Bonsoiiiir !

AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.

AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya

Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi


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- Acte 1 : Attraper ses rêves -

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Scène 3

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Touya n'est jamais retourné chez les Midoriya, quand bien même Izuku continue à venir le voir, souvent avec un bento pour lui et quelques pièces. Autant l'adolescent peut accepter d'aider le plus jeune avec ses harceleurs, accepter la nourriture et l'argent qu'il y gagne au change, autant il ne peut pas prendre le risque d'être amené à la police. Mieux vaut vivre libre et comme un chien errant qu'enfermé derrière les murs de la résidence des Todoroki.

Il n'arrive pas à cerner Inko, alors cette peur terrible d'être ramené de l'endroit qu'il a fui le ronge et le retient d'accepter son aide. Pourtant, le souvenir de sa gentillesse et de son sourire le hantent encore plusieurs semaines après, alors que l'hiver a enveloppé la ville de son manteau et qu'il a l'impression de tousser ses poumons. Il envie Izuku d'avoir une mère aussi lumineuse ; sans doute prend-elle soin de lui lorsqu'il est malade, sans doute lui fait-elle son plat préféré pour lui remonter le moral. Quand est-ce qu'il a reçu l'amour de sa mère pour la dernière fois ? Quand n'a-t-il pas jalousé quelqu'un de recevoir quelque chose qu'il aimerait aussi avoir ?

Le visage de Shoto traverse son esprit et il secoue sa tête. Il ne hait pas son petit protégé comme il a haï son petit frère. Izuku ne l'a pas remplacé dans le cœur de qui que ce soit et puis, peut-il vraiment l'envier, au bout du compte ? L'enfant se montre désormais de plus en plus loquace, babillant seul lorsqu'il le cache de ses poursuivants. Il a ainsi appris qu'il est sans-Alter. Il a appris le rejet, la discrimination qu'il subit et pourtant, le môme rêve encore d'être un héros. Le môme offre encore sa confiance et son sourire aux gens, ange trop pur pour cette société sans pitié.

Touya devrait lui dire d'être plus réaliste. Il devrait lui dire que la société le bouffera bien avant qu'il n'y arrive. Mais il n'arrive pas à briser ses rêves comme on a brisé les siens. L'enfant a le cœur trop pur pour être ainsi noirci. Peut-être dans quelques années, quand la raison l'aura emporté, ou que d'autres auront piétiné ses aspirations. Il ne veut pas être quelqu'un comme l'Autre pour son petit protégé.

Il tousse de nouveau et sa gorge le brûle. Ses yeux piquent de gouttes de sueur qui coulent de son front et qu'il jurerait gelées à peine apparues. L'hiver est plus rude qu'il ne l'a imaginé. Est-ce qu'il le passera, même ? La question le hante depuis que sa respiration est de plus en plus difficile. Il a le nez bouché, en plus. Il espère juste que ce rhume se terminera vite. Il doit se terminer vite. Dans son état, il peine à se dégoter à manger et Giran a dû changer de planque. Tant que le receleur ne sera pas en sécurité, il ne le contactera pas et l'adolescent n'aura nulle part où s'abriter du froid.

Il tressaille en entendant des bruits de pas sur la neige fraîche. Le crissement se rapproche et il se terre un peu plus sous sa bâche, espérant que ça ne soit pas une association. Même si l'idée d'obtenir à manger est alléchante, il ne sait que trop bien que recourir à leurs dons le ferait remarquer. Pourvu qu'ils passent devant sa cachette sans s'apercevoir de sa présence.

Pourtant, le bruit de pas s'arrête devant son abri. Il peut voir une ombre humanoïde s'accroupir derrière la bâche bleue qui cache l'entrée. Les flammes de Touya viennent danser sur le bout de ses doigts, créant des ombres bleutées, alors qu'il espère pouvoir aveugler un court instant la personne qui vient le déranger. La bâche s'agite légèrement, alors que qu'une main - ou n'est-ce qu'un doigt ? - vient appuyer dessus, comme pour toquer, comme s'il s'agissait d'une véritable porte. Les bénévoles ne prennent pas cette peine. Ils vérifient et puis c'est tout, sans perdre plus de temps.

― Dabi ? Est-ce que tu es là ?

L'adolescent reconnaît cette voix, avec le même ton inquiet que la première fois qu'il l'a entendue. Mais c'est étrange. Qu'est-ce que la mère d'Izuku viendrait faire ici ? L'enfant n'est-il pas rentré après être venu se réfugier vers lui, comme d'habitude ? Il ne peut nier la sensation étrange dans sa poitrine, comme si une main froide écrasait ses poumons brûlants. Comme s'il s'inquiétait pour l'enfant.

Touya ne peut plus nier à quel point il tient à Izuku et à la lumière qu'il amène dans ses ténèbres, il faut croire.

Il hésite un instant, avant d'éteindre ses flammes et de repousser la bâche dans un bruit de froissement. La mère de famille reste accroupie, à sa hauteur, un sourire visible dans ses yeux malgré l'écharpe épaisse devant son visage.

― Qu'est-ce que vous voulez ?

Sa gorge le démange et il se retient à grand-peine de ne pas tousser, alors qu'elle pousse un sac à dos vers lui, avec ce stupide sourire si bienveillant qu'elle a légué à son fils.

― Je t'ai mis des affaires épaisses et de quoi manger chaud pour ce soir. Izuku m'a dit que tu avais l'air d'aller moins bien, alors je me suis dit…

Le cœur du garçon bat plus vite, sans doute à cause de sa respiration difficile ; pourtant, il n'a plus aussi froid, alors qu'il pose les mains sur les côtés du sac. Il peut sentir la chaleur provenant des tupperwares et malgré lui, il salive à l'idée de manger autre chose que ce qu'il trouve en fouillant les poubelles. Surtout que la cuisine d'Inko a toujours quelque chose de réconfortant et il n'imagine que trop bien la sensation qui lui réchauffera l'âme lorsqu'il y goûtera.

Une nouvelle quinte de toux le secoue et il place par automatisme sa bouche au creux de son coude. Il a l'impression que ses poumons se carbonisent comme sa peau sous ses propres flammes. Ses agrafes chirurgicales le font souffrir de ses gestes brusques, ou est-ce tout son corps qui lui donne l'impression d'avoir été roué de coups, à force de rester pelotonné sous sa bâche ?

Il déteste être malade. Avant, cela signifiait entendre l'Autre râler et des entraînements en moins. Maintenant... Maintenant, cela signifie surtout que sa vie ne tient qu'à un fil.

Une main nue se pose soudain sur son front et il redresse la tête. Inko tient son gant de sa main libre et il n'est pas certain d'identifier l'émotion qui creuse son visage. Les doigts contre son front lui paraissent étrangement chaud, avant que la femme ne les déplace sur sa gorge. Un éclat de douleur le fait reculer et il active ses flammes dans un geste d'auto-défense. Inko recule et lève ses mains bien en évidence, comme pour le mettre en confiance, mais qu'a-t-elle cherché à faire, à l'instant ? Il ne comprend pas et il déteste ça.

― Je suis désolée, je n'aurais pas dû te toucher sans ton accord. Mais tu as l'air malade et je voulais seulement le vérifier. Je pourrais peut-être t'amener chez le médecin ? Tu as l'air d'avoir une infection, tu as de la fièvre et les ganglions gonflés.

― Non !

Le refus ressemble plus à un cri paniqué que Touya ne le souhaiterait. Son corps tremble alors qu'il recule pour se mettre à l'abri contre le mur, relâchant la bâche pour faire barrière entre Inko et lui. Un médecin poserait trop de questions. Il ne veut pas être ramené chez l'Autre ou placé dans une famille, il veut être libre, quand bien même c'est une souffrance, car son corps est de toute façon trop brisé pour qu'il ressente un jour autre chose.

Il serre ses bras fins contre lui, retenant l'amertume au fond de sa gorge tout en essayant de garder le peu de chaleur que le présent d'Inko a instillé jusque-là. Va-t-elle reprendre le sac parce qu'il a dit non ?

― Voudrais-tu bien au moins rester à l'abri chez moi ? Je te promets que je n'appellerais personne que tu ne voudras pas.

― Pourquoi ?

― Izuku a peur pour toi, tu sais ? Il a peur qu'un soir, tu ne sois plus là, ou en tout cas, plus… Pardon, je ne devrais pas dire des choses pareilles !

Touya cligne des yeux et la chaleur dans sa poitrine douloureuse s'étend un peu plus. Il a envie de secouer son petit protégé, mais il s'est fait depuis un moment une raison. Izuku a un trop grand cœur pour ne se préoccuper que de lui et un trop bon pour se faire passer en premier. Il en souffrira si personne ne le protège de sa propre gentillesse.

Touya le fera souffrir s'il lui arrive quelque chose.

La réalisation le heurte comme un coup de poing à l'entraînement ; sa respiration se coupe et il cherche de l'air pendant quelques brèves secondes. Est-ce qu'il peut faire ça à Izuku ? Est-ce qu'il peut noircir ses grands yeux brillants de tristesse en mourant ? Il est presque certain que l'Autre n'a ressenti que du soulagement à sa disparition, qu'il n'a manqué à personne. Est-ce que cet enfant, à peine plus vieux que Shoto, l'aime déjà plus que sa propre famille de sang ?

Mais si la mère de famille lui ment pour le pousser à le suivre ? Si elle l'emmène en fin de compte à la police, ou chez le médecin ? Est-ce qu'il peut prendre le risque de saisir la main qu'elle lui tend ou vaut-il mieux qu'il parie sur sa santé fragile pour survivre ?

Il connaît déjà la réponse. La véritable question est plutôt s'il veut prendre le risque d'éteindre la lumière d'Izuku, qui survit malgré tout ce qu'il endure. Si Touya refuse l'aide qu'Inko lui propose et qu'il décède, cela la soufflera, comme l'Autre a mouché la flamme brûlante de ses rêves sans un regard en arrière. Il se refuse à être comme lui.

L'adolescent ne peut pas briser Izuku comme il a été brisé.

D'une main tremblante, il écarte de nouveau la bâche. Inko est toujours là, comme si elle attendait qu'il prenne une décision. Des doigts glacés enserrent le ventre de Touya. Un bref instant, il se demande si la lumière dans les yeux de son protégé vaut le prix de sa liberté. Quand bien même il ne veut pas la voir s'éteindre, est-ce que cela vaut ce qu'il met dans la balance ?

Non. Sa liberté vaut plus que tout, mais il la met quand même en jeu, parce que c'est Izuku, parce que c'est le petit garçon qui lui parle avec des étoiles dans les yeux, parce que c'est lui à son âge, plein de rêves et d'espoirs.

― D'accord.

Le sourire d'Inko est aussi lumineux que celui de son fils. Elle récupère le sac, avant de l'ouvrir et d'en sortir une écharpe, qu'elle noue autour de son cou avant qu'il n'ait le temps de réagir. Elle est toute douce et Touya y enfouit son nez avec une étrange sensation au creux du ventre. Ses joues rougissent lorsqu'il croise le regard attendri de la mère de famille et il détourne la tête, glissant ses mains dans les poches de son pantalon élimé.

Inko ne rit pas, quand bien même elle continue à sourire, avant de lui enfiler le bonnet, comme s'il avait de nouveau six ans. Sa mère faisait ça aussi, quand il était plus petit, avant qu'elle ne commence à s'effacer comme la craie sur une ardoise, avant que Shoto naisse et que toute sa vie ne s'effrite entre ses doigts. Il ne l'a plus laissé faire après que l'Autre ait cessé de l'entraîner. Il pose ses mains sur la laine douce du bonnet, qui descend jusqu'à ses oreilles frigorifiées.

C'est quoi, cette boule au fond de sa gorge qui ne veut pas partir ?

― Viens, on rentre à la maison.

Touya veut répondre qu'il n'a pas de maison, mais les mots restent coincés derrière ses lèvres alors qu'il se rappelle la chaleur du foyer des Midoriya où Inko l'invite à nouveau. Ses mains se serrent sur ses cuisses à travers le tissu de sa poche, alors que l'adulte se lève et lui fait un signe de tête pour qu'il la suive.

Est-ce que c'est censé être comme chez Inko et Izuku, une maison ?

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