Voici donc l'épilogue de cette histoire. Merci à vous qui l'avez lue jusqu'au bout et m'avez laissé des petits mots, je n'aurais pas pu y arriver toute seule. (Merci Aho, madlaine, Lélène pour vos longs mots et nos discussions qui m'ont aidée à l'écrire, elle n'aurait pas été pareil sans vous !)

Bonne dernière lecture.

Phil Collins - "Against All Odds"

Jimmy Cliff - "I Can See Clearly Now"

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Il a cru ne jamais sortir d'isolement. Un gardien l'escorte au réfectoire pour rejoindre les autres, et Loki les observe avec méfiance. Ils le fixent de la même manière, et il comprend qu'il a sérieusement amoché le détenu qui l'a insulté au parloir. Il est tranquille pour plusieurs semaines.

A la promenade, la lumière du soleil l'éblouit. Un carré se découpe sur sa joue, et il respire doucement.

On vient le chercher pour une visite, et il s'interdit de trop espérer.

Mais c'est bien Tony qui l'attend, et qui décroche le téléphone en le voyant arrivant.

Loki croyait ne jamais le revoir.

Il s'assied sans parvenir à cacher sa surprise, et décroche à son tour le combiné.

Tony le regarde un instant, puis murmure :

"Désolé, pour la dernière fois. On ne devrait pas parler de ça. Mais ce n'est pas une excuse pour tabasser toute la prison, Maria m'a dit que tu risquais un rallongement de peine la prochaine fois. »

Loki a un mince sourire. Tony voudrait qu'il sorte, finalement. Il n'aura sans doute pas plus démonstratif de sa part, il faut qu'il apprécie l'information à sa juste valeur.

Tony se racle la gorge, et demande :

"Que veux-tu faire, une fois sorti ?

Loki a un temps d'arrêt. Il n'y a jamais pensé. Pour être tout à fait honnête, quand il est entré ici, il n'avait pas grand espoir d'en sortir vivant. Maria a été efficace dans son épuration des services le temps de son procès, il aurait dû se faire pendre par un gardien depuis longtemps.

"Aller à la mer, finit-il par avouer. Pas tout de suite après, mais le lendemain, peut-être."

Tony a un sourire un peu douloureux, mais répond :

"Pas de souci, j'ai un endroit à te faire découvrir, c'est sympa. Bon, c'est un peu loin, mais l'été, on peut se baigner, l'eau est propre. Ce qui est assez rare, par ici. Apparemment, ce sont les courants qui font ça."

Loki le laisse parler en le regardant et en le remerciant silencieusement. Il apprécie chaque seconde du contact humain et du pardon que Tony veut bien lui accorder.

"Ça va ? Finit par lui demander Tony après une dizaine de phrases non pertinentes. Tu as un regard bizarre.

-C'est l'isolement. C'est.. Difficile, à supporter.

-Deux semaines sans parler, je ne sais pas comment je ferais.

-Tu ne survivrais pas.

-Non, je ne pense pas, fait-il en détournant le regard et en souriant."

Loki s'appuie sur le dossier de sa chaise en tenant le téléphone contre sa joue. Il rend son sourire à Tony sans rien ajouter, et on lève les yeux vers lui. Tony tapote la table de ses doigts, et l'instant s'étire. Les visites se terminent quelques minutes plus tard, et Loki parvient à dormir sans se réveiller. Le lendemain, il décide de se remettre au sport pour se sentir mieux et se reprendre en main. Il se sent encore faible et engourdi, mentalement et physiquement, après deux semaines passées dans un placard.

Sa mère lui rend visite en rêve, et Thor et Tony viennent le voir régulièrement. Maria, Darcy, et étonnamment Natasha, passent de temps à autre, de même que son avocat. Un jour, Matt Murdock arrive en souriant, et lui dit que le juge est prêt à le libérer dans deux semaines.

Tony est intarissable sur tout ce qu'ils vont faire ce jour-là, et quand Thor propose de venir le récupérer, Loki décline avec diplomatie. Ils auront le temps de se voir plus tard, mais il y a quelqu'un avec qui il a plus à rattraper.

Les jours et les heures s'étirent, et enfin, il s'endort pour la dernière fois dans ce bâtiment bruyant et crasseux.

-o-o-o-o-

Une étrange angoisse l'étreint le jour de sa sortie, alors qu'il marche dans les couloirs avec les mêmes vêtements impersonnels qu'on lui avait donné à l'hôpital. Ses affaires pleines de sang, excepté son pantalon, ont été des pièces à conviction de son procès. C'est d'abord pour sa séquestration, torture, et tentative de meurtre que Thanos a eu à comparaître, et au fur et à mesure que son empire s'écroulait, les chefs d'accusation se sont accumulés. Il est à présent dans un quartier haute sécurité pour probablement toute sa vie.

Contrairement à lui, qui passe ses dernières minutes dans ces murs.

Plus ses pas le rapprochent de la porte de la prison, plus il sent une étrange appréhension monter. Tout à coup, l'éventail infini de possibilités l'effraie. Il a déjà accepté une période d'essai au FBI aux côtés de Maria, mais il a peur que revoir les uniformes ne fasse remonter tous ses fantômes à la surface.

Peut-être qu'il a vu assez de violence et de corps pour trois vies et demie.

Peut-être qu'il aurait dû intégrer une formation de boulanger, d'archiviste ou de fleuriste.

C'est ce que Nick Fury disait souvent. Qu'il aurait dû faire fleuriste.

Nick Fury...

Un étau enserre son cœur alors qu'il signe les papiers de sortie et récupère ses affaires. Il ne lui reste que son jean noir, avec dans une poche, un ticket de caisse oublié de Starbucks disant qu'il a acheté un chocolat chaud à une petite fille. Il le fixe longtemps, incapable de se défaire de l'impression qu'il récupère la vie d'un autre.

On l'escorte jusqu'aux grilles, il sort dans la lumière, et on verrouille la prison derrière lui. Il a la sensation étrange que le soleil brille plus ici que sur la cour où ils faisaient leurs promenades.

"Bonjour. Je peux vous déposer quelque part ?"

Loki tourne la tête vers Tony, et un sourire incertain relève le coin de ses lèvres.

L'étau se desserre. Tony a relevé ses lunettes de soleil sur le haut de sa tête et le regarde avec des yeux plissés par l'abondance de lumière, ou peut-être de l'affection. Il est appuyé contre le capot d'une Cadillac jaune de collection, et en a l'air outrageusement fier.

Loki s'approche doucement. Il se sent sali par ces trois années de prison, avec à la main le jean qu'il portait le jour où il a frôlé la mort.

Il apprécie un instant la belle carrosserie qui brille de mille feux, et s'appuie sur la portière auprès de Tony.

« Ça paie, la cybercriminalité, commente-t-il en regardant le capot chromé.

-Plutôt, oui. J'ai toujours voulu me l'offrir, celle-là, et faire un road trip iconique avec. »

Un road trip. S'il en a envie, Loki peut partir loin, n'importe où, n'importe quand.

Il est libre, réalise-t-il finalement. Comme un moineau.

« Mais bon, reprend Tony en le voyant regarder dans le vide. Ça peut attendre, hein, il faut d'abord que je demande des congés de tout façon, et tu commences ton boulot lundi. Qu'est-ce qui te tenterais pour l'instant ?

-Est-ce que tu m'accordes..."

Loki hésite, ses lieux préférés de la ville et d'ailleurs défilant devant ses yeux. Il tourne la tête vers Tony, le regarde un instant, et termine sa phrase par :

« Une soirée film chez toi ?

-Tu peux aller partout, et tu choisis d'être enfermé chez moi ? Je pensais qu'on en avait déjà parlé. Tu devais te prendre au moins une cuite, on allait aller en boîte, puis, à l'heure de la fermeture, on allait se mettre en quête de burgers...

-Partout peut attendre. C'était très bruyant, là-dedans. Pour le premier soir dehors, le calme, des popcorns et un vieux film me va très bien. Si ça ne t'embête pas.

-Très bien. Je te traînerai en boîte une autre fois."

Tony sourit, et sort un paquet de cigarettes de sa poche arrière. Loki les fixe avec envie.

"À moins que tu ne veuilles pas reprendre, se ravise Tony en rétractant son geste.

-Je crois que je n'ai pas bien savouré la dernière."

Tony lui tend le paquet, et Loki en tire une cigarette, regardant toujours Tony du coin de l'œil.

La première taffe est incroyable. Le froid métallique descendant dans ses poumons, l'habitant un instant et s'en allant.

Il souffle sa fumée dans l'air vers le soleil, mais elle ne s'élève pas assez pour se changer en nuage.

"Désolé, lance Tony avec un sourire amusé, la machine à laver ne passait pas dans mon coffre.

-Je vais arrêter, décide soudain Loki. Aucune ne sera aussi incroyable que celle-là, machine ou pas machine.

-Bonne idée, tu ne recommenceras pas à t'empoisonner, comme ça."

Loki relève les yeux, et se rappelle de tout ce qui l'empoisonnait trois ans auparavant. La kétamine, les secrets, la permanente menace de mort, les sentiments, ses remords. Tout cela semble loin, à présent, et cela le rassure un peu.

"Je… merci, Tony.

-Pas de quoi.

-Tu crois qu'on... mettra tout ça derrière nous un jour ? Véritablement, je veux dire ?"

En croisant son regard avec une fêlure dedans, Tony constate que Loki n'est pas tout à fait réparé. C'est compréhensible, la prison réussit rarement à réparer les personnes.

Mais si ces trois années de visites carcérales lui ont fait comprendre quelque chose, c'est qu'il a envie de ramener Loki vers la lumière et la tranquillité d'esprit. Lui, en tout cas, y arrivera mieux à ses côtés, malgré tout ce qui leur est arrivé.

Ses fantômes à lui sont partis le jour où le jour où Loki est sorti d'isolement et où ils se sont revus. Ni Vanessa, ni Andrès, ni Fury, n'étaient revenus.

Alors qu'une inquiétude passe sur le visage de l'ancien détenu, il se rappelle sa question, et répond :

"Ton épaule a bien guéri. Oui, ça ira. Par contre, tu me dois un paquet de corvées."

Loki cherche un instant dans sa mémoire. Il était dans un lit d'hôpital avec une cheville cassée et écoutait avec fureur Tony prononcer ces mots. Qu'avait-il dit après, déjà ?

"Des appels au nouveau juge d'instruction, des cafés et des massages de pieds ? tente-t-il avec incertitude.

-Exactement, réplique Tony en s'approchant."

Satisfait de s'être souvenu, Loki laisse s'étirer un sourire joueur, et suggère :

"Tu ne veux pas d'autres endroits que les pieds ?

-Peut-être, si tu es compétent."

On pose une main sur sa hanche, Loki passe ses doigts dans des cheveux, et Tony embrasse son sourire amusé. L'ancien détenu glisse une main sur sa joue pour l'approcher, et il lui semble que tout son corps soupire de soulagement.

Il lui semble aussi que cela fait un millier d'années qu'il n'a pas été aussi proche de quelqu'un. Le dernier poids qu'il avait sur le torse, lourd comme le boulet d'un condamné, glisse et tombe à ses pieds.

Il entrouvre les lèvres pour sentir le souffle de Tony sur les siennes, et le serre plus fort. Inclinant sa tête, il se redresse pour embrasser sa tempe, et passe un bras derrière son dos pour le maintenir contre lui. Il s'imprègne doucement de sa chaleur et la laisse s'infiltrer dans ses os, pendant qu'elle déloge les nœuds glacés qui s'y sont installés au fil des mois.

Il sait qu'il parait vulnérable, à s'accrocher comme ça un long moment, mais il en rêve depuis trois ans.

Tony ne proteste pas, et se laisse étreindre en traçant des cercles sur ses hanches. Il niche son nez dans son épaule, semblant respirer son odeur pour s'en rappeler.

Il finit par se détacher doucement, s'éloignant juste assez pour le regarder. Loki laisse ses yeux fouiller dans les siens, et les coins de ses lèvres commencent à s'étirer en une ligne amusée. Tony suit du pouce la courbe de son sourire avec des yeux qui pétillent, et finit par murmurer :

"Allez. En piste, le bleu."

Loki va s'asseoir dans la décapotable jaune, appréciant la chaleur des sièges en cuir. Alors que Tony démarre, il se rappelle l'existence de la musique, et son pouce appuie sur le bouton de la radio. C'est Jimmy Cliff qui passe, et il dit que maintenant que la pluie est passée, il peut voir que cela va être une belle journée. La chanson le ramène à une nuit de décembre où Tony et lui se sont évadés vers la côte, et la coïncidence le fait sourire.

Ils roulent vers l'est tandis que les gratte-ciels se rapprochent, et il constate que cette satanée ville lui a manqué.

Une main sur l'épaule de Tony pour s'assurer qu'il est bien là, et sa nuque reposant sur l'appuie-tête, Loki laisse le soleil lui caresser le visage, pendant que la mélodie des embouteillages de New York emplit ses oreilles.

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Cette histoire a été commencée il y a cinq ans, et elle est à présent terminée. Merci encore d'avoir jusqu'au bout accompagné Loki dans sa quête de rédemption.

Je pense me concentrer sur des projets originaux à présent. Si je n'avance pas assez, je publierai sur Fictionpress, et mettrai le lien sur mon profil pour vous demander votre aide et vos conseils.

Je vous embrasse, prenez bien soin de vous.

Obvy