Note de l'auteur : Ce Two Shots a été écrit dans le cadre du Winter Fest de Festumsempra (Calendrier de l'avent).

Un grand merci à TheWhiteQuill sans qui je n'aurais jamais écrit ceci et à Vertraymer pour son précieux beta-ing.

Trigger Warning : Su*cide

Ce Two Shots est également disponible sur Ao3.


« Le problème, c'est que les humains ont un don pour désirer ce qui leur fait le plus de mal. Et même si nombre d'entre vous le voyaient comme un héros, Harry n'en n'était pas moins humain. Et lui aussi, peut-être même encore plus que chacun d'entre nous, était susceptible de sombrer. Mais ce n'est pas ainsi que nous devons nous souvenir de lui en ce jour. Aujourd'hui, rappelons-nous d'Harry Potter comme d'un ami, d'un époux, d'un père. Rappelons-nous de lui comme de l'homme brave et loyal qu'il était. Rappelons-nous de lui comme de celui qui nous a tous sauvés. »

Drago réajuste son manteau lorsque la voix de Kingsley Shacklebot meurt dans sa gorge.

La neige tombe à gros flocons sur le petit cimetière de Godric's Hollow. Les décorations de Noël sont encore accrochées aux arbres, clignotant de leurs lumières joyeuses au milieu du désespoir ambiant. Qui donc a eu cette stupide idée de les installer là ?

Drago parcourt du regard l'assistance éplorée, ses yeux pâles glissant sur les amis, les collègues et les curieux venus rendre un dernier hommage au Survivant.

Le Survivant.

Quelle putain d'ironie.

C'est au tour de Weasley de prendre la parole. Il a les yeux bouffis, les lèvres gercées et il tord ses mains dans tous les sens en cherchant ses mots.

Drago détourne les yeux.

Il a toujours eu du mal à supporter la souffrance des autres. Ça aussi, c'est ironique, lorsqu'il songe à toute celle dont il a été la cause.

Weasley bredouille, marmonne, puis finit par dire quelque chose à propos de sa sœur et de ses neveux, mais Drago ne l'écoute plus.

Au milieu de la foule, deux yeux noisette, rougis et gonflés par les larmes ont accroché les siens et, subitement, son cœur cesse de battre dans sa poitrine.

La regarder est encore plus insoutenable que d'observer Weasley. Peut-être parce que dans son regard à elle, la douleur se mêle aux reproches qu'elle n'a jamais eu l'occasion de lui faire.

Il exhale longuement, soutenant pendant quelques secondes les prunelles caramel qui l'observent depuis l'autre bout du cimetière, puis détourne la tête.

Un silence assourdissant a remplacé les mots maladroits de Weasley. Même les pleurs se sont taris. Et Drago réalise que le froid qui vient d'envelopper l'assemblée n'a rien à voir avec la neige qui redouble d'intensité.

Il est temps.

Lorsque le cercueil de Potter descend peu à peu dans la fosse enneigée, Drago retient son souffle. Un poids dans sa poitrine l'oppresse. Pourquoi a-t-il l'impression que c'est lui que l'on est en train d'enterrer ?

Ses mains tremblent, sa gorge se serre et dans sa tête, tournent, tournent, tournent sans relâche tous les mots qu'il n'a jamais dit à son vieil ennemi.

Merci.

Comment te sens-tu ?

Y a-t-il quelque chose qui ne va pas ?

Est-ce que je peux t'aider ?

Pourquoi ?

Adieu, Potter.

La boîte blanche dans laquelle le corps de son ami est enfermé touche le fond de la tombe dans un bruit sonore et un gémissement strident retentit à sa gauche, déchirant parmi les lamentations discrètes. Ginevra vient de s'effondrer sur le sol, le corps secoué par de violents sanglots spasmodiques.

James, Albus et Lily, eux, se tiennent à l'écart, blafards et impuissants, contemplant silencieusement le désarroi de leur mère d'un regard vide.

Drago sent la nausée lui transpercer l'estomac en voyant Granger et Weasley se précipiter vers la rouquine pour la relever.

Et, à nouveau, il détourne les yeux.

Après tout, c'est tout ce pour quoi il est bon. Tourner le regard lorsque les choses se gâtent. Disparaître lorsqu'on a besoin de lui. Fuir, plutôt qu'affronter.

Lâche.

Son regard acier reste résolument fixé sur la neige boueuse qui s'étend à ses pieds jusqu'à la fin de la cérémonie.

Une fois que les badauds commencent à se disperser, Drago se dirige vers la sortie du petit cimetière, prêt à transplaner le plus vite possible. Il n'a pas envie d'être ici. Pas envie de rester, pas envie de discuter des grands accomplissements de la vie d'Harry Potter. Pas envie de se souvenir que, lui, n'a jamais rien fait de bien dans sa vie.

Il veut simplement être seul.

Comme il le mérite.

« Malefoy ! »

Drago pile dans la poudreuse, sans toutefois se retourner. Son cœur s'accélère. Sa gorge se noue à nouveau.

Il n'est pas prêt à écouter ce que cette voix a à lui dire.

Pas aujourd'hui.

Pourtant, insensible à ses suppliques silencieuses, une main gantée s'abat sur son épaule et le force à se retourner.

Drago retient sa respiration lorsqu'il tombe nez à nez avec Hermione Granger et ses foutus yeux noisette.

« Qu'est-ce que tu veux ? », crache-t-il violemment.

Une lueur surprise s'allume dans le regard de la jeune femme et il regrette instantanément son agressivité. Aujourd'hui, de tous les jours, il devrait faire un effort. Mais avant même qu'il n'ait le temps d'ouvrir la bouche pour s'excuser, Granger se ressaisit. Ses iris perdent leur éclat étonné et se font durs, implacables, réprobateurs. Et Drago sait qu'il est trop tard pour se rattraper.

« Peut-on parler une seconde ? », demande-t-elle froidement.

Sa voix glace ses entrailles, bien plus que la neige qui tombe autour de lui.

Parler.

Ils ne se sont pas parlés depuis la nuit où ils ont…

Une masse de boucles brunes étalées sur un oreiller immaculé. Son sourire timide. Son regard ensommeillé. Elle prononce son prénom avec une voix légèrement rauque.

Drago, dit-elle, et il pourrait se damner, lui et l'humanité toute entière, pour l'entendre à nouveau. Drago, je…

Son cœur s'emballe. Sa mâchoire se crispe. Il sait ce qu'elle va dire. Il ne veut pas l'entendre. Il ne peut pas l'entendre. Il se lève d'un bond, ramasse ses affaires et se rhabille précipitamment.

C'était une erreur, dit-il. La meilleure de ma vie, pense-t-il.

En silence, elle le regarde partir, les yeux brillants de larmes dans l'obscurité de sa chambre.

Après tout, il a toujours eu le chic pour la faire pleurer.

Drago secoue la tête légèrement, tentant de chasser les images qui viennent de s'inviter dans son esprit sans son consentement.

« Granger, crois-tu vraiment que c'est le moment ? »

« Je ne veux pas parler de… ça ! », réplique-t-elle, cassante, presque offusquée par ce qu'il laisse entendre.

Il songe qu'elle est belle. Malgré ses yeux gonflés, ses cheveux enneigés, ses joues rougies par le froid. Malgré son regard glacial. Oui. Ce n'est pas nouveau après tout. Granger est belle, même lorsqu'elle le déteste.

Surtout, lorsqu'elle le déteste.

« Alors quoi ? »

Elle hésite une seconde. Son regard balaye le cimetière, désormais presque vide. Puis, il se darde à nouveau sur Drago et, avant même qu'il n'ait le temps de reculer, elle comble d'un mouvement leste la distance qui les sépare.

Les mots s'échappent de ses lèvres bleuies, accompagnés par une volute de fumée blanche qui lui effleure le nez.

« Je ne pense pas que Harry se soit suicidé. Je pense que quelqu'un l'a assassiné. »


Assis à la table d'un petit café moldu, Drago regarde Granger tourner sa cuillère dans son chocolat chaud d'un air distrait. Ni l'un ni l'autre n'ont touché au breuvage fumant qu'une vieille femme joufflue leur a apporté quelques minutes auparavant.

« Granger », commence-t-il prudemment, « je sais que c'est difficile à entendre mais Potter était surmené, épuisé et… les gens craquent… »

« Non. Harry n'aurait jamais laissé ses enfants. Il n'aurait jamais laissé Ginny », coupe-t-elle d'un ton sans appel.

Il soupire.

« Je comprends que tu ne veuilles pas y croire, mais ce sont les faits. Potter a avalé une fiole entière de Goutte du Mort Vivant et il n'y a… »

« Il se sentait menacé », l'interrompt-elle à nouveau, une lueur provocante dansant au fond de ses iris.

Comme si elle le défiait de la contredire une fois encore.

Drago fronce les sourcils.

« Quoi ? »

« Il me l'a dit. »

« Quand ? »

Elle hésite. Ses yeux fatigués accrochent son regard quelques secondes et Drago crispe ses doigts autour de sa tasse brûlante pour se retenir d'essuyer la larme qui menace de rouler sur sa joue.

« A la soirée de Noël du ministère », déclare-t-elle finalement en fixant un point derrière son épaule gauche.

Il sent sa bouche devenir sèche.

« C'était il y a deux semaines », répond-il bêtement.

Non pas qu'il compte les jours depuis.

Elle reporte les yeux sur lui.

« Je sais. »

Evidemment qu'elle sait.

Est-ce que tu comptes les jours aussi ?

Drago soutient son regard quelques secondes, puis le rive à nouveau sur la table qui les sépare.

« Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement ? »

.

Elle parcourt la salle du regard, son verre d'hydromel dans la main. Il n'est pas encore arrivé. Il lui avait pourtant dit qu'il passerait. Peut-être qu'une affaire le retient ? Non, il l'aurait prévenue. Non pas qu'il aurait une raison de le faire. Après tout, ils sont juste amis. Seulement amis. Ce n'est pas comme s'il lui devait quoi que ce…

« Hermione. »

La voix d'Harry la sort de ses pensées et elle tourne vers lui. Son sourire s'efface lorsqu'elle rencontre les yeux verts de son ami.

« Harry ! Merlin, tu as une tête affreuse ! »

« Je te l'ai déjà dit, je ne dors pas bien… », répond-il dans un souffle de voix.

Hermione pense que c'est un euphémisme. Le survivant a le teint cireux, les joues creusées et de larges cernes violets s'étirent sous ses yeux ternes. Depuis qu'elle l'a vu la semaine passée, il semble avoir encore maigri.

« Encore tes cauchemars ? Tu es allé voir un médicomage comme je te l'ai… »

« Hermione », coupe-t-il brutalement en posant une main osseuse sur son avant-bras pour l'attirer vers lui, « il est en train de se passer quelque chose. Je n'ai pas encore de certitude mais si j'ai raison, alors tout ce que nous croyions jusque là est un mensonge. »

Harry est désormais si près qu'elle peut sentir son haleine fétide l'envelopper. Elle est persuadée qu'il n'a pas mangé de la journée.

« Que veux-tu dire ? »

« Je ne peux pas t'expliquer, c'est trop dangereux. », souffle-t-il, « Tu sauras tout très bientôt. Mais s'il m'arrive quelque chose dans l'intervalle, Hermione… »

Sa prise sur son avant-bras se raffermit et Hermione laisse échapper un gémissement plaintif.

« Aïe, tu me… »

Insensible à son cri de douleur, Harry continue, son visage à quelques centimètres du sien, une lueur folle animant soudainement son regard épuisé.

« Méfie-toi des tourterelles. »

« Des tourterelles ? Harry, tu es sûr que… »

« Ah, vous êtes là tous les deux ! »

Harry se raidit instantanément en voyant Ron arriver et lâche le bras d'Hermione.

« Ben ça alors Harry, tu en fais une tête ! »

« Juste fatigué », répond le survivant avec un maigre sourire.

Mais Hermione ne les écoute déjà plus. Elle a déjà oublié les tourterelles.

Drago vient de faire son entrée dans la salle de réception.

Et elle ne voit plus que lui.

.

Drago lève un sourcil.

« Des tourterelles ? Qu'est-ce que ça signifie ? »

« Ce sont des oiseaux migrateurs, des sortes de pigeons. Les tourterelles sont très fidèles. Une fois que deux tourterelles se trouvent, elles ne se quittent plus et si elles viennent à être séparées, elles font tout pour se retrouver. Les mâles sont … »

« Pourquoi est-ce que tu me racontes ça ? », coupe-t-il, les lèvres pincées.

« Tu viens de me demander ce que… »

« Non, pourquoi tu viens me voir moi, avec tes théories sur la mort de Potter ? »

Granger se raidit dans sa chaise et il ressent un désagréable pincement au cœur. Pourquoi faut-il toujours qu'il se comporte en parfait connard lorsqu'elle est dans les parages ?

« Tu es un Auror, non ? C'est ton métier d'enquêter sur ce genre de faits. »

« La mort de Potter a été classée comme un suicide. Il n'y a pas d'enquête à mener », réplique-t-il froidement, retranché derrière son masque de pierre.

Le seul, désormais, à même de le protéger de ces traîtres yeux noisette.

« Mais tu pourrais essayer de creuser discrètement, poser quelques questions… »

« Granger… »

« Ce serait juste l'affaire de quelques jours… Et si tu ne trouves rien, je n'en parlerai plus jamais, c'est promis… », murmure-t-elle en attrapant sa main.

Ses doigts sont tièdes contre sa peau et de légers picotements envahissent sa paume, là où elle le touche.

Drago ne répond rien, s'autorisant à se perdre quelques secondes dans ses iris dorés.

Fatale erreur.

Prisonnier de son regard implorant, ses défenses s'effondrent une par une.

Foutue Granger.

« J'ai besoin de savoir. S'il te plait, Drago… »

Son prénom s'échappe d'entre ses lèvres, comme une supplique et c'est le coup de grâce.

« D'accord », s'entend-il accepter dans un souffle.

Lorsque Granger lui offre un faible sourire à travers les larmes qui roulent à nouveau sur ses joues, il ne peut s'empêcher de serrer ses doigts entre les siens.


Le matin suivant, Drago frappe trois coups à la porte du 12 Square Grimmauld. Quelques secondes plus tard, Ginevra apparaît dans l'embrasure, le teint pâle, les cheveux sales et les yeux injectés de sang. Sans un mot, elle s'écarte pour le laisser entrer.

« Ginevra… », commence-t-il en pénétrant dans le couloir, « je suis vraiment désolé… »

Stupidement, il attend que vienne son éternelle rengaine, celle qui est presque devenue un jeu entre eux, au fil des ans. C'est Ginny, Malefoy.

Mais aujourd'hui rien ne vient.

Ginevra se contente de hocher la tête et de le guider silencieusement en direction de la cuisine.

Lorsqu'il y pénètre à sa suite, le cœur de Drago se serre. La cuisine des Potter est toujours remplie de gâteaux, de rires et de sucreries. Aujourd'hui, elle est vide, froide et triste.

Et l'odeur de la mort a remplacé celle du bonheur.

« Les enfants sont retournés à Poudlard hier soir. Je pense qu'ils ne veulent pas rester dans la maison où… ça s'est passé… », explique la rouquine, comme si elle pouvait lire dans ses pensées.

Drago hoche la tête. Il ne sait pas quoi répondre.

« As-tu besoin de quelque chose ? », demande-t-il, au hasard.

« Ce dont j'ai besoin, c'est que mon mari ne se soit pas suicidé dans notre lit ! », siffle-t-elle avec une hargne dont Drago ne l'aurait pas cru capable à cet instant.

« Je sais… Je suis désolé… »

« Tu l'as déjà dit. »

Il déglutit difficilement. De toute évidence, Ginevra n'est pas d'humeur à faire la conversation et il ne peut pas la blâmer.

Lui-même avait été imbuvable durant des mois, après la mort de sa mère, tant et si bien qu'il avait presque perdu tous ses amis. Tous, sauf une… Granger avait été la seule à être honnête avec lui, durant son deuil. La seule à le rabrouer lorsqu'il refusait d'ouvrir la porte à Théo ou à Blaise, ou lorsqu'il envoyait s'écraser contre la cheminée les sablés trop sucrés de Pansy. La seule à oser lui reprocher son comportement inadmissible lorsqu'il chassait Potter hors de chez lui à grands coups de sortilèges. La seule à lui dire la vérité.

Elle ne reviendra pas, Drago. Ce deuil te changera à jamais. Tu ne seras plus la même personne qu'avant. Et c'est quelque chose que tu dois accepter.

Et Drago songe que, aujourd'hui, un peu d'honnêteté est peut-être tout ce dont Ginevra a besoin, elle aussi.

« Gine… Ginny … Je vais être sincère. Je ne suis pas seulement venu te présenter mes condoléances. J'ai discuté avec Granger et… »

« Tu as parlé avec Hermione ? Félicitations, Malefoy. Mais peut-être aurait-il fallu le faire il y a deux semaines avant de la planter au petit matin après avoir passé la nuit chez elle ? »

Touché.

Le regard de la rouquine est féroce et Drago se ratatine sur sa chaise. Quel concept idiot, l'honnêté ! Évidemment, il n'a rien à dire pour sa défense. Alors il se contente de courber l'échine et de reprendre, à voix basse, ignorant cette pique qui le fait se sentir encore plus misérable qu'il ne l'est déjà.

« Granger pense que Pott… Harry ne s'est pas suicidé. Elle croit que quelqu'un l'a empoisonné. »

Les yeux de Ginevra s'élargissent et, immédiatement, la culpabilité envahit Drago. Il déteste devoir lui imposer cette conversation. Mais il n'a pas le choix. Car il a promis.

Foutue Granger et ses foutus yeux noisette !

« Quoi ?! »

« Je pense qu'elle essaie de rationaliser ce qu'il s'est passé, mais je dois te le demander. Y a t-il eu quelque chose qui sortait de l'ordinaire dernièrement ? Quelque chose qui aurait pu te mettre la puce à l'oreille sur… ses intentions ? »

La jeune femme l'observe pendant un instant, puis baisse les yeux.

« Tu le sais déjà puisqu'il t'en a parlé avant Noël mais… il refaisait des cauchemars depuis quelques mois. Mais il y a une semaine, ils sont devenus plus intenses et ont commencé à… prendre le dessus sur la réalité. »

« Comment ça ? »

Ginevra détourne le regard et entreprend de mordiller un ongle déjà rongé jusqu'au sang.

« Il... il croyait que sa cicatrice le brûlait. J'ai essayé de lui dire que c'était impossible, mais il en était convaincu. Je ne pouvais même pas le toucher tant il avait mal… Il ne dormait plus, était toujours maussade… Je lui ai dit d'en parler à ses amis, mais il ne voulait pas vous inquiéter. Hermione lui a conseillé d'aller voir un médicomage pour ses cauchemars, mais il avait peur qu'on le pense fou.. Je sentais que quelque chose n'allait pas, mais jamais je n'aurais pu me douter qu'il… »

Elle étouffe un sanglot et Drago sent son estomac se retourner.

« C'est moi qui l'ai trouvé, tu sais… », chuchote-t-elle entre les larmes, « ce midi là quand je suis rentrée à la maison pour déjeuner… je l'ai trouvé dans notre chambre… et à côté de lui, ce foutu mot… »

Drago se redresse sur sa chaise, soudain alerte.

« Il a laissé un mot ? Qu'est-ce qu'il disait ? »

La rouquine fouille dans sa veste en jean et en sort un petit papier, visiblement plié et déplié plusieurs fois avant de le lui tendre. Dessus, s'étale une écriture fine et penchée.

« Ginny, je suis désolé. Dis aux enfants que je les aime. Adieu. »

Drago l'inspecte quelques secondes, tandis qu'une drôle de sensation envahit sa poitrine.

Quelque chose ne colle pas. Quelque chose, dans cette note d'adieu, n'est pas à sa place. Seulement, il n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

« Je peux le prendre ? », demande-t-il lentement, sans quitter le morceau de parchemin des yeux.

Ginevra renifle en hochant la tête.

« Si ça peut te faire plaisir… Mais tu perds ton temps Malefoy. Harry s'est suicidé. Il nous a abandonné. Et Hermione va devoir l'accepter également. »

Drago range le petit papier dans la poche de sa cape.

« Elle a juste besoin d'en avoir le cœur net. Je ne t'embête pas plus longtemps, le ministère m'attend. »

La rouquine hoche la tête et l'accompagne jusque dans le hall d'entrée, le remerciant à mi-voix de s'être déplacé. Mais alors qu'il s'apprête à sortir à nouveau dans le froid, Drago fait volte-face et plante son regard dans les yeux bleus de son amie.

« J'ai une dernière question. C'est un peu étrange mais… Potter t'a-t-il déjà parlé de tourterelles ? »

La jeune femme fronce les sourcils.

« De tourterelles ? Non, nous avons des corbeaux dans le jardin et parfois quelques coucous, mais il n'a jamais mentionné de tourterelles. Pourquoi cette question ? »

« Pour rien. Essaie de te reposer, Ginevra. »


Lorsque Drago pénètre dans la petite boutique sombre de l'Allée des Embrumes, sa bouche se fait sèche. Une goutte de sueur glacée coule dans sa nuque et continue parresseusement son chemin le long de sa colonne vertébrale. Cela fait près de seize ans qu'il n'a pas mis les pieds chez Barjow et Beurk et pourtant, il lui semble que c'était hier, le jour où il a commis l'une des pires erreurs de sa vie.

Le vieux magasin n'a pas changé. Sur les mêmes étagères poussiéreuses s'entassent d'innombrables bibelots, fioles et artifacts en tous genres. Parfois d'anciennes reliques, parfois de la marchandise de contrebande, parfois de simples attrape-nigauds.

Et parfois des objets de magie noire plus dangereux que quiconque puisse imaginer.

Sans pouvoir s'en empêcher, Drago jette un bref regard dans le coin dans lequel était autrefois entreposée une vieille armoire à disparaître. Même si le meuble n'est plus là, saisi par le ministère des années plus tôt, il a l'impression que son ombre menaçante s'étend encore au-dessus de lui et il sent la bile lui monter à la gorge.

Combien de personnes sont-elles mortes à cause de cette foutue armoire ? Non. A cause de lui.

« Ça alors, si ce n'est pas le jeune maître Malefoy ! », s'étonne une voix chevrotante au fond de la boutique.

Drago rassemble son maigre courage pour ne pas prendre ses jambes à son cou et enfouit ses mains tremblantes dans les poches de son manteau sombre.

Allez Drago, tu n'as quand même pas peur d'un vieillard !

Un pied après l'autre, il s'approche du comptoir, ses pas martelant le sol en cadence avec les battements de son cœur qui résonnent dans ses oreilles.

Lorsqu'il arrive au fond du magasin, son regard se pose sur le vieux Caractacus Beurk, qui l'observe avec un sourire mauvais.

« Ils peuvent dire ce qu'ils veulent sur vous dans les journaux mon garçon, réformé, pardonné et j'en passe, mais j'ai toujours su que je vous reverrai un jour… »

Drago se mord l'intérieur de la joue pour contenir la rage sourde qui commence à bouillonner dans ses veines.

« Je veux la liste des personnes qui vous ont acheté de la Goutte du Mort-Vivant ces six derniers mois », ordonne-t-il d'une voix glaciale en brandissant sous le nez de l'ancêtre sa carte du ministère.

La lueur triomphante qui éclairait le regard vicieux du vieux vendeur disparaît.

« Z'avez un mandat ? », demande-t-il en croisant ses bras maigrelets contre son torse, dans une posture arrogante.

« Je suis Auror, pas un crétin de la Brigade de Justice Magique. Je n'ai pas besoin de mandat. »

« Alors c'est vrai ce qu'ils disent tous… Votre père aurait honte de vous ! »

Dans un geste brusque, Drago pose ses paumes sur le comptoir et se penche d'un air menaçant au-dessus de Beurk, qui se recroqueville sur lui-même.

« Je me fiche de ce que mon père aurait pensé de moi, Beurk, comme je me fiche de votre avis. Et si vous ne me dites pas immédiatement ce que j'ai besoin de savoir, je vous assure que je mettrai un point d'honneur à faire personnellement fermer cet établissement », gronde-t-il entre ses dents.

« Eh, j'vais vous dire c'que vous voulez, pas la peine de vous énerver ! », se défend Beurk en attrapant sous le comptoir un grand livre de comptes à la couverture sale.

Non sans jeter un regard agacé à Drago, il l'ouvre devant lui et parcourt de son index ridé les colonnes grossièrement tracées à la main.

« Goutte du Mort Vivant… c'n'est pas quelque chose qu'on m'achète très régulièrement depuis que les apothicaires ont commercialisé leur fichu Philtre de Sommeil Sans Rêve… Ah, voilà… pas grand monde en effet… J'ai vendu quatre fioles ces six derniers mois. »

« A qui ? »

« La confidentialité ne me permet pas de… »

« Ne m'obligez pas à vous le demander une nouvelle fois, Beurk. A qui avez-vous vendu ces fioles ? »

Beurk se renfrogne, grattant son crâne dégarni de son ongle sale.

« Voyons voir… Une fiole y'a quatre mois à Horace Slughorn, une y'a deux mois à Gilbert Fripemine que j'ai fait envoyer directement au Département de Régulation des Créatures Magiques et deux fioles y'a trois semaines. »

Drago sent son coeur s'accélérer.

« Il y a trois semaines, vous dites ? Qui était l'acheteur ? »

Beurk lui offre un sourire grimaçant, poussant le vieux grimoire vers lui.

« Aucune idée, il n'a pas voulu donner son nom. »

Les pensées de Drago s'entrechoquent dans sa tête.

Un anonyme qui achète deux flacons du poison qui a tué Potter quelques semaines avant sa mort ? La coïncidence est trop grande pour en être une.

« Décrivez le moi ! », ordonne-t-il au vendeur.

Le rictus de celui-ci s'élargit.

« Il était comme vous. »

« Comme moi ? »

« Vous savez ce que je veux dire, jeune Malefoy… »

Beurk fait un geste hasardeux en direction de son avant-bras gauche et la respiration de Drago se coupe brutalement. Instinctivement, il porte une main sur la laine de son manteau, comme si celle-ci ne suffisait pas à cacher l'immonde tatouage noir imprégné dans sa peau.

« Vous me dites qu'un… mangemort est venu ici et vous a acheté deux flacons de Goutte du Mort-Vivant il y a moins d'un mois ? », demande-t-il finalement d'une voix blanche.

« Un grand type blond, une armoire à glace, si je me souviens bien… », sourit Beurk d'un air énigmatique.

Et soudain, les images fusent dans l'esprit de Drago.

Une voix sifflante, dans son oreille.

Tu vois, Drago, les lâches et les médiocres doivent être punis. L'échec ne devrait pas toléré dans nos rangs, ne crois-tu pas ?

La bile qui lui brûle la gorge.

Les larmes qui lui brûlent les yeux.

Sa marque qui lui brûle le bras.

Sa baguette tendue en direction d'un homme aux cheveux couleur paille, agenouillé sur le sol froid de la salle de dessin, qui le regarde avec des yeux suppliants.

Le souffle du serpent qui lui ronge les entrailles.

Fais-le Drago. Ne sois pas un lâche, comme ton père.

Les mots qui sortent de sa bouche, dans un filet de voix.

Endoloris.

Et il ferme les yeux pour ne pas voir la souffrance du mangemort qui se tord de douleur à ses pieds.

Il était comme vous.

Sans attendre quoi que ce soit de plus de la part du vieillard, Drago se rue à l'extérieur et transplane pour le ministère, le coeur au bord des lèvres.


Lorsqu'il ouvre à la volée la porte du bureau de Zacharias Smith, son idiot de patron sursaute, se redressant brutalement du fauteuil dans lequel il était avachi.

« Merde, Malefoy ! Personne ne t'a jamais appris à frapper ? », grogne-t-il en portant une main à son coeur dans un geste faussement dramatique.

Sans lui accorder la moindre attention, Drago s'avance vers son bureau et annonce, le souffle court :

« Je viens de recevoir une information selon laquelle Thorfinn Rowle aurait été vu dans l'Allée des Embrumes il y a trois semaines. J'ai besoin d'une équipe immédiatement, il est encore peut-être à Londres et je…. »

Smith éclate d'un rire gras, rejetant son dos nonchalamment dans sa chaise qui craque légèrement sous son poids.

« Et moi qui croyait que tu venais me trouver avec une information importante… »

Drago fronce les sourcils. D'ordinaire, la présence d'un ancien mangemort dans les rues de Londres met le ministère tout entier sur le qui-vive. Quelque chose dans le comportement de Smith est anormal.

Ce dernier, après s'être délecté quelques secondes de l'expression de surprise sur le visage de son employé, reprend alors, d'un ton moqueur :

« Rowle a été retrouvé en début de semaine. Tu le saurais peut-être d'ailleurs, si tu avais daigné venir aux réunions hebdo… »

« Je dois lui parler immédiatement », l'interrompt Drago, son coeur menaçant de s'échapper de sa poitrine.

Zacharias ricane à nouveau, posant ses jambes sur son bureau.

« Bonne chance avec ça, Malefoy. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Rowle est mort. Quelqu'un l'a buté le matin où Potter s'est foutu en l'air. »

Fin de la Partie 1


Note de l'auteur : Je sais que ça ne se fait pas de finir sur un cliffhanger, mais promis la partie 2 arrive rapidement (elle est déjà écrite, il faut juste que je prenne le temps de la mettre en forme sur FFnet... Ô joie) ! En attendant, n'hésitez pas à me faire part de vos théories en review ou MP !

Ce TWO SHOTS a été écrit pour la case du 15 Décembre dans le cadre du fest' CALENDRIER DE L'AVENT organisé par FESTUMSEMPRA sur le thème « WINTER ».

Allez vite découvrir le reste des textes sur la collections Ao3 : Winter_Fest !

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