Bonsoiiiir !

AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.

AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya

Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi


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- Acte 1 : Attraper ses rêves -

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Scène 7

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Touya n'ose pas regarder Inko alors qu'elle repose les papiers de Giran sur la table. La nuit est tombée depuis longtemps et Izuku est déjà couché, aussi il sait que la mère de famille ne hurlera pas. Mais elle a un air froid qu'il ne lui connaît pas, un air froid qui lui fait penser à Rei et il a une boule dans sa gorge. Une petite voix lui souffle que Giran l'a mis en garde et il n'arrive pas à la repousser, alors qu'il a l'impression de se noyer sous ses espoirs bientôt déçus, peinant à respirer, la poitrine compressée.

― Je suis consciente que la manière de faire est très peu légale, commence-t-elle doucement. Et si c'est pour ton bien-être, je saurais passer par-dessus. Mais est-ce que tu es conscient de ce que ça implique ?

Inko relève la tête pour le regarder droit dans les yeux, mais Touya n'arrive pas à le soutenir, alors il fuit, détournant la tête comme un enfant pris en faute. Ce que ça implique ? À ses yeux, cela signifie qu'il aura enfin un foyer, un endroit à appeler sa maison, un endroit où il se sentira en sécurité, avec des personnes qu'il aime. Mais il a l'impression que ce n'est pas ce qu'Inko veut entendre. Ses mains tremblent, malgré lui, alors que la petite voix de ses doutes s'intensifie. Et si elle se révèle être aussi terrible que l'Autre, et si elle attendait quelque chose de lui finalement, et si, et si…

Touya se rend compte qu'il pleure lorsqu'il voit du coin de l'œil le visage d'Inko se peindre d'inquiétude et qu'elle se précipite sur lui pour l'enlacer, se fichant bien de tacher son chemisier de ses larmes de sang.

― Pardon, je ne voulais pas te faire pleurer, je suis désolée !

C'est limite si ce n'est pas elle qui trempe son t-shirt de larmes, cette fois, noyant toutes les craintes qui susurrent encore leur venin douloureux. Comment peut-il douter d'Inko ? Comment peut-il douter de sa bienveillance, elle qui l'a jusqu'ici aimé et entretenu comme s'il était son fils sans rien demander en retour ?

― Je… Je ne sais pas ce que ça implique.

Autant être franc. Ça sera mieux pour eux deux, alors même que l'adulte hoquette en cherchant dans ses poches un mouchoir en tissu. Elle le glisse sur ses joues abîmées, le faisant tressaillir ; il esquisse un geste de recul, avant de se figer. C'est Inko. Elle ne lui a jamais fait mal, pas vrai ? Pourquoi cette fois-ci serait différente ? Aussi, il tourne la tête vers elle, une moue désolée sur ses lèvres. Elle ne dit cependant rien face à son comportement, lui souriant comme pour le rassurer avant de tamponner le sang avec douceur, faisant attention à ne pas appuyer sur ses brûlures.

La petite voix pernicieuse s'éteint, en l'absence de terreau pour s'épanouir.

― Ça veut dire que j'aimerais que tu ailles chez un médecin et un psychologue pour que tu ailles mieux, ce que je ne peux pas te demander en tant que personne qui t'héberge. Ça veut dire que j'aimerais que tu reprennes l'école et pas seulement que tu fasses des apprentissages à distance. Je veux juste… Je veux juste qu'il n'y ait pas de différence de traitement entre Izuku et toi. Certains jours seront plus difficiles que d'autres, je pourrais m'énerver et tu ne pourras pas forcément claquer la porte et revenir des jours après.

― Tu ne t'es jamais énervé ni contre Izuku, ni contre moi.

Touya relève ce détail, le temps de traiter le reste des informations. Il n'a pas envie de retourner en cours - avec tous ces gens qui le regarderont de travers à cause de ses cicatrices, à cause de son adoption, ou que sait-il encore - ni d'aller voir des médecins. Mais s'il n'a plus de blessures, peut-être pourrait-il tenter d'entrer dans un lycée héroïque ? Yuei même, peut-être ? Alors, si c'est le prix à payer, ça lui semble raisonnable. En parlant de prix, d'ailleurs, comment Inko compte-t-elle payer les médecins ? Est-ce qu'il peut vraiment poser la question ou est-ce quelque chose qu'il ferait mieux de garder pour lui ?

― Là n'est pas la question. Ça pourrait arriver et je préfère que tu sois conscient que je ne te laisserai pas dehors sans avoir la moindre idée d'où tu es.

― … Est-ce que je pourrais encore aller chez Giran ?

― Tu me préviens à l'avance. C'est tout ce que je demande. Je sais que je ne pourrais pas t'empêcher d'y aller, de toute façon.

Inko ne le connaît que trop bien. L'adolescent sourit, avant de se fondre dans son étreinte. Si ce n'est que ça, il peut accepter. Il peut bien prendre sur lui, surtout que ce n'est pas pour lui faire du mal qu'elle lui demande ça. Elle veut juste qu'il aille bien. Elle veut juste qu'il soit en bonne santé.

Rei était une bonne mère, finalement. Elle n'a juste pas su le protéger de l'Autre et de ses propres démons. Quand bien même ceux-ci hurlent encore, quand bien même ceux-ci gardent vivaces certaines de ses craintes.

― Est-ce que… Est-ce que ça ira, financièrement ?

― Ne t'occupe pas de ça. J'ai bien assez sur mon compte pour financer deux fois des études en lycée héroïque pour Izuku et toi. J'ai eu un emploi qui payait bien avant de devenir mère au foyer, tu sais.

― Du genre ? Dealeuse de drogues ?

― Arrête de raconter des bêtises, toi !

Elle lui chatouille les côtes, là où sa peau n'a pas brûlé et un rire joyeux s'échappe de la gorge de Touya, un rire joyeux qui chasse des années de souffrance. Il a soif de cette affection, de ces gestes simples qui lui ont tant manqués et qui pourtant le rendaient malade de la part des membres de la famille Todoroki. Peut-être parce qu'il était en train de se noyer et que personne n'a réussi à saisir sa main pour le sortir de son océan de haine.

― Et j'étais avocate, pour ta gouverne.

― … Tu défendais qui ?

Malgré lui, sa voix se teinte de suspicion. Est-ce qu'elle défendait des héros aussi mauvais que l'Autre ? Est-ce qu'elle a étouffé les voix de ceux qui voulaient la justice pour de l'argent ?

― Aussi surprenant que ce soit, je ne me suis jamais occupée d'affaires de héros, je laissais ça aux ambitieux et à ceux qui rêvaient de gloire. J'étais plutôt l'avocate commise d'office, tu sais.

Touya soupire de soulagement avant de se blottir un peu plus dans l'étreinte d'Inko. Tout va bien. Elle n'a pas défendu des personnes comme l'Autre. Ça lui suffit. Peut-être lui ment-elle, mais ce n'est pas son genre. Il ne croit pas une seule seconde aux doutes qui émergent pour se noyer aussitôt.

― Du coup… Je ne pourrais pas postuler à une école héroïque cette année, même si je le voulais et que tu acceptais que je tente l'examen, n'est-ce pas ? Ma guérison d'abord ?

― Donc tu acceptes mes conditions ?

― Je n'ai jamais eu l'intention de les refuser.

Touya veut rester chez les Midoriya. Il aurait sans doute négocié si elle lui avait refusé le droit de voir Giran, mais ses demandes lui paraissent raisonnables. Et peut-être même que la douleur qui le ronge jour après jour disparaîtra. Peut-être qu'il pourra se regarder dans le miroir sans voir le monstre sur sa peau. Peut-être qu'il pourra plonger dans les yeux d'Izuku et se dire qu'il est plus que digne de l'amour qu'il lui destine.

Il lui rend son étreinte, nichant sa tête dans son cou pour profiter des battements de cœur qui s'accélèrent de sa mère, alors que celle-ci lui embrasse le front. Il y a tant de douceur et d'amour dans les gestes d'Inko qu'il se demande comment il a pu grandir en les repoussant. Il faut croire que les foyers sans tendresse détruisent l'âme des enfants qui y grandissent.

Si Touya le peut, il sauvera tous les gamins sans espoirs qui croiseront sa route, pour qu'ils ne souffrent pas comme lui, pour que leur haine et leur Alter ne les dévorent pas avant qu'ils fleurissent. Il y a trop de bourgeons fanés avant même de voir la lueur du soleil, il ne le sait que trop bien ; il a vu trop de ses semblables rongés par la vie alors qu'il était à la rue. Et s'il s'en fichait avant, ce n'est plus le cas, désormais.

Le soleil l'a effleuré de son sourire éclatant et l'âme gelée de Touya s'est réchauffée à son contact, alors il ne peut que souhaiter que les mômes comme lui trouvent leur propre lumière, un jour, quitte à leur donne un coup de pouce.

― Alors oui, pas d'examens pour toi cette année, malheureusement. Aucun établissement ne voudra que tu te soignes en parallèle de ton cursus, ou pas sans contacts que je n'ai malheureusement pas. Ça te convient quand même ?

― Tant que Izuku et toi êtes là, ça me va.

Il est déçu, un peu. Mais son rêve n'est pas jeté au sol pour se répandre en milliers de pièces ; il est juste retardé, alors Touya n'est pas en colère. Il est même étrangement serein, dans l'étreinte d'Inko. Il n'a pas envie de la quitter, pas alors que son pouls qu'il entend lui donne l'impression d'être une agréable berceuse.

― Vous êtes touzours pas couchés ?

La petite voix ensommeillée d'Izuku retentit dans le salon silencieux et Inko ouvre son bras pour que le plus jeune vienne se réfugier contre elle sans y réfléchir. Il suce son pouce, sa peluche All Might sous le bras, avant d'ouvrir la bouche sous la surprise alors qu'il comprend que Touya fait aussi partie de l'étreinte.

― Tu as besoin de câlins, Dabi ?

― Tu veux bien m'en faire un, petit frère ?

Izuku fronce les sourcils, avant d'écarquiller les yeux et de sauter sur lui, une joie immense dans ses yeux, tant qu'il pourrait briguer la place du soleil sans aucun doute. Touya se retrouve à rire et à l'enserrer contre lui, comme son doudou préféré, comme il le faisait avec Natsuo quand il était encore petit.

Il ne réitérera pas les mêmes erreurs qu'autrefois, il se le jure.

― Maman a décidé de m'adopter. Je vais être officiellement ton grand frère.

― Ouiiii !

Izuku acquiesce bruyamment et Inko rit doucement à leurs côtés, avant de poser une main sur leur tête, tout l'amour du monde dans ses yeux. Touya a la gorge nouée au geste et il détourne le regard en enfouissant sa tête dans les cheveux d'Izuku, qui n'en sourit que plus.

― Izuku, Dabi aurait besoin d'un nouveau nom pour commencer sa nouvelle vie avec nous. Tu aurais une idée ?

― Hikari ! Parce qu'il amène plein de lumière !

Izuku lève les bras au ciel, n'hésitant pas une seule seconde sur le prénom et Touya peine à respirer à cause du poids qui pèse sur sa poitrine. Lui qui voit toujours le monstre hideux lorsqu'il croise son reflet, l'enfant le voit pourtant comme une source de lumière. Sont-ils le soleil l'un de l'autre ? Peut-être et cette pensée l'écrase d'une sensation si inconnue encore qu'il a en a peur, presque.

Est-ce que c'est ça, le bonheur d'être aimé pour autre chose que son Alter ?

Il a envie de pleurer, mais il se retient, parce que les larmes ne sont que le signe de la douleur, n'est-ce pas ? Pourtant, les yeux d'Inko se remplissent de larmes à son tour alors qu'elle les enlace tous les deux, déposant un baiser furtif sur leur front. Touya voudrait que cet instant dans ses bras, avec Izuku contre lui, dure une éternité. Une éternité de béatitude en paiement de son enfance douloureuse, ça lui semble un bon prix.

― Hikari et Izuku. Mes deux merveilleux garçons. Merci d'exister.

Merci à vous d'exister.

Touya ne dit rien, mais le sourire immense et douloureux sur ses joues dévorées par une colère désormais apaisée est comme un cri hurlé à la face du monde.

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