6/Discussion à l'heure du thé-partie 1
Trois jours après son retour d'Ame no kuni, Anko se trouvait convoquée dans le bureau de l'Hokage. Elle avait été contrainte à une courte période de repos et sentait prête à accomplir d'autres missions périlleuses, mais elle ne comptait pas rester à se tourner les pouces au village. C'était une femme d'action et faire de la surveillance lui était extrêmement contraignant. Le seul avantage que cela lui offrait, c'était qu'elle pouvait passer son temps à manger des dangos, mais pour ce qui était de garder la ligne... Quoi qu'il en soit, elle attendait Tsunade depuis une bonne demi-heure et son impatience vive commençait déjà à faire jaillir des idées de tortures contre la sanin dans son esprit. La junin avait beaucoup de questions à lui poser au sujet des deux ninjas qui accompagnaient Genma et Hanoko. Elle s'était réveillé dans un lit d'hôpital avec deux fois la même tête qui la regardait fixement, et avait commencé à leur envoyer tout ce qui lui tombait sous la main avant que Shizune ne lui explique ce qui s'était passé pendant son absence.
Tsunade: ah! Tu es là, Anko!
La junin s'arracha à ses pensées. La medic-nin passa devant elle et alla s'asseoir derrière son bureau, les mains jointes au niveau du visage comme à son habitude.
Tsunade: alors, Anko! Ca va mieux?
Anko prit un temps de réflexion. Il ne fallait pas répondre n'importe quoi, sinon elle risquait de devoir prendre des jours de repos en plus et il n'en était pas question.
Anko: yosh! Prête pour la mission!
Tsunade: pas de petites douleurs? Pas de difficultés quelconques ?
Anko: non, chef! J'vous dis que j'suis prête à y aller! Et pas une mission de rang D cette fois!
Tsunade: ça tombe bien alors! Il nous fallait quelqu'un de ta trempe pour ce travail...
Anko: me faites pas lambiner! Dites ce que c'est!
Tsunade: tu dirigeras et surveilleras la deuxième phase de l'examen chunin.
Anko tomba des nus. L'Hokage la fixait avec un petit sourire de gamine sur les lèvres et la junin se retint à grande peine de lui coller son poing dans le visage.
Anko: vous plaisantez, j'espère.
Tsunade: pas la peine de me faire croire que tu es au mieux de ta forme. Après ce que tu as subi, il te faudra un bon mois de convalescence et comme l'examen chunin et prévu dans une vingtaine de jours...
Anko: vous vous foutez de moi!
Elle avait plaqué les deux mains sur le bureau de la sanin en prononçant ces paroles, mais ce n'était pas le genre de chose qui arrivait à faire siller la Godaime.
Anko: on manque de personnel et vous voulez que je reste ici à ne rien faire!
Tsunade: nous n'avons plus de problèmes d'effectifs. Personne ne te l'a dit?
Anko: comment ça, plus de problème d'effectifs?
Tsunade: tu as pu remarquer qu'il y avait de nouveaux ninjas dans le village.
Effectivement, elle avait aperçut, en plus des jumeaux à son chevet, de drôle d'Anbus avec des masques d'ogre et d'oiseau, ainsi deux ou trois nouvelles têtes qui circulaient dans Konoha.
Anko: ouais...
Tsunade: il s'agit du clan Kushimaro.
Anko: c'est des mercenaires que vous avez engagés?
La Godaime ferma les yeux et poussa un soupir. La junin accueillit cette mimique avec un vif élan d'antipathie. Elle avait quand même le droit de ne pas savoir ce qu'était le clan Kushi-bidule.
Tsunade: non. C'est un très vieux clan du village.
Anko: hein? J'en ai jamais entendu parlé! Vous êtes sûr de votre info?
Tsunade: oui. C'est juste que vous ne les avez pas connu. vous êtes trop jeune...
Anko: de combien de millénaire par rapport à vous?
L'Hokage lui jeta un regard froid. Elle n'avait aucun sens de l'humour en ce qui concernait son âge.
Tsunade: quoi qu'il en soit, vous allez avoir une leur équipe lors de l'examen chunin. Restez sur vos gardes. Ils sont dangereux.
Anko: c'est à dire?
Tsunade: ils sont dangereux. Point final. Veuillez sortir.
Soit la Godaime n'avait vraiment pas apprécié sa plaisanterie, soit elle ne souhaitait pas s'étendre sur le sujet. Pour l'heure, Anko avait des questions plein la tête et elle jugea bon de les poser directement aux intéressés.
Après une prise de renseignements auprès de Shizune et un petit arrêt dans une échoppe de dangos, la junin arriva devant le domaine situé à l'extrême nord du village. Au fur et à mesure qu'elle en approchait, Anko commença à discerner un nuage d'oiseaux au-dessus d'une forêt, une clôture qui l'entourait et enfin une douzaine d'Anbus qui surveillaient ce qui semblait être l'unique portail dans ce mur de fer.
Anbu: Anko-san? Que venez-vous faire ici?
Anko: message important de la part de Tsunade-sama pour le chef du clan.
Aucun des ninjas anonymes ne lui posa plus de questions et elle entra sans encombre dans le domaine. Une tour à peine plus haute que les cimes des arbres qui la bordaient, se dressait à l'extrémité d'une longue allée. Plus elle s'en rapprochait, plus le ciel s'assombrissait à cause du nombre incroyablement excessif d'oiseaux dans le ciel. Aux croassements qu'ils poussaient, c'était tous des corbeaux, ce qui donnait un ton encore plus sombre à cette tour qui avait déjà une allure lugubre. La kunoichi ne put réprimer un frisson d'angoisse. Outre les lieux peu accueillants, elle se sentait épiée et cette sensation semblait venir de tous les côtés en même temps. Comme si la nature observait ses moindre faits et gestes. Elle se trouvait maintenant devant la grande porte d'entrée qui semblait avoir survécu à un siége, mais ne remarqua aucune poignet ou quelconque système pour prévenir de sa présence, juste une tête de dragon en bronze fixée au centre du panneau de bois. La jeune femme toqua, mais elle entendit l'écho de ses coups se répercuter en écho à l'intérieur.
Voix caverneuse: qui va là?
Surprise, Anko s'écarta de la porte et jeta un regard circulaire autour d'elle. En plus de la sensation d'être surveillée, elle avait un sentiment de fragilité qui commençait à envahir son esprit. Ce séjour en cellule lui avait fait perdre de sa témérité et elle se retenait avec, beaucoup de difficulté, de fuir en courant.
Voix caverneuse: qui va là?
Elle porta son regard sur la porte et remarqua une petite lueur verte dans les yeux du dragon de bronze. Il lui semblait que la voix émanait de cet ornement.
Anko: c'est toi qui me parle, p'tite tête?
Tête de dragon: qui va là?
La junin se sentit rassuré de voir qu'il ne s'agissait que d'un simple sort de ninjutsu permanent appliqué à une vielle figure de bronze. Il suffisait juste de s'identifier.
Anko: Maritashi Anko. Envoyée par l'Hokage.
Tête de dragon: quel est le but de votre visite?
Anko: je viens juste poser quelques questions.
Tête de dragon: avez-vous une preuve que votre investigation se fait sous mandat de l'Hokage?
Anko: euh...
Il semblait que l'hésitation à une question n'était pas considérée comme une réponse pertinente, car les lueurs émeraude dans les yeux de la tête de dragon disparurent et la kunoichi perçut un mouvement autour d'elle. Non. Une vingtaine. Une centaine à vrai dire. Quoi qu'il en soit, elle avait à peine fait volte-face qu'un nombre invraisemblable de shuriken arrivaient en tout sens et qu'Anko ne disposait plus d'échappatoire. Elle allait devoir les encaisser tous, mais au moment d'être lacéré par les milliers de pointes d'acier trois corps s'interposèrent. Trois hommes entièrement vêtus de noir avec un long manteau sans manches et une queue de cheval rehaussé au-dessus de la nuque avaient reçu les armes de jet à sa place et l'un d'eux lui fit face. Il portait des lunettes noires qui masquaient son regard qui semblait sévère.
Toshiro: sautez et tendez le bras.
Sans en avoir réellement conscience, Anko s'exécuta et elle sentit son poignet se faire saisir par une main qui la souleva jusqu'à une terrasse.
Voix féminine: maintenant, Michyo!
Michyo: Katon! Karyu endan! (1)
La junin voulut regarder sur sa droite d'où provenait la voix, mais un intense brasier qui se déversa sur les trois hommes d'en bas, lui donna le réflexe de se protéger le visage. Quant elle ne sentit plus le souffle ardent à son côté, elle risqua un coup d'œil. Il y avait une femme, vêtu d'un yukata (2) blanc sale et dont le visage était dissimulé par un voile sombre accroché à un chapeau à bord large, qui fixait le sol avec ses mains jointes sur le ventre.
Anko: euh... Merci.
Inconnue: il était pourtant convenu que seul les personnes ayant un mandat de l'Hokage pénètrent dans le domaine.
Elle émit un soupir et tourna sa tête vers Anko.
Inconnue: Je suppose que vous avez une bonne raison d'être ici?
Elle avait comme un ton de regret dans sa voix et parlait de façon très maternelle. La junin se sentait un peu honteuse face à elle, comme une enfant fautive devant sa mère.
Anko: je... Je voulais juste poser quelques questions à votre chef. Pour... Pour les renseignements de Konoha.
Elle avait ajouté ce mensonge pour essayer de se donner un statut d'officiel aux yeux de son interlocutrice, mais ces derniers la fixaient d'une manière intense. En tout cas, elle les sentait braqués sur sa personne, à défaut de les voir. Elle sentit la culpabilité faire un nœud avec son estomac.
Anko: en fait, c'est juste que je voulais en savoir plus sur votre clan.
Inconnue: la curiosité n'est pas toujours une vertu, mais je suis contente que vous soyez venus.
La kunoichi sentit le nœud de culpabilité qu'elle avait dans le ventre, se desserrer un peu.
Inconnue: puisque vous êtes là, que diriez-vous de prendre le thé en ma compagnie?
Anko: euh... Ouais... Enfin... Oui, euh...
Inconnue: appelez-moi Himemaru.
Anko: euh... Oui... Himemaru-san.
Au moment où Himemaru bougea, Anko aperçut une autre femme de petite stature qui se tenait dans son dos. Elle avait le teint blanc, des yeux d'un vert émeraude à peine ouverts, une longue chevelure flamboyante, des oreilles plutôt détachée et pointue et elle était aussi vêtue d'un yukata qui jouait sur les tons de carmin. Toutes les deux se dévisageaient mutuellement. La junin n'avait jamais rencontré une personne avec une telle couleur de cheveux et qui faisait la taille d'une fillette de dix ans en ayant un physique semblable au sien. Elle n'était pas naine, elle semblait réduite.
Himemaru: vous ven... Ah! Excusez mon impolitesse. J'ai oublié de vous présenter ma filleule. Mademoiselle Miratashi, je vous présente Michyo.
Anko: enchant... Eh! Comment connaissez-vous mon nom?
Himemaru: l'information est le seul moyen que les Karasu ont trouvé pour survivre.
Anko: hein? Quoi? Je ne comprends pas?
Himemaru: et c'est pour cette raison que vous êtes venu ici. Vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez pendant que nous prendrons le thé. Avant comme après, je ne vous répondrais pas.
Anko: et pourquoi?
Mais elle n'obtint aucune réponse. Elles arrivèrent sur une autre terrasse ombragée où une table de bois était dressée avec tout ce qu'il fallait pour une pause thé pour deux personnes. Himemaru prit place à l'une des deux chaises en bois et Michyo alla se lovait à côté d'elle, à même le sol. Anko trouva le comportement de cette personne, elle n'arrivait pas à savoir si c'était une femme ou une gamine, des plus étrange. Déjà au départ, elle était d'une apparence peu commune...
Himemaru: allez-y. Je vous écoute.
Anko: on m'a dit que vous étiez un ancien clan de Konoha, pourtant je n'ai jamais entendu parler de vous. Qui êtes-vous réellement?
Himemaru: à l'époque de la création du village, nous faisions partis des trois clans de dojutsu avec les Uchiwa et les Hyuga et...
Anko: vous voulez dire que vous possédez aussi une pupille étrange?
Himemaru: dois-je répondre à cette question ou préférez-vous que je poursuive sur la précédente?
Anko comprit qu'elle avait été impolie, ce qui la fit mettre ses mains entre ses cuisses, comme une gamine acculée.
Anko: gomen...
Himemaru: ne vous excusez pas! C'est normal de vouloir des réponses aux questions qui nous hantent. C'est juste que je voulez savoir à laquelle des deux je devez répondre d'abord.
Elle avait des manières qui vous mettaient dans l'embarras, mais qui vous donner une sensation de bien être. C'était comme si on pouvait se confier à elle, sans la connaître, mais en lui vouant un respect particulier. Elle ôta son chapeau à voile, laissant apparaître un visage au ton matte, des yeux gris argentés et de courts cheveux bruns et lisses. Elle n'était visiblement pas de la région.
Himemaru: alors?
Anko: poursuivez sur la première.
Himemaru: vous n'ignorez pas que la période création de Konoha fut marquer par d'innombrables troubles qui furent portés à termes par Shodaime Hokage et ses techniques de mokuton, donnant son nom au village nouvellement fondé. Les Uchiwa et les Hyuga se distinguèrent particulièrement dans cette phase de l'histoire, ce qui leur donna le statut qu'ils ont obtenu par la suite. Les Kushimaro ont, eux aussi, participé à l'instauration de la paix, plus que les deux autres clan, ce qui leur permirent d'obtenir le privilège de ce domaine qui, selon les accords signés à cet époque, est un petit état indépendant à l'intérieur de Konoha. Tous les membres du clan Kushimaro n'obéissent qu'au leader. Et quant le leader décide d'attaquer le village, tout le monde le suit.
La junin faillit s'étouffer avec son thé.
Anko: pardon?
Himemaru: je crois que cela remonte à environ une quarantaine d'années. Le leader de cette époque a profité d'une réunion avec Shodaime et Nidaime pour lancer une attaque contre le bureau des Hokages. Il fut tué, car certains membres du clan préférèrent se rétracter devant le nombre trop imposant d'adversaires. Les Uchiwa et les Hyuga ont sauvé in-extremis Nidaime Hokage, mais Shodaime succomba à ses blessures. Je crois d'ailleurs me souvenir que c'était une affaire qui opposait les trois clans de dojutsu qui est à l'origine de tout ça. Il en reste que notre clan fut emprisonné dans son domaine à cause de cette tentative de coup d'état et cela jusqu'à aujourd'hui.
(1) karyu endan: embrasement infernal du dragon de feu
(2) yukata: kimono de coton porté en été ou lors de certains événements
J'ai jugé ce chapitre un peu trop long, mais j'avais pas envie de trouver un autre titre. Comme le point de vue reste celui du même personnage, j'en ai fait deux parties.
