Bonsoiiiir !
Pour ce chapitre, je ne conseillerais que trop les mouchoirs ^^
AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.
AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya
Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi
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- Acte 1 : Attraper ses rêves -
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Scène 4
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― Dabi, Dabi, viens voir, y'a maaaasse de neige dehors !
Touya geint alors qu'Izuku crie dans son oreille avec son enthousiasme d'enfant. L'adolescent est épuisé avant même de bouger ne serait-ce qu'un orteil en dehors du canapé et le bruit ne l'y aide en rien. Il saisit son oreiller pour enterrer sa tête dessous, avec un pincement au cœur ; Natsuo faisait la même chose avant que leur relation ne se détériore comme un feu mal entretenu. Il ne tient pas vraiment à se lever en plus, alors qu'il commence à peine à ne plus tousser.
Il ne manquerait plus qu'il retombe malade.
D'ailleurs, il admet du bout des lèvres qu'il cracherait sans doute encore ses poumons si Inko ne l'avait pas accueilli. Cela fait une éternité qu'il n'a pas été ainsi bien au chaud et nourri pendant plusieurs jours. Elle lui a prêté son canapé, une couverture si épaisse qu'il a parfois l'impression d'être enterré dessous. Elle lui a même donné des médicaments pour faire baisser sa fièvre et apaiser sa gorge.
Il refuse de songer à combien elle a dépensé pour lui. Il refuse de songer qu'elle compte peut-être lui demander quelque chose d'illégal en échange, comme Giran. Sauf que Giran est transparent avec lui sur ce sujet ; pas Inko. Est-ce seulement possible qu'elle le fasse sans rien attendre en retour ? Les médicaments ont beau être plus ou moins accessibles financièrement parlant, elle reste une mère célibataire ; il ne croit pas avoir vu de bague à son doigt. Ni avoir entendu Izuku parler de son père. Dans ses babillages, il parle le plus souvent de sa mère et de lui.
Touya sait qu'il coûte cher à la petite famille, qu'il devrait cesser d'être égoïste maintenant que sa fièvre a baissé et rentrer à son abri. Pourtant, il n'a pas envie de retourner à sa bâche, dans le froid et la misère. Mais il ne peut pas rester là pour autant, à squatter le canapé pendant une éternité.
― Allez, debout ! S'il te plaît ! Je veux faire un bonhomme de neige avec toi !
Touya repousse finalement son oreiller et tourne la tête pour croiser le regard joyeux et brillant d'Izuku. Un tel regard heureux devrait être interdit ; comment peut-il lui refuser quoi que ce soit ainsi ? Un soupir lui échappe, alors que l'enfant trépigne à côté du canapé. Même l'air las que l'adolescent arbore ne calme pas ses ardeurs. Il veut réellement faire ce bonhomme de neige et le sans-abri a la vague impression que sa présence est peut-être bien ce qui importe le plus à Izuku.
― Tu ne veux pas plutôt faire ça avec tes amis ?
― Kacchan a détruit mon dernier bonhomme de neige, alors je…
Touya reconnaît le surnom, beaucoup trop gentil à son goût, et l'interrompt plus sèchement qu'il ne le voudrait.
― Je te parle pas de ton harceleur, je te parle de tes amis.
L'adolescent souffle, grinçant des dents avant de retourner sous son oreiller, espérant avoir son petit protégé à l'usure. Pourtant, son sang se glace au murmure qui suit et il visualise très distinctement dans son esprit la posture probable d'Izuku. Il doit avoir ses mains serrées sur le bas de son t-shirt, tête tournée vers le sol, timide et pataud. Il en est presque certain. L'enfant a si peu de confiance en lui et à qui la faute ?
Parfois, Touya a envie de brûler les harceleurs d'Izuku jusqu'à n'en laisser plus que des cendres, parce qu'ils menacent d'éteindre l'étincelle de bonheur dans les yeux verts qui lui sont plus précieux que des émeraudes.
― Mais Kacchan est mon ami…
― Pardon ?! Celui qui te poursuit pour utiliser son Alter sur toi ? Celui qui se fiche de toi parce que tu n'as pas d'Alter, qui tente de te faire renoncer à ton rêve ? On parle bien du même ?
Touya se redresse d'un bond, toute idée de se rendormir envolée. Il s'assoit dans le canapé, réajustant sa couverture sur lui pour ne pas attraper de nouveau froid, pour faire face au petit garçon qui semble se liquéfier sous son regard. L'adolescent s'en veut un peu, mais il est bien trop en colère pour réussir à garder un visage inflexible. Pourquoi Izuku considère-t-il ce Kacchan comme un ami, après tout ce qu'il lui fait ? Comment peut-il l'estimer autant ? Son soi-disant ami le blesse, bordel, les traces de brûlure sur sa peau ne sont pas apparues comme par magie !
Izuku est trop bon pour son propre bien, il en a de nouveau la preuve. Il ne peut pas simplement continuer à le protéger de ses harceleurs, en fait ; il doit le protéger de lui-même, s'il veut que la lumière dans ses yeux continue de briller.
― Izuku, un ami n'est pas censé te frapper, ou te faire du mal là.
L'adolescent plante un de ses doigts sur la poitrine de l'enfant, au niveau de son cœur. Il peut comprendre qu'il ait du mal à saisir que le comportement de Kacchan envers lui n'est pas normal. Après tout, lui-même n'a-t-il compris qu'une fois à moitié mort que l'Autre était le problème et non pas son pouvoir, quand bien même il se blessait avec ? Maintenant qu'il sait le contrôler, son feu ne mord plus autant sa peau, sauf lorsqu'il perd le contrôle de ses émotions.
― Mais on se connaît depuis tout petit… Et il était gentil avec moi, avant ! le défend Izuku.
― Avant qu'il sache que tu n'as pas d'Alter, n'est-ce pas ?
Izuku détourne les yeux ; c'est la seule réponse dont Touya a besoin. Il a un poids au fond de son ventre en songeant qu'ils ont les mêmes rêves et que, malgré leurs problèmes différents, les gens essayent de les briser. Alors que l'adolescent ne voit pas ce qui empêcherait l'enfant d'être un héros. Il y a bien des héros professionnels qui ont un Alter plus psychique que physique et qui doivent se battre au corps à corps. Qu'est-ce qui empêcherait le petit garçon d'être comme eux ? Peut-être n'attendra-t-il pas le plus haut classement, mais ce n'est pas ce qui a l'air de l'intéresser.
― Il te dit que tu ne peux pas être un héros à cause de ça, n'est-ce pas ? Il a tort. Il a tort de te dénigrer, de te frapper, de t'humilier. Tu as le cœur pour être un héros, même sans Alter. Ce n'est plus ton ami, Izuku. Pas s'il est incapable de voir ça.
― Je… Tu penses vraiment que je peux être un héros ?
La lumière d'espoir dans les yeux d'Izuku est aveuglante, mais Touya ne détourne pas les yeux. C'est presque effrayant de voir à quel point il se retrouve dans son petit protégé. Combien de fois a-t-on dû lui dire qu'il n'en serait pas capable, alors qu'il a quoi, six, sept ans ? Il déteste ce monde qui brise des enfants et des rêves. Mais il fera tout pour qu'Izuku n'en fasse pas partie. Il ne deviendra pas comme lui.
― Oui ! Bien sûr que tu le peux ! Il faudrait sans doute que tu apprennes à te battre, mais je sais que c'est possible !
Touya se tortille sur le canapé lorsque les yeux d'Izuku se remplissent de pleurs. Il sait pourtant que l'enfant a la larme facile, mais il ignore comment le consoler. Ce n'est pas à lui de le faire, après tout, c'est à sa mère. Mais Inko fait les courses et l'appartement est vide, à part eux.
Sa respiration se coupe quand Izuku monte sur le canapé à côté de lui pour l'enlacer. L'étreinte n'est pas très forte - fait-il attention à ses brûlures, mine de rien ? - et Touya reste les bras ballants. Qu'est-ce qu'il doit faire, déjà ? Quand a-t-il été enlacé ainsi pour la dernière fois ? Le souvenir le fuit ; est-ce même déjà arrivé ? Son corps se met à trembler et il pose sa tête sur l'épaule de l'enfant, incapable de réfléchir à ce qu'il est censé faire. Doit-il lui rendre l'étreinte, le repousser, l'accepter sans plus ?
Une petite main se pose sur son crâne et effleure timidement ses cheveux. C'est doux et le cœur de Touya se serre alors que l'air lui manque. Il ne mérite pas l'amitié qu'Izuku lui porte. Il n'est qu'un déchet à moitié brûlé, avec la mort sur les talons, comment peut-il le toucher ainsi sans se sentir nauséeux ? L'odeur de feu lui colle à la peau comme une malédiction ; d'autres auraient froncé le nez pour moins.
L'adolescent relève la tête pour voir le regard brillant d'affection d'Izuku. C'est trop. Pourquoi reste-t-il aussi proche de lui, pourquoi le regarde-t-il comme s'il était un être humain, comme s'il ne ressemblait pas à un monstre de cauchemar ?
― Izuku ? Tu… Tu crois que je pourrais être aussi un héros ?
Touya ignore pourquoi il pose cette question dont il connaît déjà la réponse. Son corps a du mal à supporter son Alter, il ressemble à un cadavre, il n'est rien de ce que la société attend d'un héros. Et pourquoi faire, après tout ? L'Autre n'a même pas daigné venir le voir, avant l'accident. Même lui ne considérait pas qu'il aurait peut-être pu faire un bon héros et il le connaissait depuis sa naissance, il l'a entraîné avant d'estimer qu'il n'en valait pas la peine. En quoi l'enfant serait-il différent ? Pourquoi Izuku dirait tout autre chose ? Ça n'aurait aucun sens, n'est-ce pas ?
N'est-ce pas ?
― Mais tu l'es déjà ! Tu es mon héros ! Tu me protèges de Kacchan et puis lors du typhon, tu m'as ramené à la maison ! T'as bravé la tempête pour me mettre à l'abri ! Quand tu es là, je sais que j'ai plus rien à craindre, t'es mon All Might rien qu'à moi !
L'adolescent est frappé par chacun des mots de l'enfant. Il est si sincère que ses yeux brillent et qu'il agite les bras pour appuyer ses propos. Il est lumineux, souriant ; qu'a fait Touya pour mériter un tel soleil pour éclairer le chemin auquel il a tourné le dos après avoir abandonné son identité ? Qu'est-ce qui cloche chez lui pour que l'Autre n'ait pas voulu voir ce qu'Izuku voit pourtant en lui ?
― On… On m'a dit que je n'étais pas fait pour ça…
Sa voix tremble malgré tous ses efforts pour rester stoïque, alors que sa gorge est aussi serrée que son ventre et qu'il a un poids sur ses poumons. Izuku lui adresse un regard confus, avant de répondre d'une petite voix timide :
― Et… Et s'ils t'avaient menti ? Comme Kacchan ? Moi, je… Je crois en toi ! Je… Je suis ton plus grand fan !
― T'es le seul, sale gosse !
Touya s'étrangle avec ses propres mots et il sent quelque chose couler sur ses joues. Il lève la main, surpris - il n'a plus pleuré depuis l'accident - avant de sentir la texture du sang lorsqu'il essuie une de ses joues du doigt. Il ne peut même pas pleurer normalement, il n'a plus rien d'humain et pourtant, Izuku croit en lui.
Quand est-ce que ses parents ont cessé de croire en lui ? À la naissance de Shoto, ou même avant, quand ils se sont rendus compte que son corps n'était pas adapté à son Alter ? Il se rend compte qu'il s'en fout, finalement. Il n'a pas besoin d'eux pour devenir un héros qui éclipsera l'Autre. Il a Izuku qui le fixe de ses yeux brillants, si fier de le connaître et si sûr qu'il peut devenir un professionnel.
Touya se rappelle soudain tout ce qui l'empêche de candidater à une école héroïque. Il n'a pas les sous, il a décroché de l'école. Quand bien même il se sait intelligent, il n'a pas les moyens de décrocher une entrée. Peut-être se sont-ils enthousiasmés un peu trop tôt, un peu trop vite ?
Ils sont comme deux flammèches prêtes à s'éteindre à cause de la tempête du monde, mais qui luttent quand même.
― Je suis rentrée !
― Maman ! s'exclame Izuku.
L'enfant descend en vitesse du canapé, courant jusqu'à la porte pour accueillir Inko. Touya en profite pour effacer ses pleurs sanglants, se relevant ensuite pour passer ses mains sous l'eau et faire disparaître les traces rougeâtres. Il ne veut pas inquiéter Inko plus qu'elle ne l'est déjà. Elle veille sur lui alors qu'il est malade et, s'il a l'impression de ne pas mériter sa gentillesse, il en profite pourtant allègrement.
C'est toujours aussi étrange de se sentir en sécurité dans l'appartement, quand bien même il sait qu'il y mangera à sa fin et que personne ne lui criera dessus. Chez l'Autre, il ne se sentait pas aussi détendu, quand bien même il y avait grandi.
― Dabi, il veut devenir un héros, comme moi ! On sera les numéros un du Japon !
Il se fige brièvement, l'eau coulant toujours sur ses doigts. Il n'a pas pensé qu'Izuku irait crier son rêve à tue-tête auprès d'Inko. Comment réagira-t-elle ? Sera-t-elle fâchée qu'il l'encourage malgré son absence d'Alter ? Le mettra-t-elle dehors sans plus d'explications ? Un regard à la fenêtre ; la neige s'est accumulée sur le rebord. Si elle le remet à la rue maintenant, il n'est pas certain de passer la nuit.
Ses mains tremblent alors qu'il referme le robinet. Il les pose sur le rebord du lavabo, alors que sa respiration s'accélère. Il ne veut pas mourir, pas maintenant qu'il existe dans les yeux de quelqu'un d'autre, qu'il a de nouveau envie de brûler pour son rêve. Izuku est le briquet qui a redonné vie à ses cendres ; il ne peut pas juste partir et disparaître pour le laisser de nouveau seul face à ses harceleurs, seul face à ce monde qui lui crache à la figure.
Une main calleuse, froide, se pose soudain sur la sienne. Il tressaille violemment, tournant la tête pour voir le visage baigné de larmes d'Inko et son air pourtant radieux. Il ne comprend pas ; comment peut-elle sourire et pleurer à la fois ? Est-ce qu'Izuku tient son côté pleurnichard d'elle ? Les questions se croisent et s'emmêlent dans son esprit, avant que l'adulte ne prenne la parole.
― Merci. Merci d'avoir su trouver les mots que je n'avais pas. Merci de le faire sourire comme ça.
Elle renifle, avant de sortir un mouchoir en tissu de sa poche pour pleurer sans fin dedans. Touya se détend légèrement, alors qu'il analyse ce que l'adulte vient de dire. Elle lui est reconnaissante. Elle ne lui en veut pas, elle n'est pas en colère ; elle le remercie. Elle le remercie d'exister, en quelque sorte. Son cœur manque un battement et ses jambes se dérobent sous lui. Il tombe à genoux, porte une main à son visage alors que du sang recommencent à couler de ses plaies, alors qu'il réalise.
Il n'est pas inutile. Il n'est pas né que pour blesser les gens autour de lui. Les sourires qui ont disparu dans son ancien foyer, ce n'est pas sa faute. Il peut aussi faire de bonnes choses. Alors lorsqu'Inko s'accroupit pour le serrer tendrement contre lui, il ne la repousse pas, se pelotonnant même contre elle. Sa peau n'est ni trop chaude, ni trop froide, et elle porte l'odeur du katsudon frit à midi.
Touya a l'impression d'être accepté pour ce qu'il est, pour la première fois de sa vie, alors même qu'il ne ressemble plus à rien. Mais tant que le sourire d'Izuku brillera et que la gentillesse d'Inko l'apaisera, il se sentira plus humain que jamais.
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