14-Première séance

Petit retour en arrière, au moment où Stella entra dans le bureau de Mac pour voir le docteur Celine Kendall.

Quand elle finit par entrer, la scientifique se trouva face à une jeune femme d'une trentaine d'année qui lui souriait poliment…et aussi avec une certaine gentillesse. La peau très mate, sans doute une métisse, une belle chevelure noire, des yeux vert clair, cette femme inspirait la confiance. Mais malgré tout, Stella la craignait. Seul Don ne l'effrayait pas…Et elle arrivait à parler à ses amis et collègues…Mais les gestes affectueux ne venaient plus naturellement…

La psychologue s'approcha de Stella, la main tendue et un large sourire aux lèvres, et vit le mouvement de recul et le regard méfiant de sa patiente. D'accord, le traumatisme était profond…

Celine (compréhensive, retirant sa main) Pardon. Sheld ne m'a pas donné beaucoup de détails sur votre état. Juste un résumé…Asseyez-vous, je vous en prie.

Stella, toujours craintive et méfiante, obéit et s'assit sur le fauteuil confortable, habituellement occupé par Mac, serrant la plaque de Don contre elle, comme si elle voulait le sentir à ses côtés. Et ça semblait marcher…

Celine (s'asseyant à son tour, croisant élégamment les jambes) Je suis le docteur Celine Kendall. Et je peux vous assurer que j'ai déjà travaillé sur des cas comme le vôtre.

Stella (ne sachant quoi dire, très mal à l'aise) Ha…Bien…Enchantée de vous connaître.

Celine : Moi de même, lieutenant Bonasera. Commençons, d'accord ? (avec hésitation, Stella opina de la tête) Bien. Pouvez-vous me raconter votre vie pendant la période de votre captivité…Bien entendu, si vous ne voulez pas m'en parler, je ne vous forcerai pas la main. Et les détails ne sont pas nécessaires. Faites comme vous le sentez, mais en parler peut vous…

Stella : Je vais vous raconter. Tout vous raconter. (plus bas) Pour Don…

Celine fronça légèrement les sourcils et nota « Don » dans un coin de son carnet puis écouta avec attention la scientifique.

Durant tout son monologue, Stella tenta de rester la plus neutre possible mais les larmes coulèrent malgré elle. Tous ces mauvais souvenirs arrivaient par vagues successives mais la scientifique arriva à terminer son récit.

Celine remarqua la plaque que Stella serrait sur son cœur, comme un talisman.

Celine : C'est bien, lieutenant. Merci beaucoup. (montrant le badge) C'est votre plaque ?

Stella (surprise par la question) Heu…Non. C'est celle de Don…

Celine haussa un sourcil. Encore ce Don…

Celine (intéressée) Don ?

Stella : Le lieutenant Don Flack Jr. Il…C'est lui qui m'a sauvée. Il m'a permis de résister…

Celine : Comment ça ?

Stella : Je…Plusieurs fois, j'ai voulu me suicider…Mais, je voulais le revoir avant…Et…

Celine : Et ?

Stella : Je…Je savais qu'il me cherchait, qu'il allait me trouver…Alors, j'ai continué à tenir…

Celine : Mais ce n'est pas qu'un soutien moral, n'est-ce pas ? Sa plaque me le montre…

Stella : En effet…Je…Je ne me sens bien que quand il est là…Je me sens en sécurité avec lui…Et…je…je l'aime…

Cette dernière révélation surprit la psychologue. Une femme aussi malmenée que Stella Bonasera était amoureuse d'un homme ? Elle pouvait encore aimer ? Celine décida de creuser la question.

Celine : Vous êtes amoureuse de lui ?

Stella : Oui.

Celine : En êtes-vous sure ?

Stella (fronçant les sourcils, méfiante) Que voulez-vous dire ?

Celine : N'auriez-vous pas confondu la gratitude et l'amour ?

Ce ne serait pas la première fois…Beaucoup de femmes faisaient un transfert lors d'épisode particulièrement dramatique ou traumatisant de leur vie…Stella n'était peut-être pas une exception…

Stella (déterminée) Non. Je l'aimais déjà avant mon enlèvement mais…

Celine (haussant un sourcil) Mais ?

Stella : Il ne le savait pas.

Celine : Pourquoi ne pas lui avoir avoué ?

Stella : J'avais peur…Il est beaucoup plus jeune que moi et j'ignorais ses sentiments envers moi…Jusqu'à il y a peu…

Celine : Ha oui ?

Stella : Il…Il m'aime aussi…

Celine : Je suis heureuse pour vous…Pourtant, je sens un « mais »…

Stella hésita. Devait-elle vraiment raconter sa vie sentimentale à cette femme qu'elle connaissait à peine ?

Celine (voyant son hésitation) Tout va bien. Vous n'êtes pas obligée de me dire tout maintenant. Vous avez besoin de temps…

Stella (soudain agacée, surprenant Celine) Je sais ! Don me le dit assez souvent !

Celine plissa les yeux. Elle avait touché un point sensible…

Celine : Pourquoi cela vous énerve-t'il autant ?

Stella (se levant sous le coup de la colère) Pourquoi ? Pourquoi ! Parce qu'à cause de toute cette histoire, je me sens faible. J'ai un homme merveilleux qui m'aime et qui agit si gentiment avec moi qu'il en oublie ses besoins personnels ! Et moi, j'ai peur ! Peur d'aller plus loin, peur de faire l'amour avec lui ! Alors que je l'aime tellement ! J'ai envie de lui tout en le craignant à la fois ! Je veux dépasser ça rapidement mais lui ne veut pas que je me précipite.

Celine (d'un ton apaisant) Et il a raison, Stella. Vous devez surmonter votre traumatisme, pas l'effacer de votre mémoire d'un coup de baguette magique. En voulant aller trop vite, vous garderez cette peur au fond de vous et vous ne pourrez jamais être à l'aise avec votre petit ami lorsque vous ferez l'amour. Malgré vous, vous aurez peur de lui et cela le fera souffrir plus qu'autre chose… C'est vraiment ce que vous voulez ?

Stella (sanglotant) Non, bien sûr que non…

Celine (l'invitant à se rasseoir) Alors, écoutez-le. Qu'est-ce que vous arrivez à faire avec lui ?

Stella (rougissant) Je…On s'embrasse…Toujours doucement… Et on s'enlace… beaucoup…

Celine : Oui…C'est tout ?

Stella : Je…Je l'ai touché et regardé lorsqu'il était…presque nu…

Celine : Avez-vous eu peur ?

Stella : Oui…Mais il n'a pas bougé…Il m'a laissée faire, sans rien tenter…

Celine haussa les sourcils, surprise. Elle devait vraiment voir ce Don Flack… Comme n'importe quel être humain, cet homme devait avoir ses limites…

Celine : Autre chose ?

Stella : Je…Je lui ai demandé de…me caresser… à travers mon T-shirt…

Celine : Comment avez-vous réagi à son contact ?

Stella : Heu…Bien, je crois. Il a été…très doux, très tendre…J'ai voulu essayer qu'il me touche plus…intimement mais je me suis mise à trembler et il a arrêté.

La psychologue était impressionnée par ce Flack. Peu d'hommes arrivaient à retenir leurs pulsions dans ce genre de cas…Mais ça pourrait amener des problèmes pour lui aussi…

Celine : Il a eu un excellent réflexe. Votre ami doit beaucoup vous aimer…

Stella : Je sais. Mais je voudrais tellement pouvoir le laisser m'aimer comme il le souhaiterait, m'abandonner à lui. Mais je vois bien qu'il a peur de me faire du mal…Et moi, j'ai toujours cette terreur qui me noue les entrailles…

Celine : Ecoutez, Stella. Ce genre de traumatisme peut être long à surmonter… (voyant l'expression déçue de Stella, la rassurant) Mais ça peut aussi être court. C'est selon votre personnalité et votre entourage…Pour le moment, continuez ce que vous avez commencé avec le lieutenant Flack. Mais à votre rythme. Inutile d'accélérer les choses, ça ne vous aidera pas, d'accord ?

Stella (soupirant tristement) D'accord…

Celine : Ne vous inquiétez pas, Stella. Vous serez capable de faire son bonheur. Ça sera un peu long, c'est tout…Et au moindre souci, venez me voir. Ma porte vous sera toujours ouverte.

Stella : Merci. A ce sujet, est-ce que Don pou…

La scientifique fut interrompue par des éclats de voix en dehors du bureau et entendit clairement « Flack », « pété les plombs » et « interrogatoire ». Stella, inquiète, se leva rapidement et se précipita vers la sortie du bureau de Mac, saluant tout de même le docteur Kendall.

Stella : Merci.

Celine : Dites à votre ami que j'aimerais le voir…

Stella : Il le demandait justement…Au revoir, docteur.

La jeune psychologue lui sourit et la vit sortir, se sentant étonnamment rassurée. Au fond de son cœur et en tant que professionnelle, elle sentait que le lieutenant Stella Bonasera s'en sortirait…Et peut-être plus vite qu'elle ne pensait…