avec un demi sourire lourd de sens, son ancien patron lui conseille :

« Assume tes actes, au moins.

-Thanos, supplie Loki en le regardant dans les yeux. Je t'assure que…

-C'est dommage, poussière dans l'œil. Je t'aimais bien."

Les renforts n'arriveront pas avant deux heures.

Thanos le contourne, et coupe les liens qui le retenaient. Victor retire la seringue plantée dans son épaule, et s'éloigne de quelques pas. Loki a un sursaut de soulagement et d'espoir, un instant avant qu'on ne le soulève par le cou. Ses pieds heurtent sa chaise, qui tombe bruyamment à côté de lui. Il finit par balancer inutilement ses jambes dans le vide, tentant de s'accrocher aux bras qui l'étranglent pour leur faire lâcher prise, en vain.

Thanos le serre au point qu'il ne peut plus respirer. Il est tellement fort. C'est un titan. Et lui ?

Un moineau entre les mâchoires d'un renard.

Il aurait dû rester à crever de froid dans la neige et la fermer. Maintenant, c'est trop tard pour garder le silence.

C'est sans doute la drogue qui parle déjà, mais il se croit un instant à la fin du livre préféré de Tony. Il est la souris dans l'Ecume des Jours, avec la tête entre les mâchoires du chat.

Thanos va lui briser la nuque.

Il va mourir d'un instant à l'autre.

Au bout du compte, c'est la kétamine qui avait raison.

Il est sur le point de perdre connaissance, quand il entend :

"FBI ! Pas un geste !"

« Posez-le à terre ! »

« Mains sur la tête ! Maintenant ! »

Thanos le lâche, et Loki s'écroule au sol en tombant sur son épaule blessée. Il lâche un long sifflement étranglé, essayant de reprendre son souffle parmi les injonctions menaçantes et la cohue générale.

Une fois les trois criminels levant docilement leurs mains en l'air sous la menace des armes automatiques pointées vers eux, Maria trottine vers lui, et lui murmure :

« Bon boulot, Loki. Désolée, mais on doit t'arrêter aussi. »

Elle se lève, et commence à réciter ses droits à Thanos. Un autre policier la remplace auprès de Loki, et commence à lui tordre les bras derrière le dos pour le menotter.

Alors que ses points de suture cèdent et qu'il tente désespérément de respirer, Loki se rappelle soudain.

Lorenzo n'est pas mort des mains du tyran qu'il voulait tuer.

C'est le peuple, qui l'a vu dans la rue, battu à mort et jeté dans le fleuve.

La kétamine agit comme une gifle. Son cœur s'accélère, et l'angoisse rampe comme une main glacée sur son torse, une araignée s'approchant de sa bouche pour entrer en lui, et pondre ses œufs dans son corps.

Il lui semble qu'il étouffe, que les œufs sont déjà dans ses poumons, qu'un nénuphar y grossit, que l'eau du fleuve monte tout autour de lui, prête à le faire disparaître dans les abysses.

Loki Loki Loki, tu n'as rien appris ? Quand ton regard pénètre au fond d'un abîme, l'abîme, lui aussi, pénètre en toi, récite Coulson dans un sourire tout en lui maintenant la tête sous l'eau.

Il laisse échapper la dernière bouffée d'air qui lui restait, et sombre au fond du fleuve.

Il entend la voix lointaine de Hill, restée à la surface, hurler à son collègue :

« Non mais ça va pas ? Enlevez-lui ces menottes ! Il a été drogué, ça se voit, non ? Appelez une ambulance, pronto ! »

Jetant un dernier regard vers la lumière vacillante de la rive, il ferme les yeux et se noie.

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Il se réveille dans une chambre d'hôpital, haletant avec angoisse. Sa gorge le brûle, et il se sent affreusement mal. Une fois avoir réalisé qu'il est toujours en vie, il tente de déterminer où il se trouve et combien de temps est passé. Son regard tombe sur la fenêtre, et reste figé sur la vue qu'il a sur New York.

C'est l'aube. Il la regarde un long moment, bouleversé par la banalité de l'événement qu'il a cru ne plus jamais vivre. Il la contemple jusqu'à ce que le soleil s'imprime sur sa rétine et lui laisse une tâche noire aveuglante.

Un rayon de lumière finit par atteindre les yeux de Hill qui dormait dans le fauteuil de la chambre. Elle ferme étroitement les paupières, puis les ouvre difficilement, semblant n'avoir pas beaucoup dormi.

"Bonjour. Comment vous sentez-vous ?

-Pourquoi... croasse Loki sans s'encombrer de la politesse. … Vous m'avez dit six heures ?

-Moi aussi, ça va.

-Répondez… à ma question.

-Je voulais être sûre que vous en tiendriez quatre.

-Merci, vraiment. J'ai vu la Mort me tendre les papiers d'admission.

-Arrêtez de vous plaindre, on est arrivés à temps et on les a tous eus. On a gagné, Loki, insiste-t-elle avec un sourire d'épuisement satisfait."

Il repose sa tête sur son oreiller sans rien répondre.

Devant ses yeux, il revoit sa mère, qui lui sourit. Derrière elle, il y a Coulson et Fury, un trou noir dans la tête, et Stark, braquant son flingue vers son cœur.

Il soupire en se frottant la clavicule gauche. Un nouveau pansement y a été mis, ils ont dû refaire ses points de suture.

Tout cela en valait-il la peine ?

« Votre frère est passé hier soir, mais il ne pouvait pas rester, il n'avait pas les qualifications. Il m'a dit de vous dire qu'il était très fier de vous. »

Ah oui ? Ce n'est pas son cas.

« Vous n'avez pas l'air bien, murmure Maria en se penchant vers lui.

-C'est la descente. Et j'ai eu un mal fou à décrocher, la première fois, fait-il en regardant la trace de piqure dans le creux de son coude. Maintenant, il faut tout recommencer.

-Ils vont vous accompagner, vous allez y arriver. Vous avez démantelé la putain de mafia de New York, vous pouvez bien arrêter de prendre un anesthésiant."

Il tourne sa tête vers le soleil levant avec beaucoup de peine.

Son seul sevrage réussi, il l'a passé avec du risotto, David Bowie et un film d'amour. Il y avait aussi des bruits de coups de marteau, des cicatrices sur un torse nu, et quelqu'un lui demandant s'il allait bien.

« Ne dites pas « putain", Hill. « Putain, c'est du slut shaming », marmonne-t-il avec des regrets dans sa voix.

Dehors, les gratte-ciels de New York sont baignés de lumière.

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Merci d'avoir lu, dites-moi si la résolution vous a plu ! Il reste un dernier chapitre à cette histoire et un épilogue.