Note : Ici, cela fait plusieurs semaines que Fleur est chez les Diggory, et nous sommes maintenant en octobre.
Lunedorell : Merci du coup de pieds aux fesses, lol… voici le chapitre 8, j'espère vraiment qu'il va te plaire :)
Chapitre 8 : Affaires de famille
Alerte.
C'était la panique totale. Pas dans la maison, non. Là, tout était calme, comme toujours. Mais ça risquait fort de ne pas le demeurer bien longtemps. Le simple fait de voir par la fenêtre du salon mes parents s'avancer vers la porte d'entrée ne présageait pas grand-chose de bon.
- Heum, Cedric, dis-je d'une voix qui m'apparut lointaine.
Son regard suivit le mien et ses yeux s'arrondirent lorsqu'il aperçut mes parents. Voilà qui allait très certainement gâcher la soirée.
- Mamaaaaaaan ! appela-t-il d'un ton soudain alarmé.
Je le comprenais. Il n'avait vu mes parents qu'une seule fois et, ce jour-là, mon père l'avait menacé de sa baguette magique. Il y avait de quoi être nerveux.
- Qu'est-ce qu'il y a, mon chéri ? demanda Grace en descendant l'escalier.
À cet instant, on cogna à la porte et Grace bifurqua pour aller répondre. Cedric et moi échangeâmes des regards inquiets. Qu'est-ce que mes parents venaient faire ici, au juste ? La mère de Cedric demeura bouche bée quelques secondes en ouvrant la porte.
Certes, elle n'avait jamais rencontré mes parents, mais nul besoin d'être très intelligent pour comprendre que l'élégante femme à la longue chevelure d'or blanc était ma mère. Encore un tout petit effort de déduction et on comprenait que l'homme à sa gauche était mon père.
Grace, courtoise comme toujours, les invita à entrer. De là où ils étaient, nous pouvions les voir, mais le contraire était impossible.
- Où est Fleur ? demanda immédiatement ma mère dans un anglais parfait en pénétrant dans le cottage en fronçant les sourcils d'un air incroyablement dédaigneux.
Je devinai qu'elle devait avoir faire usage d'une potion ou d'un enchantement quelconque pour se doter momentanément de la compréhension et de la maîtrise de la langue anglaise. C'était donc un cas de force majeure.
- Au salon, répondit aussitôt Grace. Voulez-vous que je demande à l'elfe de vous préparer des rafraîchissements ? La chaleur est étonnamment étouffante, ce soir.
- Non, merci, répondit mon père d'un ton pincé qui indiquait que le « merci » n'était qu'une vulgaire formalité.
Ma mère ne se donna même pas la peine de répondre, et j'entendais déjà ses talons aiguilles marteler le sol alors qu'elle approchait du salon.
- Ah, te voilà. Il faut que nous parlions.
- Bonjour à toi aussi, maman, dis-je en tentant de ne pas paraître trop insolente.
- Décidément, l'insolence ne sied pas aux jeunes filles, déclara-t-elle en s'asseyant dans le sofa qui faisait face à celui où Cedric et moi étions assis.
Raté.
- D'ailleurs, reprit-elle en chassant de la jupe de son tailleur crème une poussière imaginaire, qu'est-ce que c'est que cette façon de t'asseoir ?
Pour information, mes jambes étaient simplement repliées sous moi. Quel affront. Mais, peu désireuse d'accélérer le déclenchement de la catastrophe qui se faisait imminente, je changeai de position et croisai les jambes, le dos bien droit, attendant la suite.
- Florence, nous ne sommes pas là pour ça, rappela mon père en s'asseyant à côté d'elle.
Profondément intrigués, les Diggory étaient entrés dans le salon, demeurant poliment en retrait.
- Alors pourquoi êtes-vous ici ? demandai-je.
- Un instant. Laissez-nous, je vous prie, ordonna-t-il en direction des Diggory.
Grace et Amos se dirigèrent naturellement vers la sortie, mais durent insister du regard pour que Cedric fasse de même. Il me regarda et eut un bref sourire pour m'encourager avant de suivre ses parents dans la cuisine, me laissant seule face à mes parents.
Avec lenteur, mon père sortit quelque chose de la poche intérieure de son veston. Il s'agissait d'une fine chaîne d'or blanc au bout de laquelle se balançait doucement un pendentif rectangulaire, également en or blanc. Long d'environ cinq centimètres et large d'environ un, des écritures et des symboles complexes y étaient gravées. Il déposa le bijou sur la table basse qui nous séparait. Je me penchai légèrement pour le prendre, sous son regard observateur.
- Qu'est-ce que c'est sensé être ? demandai-je en reprenant naturellement l'usage du français.
Si c'était une façon de s'excuser, j'osais espérer pour lui qu'il ne comptait pas m'acheter avec cette breloque. Mais vu la façon dont ils étaient arrivés, j'en doutais fort.
- Une clé, m'informa aussitôt ma mère, apparemment soulagée de ne pas avoir à faire usage de l'anglais plus longtemps.
- La clé de quoi ? demandai-je, méfiante.
- Du compte Delacour à Parissor, répondit ma mère. (NdA : Banque française des sorciers, inventée pour la cause).
- Fleur, tu auras dix-neuf ans dans deux jours, commença mon père. C'est l'âge convenu depuis des générations pour que le premier né reçoive son accès à la fortune familiale. Ainsi, à la mort de ses parents, le détenteur de cette clé prend plein contrôle sur l'héritage.
- Vous êtes venus ici seulement pour ça ? Pour me donner cette clé ?
- Fleur, il y a des contraintes.
Je faillis lever les yeux au ciel. On y était. Je sentais déjà que ça n'allait pas me plaire et qu'ils allaient ravoir leur fichue clé très vite.
- L'héritage familial, comme tu le sais peut-être déjà, ne peut en aucun cas sortir de la France, et il ne peut être possédé que par le sang français. Cela signifie, premièrement, que tu dois habiter en France pour en disposer. Deuxièmement, cela veut dire que ton mari, si mari il y a, ne peut être que de nationalité française, puisque c'est lui qui en disposera à ta mort si tu n'as pas d'enfants de dix-neuf ans.
Et voilà. Le plus gros « détail » de toute mon existence était là. Lentement, je posai le pendentif sur la table basse, et, du bout des doigts, je le fis glisser vers eux.
- Alors, je n'en veux pas, dis-je en tentant de retirer tout reproche de ma voix.
Ils échangèrent des regards interloqués avant que ma mère se décide à reprendre la parole :
- Fleur… Fleur, je t'en prie… réfléchis, enfin… cela représente plusieurs millions de…
- C'est tout réfléchi, maman. Si pour avoir cet héritage je dois renoncer à Cedric un jour, alors je le refuse d'emblée immédiatement. Mon âme n'est pas à vendre.
Ma voix était douce, mais ferme.
- Fleur, reprit mon père, tu ne peux pas décemment…
- Si, puisque c'est ce que je suis en train de faire. Reprenez cette clé. Si, dans onze ans, Gabrielle entre dans le moule, alors, donnez-la-lui.
- Si tu refuses, l'argent n'ira même pas à Gabrielle, m'informa mon père. C'est ta cousine Madeleine qui l'aura. Si le possesseur légitime – toi – refuse ou ne peut recevoir la clé, alors elle va au premier enfant de la famille qui, à l'âge de dix-neuf ans, emplira ces conditions. Ce sera Madeleine, car elle a déjà dix-neuf ans.
J'haussai les épaules. Je détestais Madeleine, qui m'avait toujours royalement tapé sur les nerfs. Mais cette aversion n'était rien à côté des sentiments qui me liaient à Cedric.
- Pour être parfaitement honnête avec vous, je me moque pas mal de ce que cet héritage deviendra. Je vivrai très bien sans. Je pense même que je vivrai mieux sans cet argent, tant les sacrifices seraient grands pour moi.
Je me levai.
- Donnez le cadeau empoisonné à votre nièce. Pas à votre fille.
Sur ce, je me levai sous le regard ahuri de mes parents et je montai dans ma chambre. Je venais de me laisser tomber sur mon lit lorsque Cedric apparut dans l'embrasure de la porte.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il doucement, les bras croisés.
- Je viens de faire deux malheureux et trois heureux, dis-je en regardant le plafond au-dessus de ma tête.
- Et qui sont ces gens ? m'interrogea Cedric en s'asseyant sur mon lit.
- Mes parents sont les malheureux. Ma cousine Madeleine et ses parents sont les heureux.
- Pourquoi le sont-ils ?
- Parce que j'ai refusé l'héritage, Ced.
Je continuais de regarder le plafond. Inutile de jouer les mijaurées : c'était un coup pour moi de refuser en bloc l'héritage familial qui m'était légitimement dû depuis ma naissance. J'étais consciente d'avoir pris la bonne décision, mais de là à dire que ça m'emplissait de joie.
Ce n'était pas seulement une question d'argent : oh, bien entendu, j'étais habituée depuis toujours à mon « petit confort », au luxe, tout ça, quoi. C'était une question de… je ne sais pas. De principes ? D'honneur ? Depuis Hermès De la Cour, qui avait démarré cette tradition plusieurs générations avant moi, on n'avait jamais vu un héritier légitime refuser la fortune familiale.
- Je vais te raconter une histoire, dis-je en m'apercevant de sa confusion. L'histoire de la fortune Delacour.
Pour lui, un héritage, ça devait être seulement un beau pactole qu'on recevait à la mort de quelqu'un. Ou bien le service à thé ancestral de la grande tante Marthe. Il ne devait pas songer qu'on pouvait le soumettre à des conditions strictes.
- Il y a de cela un bon deux cents ans, il y avait un homme – un sorcier – qui s'appelait Hermès De la Cour. En trois mots. Ce sorcier était très riche, ses affaires étaient prospères. Mais notre cher Hermès était malade, alors il savait qu'il allait bientôt mourir. Comme il était veuf, sa fortune, conformément à la coutume de l'époque, devait aller au plus âgé de ses fils.
Je soupirai légèrement.
- Mais là était le problème : il avait trois enfants, et son fils, le troisième né, avait à peine sept ans. Hermès trouvait ridicule de remettre ses précieux Gallions à un enfant alors que ce serait sa fille la plus âgée, déjà adulte, qui s'occuperait de la famille à sa mort. Il a donc rédigé son testament en exigeant fermement et clairement que sa fortune soit remise entre les mains de sa fille aînée à sa mort. Et, bien sûr, lorsqu'il mourut, on procéda de cette façon.
- Je ne comprends pas ce que…
- Chut, dis-je en agitant un index réprobateur. Alors, Mathilda a reçu l'argent de son père. Au fil du temps, la tradition s'est continuée et s'est modifiée : lorsque l'aîné de celui qui a le contrôle absolu sur la fortune familiale atteint l'âge de dix-neuf ans, il reçoit la clé qui lui permet de se servir dedans. Lorsque la personne qui avait le contrôle meurt, c'est le détenteur de la clé qui reçoit le plein contrôle de l'héritage. Celui qui possède la fortune familiale aujourd'hui, c'est mon père, et il était venu me remettre la clé aujourd'hui parce que j'aurai dix-neuf ans dans deux jours.
- Pourquoi dix-neuf ans ? demanda Cedric, légèrement décontenancé.
- Tu ne devines pas ? dis-je dans un petit sourire. Dix-neuf ans est l'âge qu'avait Mathilda à la mort de son père.
- D'accord. Je comprends la clé. Je comprends les dix-neuf ans. Mais pourquoi tant d'indignation ? Quel est le rapport avec ta cousine ?
- J'y arrive. Il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit : Hermès était extrêmement chauvin. Il ne voulait donc pas que sa chère fortune tombe un jour entre les mains d'une descendance non française. L'héritage doit donc demeurer en France, aux mains d'un Français.
- Oh.
Et voilà. Il avait compris où était l'os.
- Oui, oh.
J'eus un discret sourire.
- Ainsi, le détenteur de la clé doit demeurer en France et, s'il est marié, il doit l'être avec un autre Français.
Je soupirai.
- C'est un peu comme cette histoire ridicule de pureté du sang. Sauf que là, c'est avec la nationalité. Tu comprends, maintenant ? Je refuse, ça les vexe, la clé « dégringole » à la sœur de papa, qui la remettra à sa fille, Madeleine, laquelle a déjà dix-neuf ans. Tu comprends ? Puisque j'étais celle en ligne directe, ils étaient forcés d'attendre que j'aie dix-neuf ans pour voir si j'allais satisfaire les exigences. Mais, après moi, c'est au premier ou à la première qui a le bon âge.
- Je suis désolé de te faire perdre…
Je secouai la tête.
- Non. Ça, ça va. Mais tu sais ce qui m'agace le plus ?
Il secoua la tête à son tour et s'allongea à côté de moi, attendant que je parle. Je tournai la tête vers lui pour le regarder dans les yeux.
- L'occasion de me séparer de toi était trop belle pour eux… et ils ont voulu m'acheter. Moi, leur propre fille ! C'est honteux ! Ils ont cru qu'en me faisant miroiter une clé de compte en banque, j'allais te laisser tomber et les suivre tranquillement, ils sont vraiment… gonflés !
- Oublie tout ça, murmura doucement Cedric en m'embrassant délicatement sur le front et en m'entourant avec ses bras. Oublie ça…
Soit refuser des millions m'avait épuisée, soit la présence de Cedric était particulièrement apaisante, soit c'était un mélange des deux, car, après quelques minutes de silence, je m'endormis paisiblement…
Le mot de la fin : Ai-je déjà dit que j'avais horreur des chapitres de transition (comme celui-ci, donc) ? Et bien, je le redis. Désolée si celui-ci vous semble moins bien que les autres… me reprendrai au prochaiiin !
