Bonsoiiiir !
AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.
AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya
Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi
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- Acte 1 : Attraper ses rêves -
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Scène 6
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― Dabi ?
― Hum ?
― Je comprends pas où j'ai eu faux, dans mon dernier devoir. Tu peux regarder, s'il te plaît ?
― Allez, passe-moi ton devoir et prends des mochis dans le placard, ou tu vas avoir faim avant que maman rentre.
L'enfant hoche la tête avec vigueur, déposant une feuille de papier à côté de lui avant de filer jusqu'au placard pour en sortir les mochis tant désirés. Touya met son cours en pause et enlève son casque audio, avant de saisir le devoir de son petit frère. C'est la première fois qu'Izuku lui demande une telle chose, peut-être parce qu'il appelle depuis quelques semaines Inko « Maman », peut-être parce que ce lien de parenté intangible et non-officiel lui donne des ailes pour se croire tout permis.
Et Izuku peut, parce que Touya n'arrive pas à être sévère avec lui. Que peut-il dire à son presque petit-frère quand il le regarde avec tant d'amour que c'en est presque aveuglant ? L'adolescent ne le lui avouera simplement jamais, car il n'offre pas le bâton pour se faire battre, merci bien. Quoi que, connaissant le fan d'All Might qui s'assoit à côté de lui, la bouche déjà tachée de pâte de haricots rouges, il ne saurait pas quoi en faire.
Il ne peut s'empêcher de sourire devant son appétit et il déplace son casque sur la tête d'Izuku, avant de chercher dans ses favoris l'une des vidéos de All Might qu'il aime. Il ne déteste pas autant la vénération de l'enfant pour le héros numéro un qu'il l'aurait cru auparavant. Finalement, tant que ce n'est pas l'Autre, il peut s'en satisfaire.
― Oh merci, Touya !
L'adolescent sourit en entendant son prénom dans la bouche d'Izuku. Cela lui fait tout drôle, l'affection à son attention dans une simple intonation. Il n'a pas voulu garder son prénom plus longtemps pour lui en acceptant de faire partie de cette famille, mais il ne le regrette pas. Il n'arrive même pas à craindre que l'Autre puisse le retrouver. Inko le protégera, comme elle l'a protégé de Giran ; sans raison valable au final, certes, mais le geste compte.
Ses yeux parcourent ainsi le devoir d'Izuku tandis que celui-ci regarde sa vidéo, et il pâlit au fur et à mesure de sa lecture. Son petit frère n'a pas fait une seule faute ; alors pourquoi le professeur lui a-t-il donné moins que la moyenne ? Il a peur de savoir, à vrai dire. Ses doigts se serrent sur la feuille et il tremble de colère ; aussi, il s'oblige à la reposer avant que son Alter ne vienne réduire en cendres la preuve qu'il y a un problème.
Pourquoi noter si injustement Izuku ? Qu'a-t-il fait à ce professeur pour ne même pas mériter la moyenne ? Et puis, même s'il avait fait quelque chose de mal - ce dont Touya doute sincèrement - ce devoir est parfait, il ne mérite pas tant de mépris ! Il a envie de frapper quelque chose. Il a envie de brûler vif le responsable de cette marque infâme au stylo rouge. Mais il n'en fera rien, parce qu'Inko aurait des ennuis, parce qu'Izuku serait triste s'il faisait une telle chose.
Quand bien même il ne sait résoudre les conflits que par la violence.
Pourquoi ? Si au moins l'adolescent pouvait avoir la réponse à cette question pour tenter de faire quelque chose, n'importe quoi, pour que son petit frère soit noté à la hauteur de son travail.
Une alerte sur l'ordinateur. Un mail et Touya n'a aucun doute sur l'identité de l'expéditeur au GIF qui s'affiche dans l'aperçu. Il soupire, mettant en pause la vidéo d'Izuku, avant d'ouvrir le mail en grommelant. Giran ne peut-il pas envoyer des SMS, comme tout le monde ? Certes, l'adolescent n'a pas de téléphone, mais au moins, l'homme attendrait qu'il se déplace jusqu'à lui pour lui demander quoi que ce soit.
En plus, c'est un de ces immondes GIFs paillettés avec des chatons, avec indiqué dessus "I'm waiting you".
Touya déteste Giran et son mauvais goût, mais il laissera passer pour aujourd'hui, parce qu'il aura peut-être la réponse à ses questions. Avec un autre soupir, il tapote le crâne d'Izuku, qui le fixe avec surprise et crainte.
― Tu t'en vas ?
― Je devrais en avoir pour quelques heures. Maman ne devrait pas tarder, tu ne seras pas seul longtemps.
L'adolescent préfère encore qu'Izuku reste seul à l'appartement comme il en a l'habitude plutôt qu'il le suive chez Giran. Il a peur de ce que l'enfant encore innocent pourrait entendre ou voir et il veut le protéger de la noirceur du monde encore un petit peu, même s'il la côtoie tous les jours, avec son ancien ami qui le harcèle.
― Je te lance la playlist de vidéos et tu ne bouges pas de la cuisine, d'accord ?
― Hum hum !
Touya sait que ce n'est pas la première fois, qu'Inko était obligé de le laisser seul bien avant qu'il ne rentre dans leur vie. Mais il se sent tout de même coupable alors qu'il saisit son manteau et s'engouffre dehors, refermant précautionneusement derrière lui. La neige est partie depuis longtemps, mais il fait encore frais dehors et il n'a pas envie de tomber à nouveau malade.
Il ne veut pas coûter plus cher encore à sa mère de cœur.
C'est l'inquiétude au ventre que Touya traverse la ville jusqu'à la nouvelle planque de Giran, y entrant sans plus s'annoncer. L'adulte se trouve dans le salon et semble l'attendre dans son fauteuil rouge, la cigarette au bec et des papiers devant lui, sur une table basse.
― Tu as mis moins de temps que je ne le pensais.
― Izuku n'est pas pénible.
― Tous les enfants sont pénibles, surtout toi.
Touya lève les yeux au ciel, agacé. Il sait bien qu'il est un adolescent difficile, Giran n'a pas besoin de le lui rappeler, mais s'il y a bien une personne à qui cet adjectif ne colle pas, c'est Izuku. Et le receleur s'en doute, vu son sourire railleur qu'il a envie de faire brûler. Il se fout de lui et le pire, c'est que l'adolescent tombe toujours dedans la tête la première.
― Qu'est-ce que tu veux ?
L'adolescent sait qu'il devrait s'éloigner de Giran, maintenant qu'Inko prend soin de lui, mais c'est quelque chose qu'il ne peut pas faire, comme il ne peut pas s'en prendre à Izuku. C'est physique, presque ; l'homme lui a trop donné pour qu'il lui tourne le dos sans un regard en arrière. Il refuse de le voir disparaître de sa vie et, puisque les Midoriya ne lui ont pas encore reproché ses fréquentations, il en profite.
― Te voir, n'est-ce pas suffisant ? T'as l'air d'avoir pris du poids, sale môme.
― Tu t'attendais à quoi, à ce que maman m'affame ?
Giran ne répond rien, se perdant dans le fond de son verre d'alcool. Du bourbon ou du cognac, peut-être, Touya ne s'y connaît pas assez pour l'affirmer. Mais l'adolescent peut voir les doutes dans le regard mauve. Le receleur côtoie depuis trop longtemps les bas-fonds pour ne pas soupçonner un vice chez Inko ; Touya voudrait lui dire qu'il se trompe, qu'il n'y a que deux soleils dans l'appartement où il vit désormais, mais l'adulte ne le croira pas. Il aurait besoin de le voir de ses propres yeux, de le vivre pour accepter que certaines personnes sont dénuées de mauvaises intentions.
― En parlant d'elle, tu devrais lui rapporter ces papiers, signale le courtier en désignant le tas devant lui d'un signe de tête.
Touya grogne, s'en saisissant d'un geste vif avant de jeter un œil dessus. Qu'est-ce que Giran peut bien vouloir à…
Sa question meurt dans ses pensées alors qu'il lit l'entête. Adoption. Ce sont des papiers d'adoption qu'il a dans les mains - sans nul doute falsifiés - et il comprend que Giran veut rendre sa situation plus stable. Ou veut-il tester les limites d'Inko ? L'un dans l'autre, cela mène à ce qu'il a sous les yeux et qui lui fait manquer un battement de cœur. Il peine à déglutir alors qu'il réalise.
Si Inko signe ces papiers, il sera Touya Midoriya. Il enterrera définitivement sa vie d'avant.
― Tu devrais regarder à ton nom, petit.
Touya cligne des yeux, avant de descendre à la ligne indiquée par Giran. Vide. La main de l'adolescent tremble.
Vide.
Il peut même se défaire de ce prénom qui lui rappelle tant de mauvais souvenirs, il peut brûler tout ce qui le rattache à l'Autre. Il y a un goût amer dans sa bouche quand il songe aussi que c'est de l'amour de Rei dont il se défait, mais il n'arrive pas à s'en vouloir totalement. Elle aurait dû arrêter son époux, elle aurait dû emmener ses enfants loin de lui et de ses rêves fous. Il ne peut nier qu'il l'a fait souffrir par son comportement, alors elle sera sans doute mieux sans lui qu'avec.
Rei a déjà dû passer à autre chose, après tout. L'a-t-elle même pleuré ?
Touya ignore la petite voix qui lui souffle qu'il est injuste, qu'elle l'a aimé autant qu'Inko, mais qu'elle a échoué à le sauver.
― Comment je peux te remercier, Giran ?
― Hum, j'ai potentiellement un ou deux corps à faire disparaître, tu connais le business.
Comme d'habitude. Touya jouera les petites mains, sans avantages désormais, mais cela lui convient. Giran lui offre une famille ; il pourrait tuer quelqu'un s'il le lui demandait. Et sans nul doute est-ce le but du courtier ; l'adolescent ne doute pas une seule seconde qu'il cherche à s'attacher sa loyauté et il n'a pas besoin de lui dire qu'il a réussi, au vu de son sourire railleur.
― Elle pourrait ne pas signer, Giran, ne te réjouis pas trop vite.
Touya ne veut pas songer à cette possibilité, mais il ne veut pas non plus que le receleur pense qu'il est si facile de s'attacher sa loyauté. Ce n'est pas parce que la famille Midoriya le fait sentir vivant, utile, humain, ce n'est pas parce qu'ils lui offrent tant d'affection qu'il étouffe presque dessous parfois, qu'il est pour autant aisément manipulable. Giran peut toujours faire quelque chose qui brisera sa fragile confiance et une fois perdue, ce n'est pas quelque chose que redonne l'adolescent.
Il n'a que trop souffert pour s'infliger plus de douleur ; il n'est pas aussi gentil qu'Izuku pour pardonner aisément, d'un battement de cœur.
― Tu as tant peur qu'elle ne t'abandonne et ne change d'avis ?
Touya reste silencieux, mais c'est comme s'il avait répondu.
― Tu sais, j'ai beau douter de ses intentions, je ne crois pas qu'elle t'abandonnera. Tu n'as pas vu son regard, quand elle m'a empêché d'approcher.
― Quel regard ?
― Celui qui disait que je ne survivrais pas si je faisais un pas de plus.
― Tu te fiches de moi.
― Même les personnes les plus douces du monde peuvent devenir violentes quand on touche à ce qui leur est cher. Elle m'a fait sauter une dent !
Le courtier désigne le trou dans sa dentition avec un rire et Touya a l'impression que cela le gêne moins qu'il ne l'affirme. Il aurait pu le remplacer par une dent en céramique, voire en or, alors pourquoi garde-t-il le symbole de son échec ? Pourquoi n'a-t-il pas cherché à le faire disparaître, comme l'Autre a tenté d'effacer son propre fils ?
― Pourquoi tu ne l'as pas remplacé ?
― Je l'ai sous-estimée. C'est un rappel que même les anges peuvent se transformer en démon.
― Il t'arrive encore de faire des erreurs de jugement ?
― Je vais finir par croire que t'aider en est une, sale môme.
Touya ricane, avant de se diriger vers la sortie. Cependant, sur le pas de la porte du salon, il s'arrête, posant sa main sur le chambranle. Ses questions brûlent ses lèvres, mais il ne trouve pas le moyen de les poser. Comment faire en sorte que le courtier ne devine pas immédiatement pourquoi il s'intéresse à la situation des sans pouvoirs ? Ou peut-être ne devrait-il même pas essayer de lui cacher ; de toute façon, il le devinera tôt ou tard.
― Giran… Est-ce que les Sans-Alters sont discriminés ?
― Pourquoi une telle question ? Ça ne te concerne pas, à ce que je sache.
― S'il te plaît. J'ai besoin de savoir.
Giran termine son verre et le repose, avant de sortir une cigarette et de l'allumer avec son briquet en forme de revolver dont l'adolescent a l'habitude, désormais. Il attend patiemment la réponse, alors que le courtier cherche visiblement une façon de lui annoncer les faits. Il n'aime pas ça du tout. Ça signifie que la raison du harcèlement d'Izuku, du mépris de ses professeurs, est institutionnelle.
Et il n'a pas le pouvoir de changer la société. Pas encore. S'il devenait un héros, s'il surpassait All Might, il pourrait se battre pour les droits de son petit frère.
― Si le petit Midoriya est Sans-Alter, Dabi, sans soutien, il mourra avant sa majorité.
― Que ?!
― Dans ce monde stupide, mieux vaut avoir un Alter de « Vilain » que de naître sans, je t'assure. Si tu veux qu'il vive, veille sur lui de très près. Les gens devraient le laisser tranquilles s'il est soutenu.
Pourquoi Inko n'a jamais défendu Izuku, alors ? Pourquoi n'a-t-elle jamais rien fait pour le protéger ? La réalisation tombe sur Touya comme une masse. Izuku n'a jamais rien dit. Il ment à chaque fois, il déforme la réalité et il n'y a plus prêté attention depuis qu'il habite chez eux. Est-ce qu'il se soigne dans leur dos, aussi ? Est-ce qu'il dissimule la vérité pour ne pas inquiéter leur mère ?
Très bien. C'est à lui de le faire, donc.
Le sourire d'Izuku ne disparaîtra pas tant que Touya respirera.
― Merci pour l'information. Et les papiers.
― Ne me remercie pas, Dabi. Ne me remercie pas. Je me demande dans quoi je te laisse…
― Arrête de t'inquiéter, l'ancêtre.
― Un peu de respect, galopin !
Le rire franc de Giran le suit jusqu'à la porte, mais Touya n'oublie pas l'inquiétude dans les yeux mauve, qu'il aurait aimé faire disparaître de ses mots.
Giran n'a aucune raison d'angoisser, non ?
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