Bonsoiiiir !

AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.

AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya

Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi


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- Acte 1 : Attraper ses rêves -

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Scène 8

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Touya fume, un sourire en coin alors qu'il attend à la sortie du collège d'Izuku. Sa carte d'identité - et il ne veut pas savoir comment Giran en a obtenu une si vite - tourne entre ses doigts. Il peine encore à se faire à l'idée qu'il est Hikari Midoriya, désormais, quand bien même son petit frère le réveille tous les jours en gueulant son prénom. Heureusement que l'adolescent est d'ailleurs réveillé avant, ou bien il aurait risqué quelques crises cardiaques sous la surprise. Ou alors une combustion spontanée. Touya n'a pas spécialement envie de le savoir, en fait.

Inko a acheté un lit superposé et, bon prince, il a laissé Izuku s'installer tout en haut. Aussi, il se retrouve souvent avec son petit frère qui se glisse dans son lit quand il a un cauchemar, au lieu d'aller déranger leur mère. D'ailleurs, Touya a l'impression que son petit frère ne veut jamais la déranger, même quand il revient couvert de bleus et de bosses de soits-disants jeux avec ses camarades.

Il se doute qu'il s'agisse de mensonges pour couvrir les faits. Il n'est pas stupide, il n'y croit pas une seule seconde, pas avec sa discussion avec Giran toujours en tête, mais il ne peut se résoudre à trahir la confiance d'Izuku. C'est la raison pour laquelle il est là ; il veut découvrir l'étendue du problème et réfléchir à un moyen d'agir. Il refuse de laisser son petit frère souffrir plus longtemps. Il ne mériterait même pas de devenir héros sinon. Les héros ne laissent pas souffrir les gens, les vrais héros, du moins.

Il ne deviendra pas comme l'Autre, il se le jure. Ses erreurs sont gravées dans sa peau, après tout.

La sonnerie retentit et Touya se tient prêt ; pourtant, il sent son sang se geler alors qu'à travers la masse d'élèves qui sortent ensuite en se chahutant, il aperçoit Izuku, poussé vicieusement par les autres. Et il n'exagère pas ; les regards amusés et sadiques qu'il aperçoit semblent presque étranges sur le visage d'enfants, mais il ne peut nier ce qui se passe devant ses yeux. Pourquoi Izuku n'a-t-il jamais rien dit à leur mère ? Pourquoi subit-il en silence ?

Pourquoi, alors que son petit frère relève la tête en tremblant et croise son regard, semble-t-il le supplier de ne pas intervenir ?

Que croit-il, exactement, qu'il le laisserait souffrir sous ses yeux sans rien faire ? Touya est beaucoup de choses, mais un lâche effrayé par des gamins plus jeunes que lui, certainement pas. Il veut bien ne pas faire de scandale pour Izuku, pas cette fois en tout cas, mais il est hors de question qu'il n'intervienne pas.

Il s'avance, sa cigarette toujours au bec, et les élèves qui sortent s'écartent instinctivement de lui. Il sait quel effet il fait, avec ses brûlures, alors autant en profiter pleinement. Quand bien même la plupart sont dissimulées par ses vêtements, celles sur son visage sont bien visibles, comme celles sur ses mains lorsqu'il en tend une pour attraper son petit frère par le col et le ramener vers lui. Izuku enfouit sa tête contre lui, accrochant sa petite main à son manteau. Il y a des éraflures et des brûlures dessus, alors qu'elle était vierge le matin même ; qu'est-ce que ce bordel ?

Il n'est tout de même pas battu dans l'école sans que personne ne lève le petit doigt pour l'aider, n'est-ce pas ?

Touya mord un peu fort sa cigarette, essayant de retenir la rage qui brûle en lui comme une vieille amie toxique, alors que les harceleurs de son petit frère le regardent avec un dégoût à peine dissimulé. Il plisse les yeux, avant de les replacer ; ce sont ceux qui coursent Izuku après les cours, ceux qui l'ont blessé à plusieurs reprises avant qu'il n'arrive vers lui pour se cacher.

Il a beau savoir que c'est mal, il se consume d'envie de leur rendre la monnaie de leur pièce.

― Je peux savoir ce que vous faites ?

― On s'entraîne juste ! Deku est juste bon à ça, de toute façon !

La haine dans la voix du blondinet aux yeux rouges le frappe, tout autant que le surnom. Touya l'avait oublié, celui-là, et à force de traîner avec l'enfant, il sait à quel point c'est faux. Izuku est un esprit brillant à sa façon, peut-être trop pour un monde qui ne jure que par les Alters. Il comprend soudain ce que voulait dire Giran ; dans une société qui vous rejette pour ce que vous êtes, comment y trouver la foi de grandir ?

Il a une boule dans la gorge qui grossit à chaque seconde qui passe.

― Izuku, on rentre.

S'il reste un instant de plus, il risque de faire une connerie. Ses flammes lui démangent les doigts, mais ce n'est pas comme lors d'une bagarre entre sans-abris. Il y a trop de monde, trop de témoins et si jamais les choses s'enveniment, il a la certitude que ce sera lui qu'on blâmera. S'il était encore seul, il s'en ficherait, mais il refuse de créer des ennuis à sa mère.

― D'accord.

― Hey, le personnage secondaire, tu crois aller où avec Deku ? s'énerve le blondinet.

Des explosions retentissent dans ses mains et l'enfant a l'air d'un démon ainsi, les traits tirés par la colère et l'arrogance. C'est qu'il essaye de le regarder de haut, en prime, alors même qu'il doit bien faire un mètre de moins que lui. Touya fronce le nez, se retrouvant un peu trop à son goût dans le gamin, avant de poser une main dans les cheveux d'Izuku qui tremble contre lui.

― Chez nous, le chien enragé. Un problème avec ça ?

― Qui est-ce que tu traites de chien enragé, le rapiécé ?

De nouvelles explosions et Izuku s'agrippe à lui comme à une bouée, des larmes au bord des yeux. Que les Kamis le retiennent, ou Touya n'est pas certain de garder son calme très longtemps.

― Kacchan, arrête, s'il te plaît…

Touya se fige. C'est ce démon, le fameux Kacchan qui fait tant de mal à Izuku et que ce dernier considère encore comme son ami tant bien que mal ? La boule dans sa gorge s'intensifie et ses doigts tremblent de colère retenue. Comment peut-on en arriver là ? Comment peut-on laisser des enfants tourner ainsi ?

Il a un goût amer en bouche. Il ne connaît que trop bien la réponse à cette question. Il est l'un des produits de cette société folle, après tout.

Un bref instant, il se demande si ça ne serait pas plus sain de tout réduire en cendres pour reconstruire derrière, avant de secouer la tête en se détournant. Non. Il y a des gens comme Izuku et Inko. Tout brûler reviendrait à les mettre en danger, alors qu'ils peuvent être porteurs du changement. S'il devient un héros, rien ne l'empêche de lutter pour faire bouger les choses. Il aura une voix pour se faire entendre, enfin.

Izuku en aura une aussi, plus tard. Touya n'en doute pas.

― Si t'es assez con pour pas comprendre, petit, c'est pas mon problème.

― Enfoiré !

Une subtile impression. Un relent d'instinct. Touya n'est pas émoussé par ses mois à la rue, au contraire, d'une certaine manière. Et, avec les soins que lui apporte sa mère, son corps va mieux. Aussi, il n'est pas difficile ni d'entendre le fameux Kacchan se ruer sur lui, ni difficile de l'éviter et de l'agripper au passage, le retenant quelques secondes avant de l'envoyer valser plus loin dans la rue, sur la route peu fréquentée à cette heure.

Ça ne serait pas une grande perte s'il se faisait écraser, ce sale môme, mais cela traumatiserait à coup sûr Izuku. Aussi, il pousse son petit frère derrière lui, juste au cas où, avant de tirer une taffe de sa cigarette.

― Je ne le nie pas, gamin. Mais on est deux, dans ce cas. Sauf qu'on peut te rajouter stupide comme étiquette. Tes parents t'ont jamais dit qu'il était dangereux de jouer avec le feu ?

Il a un sourire carnassier alors que le gosse se relève, comme un grain de folie dans les yeux, tel un chien enragé. Il remet sa cigarette entre ses lèvres, avant de faire apparaître des flammes bleues entre ses doigts et de jouer avec, nonchalamment. Le môme plisse les yeux et retrousse les lèvres, avant de revenir sur le trottoir, sans pour autant lui rentrer bêtement dans le lard. Bon, il est peut-être un peu moins idiot qu'il n'en donne l'air.

― Pourquoi tu protèges Deku, avec un pouvoir pareil ?

― Parce que c'est mon petit frère. Parce que je veux devenir un héros et que les héros protègent tout le monde. Parce qu'il n'y a que les criminels pour frapper les gens sans raison. La liste est encore longue, je te rassure.

Touya appuie du mieux possible l'ironie dans sa voix. Peut-être s'amuse-t-il un peu trop à détruire le schéma de pensées du gamin ? Mais c'est une revanche, en quelque sorte, une manière de lui faire payer ce qu'il fait à Izuku sans le réduire en un petit tas de cendres, quand bien même l'envie est toujours là, dévorante.

― Tss ! Moi aussi je serais un héros plus tard et je démolirais les méchants !

― Toi, un héros ?

Le rire qui s'échappe de sa gorge est presque douloureux, mais Touya est éberlué par tant d'aplomb. Qui lui a mis en tête qu'il pourrait devenir un héros avec une mentalité pareille ? Et il a beau haïr l'Autre, au moins, il essaye de protéger les civils sans distinction.

Au moins, il essaye de faire son boulot correctement.

― Tu as le profil d'un Vilain, plutôt, oui ! Les héros ne font pas souffrir les gens.

― Deku est…

― Réfléchis bien à ce que tu vas dire à propos d'Izuku, petit.

La voix de Touya est froide, plus froide que la glace de Fuyumi, alors que les flammes autour de ses doigts grossissent, comme une menace silencieuse. Peut-être devrait-il brûler toute l'école jusqu'aux fondations pour avoir laissé de telles choses se produire en son sein. L'idée est tentante, certes, mais qui lui dit que ce ne sera pas la même chose ou pire dans un autre établissement ? Lorsque la société est pourrie jusqu'en son sein, ce n'est pas la peine de s'épuiser à n'en couper que les bourgeons.

Touya brûle. Il brûle de devenir un héros et de protéger ceux qui n'ont personne pour le faire. Il comprend mieux les discours de Giran, maintenant. Il ne les comprend que trop bien.

― Les profs disent qu'il sert à rien. Qu'il est faible.

― Et tu les crois ? Et tu penses que c'est une raison pour t'en prendre à lui ?

― Il veut devenir un héros ! Il va se faire tuer sans Alter ! crie-t-il, un doigt tendu en direction d'Izuku.

― Parce que Sir Nigtheyes a un Alter de combat, peut-être ?

Kacchan se fige, une nouvelle lueur dans ses yeux, alors qu'il glisse ses mains dans ses poches. Il a l'air presque réceptif à ses propos, peut-être parce qu'il s'est montré fort ? Peut-être parce qu'il a un Alter puissant ? Touya l'ignore, mais s'il a une seule chance de faire réfléchir le surnommé Kacchan pour qu'il ne blesse plus Izuku, il la prendra.

― Les héros ne brisent pas les rêves des autres, tu sais.

― Il se fera tuer, répète Kacchan.

Mais il y a un peu moins de violence dans ses propos. Touya la perçoit, cette lueur d'hésitation, minuscule, prête à être soufflée à tout instant. Alors il fait ce qu'il sait faire de mieux : il alimente la flammèche pour qu'elle devienne un brasier.

― Tu sais ce que deviennent les enfants dont on brise l'âme ? Des Vilains. C'est ce que tu veux, pour Izuku ? Qu'il devienne un Vilain, prêt à tuer et à blesser des innocents ?

― Mais il n'a pas d'Alter…

― Tu te répètes. Les hommes n'ont pas attendu l'apparition des pouvoirs pour trouver des moyens de tuer.

― Il ne peut pas…

― Izuku ne peut pas ou tu ne veux pas, Kacchan ?

― Ne m'appelez pas comme ça !

Touya se contente d'un sourire, avant de prendre la main d'Izuku dans la sienne et de le tirer derrière lui. Il entend le dénommé Kacchan grogner, sans pourtant recommencer à l'attaquer. Il espère qu'il aura réussi à amorcer une réflexion. Puisqu'il ne peut pas brûler le problème jusqu'à la racine, éduquer les harceleurs amènera peut-être à un mieux dans la scolarité d'Izuku. Il ne pourra pas empêcher les professeurs de lui mettre des sales notes, mais s'il peut rendre ses journées plus tranquilles, ça sera déjà ça.

Parfois, à défaut de la justice, la paix s'obtient par des voies détournées. Ce n'est souvent qu'un pansement sur une plaie béante, mais si Touya peut endiguer le flot de malheur sur la vie d'Izuku, il ne s'en privera pas.

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