Bonsoiiiir !
Est-ce que c'est une nouvelle fic ? Oui, tout à fait ! La première partie est terminée avec 60k, donc un chapitre sera publié par jour jusqu'à Noël !
Il s'agit d'un UA où Dabi est adopté par la famille Midoriya ^^
AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.
AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya
Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi
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- Acte 1 : Attraper ses rêves -
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Scène 1
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Plic. Plic. Ploc.
Malgré la fin de l'orage depuis plusieurs heures, l'eau de pluie s'échappe encore de la gouttière endommagée de la maison contre laquelle Touya a bâti son abri de fortune. Elle cliquette avec la régularité d'un métronome sur la bâche bleue au-dessus de la tôle métallique qui lui sert de toit. L'odeur de béton mouillé se mêle à celle de la cigarette qu'il a volée et qu'il fume, observant avec un agacement certain l'eau ruisseler dans cette mélodie parfaitement chronométrée. Il soupire.
Il déteste tout ce qui est parfait.
Enfin, s'il n'y avait que ça qu'il n'appréciait pas avec le passage de l'orage. L'humidité empire ses brûlures jamais vraiment soignées et les agrafes qui maintiennent sa chair brûlée aux parties de son corps encore intactes le tiraillent. Ses mains sont cependant trop occupées à tenir sa cigarette pour venir gratter les plaies à vif qui le démangent. Pourvu que Giran le contacte pour un petit boulot, tel que faire disparaître un cadavre ou le rendre difficilement identifiable.
Touya souhaite par-dessus tout penser à autre chose qu'à son corps qui lui fait mal les jours de pluie et les raisons qui l'ont mené à s'autodétruire, ou presque.
Des cris lui parviennent, résonnant entre les ruelles et troublant sa solitude. C'est si rare, à cette heure entre la fin des cours et le début de la soirée, que Touya suspend un instant son geste. Sa cigarette se consume sans qu'il n'en inhale la fumée, au rythme de sa réflexion. Seraient-ce d'autres sans-abris qui se disputent un spot ? L'adolescent sait qu'il ne craint rien, dans ce cas. Malgré ses quatorze ans à peine sonnés et sa silhouette frêle, ils le craignent, son Alter et lui. Cela l'arrange bien ; au moins n'est-il plus concerné par les confrontations de territoire. Il prend un certain plaisir à se battre pour défouler la rage qui le ronge, certes, mais ce n'est pas pour autant qu'il est inconscient. Les jours de pluie, là où son pouvoir est plus faible, il est bien heureux de ne pas avoir à défendre son abri qu'il a pris tant de soin à fabriquer.
― Arrête de fuir, Deku !
L'ordre claque contre le bitume humide et des bruits d'explosion, comme ceux des pétards du Nouvel-An, retentissent et se rapprochent peu à peu. Touya hausse un sourcil, tirant une autre bouffée de poison - il faut bien mourir de quelque chose, alors autant profiter des plaisirs de la vie, même ceux meurtriers - tandis que le surnom le fait tiquer. Bon à rien, hein. Des flammes bleues lèchent ses doigts sous la colère qui brûle en lui. L'Autre aurait presque pu lui donner un surnom pareil, s'il n'avait pas eu une image à maintenir.
En tout cas, l'adolescent est désormais certain qu'il ne s'agit pas de sans-abris comme lui. Il tourne et retourne la phrase dans sa tête, analysant le timbre et le ton pour tenter de se faire un portrait mental de celui qui semble chasser le surnommé Deku. La voix est trop claire pour être celle d'un adulte, mais trop grave pour être celle d'une fille ; elle est chargée de colère, et peut-être même de moquerie contenue s'il se fie à l'insulte.
De jeunes adolescents, peut-être. Ou bien des enfants, mais cette idée le fait grincer des dents. Il la refuse, secouant la tête en espérant qu'il s'agisse bien de personnes plus âgées. Les enfants sont censés être innocents. Ils ne sont pas censés chasser quelque chose ou quelqu'un. Sans doute des adolescents poursuivent-ils un chien ou un chat errant qu'ils ont l'habitude de croiser et qu'ils ont si méchamment surnommés. Sans doute.
Touya espère qu'il a raison et que la vie, avec son sens du divertissement tordu, ne lui donnera pas tort.
Un enfant aux cheveux verts tourne soudain en courant dans sa ruelle, trempé de la tête aux pieds. Il est couvert de boue, comme s'il était tombé dans une flaque ; ou plutôt, comme si quelqu'un l'avait maintenu dans l'eau noirâtre. Il se fige un bref instant en le voyant, tel un lapin devant des phares, puis ses yeux émeraude se noient de peur lorsqu'il s'aperçoit qu'il est entré dans une impasse.
Les espoirs de Touya s'éteignent, soufflés par la vie avec un ricanement sinistre.
Les cris se rapprochent, à contre-temps d'explosions qui n'annoncent rien de bon. Touya relâche une bouffée de fumée, se demandant exactement ce qui cause la peur sur la figure ronde, pleine de taches de rousseur. Est-ce lui ou ses propres poursuivants ? Ou encore la perspective de l'impasse, de l'impossibilité de s'enfuir, de la perte de temps qui doit sans nul doute le frustrer ? D'ailleurs, pourquoi est-il poursuivi ? Enfin, ce ne sont pas ses affaires et il aimerait un peu de tranquillité pour finir sa cigarette.
Touya ne veut pas se mêler de la vie d'un autre. Il n'existe plus, il n'est rien, ne lui a-t-on pas assez rabâché ?
― Va-t'en ! gronde-t-il.
― S'il vous plaît, est-ce que je peux juste me cacher deux minutes, je vous en supplie ! Je partirai juste après !
D'autres noms d'oiseaux fusent à l'attention du plus petit, toujours plus proches. Touya devrait le dégager de sa ruelle à coup de pied, mais il reste immobile, surpris de la demande de l'enfant. Il n'a pas la tête d'un bon samaritain, il devrait lui faire peur, alors pourquoi s'adresse-t-il à lui avec autant d'espoir dans ses yeux verts ? Personne ne l'a jamais regardé ainsi, comme s'il était sa seule porte de sortie et cela remue quelque chose dans les cendres de son cœur. Il a l'impression d'avoir du mal à respirer sous les yeux si plein d'espérance de l'enfant, sous toute la tension qui le fait tremble. Le corps du sans-abri bouge avant sa langue et il lui désigne sa cabane de bric et de broc.
Un soupir.
― Cinq minutes max et tu dégages, le pleurnichard.
Le sourire lumineux qu'il reçoit en retour le fige un bref instant, alors que le petit se glisse dans la cachette. Il le cache seulement ; comment peut-il lui sourire comme s'il venait de rencontrer son super-héros préféré ? Enfin, c'est comme ça que l'adolescent se représente un tel sourire, grâce aux vidéos qu'il a pu voir enfant. Jamais ce genre de sourire ne lui a été adressé. Il ne se souvient que de la colère, la rage, le désintérêt. Il ne se remémore que sa sensation de disparaître aux yeux de sa famille dès lors que Shoto est né.
Il n'y a que de la douleur et de la solitude dans son passé qu'il tente désormais de fuir.
Touya est encore secoué lorsque trois gamins s'arrêtent à l'intersection, regardant autour d'eux, sans doute en quête de son protégé imprévu et éphémère. L'un d'eux, un blond à l'air agressif, se tourne vers lui. L'adolescent tressaille alors qu'un bref instant, c'est le visage de l'Autre qui se substitue à celui du garçon.
Il le déteste avant même qu'il n'ouvre la bouche pour cracher sa question :
― Hé, toi, t'aurais pas vu un petit garçon aux cheveux verts ?
Il ressemble à un chien enragé, la bave en moins. Touya peut voir le dédain dans ses yeux alors qu'il le regarde de haut, quand bien même il est plus jeune. Il doit avoir la moitié de son âge et pourtant, il pue l'arrogance. Est-ce qu'il ressemble à ça, aussi, quand il bat des adultes plus âgés que lui pour défendre son territoire ? Peut-être, mais au moins ne s'en prend-il pas encore à ceux qui ne lui ont rien fait. Au moins ne ressemble-t-il pas à l'Autre. De ce qu'il a pu entendre, de ce qu'il peut voir, il doute que le gamin caché dans son abri ait déclenché les hostilités.
― L'a couru tout droit, répond-il laconiquement.
Le mensonge glisse si aisément de ses lèvres abîmées. Touya se demande s'il n'a pas un peu effrayé la bande pour qu'ils détalent aussi vite après ses mots ; ou alors, ils sont pressés de mettre la main sur le pleurnichard ? Il ne sait pas trop ce qu'il ressent à cette idée.
Les restes d'un vieux rêve brûlé en même temps que lui le poussent à apprécier le fait qu'il ait sauvé quelqu'un.
Il les étouffe d'une bouffée de fumée de plus, la nicotine le détendant en grignotant un peu plus sa vie. D'un geste, il tire le bout de bâche qui protège l'entrée de son abri, se penchant pour observer le gamin recroquevillé à l'intérieur. Il a toujours les yeux baignés de larmes et son sourire est toujours aussi lumineux alors qu'il se redresse brusquement sur ses jambes, manquant de heurter le plafond de sa tête.
― Merci de m'avoir aidé à fuir Kacchan ! Pardon du dérangement, je ne voulais pas vous embêter, je…
Il y a une brûlure sur sa joue. Comment Touya ne l'a pas vu avant ? Comment le petit peut sourire comme si de rien n'était ? L'adolescent connaît la douleur de la morsure du feu. Il sait qu'à la place de l'enfant, il n'aurait pas réussi à sourire, à l'époque où il avait encore un semblant de visage. Est-ce qu'il en a d'autres, bien cachées sous sa couche de boue et de larmes ? Le sans-abri ne devrait pas s'en soucier. Il devrait le mettre dehors sans plus de cérémonie, sans se soucier des marques rougeâtres sur sa peau.
Même Natsuo, son frère le plus proche de lui, le traitait d'égoïste. Alors pourquoi ne peut-il pas simplement fermer les yeux et faire comme si de rien n'était ? Les adultes y arrivaient si bien quand cela le concernait, alors pourquoi ne peut-il pas en faire de même ? Avec un soupir agacé, il laisse tomber sa cigarette au sol, l'écrase d'un geste vif du pied, avant de s'accroupir devant le môme.
Touya nie qu'il a eu mal au cœur en voyant son geste de recul.
― Laisse-moi voir tes brûlures, tu veux ?
― Je vous ai dérangé assez longtemps, j'ai l'habitude, ce n'est pas aussi grave que ça en a l'air, je...
― Je veux les voir, le coupe Touya.
Il déteste le tressaillement du gamin et son regard effrayé alors qu'il hoche la tête, tordant le bas de son t-shirt entre ses doigts. Sans douceur, Touya lui essuie le visage, le cou et les mains du revers de la manche de sa veste, de toute façon déjà beaucoup trop sale pour qu'il se soucie d'un peu plus ou moins de boue dessus. La peau de l'enfant est parsemée d'éphélides, comme autant d'éclats de soleil, mais surtout de brûlures et bleus qu'aucun môme ne devrait avoir.
Cela lui rappelle sa propre peau pendant ses entraînements, mais les causes ici sont sans nul doute bien pires. Pourtant, il n'ose pas poser de questions. Il refuse. Il s'implique déjà trop. L'enfant n'est qu'un papillon dans sa vie morne ; éphémère, gracile et pourtant si beau. Touya n'arrive pas à oublier son sourire, alors qu'il tend la main pour récupérer la vieille boîte en acier dans laquelle il entrepose tous les pansements et médocs que Giran lui refile ou qu'il arrive à piquer.
Il y a longtemps que le sans-abri ne refuse plus de voler. Sa survie compte bien plus que de stupides codes moraux.
― De la crème pour tes brûlures et des pansements. Démerde-toi avec avant de partir.
Il y a de la méfiance dans le regard émeraude, avant que l'enfant ne sourit de toutes ses dents, lumineux comme aucun enfant ne devrait l'être dans sa situation. La douleur l'atteint-il même ? Ou bien fait-il partie de ceux qui ne la ressentent pas ? Il ne connaît plus le nom de la maladie, mais il se souvient avoir un jour souhaité être né avec. Comme ça, il n'aurait jamais eu mal à cause de ses propres flammes et l'Autre aurait continué à l'aimer. Enfin, c'est ce qu'il pensait alors.
Touya a perdu ses illusions en même temps que son apparence d'être humain.
Le gosse s'accroupit sur le sol pour s'occuper de ses brûlures, comme un chien blessé panse ses plaies. Touya ressort de son abri, glissant ses mains dans ses poches dans l'espoir de trouver une cigarette restante, en vain. Il n'a plus que ses doigts pour meubler le temps qui file, implacable. La nuit tombera bientôt pour couvrir ses actions criminelles de son œil indulgent. Les prostituées et leurs clients seront de sortie, les employés de bureau noieront leur surmenage sous de l'alcool et des ramens avalés à presque minuit.
Tokyo et ses alentours lui servent de terrain de jeu une fois le soleil disparu, car il n'est qu'une ombre qui n'a aucun droit sous la lumière.
Du coin de l'œil, il s'aperçoit que le môme a terminé avec plus ou moins de réussite. Du pied, il referme le couvercle sur la boîte, dans un bruit métallique qui fait sursauter le plus jeune. Ils échangent un regard en silence, avant que Touya ne lui désigne la sortie d'un signe du menton.
― Allez, file avant qu'ils ne reviennent, grogne-t-il.
― Merci, euh...
Touya hésite un instant, avant de donner le surnom qu'il utilise avec Giran. De toute façon, il est presque certain que le gamin l'oubliera dès qu'il sera rentré chez lui, lavé et devant un bon repas chaud.
― Dabi.
― Moi, c'est Izuku Midoriya ! Je suis vraiment, vraiment content de t'avoir rencontré, mille mercis !
L'enfant a toujours ce foutu sourire qui lui réchauffe l'estomac, alors qu'il lui donne son prénom. Il est légèrement hésitant alors qu'il se relève, passant d'un pied sur l'autre. Puis, d'un geste vif, il sort quelque chose de sa poche et lui met dans la main avec son autorité de môme heureux, les joues rouges de gêne.
― Je, heu, merci encore, au revoir, Dabi !
Le gosse le salue de la main, avant de se remettre à courir, bien trop vite pour que Touya n'ait le temps de réagir. Il cligne des yeux, secouant ses cheveux noirs avant d'observer ce que le môme lui a mis dans la paume.
Un sachet de bonbons.
Le sans-abri a une étrange boule dans la gorge. Ce n'est clairement pas le genre de choses qui lui remplira l'estomac, encore moins le genre de choses qu'il a l'habitude de manger. Mais il y a dans ce geste plus d'émotions que dans les mots de l'enfant. C'est peut-être tout ce qu'il avait sur lui. Peut-être est-ce la seule chose qui lui donne du réconfort après ce genre d'incident, d'habitude. Pourtant, il les lui a donnés. Touya glisse le sachet dans sa poche, une ombre de sourire sur ses lèvres. Il se sent bien, malgré l'humidité dans l'air.
Ses brûlures ne le démangent plus autant que tout à l'heure.
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