Bonsoiiiir !

AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.

AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya

Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi


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- Acte 1 : Attraper ses rêves -

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Scène 5

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Touya éteint l'ordinateur avec un soupir, frottant ses yeux fatigués de son travail sur un écran. Mais ses lèvres sont étirées en un sourire satisfait. Il ne remerciera jamais Inko pour tout ce qu'elle fait pour lui. Non contente de lui prodiguer un toit, elle le laisse utiliser son ordinateur pour qu'il puisse prendre des cours en ligne. Certes, il est un peu limité dans son apprentissage, car il ne peut pas payer pour certains cours plus poussés ou pour des certifications de connaissances. Mais tant qu'il peut passer le concours d'entrée des lycées héroïques…

L'adolescent soupire de nouveau. Il sait que son rêve est toujours fragile, à peine soutenu par les certitudes d'un enfant. Touya ne peut pas rester indéfiniment chez Inko ; il doit lui coûter cher et puis, les voisins doivent commencer à chuchoter dans son dos. Il n'est pas exclu que la police vienne mettre son nez dans les affaires de la famille Midoriya. Il partira sans doute lorsque les beaux jours reviendront pour retourner à sa bâche. Et si un autre sans domicile fixe lui a pris sa place, il l'en chassera sans hésiter, pour qu'Izuku puisse le retrouver.

Son sourire s'agrandit alors qu'il songe au petit garçon toujours prompt à chercher sa compagnie. Au moins avec la neige, ses camarades cessent de l'embêter après les cours, préférant rentrer tout de suite. Il a encore un peu de temps avant de lui apprendre à rendre les coups, parce que savoir se battre lui donnera un avantage sur ces sales gosses qui n'utilisent que leur Alter.

Il sait au fond de lui, désormais, que même lorsqu'il n'aura plus rien à lui apprendre, Izuku viendra lui tenir tout de même compagnie.

Il aurait d'ailleurs bien proposé à Inko de faire prendre des cours de sport à son fils pour qu'il soit déjà en meilleure forme, mais il a bien conscience que ses finances ne lui permettent sans doute pas une telle chose. Parfois, il aimerait lui dire qu'il peut toujours chercher un petit boulot pour participer aux dépenses et l'alléger, mais elle se doutera qu'il parle de travail illégal et refusera sûrement, inquiète à l'idée qu'il lui arrive quelque chose.

Inko lui fait penser à Giran, parfois. Quand bien même le criminel n'est pas aussi facile à lire que la mère de famille, Touya sait qu'il s'inquiète de la même façon, ou jamais il ne l'aurait sauvé en premier lieu. Jamais il n'aurait pris la peine de lui réserver les boulots les plus à sa portée pour qu'il ne crève pas de faim. Et les fois où il n'a rien à lui offrir, il partage son repas avec lui.

L'affection de Giran se montre par d'autres voies que les mots et les gestes tendres. Enfin, par les mots, en tout cas. Parfois, il semble esquisser les prémisses d'un geste, mais Touya l'esquive. Peut-être se laissera-t-il faire, la prochaine fois. Il se souvient avec une chaleur certaine dans le corps de la douceur de l'étreinte d'Inko et de la tendresse de ses actions.

Touya est comme un chaton en manque d'affection, il le reconnaît plus ou moins volontiers. Mais il se damnerait mille fois pour pouvoir se fondre dans l'étreinte d'Inko dès lors qu'il se sent vide de toute émotion, comme une page blanche, gommée trop de fois pour être encore utilisée.

Il se demande si Giran a finalement réussi à se retrouver une planque. Peut-être devrait-il lui faire passer un message comme quoi il va bien ; il ne manquerait plus qu'il se fasse des cheveux blancs à cause de lui.

― Si tu as fini, Dabi, tu peux m'aider à mettre la table ?

Inko lui sourit, terminant de préparer le repas alors qu'Izuku dessine joyeusement à l'autre bout de la petite table. Ses pieds frôlent à peine le sol ; même si le petit garçon est serviable, il est peu probable qu'il puisse réaliser cette tâche, contrairement à lui-même. Cela le dérange moins qu'il ne l'aurait cru, alors qu'il détestait ça chez l'Autre. Peut-être parce qu'il n'avait jamais eu à le faire jusqu'à ce que Shoto le remplace ?

Non, plutôt, jusqu'à ce que l'Autre le remplace par Shoto.

Touya se force à rectifier. À force de côtoyer Izuku, il commence à comprendre que son petit frère n'a sans doute pas conscience de ce que son existence impliquait pour lui. Il n'a pas choisi de naître avec un bon alter, comme Izuku n'a pas choisi de naître sans. Shoto n'a pas décidé d'être entraîné par l'Autre à sa place, la décision lui a été imposée avant même qu'il ne sache marcher, comme le harcèlement de son petit protégé.

Il a mal dirigé une partie de sa colère, peut-être un peu par peur que l'Autre ne veuille plus le regarder sinon. Il se sent un peu penaud, maintenant qu'il y repense, même s'il ne pourra jamais s'excuser en bonne et due forme. Pas comme s'il le souhaitait vraiment. Il a conscience d'avoir mal fait, mais il a l'impression que lui demander pardon viendrait à reconnaître que l'Autre avait raison, quelque part, sur son propre comportement.

Et ça, c'est entièrement faux.

― Je m'en occupe dès que j'ai rangé l'ordinateur, Inko !

Il se laisse glisser au sol, embarquant l'ordinateur avec lui pour aller le ranger dans la chambre de la mère de famille. Il pousse la porte et, bien que ça ne soit pas la première fois, ses yeux sont fixés sur le sol et il reste contre le mur alors qu'il se dirige vers le bureau pour y poser l'appareil. Il y a un calme dans la pièce qu'il n'aime pas déranger. Cela reste une chambre d'adulte et il s'y sent inconfortable, comme s'il n'avait pas le droit d'être là, pénétrant l'intimité d'une femme. Il n'a jamais eu le droit d'entrer dans la chambre de ses parents, lorsqu'il était petit. Il a peine à croire qu'ici, il n'existe pas de telle règle.

Enfin. Ce ne serait pas la première absurdité chez les Todoroki.

Le cri soudain d'Inko le fait sursauter et son cœur manque un battement. Il ne l'a jamais entendue élever la voix depuis qu'il est ici, aussi, il envisage aussitôt le pire. S'est-elle brûlée ? Ou est-ce Izuku et a-t-elle pris peur pour lui ? Aussitôt, il se rue hors de la pièce ; la porte claque derrière lui, alors qu'il manque de déraper sur le parquet. Il se rattrape de justesse à la table de la cuisine, quand Inko saisit sa main pour le tirer derrière elle.

Un cri douloureux lui échappe alors que ses agrafes tirent sur sa peau abîmée. Il n'a cependant pas le temps de se demander ce qu'il se passe qu'Izuku se jette dans ses bras en tremblant. Il le serre contre lui, posant une main sur ses cheveux verts, alors qu'Inko bouge ; lorsqu'il redresse les yeux vers le reste de la pièce et le hall d'entrée, il se fige en reconnaissant Giran.

Il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit qu'Inko se met entre le criminel et eux, une poêle dans ses mains comme pour les protéger du mieux qu'elle peut. Il sent son cœur se tordre, alors qu'Izuku tache son haut de larmes. Avec douceur, il lui caresse la tête, essayant de faire comprendre à Giran du regard qu'il n'a pas besoin de les effrayer, qu'il n'est pas en danger.

En vain.

― Je viens juste récupérer Dabi, madame. Nous n'avons pas besoin de recourir à la violence si vous ne résistez pas.

Giran s'approche de la mère de famille, menaçant sans être ouvertement hostile.

― Vous ne toucherez pas à mon fils !

Touya se fige, comme soudain gelé sur place par un alter de glace. Comment vient de l'appeler Inko ? Il peine à réaliser, le cœur battant. Son fils. Elle le considère comme son fils, comme Izuku ; est-ce même seulement réel ? N'est-il pas plutôt en train de rêver et il souffrira de ce vœu inavoué lorsqu'il se réveillera ?

Il reprend ses esprits lorsqu'un bruit métallique résonne entre les murs et qu'un juron échappe à Giran. Touya cligne des yeux, reprenant contact avec la réalité, avant de les écarquiller en se rendant compte qu'Inko vient de frapper le criminel avec sa poêle, assez fort pour qu'il ait sa main sur sa bouche et qu'un filet de sang coule sur son menton.

Parmi la vague d'émotions qui s'abat sur lui et le ballotte sans pitié, une ressort, s'accrochant malgré tout face aux courants violents. Il éclate alors d'un rire sonore ; un criminel mis à mal par une mère de famille avec une poêle est tout simplement hilarant. Ou peut-être est-ce ses nerfs qui lâchent de se savoir aimé, vraiment, de savoir qu'Inko voit en lui autre chose qu'un échec, un déchet qu'il faut cacher ou mettre à la poubelle.

Est-ce qu'il peut la rendre fière, comme auraient dû l'être Rei et l'Autre ? Est-ce qu'il pourra voir un jour ses yeux s'illuminer en le regardant, comme pour Izuku ? Il veut cependant oublier les autres émotions qu'il a vues dans ses yeux lorsqu'elle les pose sur le plus jeune. Regret, douleur, culpabilité. Il a envie de lui crier pourtant qu'elle n'a rien à regretter : elle est une mère incroyable, ou peut-être est-ce lui qui n'a jamais eu que des parents minables et qui est biaisé.

Mais Izuku est heureux en sa présence et c'est tout ce qui compte. C'est le plus important.

― Inko… Maman…

Le mot lui brûle les lèvres et pourtant, Touya sourit à en avoir mal aux joues et un brasier dans son cœur. Il se sent à la fois si étrange et si… si à sa place, comme s'il a toujours été destiné à se trouver dans cet appartement, en compagnie d'une famille aimante. Et il compte Giran dans le lot, parce que l'homme a toujours pris soin de lui à sa façon. Il ne doute d'ailleurs pas que c'est la raison de sa venue.

― Je connais Giran. C'est lui qui m'a sauvé la vie quand j'ai eu mes brûlures. Il s'est occupé de moi quand j'étais à la rue…

― Alors il était où, quand tu mourrais de froid sous ta bâche ?

La voix d'Inko est froide ; la femme tremble pourtant de tous ses membres alors que Giran crache quelque chose dans sa main, avant d'essuyer sa bouche. Il est toujours menacé par la poêle et vu son air renfrogné, il s'en méfie désormais.

― C'est compliqué, réplique le criminel.

Touya remarque qu'il lui manque la dent de devant. Il plisse les yeux, avant de faire le lien. Inko lui a pété ou déchaussé la dent en voulant le protéger. Ses joues sont douloureuses à force de sourire, tandis qu'il se rapproche d'elle, posant sa main sur son bras pour la pousser à baisser la poêle.

― C'est un criminel. Il a été obligé de changer de planque, sinon je sais qu'il m'aurait hébergé si je lui avais demandé.

― Tu aurais été trop fier pour ça, rétorque-t-elle gentiment.

Il détourne les yeux, refusant d'admettre le fond de vérité, alors qu'elle baisse enfin son arme improvisée. Elle pose doucement ses doigts dans ses cheveux et il se fige un bref instant, interloqué, avant qu'elle n'ébouriffe ses cheveux avec la même tendresse qu'elle offre à Izuku. Ses joues s'enflamment comme sa poitrine et il baisse la tête pour dissimuler sa gêne.

Il y a une chaleur dans son cœur qu'il refuse de perdre. Il regrette presque que ça soit aussi court, qu'elle retire sa main aussi vite pour venir prendre Izuku contre elle et le rassurer. Mais c'est la main rude de Giran qui la remplace et l'adolescent ne se dérobe pas au contact, comme la dernière fois que l'homme a essayé. Il sait désormais quel bien font ces petits gestes qu'il refusait jusque-là par ignorance, pensant que cela le rendrait faible.

Pourtant, il se sent si fort lorsqu'il observe Inko et Izuku ; il a l'impression qu'il pourrait brûler jusqu'au monde entier s'il le faut pour les protéger.

― Je suis désolée pour le coup, Giran, c'est ça ? Venez, je dois avoir de quoi vous soigner. Dabi, tu peux mettre une assiette de plus ?

Et, avant même que le receleur ait pu dire quoi que ce soit, Inko l'embarque dans la salle de bain. Izuku vient se réfugier dans les jambes de Touya, plus curieux que véritablement apeuré cette fois, alors que ce dernier obéit à sa mère - que le terme sonne étrange dans sa tête, avec toute l'affection pour elle qui brûle en lui - et met quatre assiettes au lieu de trois.

― Maman, elle m'a dit qu'elle avait aussi frappé Papa à leur première rencontre, songe pensivement Izuku à haute voix.

Touya hausse un sourcil, alors qu'il note que c'est la première fois que son désormais petit frère parle de son géniteur, de mémoire. Il ne l'a d'ailleurs jamais rencontré et il se doute plus ou moins de ce qui est arrivé, avec l'absence d'Alter du petit. Si ses doutes s'avèrent exacts, il se fera un plaisir de mettre son poing dans la figure de cet enfoiré si jamais il venait à le rencontrer.

Comment peut-on abandonner une boule d'amour comme Izuku, sincèrement ?

― Tu ne parles pas souvent de lui.

― Il est aux États-Unis. Il envoie de l'argent de temps en temps, mais… Je sais qu'il est parti à cause de moi. Tu repars pas avec Giran, dis ? Maman, elle va pleurer, si tu pars. Et moi aussi, je serais très triste. Pars pas, s'il te plaît.

Il y a des larmes dans les yeux d'Izuku et Touya rit, avant de les essuyer d'un geste du pouce. L'enfant est un pleurnichard, mais il n'arrive même à lui en vouloir tant il ressent l'amour qu'il lui porte. Il a l'impression d'être un héros, d'être All Might, même, parce qu'il n'est pas certain que l'idole de toujours de son petit frère fasse briller autant son regard.

― Je ne vais pas quitter la maison.

Touya sait qu'il ment avec aplomb. Il n'a aucune existence légale, il n'a aucun droit d'être ici, pour l'instant. Mais il y a peut-être une solution. Giran a toujours une idée et peut-être que l'adolescent pourra toujours rester avec ceux qui lui donne une raison d'exister.

Touya Todoroki est mort sur la colline Sekoto, mais peut-être que Touya Midoriya naîtra dans les mois à venir si son protecteur accepte de leur venir en aide et de faire jouer ses contacts.

Et au vu du regard que Giran porte sur Inko lorsqu'ils ressortent de la salle de bain - un regard amusé, presque adouci - peut-être que le rêve n'est pas si inatteignable que cela.

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