Note de l'auteur : Comme promis, voici la seconde et dernière partie de ce two-shots (puisque contrairement à ce sous-entend ma chère Tiresias-Foresuffering, NON JE NE SUIS PAS SADIQUE (pas à ce point). J'espère qu'elle vous plaira !
Ce Two Shots est également disponible sur Ao3.
Drago tambourine à la porte du petit appartement du Chemin de Traverse, le sang battant violemment dans ses tempes. Son souffle est court, ses cheveux ébouriffés et il est presque sûr d'avoir perdu un ongle dans son transplanage trop rapide.
Mais ce soir, rien n'a d'importance.
Bam. Bam. Bam, fait son poing contre le bois.
Boum. Boum. Boum, fait son coeur dans sa poitrine.
Lorsque Granger vient lui ouvrir, ses boucles sont mouillées et elle ne porte qu'un t-shirt trop grand qui lui tombe au-dessus des genoux. En d'autres circonstances, il aurait probablement tourné de l'œil face à cette vision.
Mais ce soir, tout est différent.
« Tu avais raison. Potter ne s'est pas suicidé ! », annonce-t-il de but en blanc.
Avant même qu'elle ne l'invite à entrer, il s'engouffre chez elle, passant frénétiquement ses doigts gantés dans ses mèches platine.
L'appartement n'a pas changé depuis la dernière fois qu'il y est venu. Tout est similaire à son souvenir. La grande bibliothèque murale, le sofa rouge, l'éternelle tasse de thé sur la table basse. La porte de la chambre est entrouverte, laissant apparaître un lit défait et quelques couvertures roulées en boule sur le sol.
Drago s'arrête net.
Sa bouche dans son cou. Ses mains sur son torse. Ses jambes autour de sa taille. Ses cris de plaisir lorsqu'il s'enfouit en elle. Le goût de ses lèvres, l'odeur de ses cheveux, la douceur de sa peau. L'impression qu'il ne sera jamais aussi heureux qu'à ce moment-là.
Drago, Drago, Drago…
« Malefoy ? »
La voix de Granger le tire de ses pensées. Ses yeux noisette sont teintés d'inquiétude.
Drago déglutit difficilement, tentant de chasser la sensation de chaleur qui vient d'envahir son bas-ventre. Il maudit silencieusement la réaction de son corps aux souvenirs qui déferlent dans son esprit. Ce n'est absolument pas le moment de se laisser aller à ses ridicules fantasmes.
« Raconte moi tout ! », ordonne la sorcière, en prenant place sur le canapé, sans réaliser la situation délicate dans laquelle se trouve son invité.
D'un pas raide, Drago s'assied à ses côtés, tâchant de chasser les pensées parasites qui obscurcissent son esprit.
Après s'être raclé la gorge deux fois pour se donner contenance, il finit par réussir à articuler :
« Je suis allé chez Barjow et Beurk hier. Je voulais savoir si Potter avait acheté de la Goutte du Mort-Vivant et c'est la seule boutique à Londres où il aurait été susceptible de s'en procurer dans de telles quantités sans l'ordonnance d'un médicomage. »
« Et ? », interroge Granger, impatiente.
« Il n'y a jamais mis les pieds. Mais il s'est avéré que Beurk a vendu deux fioles de cette potion à quelqu'un d'autre, il y a trois semaines exactement. »
Elle écarquille les yeux.
« Qui ? »
« Tu ne vas pas le croire. Thorfinn Rowle. »
La jeune femme fronce les sourcils.
« Rowle ? Mais il est en cavale depuis… »
« Depuis des années, oui. C'était le seul moyen pour lui d'échapper à son procès. Alors qu'il refasse surface pile au moment où Potter… ce ne pouvait pas être un hasard. »
Granger hoche la tête, suspendue à ses lèvres.
« J'ai tout de suite demandé au bureau des Aurors de mettre une équipe sur le coup mais finalement… Rowle a été bien plus facile à trouver que je ne le pensais. »
« Où était-il ? »
Drago grimace.
« A la morgue. Une femme l'a retrouvé dans une impasse le matin où Potter a... »
Il s'interrompt. Eté tué est trop dur à prononcer. Devant le regard horrifié de la jeune femme, il reprend :
« Le légiste m'a dit qu'il avait reçu un Avada Kedavra dans le dos. Et… tiens-toi bien… aucune potion d'aucune sorte n'a été retrouvée sur lui. »
Granger pâlit subitement, réalisant ce que les mots qui sortent de sa bouche signifient.
« Mais s'il est mort avant qu'Harry ne… », commence-t-elle, incertaine.
« C'est qu'il travaillait avec quelqu'un d'autre, oui », conclut Drago en hochant la tête. « Je pense que la personne qui a tué Potter lui a donné rendez-vous dans cette impasse pour récupérer la potion et l'a assassiné pour éviter qu'il ne parle. Rowle s'est procuré le poison, mais il n'était qu'un pion dans ce scénario. »
« Mais alors cela voudrait dire que… le tueur serait encore en liberté ? »
Drago acquiesce et sort de sa poche le mot d'adieu que Ginevra lui a donné.
« Toi qui était proche de lui à l'école, ça ressemble à l'écriture de Potter ? »
Granger le déplie et fronce immédiatement les sourcils.
« Non, je ne crois pas… Harry écrit en pattes de mouches… Attends ! »
Elle se lève précipitamment et se dirige vers la seule étagère de sa bibliothèque qui n'est pas remplie de livres. D'un geste rapide, elle attrape une petite carte enchantée sur laquelle une loutre lumineuse danse dans la nuit. Lorsqu'elle revient s'asseoir sur le canapé, sa cuisse nue effleure son genou et Drago déglutit difficilement.
Mais alors que Granger se penche vers lui, en lui mettant la carte sous le nez, il oublie le contact de sa peau contre sa jambe et plisse les yeux. Sous l'écriture cursive de Weasley et à côté des boucles rondes tracées par Ginevra, de petites lettres épatées forment les mots « Joyeux anniversaire Hermione. Avec tout mon amour, Harry ».
« Potter n'a pas écrit ce mot… », murmure Drago, son regard gris passant de la note d'adieu à la carte d'anniversaire.
L'évidence le submerge comme un raz-de-marée. Granger semble également perdre contenance, ses lèvres s'entrouvrant dans une expression médusée.
Tous deux restent silencieux un instant, incapables de détacher leur regard du petit morceau de parchemin. La preuve irréfutable qu'Harry Potter a été assassiné.
Puis, au bout de quelques minutes, Granger repose sa carte d'anniversaire sur la table basse et se tourne vers Drago, plongeant ses yeux dans les siens.
« Alors… Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? », demande-t-elle, visiblement perdue.
« Je retourne chez lui. Si quelqu'un y est entré, il y a forcément des indices quelque part… »
Drago se lève du canapé. Mais avant même qu'il n'ait le temps d'amorcer le moindre mouvement en direction de la porte, Granger l'imite et attrape son bras vivement.
« Et si le meurtrier revenait ? Et s'il apprenait que tu es sur ses traces… ? »
Lorsqu'il baisse les yeux sur l'endroit où sa main s'agrippe à son poignet, elle rougit légèrement, mais ne bouge pas pour autant. Sans qu'il ne puisse le contrôler, un sourire en coin apparaît au coin de ses lèvres.
« Tu t'inquiètes pour moi, Granger ? »
Mais Granger, elle, ne sourit pas.
« Ce n'est pas parce que tu es incapable d'avoir la moindre considération pour qui que ce soit d'autre que ta petite personne qu'il en est de même pour tout le monde, Malefoy », réplique-t-elle sèchement en laissant retomber son bras le long de son corps.
Le rictus de Drago s'efface aussi vite qu'il est apparu lorsqu'il réalise qu'elle le regarde avec un mélange d'agacement et de peine.
« Je suis désolé. »
Les mots sont sortis de sa bouche sans qu'il ne puisse les retenir.
Et, comme si ce n'était pas suffisant, d'autres suivent, empêchant Granger de répondre quoi que ce soit.
« Je suis désolé pour l'autre jour. Je n'aurais pas dû partir comme ça, je… j'essayais de te protéger. »
« Me protéger ? Mais me protéger de quoi ? »
« De moi », articule-t-il dans un souffle, tentant d'ignorer ses jambes qui deviennent cotonneuses.
Les yeux mordorés de Granger se plissent dans une expression d'incompréhension et, instantanément, Drago regrette ses paroles. Il aurait dû se taire. Il aurait dû se taire et partir. Comme d'habitude. Comme le lâche qu'il a toujours été. Mais maintenant, il est trop tard. Il ne peut plus faire marche arrière.
Et, pour une fois, c'est au serpent de faire preuve de courage.
« Granger », commence-t-il en baissant les yeux, « je ne suis pas quelqu'un de bien. Même si, quand je suis avec toi, j'ai envie de croire que si. Je ne suis pas une bonne personne, j'ai fait des choses… des choses terribles qui me hantent encore et dont je n'arrive pas à me défaire ; mais s'il y a un jour une chance que je mérite quelqu'un comme toi, alors je… »
« C'est pour ça que tu es parti ? Parce que tu crois que tu ne me mérites pas ? », le coupe-t-elle, incrédule.
Drago ne répond pas. Il serre les dents. Venant de sa bouche, c'est encore pire que lorsqu'il se le répète dans son esprit. Evidemment qu'il ne la mérite pas.
Elle, la belle, intelligente, talentueuse héroïne de guerre, qu'aurait-elle à gagner à s'afficher aux côtés d'un ancien mangemort ? Aux côtés d'un criminel de guerre, d'un menteur, d'un traître ? D'un homme médiocre au passé honteux et au futur incertain ? D'un lâche avec pour seul héritage un nom honni et un manoir délabré ?
Sans crier gare, Granger prend son visage entre ses mains et relève son menton de manière à ce qu'il se retrouve face au sien. Dans ses yeux marrons, brille une lueur douce qui réchauffe son corps entier.
« Ce n'est pas à toi de décider ce que je mérite ou qui je mérite. Tu n'es pas quelqu'un de mauvais, Drago. Tu es quelqu'un de bon, à qui il est arrivé de mauvaises choses. Et tu le prouves encore aujourd'hui en risquant ta vie pour découvrir ce qui est arrivé à Harry. »
Ce ne sont que des mots, mais ils lui font l'effet d'un tremblement de terre. Le soulagement, la reconnaissance et la tristesse l'inondent et, alors qu'il se noie dans son regard noisette, la digue qu'il a méticuleusement construit dans son esprit pendant les dernières années cède brutalement.
Toutes les phrases qu'il veut lui dire, toutes les promesses qu'il veut lui faire, toutes les choses qu'il veut qu'elle sache s'emmêlent dans sa tête, se bousculent dans sa gorge, pour finalement disparaître et laisser place aux seuls mots qui, au fond, ont vraiment de l'importance.
« Granger, je… »
Elle pose deux doigts contre ses lèvres pour le faire taire.
« Lorsque cette histoire sera finie, nous parlerons. Pars maintenant… »
Drago hoche la tête faiblement et, après avoir déposé un baiser sur son front, disparaît dans la nuit, le coeur empli d'un espoir nouveau.
La neige s'est remise à tomber sur Londres lorsque Drago arrive au 12 Square Grimmauld où Ginevra l'attend.
« J'ai reçu ton patronus, que se passe-t-il ? », demande-t-elle, inquiète, en le voyant arriver.
« Granger avait raison », répond-il simplement.
Elle s'écarte immédiatement pour le laisser entrer.
« Une tasse de thé ? », propose-t-elle, fébrile, en arrivant dans la cuisine.
Drago voudrait dire non, mais en observant les mains tremblantes de Ginevra, il comprend qu'elle essaie de repousser le moment où elle devra entendre la vérité. Alors il acquiesce et attrape la tasse que lui sert la rouquine avant d'avaler une gorgée de liquide fumant.
Tous deux restent en silence dans la cuisine pendant quelques minutes, puis, Drago fouille dans la poche de son pantalon et en sort une photo un peu écornée, sur laquelle un grand homme blond grimace devant l'objectif. Sans la quitter des yeux, il la donne à son amie.
« As-tu vu cet homme récemment ? »
Ginny renifle, passe une main dans ses cheveux ternes et attrape le cliché que Drago lui tend.
« Il me dit quelque chose mais je ne suis pas sûre… », répond-elle en fronçant les sourcils.
Drago retient sa respiration, évitant soigneusement son regard azur. Il sait que lorsqu'il aura prononcé les prochains mots, l'odieuse vérité la rattrapera, elle aussi. Il aimerait la préserver encore quelques secondes, quelques minutes. Mais Ginevra, plus que quiconque, a le droit à la vérité.
« Il s'appelle Thorfinn Rowle. C'était un mangemort. Il a acheté deux fioles de Goutte du Mort-Vivant chez Barjow il y a trois semaines. »
« Il y a trois sem... Oh Merlin... »
Ginevra étouffe un sanglot, portant une main à ses lèvres.
« C'est vrai alors ? Harry ne s'est pas suicidé ? »
« Ecoute moi Ginevra… », commence Drago en attrapant ses mains dans les siennes. « Rowle travaillait avec quelqu'un. Quelqu'un qui s'est introduit ici après que tu sois partie travailler et qui a forcé Potter à boire ce somnifère. Puis, il a écrit cette note à sa place pour faire croire à un suicide. »
« Je… je ne comprends pas… Qui aurait pu vouloir du mal à Harry ? »
La rouquine semble dévastée. Ses grands yeux bleus papillonnent de droite à gauche, cherchant des réponses dans ceux de Drago.
Celui-ci secoue la tête, laissant retomber ses bras le long de son corps.
« Je ne sais pas, mais je vais le découvrir. Est-ce que je pourrais voir l'endroit où il… Enfin… là où ça s'est passé ? »
Ginevra hoche la tête, visiblement remuée et le guide rapidement à l'étage, gravissant les marches du vieil escalier de bois quatre à quatre. Elle s'arrête devant la porte qui mène dans la chambre à coucher.
« Je… je ne peux pas rentrer… », murmure-t-elle en reculant de quelques pas, tandis que son regard céruléen observe la porte avec appréhension.
Drago hoche la tête et, après avoir brièvement serré son épaule, pénètre dans la chambre qu'elle lui indique. Il reste quelques secondes sur le palier, promenant son regard sur la pièce sommairement meublée. Une armoire contre le mur, deux tables de chevet biscornues et un grand lit fait au carré. Au-dessus d'une petite commode, plusieurs photos de Potter, Ginevra et leurs enfants, riant aux éclats, lui font signe de la main.
Il n'a pas le coeur de les regarder davantage et tourne les yeux vers le matelas nu, posé sur un sommier en ébène.
Le lit sur lequel Potter s'est allongé avant de mourir.
Il pense à ce qu'à dû ressentir Ginevra en le voyant allongé là, sans vie. L'espace d'un instant, son traître cerveau imagine Hermione, inanimée sur ce lit et, subitement, il a envie de vomir. Son estomac se tord violemment et il est obligé de prendre une grande inspiration pour se calmer.
Hermione va bien. Hermione n'est pas là. Hermione pense que tu es quelqu'un de bien.
La douleur disparaît peu à peu, mais la nausée subsiste.
Machinalement, il ouvre le tiroir d'une des tables de chevet. Au vu de ce qu'il y trouve, il comprend qu'il s'agit de celle de Potter. A côté d'une paire de lunettes rondes et d'un livre écorné sur les lutins de Cornouailles, se trouve un petit objet noir, avec trois boutons sur le côté.
Intrigué, Drago l'attrape et commence à l'inspecter. Il tente d'appuyer sur le premier bouton. Rien ne se passe. Au deuxième, l'appareil s'allume et un écran bleuté apparaît. Il indique, en lettres noires : Enregistrement du sept janvier. Appuyez sur Play pour lire la piste.
Sept janvier. La veille du décès de Potter.
Perdu, Drago appuie au hasard sur le troisième bouton.
Immédiatement, un bruit sort de l'appareil. Ou plus exactement une voix. Une voix ni masculine, ni féminine qui profère un sifflement odieux. Une voix qu'il n'entend désormais plus que dans ses cauchemars.
Horrifié, Drago laisse tomber l'appareil sur le lit et recule d'un pas. Toutefois, il n'a pas le temps de comprendre ce qu'il se passe, que déjà, derrière lui, un bruit de frottement se fait entendre. Paniqué, il fait volte-face baguette brandie, tandis que devant ses yeux, les pierres du mur de la chambre commencent à bouger, s'écartant une par une, jusqu'à laisser apparaître une cachette juste assez grande pour contenir une petite boîte en bois marron.
Et soudainement, une brûlure subite lui transperce l'avant-bras gauche.
Une brûlure qu'il n'a pas ressentie depuis près de quinze ans.
Drago titube. La bile envahit désormais son œsophage et il manque de rendre son maigre déjeuner sur le tapis de la chambre de Potter.
Impossible. C'est impossible.
Ses tempes bourdonnent. Une fine pellicule de sueur froide humidifie son front.
Sa marque n'a pas pu se réveiller. Parce qu'il est mort. Le Seigneur des Ténèbres n'est plus et il n'y a aucune, aucuneraison pour laquelle son bras semble être sur le point de s'enflammer.
Ce ne peut être que son esprit qui lui joue des tours.
Oui. Ce ne peut être que ça.
Son bras gauche est si douloureux qu'il est presque inutilisable. De son autre main, Drago attrape la mystérieuse boîte et la dépose sur le lit avant de l'ouvrir lentement.
Au fond de celle-ci, se trouve un petit journal noir tâché d'encre.
Un petit journal noir avec un trou béant au milieu de ses pages.
Et, coincée entre celles-ci, une multitude de morceaux de parchemins.
Des lettres.
Les doigts tremblants, Drago attrape l'une d'elles et la déplie. Et lorsque ses yeux parcourent la première ligne, son souffle se bloque dans ses poumons.
Cher Tom,
Ceci sera ma dernière lettre.
Toi et moi avons toujours été les deux faces d'une même pièce et, à l'aube de ce nouveau commencement, je voudrais te dédier mes dernières pensées.
J'ai longtemps été l'enfant que l'on ne remarquait jamais, l'enfant que la solitude effrayait. Je n'étais qu'une âme quelconque, invisible au milieu des autres, qu'un être perdu au milieu d'un monde trop grand et terrifiant pour lui. Mais tout est différent désormais. Je n'ai plus peur de l'obscurité.
Au début, j'ai cru tous ces gens qui m'ont dit que pour atteindre le paradis, il fallait d'abord connaître l'enfer. A ton avis, savent-ils qu'il s'agit du même endroit ? Savent-ils que mes plus beaux souvenirs et mes pires moments étaient lorsque tu étais à mes côtés ? Chaque jour, je regrette d'avoir mis autant de temps à le comprendre.
C'est ironique, je sais, qu'après avoir dédié la moitié de ma vie à te combattre, j'ai passé l'autre moitié à tout faire pour te ramener.
Tout le monde pense que les années ont fait leur travail. Tout le monde pense que je t'ai oublié, que je nous ai oublié, Tom. Que j'ai mis derrière moi toutes ces choses que nous avons accomplies ensemble. Mais ils ne savent pas. Ils ne comprennent pas. Ils pensent me connaître, mais personne ne voit qui je suis vraiment.
Ils me pensent une femme, une sœur, une mère, tous ces qualificatifs qui n'ont jamais eu de sens pour moi. Moi, qui ne sait pas me définir autrement que par toi. Me crois-tu, si je te dis que je ne suis moi-même que lorsque tu es là ?
Les cauchemars d'Harry empirent depuis quelques jours. Je crois qu'il se doute de quelque chose, mais je sais qu'il ne dira rien. La vérité le terrifie, comme elle m'a terrifiée pendant des années.
Parfois, je te vois encore en lui, tu sais. Dans un haussement de sourcil ou l'ombre d'un de ses sourires qui se font de plus en plus rares ces jours-ci. Il ne saura jamais que c'est la raison pour laquelle je l'ai choisi. De toute façon, cela importe peu. Tout sera bientôt terminé. Et en attendant, je continue à remplir mon rôle de bonne épouse.
Je le réconforte lorsqu'il se réveille en hurlant, je change ses oreillers trempés de sueur, je lui prépare du thé pour l'apaiser.
Et lorsqu'enfin il se rendort, lorsqu'enfin le silence se fait, je sais que tu es tout près.
Dans ma tête, dans mon cœur, dans mon âme.
Depuis quelques jours, je t'entends murmurer dans mon esprit. Je t'entends me susurrer des horreurs qui résonnent en moi comme des poèmes. A nouveau, c'est ton encre qui coule dans mes veines et ton âme qui fait écho à la mienne.
Notre plan a fonctionné, Tom.
Nous avons attendu des années le jour où nous ne ferions qu'un. Et ce jour va bientôt arriver.
Je le sais, je te sens grandir au fond de moi, tandis que je m'efface peu à peu pour te laisser place.
J'ai porté ton âme en moi, chaque seconde pendant vingt ans. Et bientôt, c'est toi qui portera la mienne.
Cher Tom, ils ne le savent pas. Ils ne le comprendront jamais.
Tu ne m'as pas brisée, tu m'as libérée.
Grâce à toi, je ne serai plus jamais seule.
Tienne, à jamais.
Ginny
Drago lâche la lettre précipitamment, sonné.
Au milieu du texte, les boucles rondes se sont transformées en une fine écriture penchée.
Les murs de la chambre autour de lui tournent. Le décor tangue.
Les mots de Granger lui reviennent comme une claque en plein visage.
Les tourterelles sont très fidèles. Une fois que deux tourterelles se trouvent, elles ne se quittent plus et si elles viennent à être séparées, elles font tout pour se retrouver.
Ses jambes se dérobent sous lui. Il tente de se rattraper à l'armoire mais tombe sur le sol avant de réussir à l'atteindre. La nausée est revenue, plus violente encore.
Je lui prépare du thé pour l'apaiser.
Sa langue est lourde dans sa bouche. Il n'arrive plus à avaler sa salive. Ses membres s'engourdissent. Sa vision se brouille.
Le thé... Elle a mis quelque chose dans le thé.
Sa baguette n'est qu'à quelques mètres, mais il ne parvient pas à tendre le bras pour la saisir.
Deux fioles.
Derrière ses yeux voilés, il aperçoit la porte de la chambre s'ouvrir et une silhouette mince s'approcher de lui. Sa marque le brûle tellement qu'il voudrait hurler, mais son cri reste bloqué dans sa gorge.
Lorsqu'elle s'accroupit à côté de lui, les yeux de Ginevra brillent d'une lueur rougeoyante.
« Pauvre Drago. Tu ne changeras donc jamais… Il faut toujours que tu essaies d'impressionner ta pathétique petite sang-de-bourbe, n'est-ce pas ? »
Il sait qu'elle est penchée juste au-dessus de lui, mais sa voix sifflante lui semble lointaine, si lointaine.
Non. Non. C'est impossible !
Un rire aigu, effroyable, familier résonne dans la pièce.
Un rire qui n'appartient pas à Ginny Weasley.
Ses paupières sont lourdes. Il a froid. Les images défilent dans sa tête.
Les caresses de sa mère dans ses cheveux. Le sourire fier de son père lorsqu'il reçoit sa lettre. Son entrée à Poudlard. Les repas en compagnie de ses amis. Le procès. Le ministère. Potter qui lui propose un poste d'Auror. Son ultime chance de rédemption. Le visage d'Hermione, l'éclat d'espoir dans ses yeux caramel. Ses lèvres sur les siennes.
Drago, murmure-t-elle, et après tout, l'humanité n'est-elle pas déjà condamnée ? Drago…
Et la dernière chose qu'il entend, avant que l'obscurité ne l'engloutisse, sont les mots de la femme qu'il aime qui résonnent dans sa tête.
Tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Tu es quelqu'un de bon à qui il est arrivé de mauvaises choses.
FIN
Note de l'auteur : Pour ceux qui commencent à me connaître... Vous avez vraiment cru que j'écrirai un jour quelque chose sans Tom dedans ? Merci à tous d'avoir lu jusqu'ici (et merci pour vos gentilles reviews qui me font toujours très plaisir !)
Ce Two Shots a été écrit dans le cadre du Fest Calendrier de l'Avent sur le thème Winter organisé par Festumsempra !
