Bonsoiiiir !
AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.
AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya
Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi
.
.
- Acte 1 : Attraper ses rêves -
.
.
Scène 10
.
.
Les étoiles sont belles, ce soir, peut-être parce que Touya n'est pas seul à les admirer. Izuku est lové contre son flanc et il peut deviner que ses yeux brillent d'émerveillement alors qu'il serre sa peluche All Might contre lui. Son petit frère ne devrait pas être ici. Il devrait être en train de dormir à la maison, dans son lit, mais il l'a suivi pour une raison qui lui est encore inconnue ; aussi a-t-il préféré le garder près de lui plutôt que de le ramener et de prendre le risque qu'il s'entête, se cache pour le filer et se perde.
Il n'a que sept ans, après tout, mais il a déjà un caractère déterminé, peut-être même un peu trop.
― C'est ça que tu voyais tous les soirs, avant ?
― Pas toujours, tu sais. Puis, je préfère mille fois la maison.
Ses doigts se referment sur du vide, alors que Touya a envie de fumer. Mais il se retient ; il ne veut pas trop exposer Izuku à un tel vice, il est encore trop jeune. Puis, si l'état de sa santé ne regarde que lui, il refuse de mettre celle de son petit frère en danger pour une envie qu'il maintient sous contrôle la plupart du temps.
― J'ai pas dit ça ! proteste l'enfant.
Izuku se redresse pour l'observer, une moue boudeuse sur son visage, et Touya rit doucement en venant ébouriffer ses cheveux. Son petit frère soupire, avant de croiser les bras sur son torse ; l'adolescent meurt d'envie de se relever pour venir le chatouiller et voir un sourire sur ce visage si doux.
― J'aime juste… C'est si calme. Et beau. Je me sens bien quand je regarde les étoiles avec toi, Hikari !
Touya esquisse un sourire alors qu'Izuku se rallonge sur le béton froid du toit, se pelotonnant contre lui comme un chiot. Il pose une main dans son dos pour le garder près de son flanc, avant de chantonner une chanson qu'il a entendue à la radio, aujourd'hui. Cela lui fait penser que leur mère était d'une drôle d'humeur. Presque lunatique, sur les nerfs. Il ignore ce qui a pu la mettre dans un tel état.
Maintenant qu'il y pense, Izuku se comporte étrangement aussi, ce soir. Ce n'est pas dans son caractère de vouloir le suivre sans lui demander la permission. S'est-il passé quelque chose pendant sa visite chez Giran, après qu'il ait ramené l'enfant après les cours ?
― Est-ce… Est-ce qu'il y a quelque chose dont tu voudrais me parler, Izuku ?
― Papa… Papa a appelé, quand tu étais pas là.
Son petit frère parle d'une toute petite voix, presque avec hésitation. Touya en comprend la raison, quand bien même il ne saisit pas pourquoi Izuku s'entête à appeler "Papa" un homme qui n'en a aucunement le rôle. Quel genre de père abandonne son enfant ? Un père comme Endeavor, en fait, et Touya a d'autant plus envie de frapper le connard qui a abandonné un petit soleil si lumineux.
― Depuis quand il se mêle de vos affaires ? Je pensais qu'il envoyait juste une pension et puis basta ?
Pourquoi sa mère ne lui a pas parlé de ce coup de fil ? D'ailleurs, a-t-elle parlé au père d'Izuku de son adoption ? Après tout, il est maintenant plus ou moins lié à la famille Midoriya, non ? Ou alors, a-t-elle gardé son nom d'épouse lors de son mariage, lui permettant de le lui transmettre sans que cela ne pose problème avec le géniteur de son petit frère ?
Touya a trop de questions sans réponse, mais il n'ose presser Izuku, qui tremble contre sa main. Touya soupire, avant de se redresser pour installer sa tête sur ses genoux. Des larmes mouillent alors son pantalon, mais il n'ose rien dire. Il ne sait pas par où commencer, il se sent démuni devant ce qui se dévoile à sa compréhension. Le père d'Izuku a dû l'abandonner après qu'il se soit révélé sans Alter. Mais comment est-il encore lié à sa famille ? Peut-être à cause de la pension ?
― Ils sont pas divorcés, alors il continue à payer pour le loyer et le reste, pour que Maman ait pas à travailler. Ça serait pas bon pour sa réputation, qu'il dit.
― Et Maman…
Sa question meurt sur ses lèvres. Bien sûr qu'Inko continue d'accepter, parce qu'elle ferait tout pour le bien-être d'Izuku. Peut-être aurait-elle pu reprendre son travail d'avocate, certes, mais cela signifiait peu de temps libre à passer avec son fils et personne pour s'occuper de lui en son absence. Mais maintenant que Touya est là et qu'il sait, peut-être devrait-il lui dire qu'elle peut se défaire de son époux, qu'il s'occupera de son petit frère pour qu'ils n'aient plus à se soucier d'un homme qui a abandonné le plus jeune.
― Ils se sont disputés. Encore. Il dit qu'il reviendra que si elle m'abandonne. Je sais qu'elle pense que j'ai pas entendu. Mais… Tu crois que Maman, elle serait pas mieux sans moi ?
Touya a une boule dans la gorge et des bouffées meurtrières qui remontent, comme un raz-de-marée. Comment Izuku peut venir à penser ainsi ? Pourquoi ne voit-il pas tout l'amour qu'Inko lui porte ? Est-ce à cause des personnes qui lui répètent à longueur de journée qu'il n'est rien ? Peut-être. Les mains de l'adolescent tremblent. Il ne sait que trop bien ce que peuvent faire les gens qui sont poussés à bout, sans aucun espoir. Il en a vu se jeter de ponts ou d'immeubles lorsqu'il était à la rue. Il en a vu boire pour oublier et cuver jusqu'à l'inconscience dans une ruelle. Il en a vu se piquer pour rêver jusqu'à ne plus se réveiller.
Il refuse qu'Izuku soit l'un d'eux, maintenant ou jamais.
― Nan. Ça briserait le cœur de Maman, de te voir disparaître.
Sa gorge et ses lèvres sont sèches, alors qu'il rajoute dans un murmure :
― Ça me briserait le cœur, tu sais.
Touya ne permettra à personne d'éclipser son soleil, mais il se sent de plus en plus démuni. Qui est-il pour s'attaquer seul à toute une société pourrie jusqu'à l'os ? Est-ce qu'il arrivera à protéger Izuku, ou doit-il s'attendre à échouer ? Est-ce qu'il doit s'attendre à ce qu'un jour, son petit frère rejoigne le rang de ces statistiques sans âme sur un écran d'ordinateur ? Il a l'impression que son cœur s'écrase au fond de son estomac. Il n'a pas le droit d'échouer. Il ne supporterait pas de voir sa lumière disparaître.
Il préférerait plutôt s'immoler encore mille fois, mourir mille fois. Mais que vaut la volonté d'un homme face à l'engrenage bien huilée d'une société qui refuse de se remettre en question ?
― Mais je veux pas moi ! Je veux pas vous faire de mal !
― Alors… Reste en vie, d'accord ?
Sa voix craque et Touya se sent plein de trop d'émotions différentes. Colère, tristesse, horreur, rage. Ses mains tremblent, jusqu'au moment où Izuku se redresse pour l'enserrer dans ses petits bras d'enfant. Tant pis pour ses brûlures sur lesquelles il appuie et qui tirent une grimace de douleur à Touya ; l'adolescent lui rend son étreinte pour se calmer, plongeant son nez dans ses cheveux.
― Bien sûr ! Je veux pas mourir ! Je veux être un héros !
Mais ne parlait-il pas de… Touya lâche un rire incrédule, alors qu'il comprend que jamais Izuku n'a parlé de mourir, mais seulement de sortir de la vie de leur mère. Les Kamis en soient remerciés, l'enfant est encore un peu innocent, il est encore un peu épargné par la vie. Il resserre un peu plus son étreinte sur lui, sans un mot, soulagé que son petit frère ne songeait nullement à se suicider.
Un bruit soudain, à proximité, comme un choc sourd. Touya se tend immédiatement, relâchant Izuku pour se retourner et fouiller du regard le toit de l'immeuble. Une silhouette se tient à quelques mètres d'eux, encore accroupie, comme si la personne venait de sauter de toit en toit. Elle se relève et Touya plisse les yeux, passant devant son petit frère pour le garder derrière lui et le protéger si besoin. Il tente de de deviner si c'est un héros ou un vilain qui se relève, les mains tendues vers le ciel.
Au moins, la silhouette ne semble pas hostile pour l'instant.
― Bonsoir. C'est une heure étrange pour que deux enfants de votre âge soient dehors.
La voix paraît appartenir à une femme ; Touya ne baisse cependant pas sa garde. La violence et la criminalité ne sont pas l'apanage des hommes. Giran lui a bien inscrit cette leçon dans le crâne.
― On regardait juste les…
― Petit frère, tais-toi.
Touya a besoin de silence pour se concentrer, d'une part ; d'autre part, c'est dangereux de donner trop d'informations alors qu'ils ignorent qui est devant eux. Il entend un soupir boudeur dans son dos et la silhouette lâche un petit rire amusé. L'adolescent se renfrogne, avant de sortir rapidement son téléphone portable qu'Inko lui a offert et d'allumer la torche pour la braquer sur l'inconnu. Qui se trouve bien être une inconnue, finalement.
― Whaaaaa, c'est Lady Nagant, trop coool ! babille Izuku.
Une héroïne, donc. Elle est la numéro trois, il lui semble ? Il a déjà entendu son nom dans la bouche d'Endeavor, qui râlait sur son ascension rapide, un peu trop rapide pour une femme même, d'après ses dires toujours. D'ici à dire que son géniteur pensait qu'elle était passée sous des bureaux pour monter vite, il n'y avait qu'un pas qu'il ne franchirait pas. Même après tout ce temps, il est incapable de dire si Endeavor dédaigne Fuyumi à cause de son Alter faible, de son sexe ou les deux.
― Oh, un fan ? Je serai ravie de vous rencontrer en d'autres circonstances, mais vous ne devriez pas rester ici.
Nagant penche la tête sur le côté en souriant, mais elle a le regard fixé droit sur Touya. Il comprend ce qu'elle ne dit pas, sans doute pour ne pas effrayer Izuku. S'ils restent, ils risquent d'être impliqués dans une altercation entre Héros et Vilains. Il est hors de question de mettre son petit frère en danger ; ils viendront regarder les étoiles un autre jour.
― Je vous remercie de votre sollicitude. Nous allons rentrer.
― Est-ce que vous pourriez me signer un autographe, s'il vous plaît ? J'adore votre travail !
Touya plisse les yeux lorsqu'il aperçoit le léger tressaillement de l'héroïne. Peut-être ne s'attendait-elle pas à une telle demande, vu le lieu et l'heure, certes, mais cela fait aussi partie de son travail, non ? Il pose sa main sur l'épaule d'Izuku, ne sachant comment lui dire que ce n'est pas le moment.
― Oh, désolé bonhomme, pas ce soir. Je n'ai pas de stylo sur moi.
Elle sourit un peu plus et Touya soupire. C'est bien gentil de vouloir ménager la susceptibilité potentielle d'Izuku, mais il aurait préféré qu'elle soit honnête avec lui. Ça lui aurait évité de passer pour le méchant de l'histoire et d'éteindre les étoiles dans les yeux verts. Il hait ce rôle, à un point qu'il n'aurait jamais pensé possible il y a encore quelques mois.
― Izuku, ce que Lady Nagant essaye tant bien que mal de dire, c'est qu'elle est là en mission, qu'on risque d'être des cibles et qu'elle ne peut pas perdre de temps. Alors on se bouge les fesses et je t'amènerai à son agence, si tu tiens tellement à ton autographe.
― Ah, je suis désolé alors ! On va y aller ! Allez, dépêche-toi Hikari !
Ce gamin aura sa peau. Pourtant, Touya ne peut empêcher ses lèvres de s'étirer en un mince sourire, alors qu'il éteint la fonction lampe-torche de son téléphone et prend Izuku par la main pour le tirer derrière lui.
― Vous ne devriez pas monter dans des bâtiments abandonnés, les enfants, c'est dangereux, commente cependant Lady Nagant alors qu'ils s'éloignent d'elles.
― Vous ne devriez pas sauter de toit en toit, c'est dangereux, répond sur le même ton Touya.
Héroïne ou pas, il n'apprécie pas d'être jugé pour un passe-temps aussi innocent. Ils ne font du mal à personne et puis, le gouvernement qu'à démolir les immeubles abandonnés plutôt que de laisser les héros faire la morale à des civils ! Il n'a même pas eu à fracturer une seule serrure ! Il grogne, la petite main d'Izuku serrée dans la sienne alors qu'il ouvre la porte des escaliers. Ou plutôt, lorsqu'il fait claquer la porte métallique contre le mur pour défouler son agacement.
― Elle ne disait pas ça pour être méchante, tu sais.
― Elle jugeait. J'aime pas quand les gens jugent sans savoir.
― Elle a pas tort, pourtant, non ? Ça serait dangereux si j'étais pas avec toi !
Touya sent ses joues rougir sous le compliment et il détourne la tête, quand bien même Izuku ne peut pas le voir dans l'obscurité de la cage d'escalier. Il prend cependant son petit frère dans les bras, bien conscient du risque de laisser l'enfant descendre sans aide alors que la seule lumière faiblarde provient d'ouvertures qui ressemblent plus à des meurtrières qu'à de véritables fenêtres.
― T'as pas répondu. C'est que j'ai raison ?
― Tu es terrible, Izuku, sache-le, soupire Touya. T'es pas censé faire remarquer un truc du genre.
― Pardon ! Je suis désolé !
― Avec moi, ça passe, t'inquiète. Avec d'autres, beaucoup moins.
Izuku hoche la tête, indiquant qu'il a compris, et Touya se demande si sa spontanéité ne lui joue pas des tours à l'école. Pourtant, il n'a aucune envie d'apprendre à son petit frère à trop réfléchir à ses mots. Il aime sa franchise et sa candeur, même s'il frappe parfois un point sensible, mais il n'arrive pas à lui en vouloir. Il y a tant de lumière dans ses yeux lorsqu'il parle que l'adolescent refuse de le pousser à devenir plus réfléchi. Cela viendra avec l'âge, peut-être, mais Izuku ne devrait pas avoir à changer pour ne plus être harcelé.
La rue est calme alors qu'ils sortent de l'immeuble et Touya repose son petit frère au sol, lui tenant fermement la main. Ils doivent se dépêcher. Si les Héros ont décidé d'effectuer une opération dans le coin, ils feraient mieux de ne pas être pris dedans. Il veille cependant à ne pas marcher trop vite, ou Izuku avec ses petites jambes aura du mal à le suivre.
Un cri, cependant, l'arrête en pleine rue. Un cri de femme, qui semble venir d'une ruelle adjacente. Il gèle sur place et son regard passe d'Izuku à la ruelle. Il ne peut pas quitter l'enfant des yeux, mais il ne peut pas non plus faire comme s'il n'avait rien entendu. Il n'a pas l'assurance qu'un héros viendra et pourquoi devrait-il fermer les yeux ? Peut-être que la présence d'un témoin fera fuir ce qui est possiblement un agresseur. Dans le pire des cas, il sait se battre. Il ne doit juste pas être surpris en train d'utiliser son Alter.
― Qu'est-ce qu'on fait, Hikari ? La dame, elle a besoin d'aide !
Si Touya ignore la femme, il s'en voudra et, pire que tout, Izuku lui en voudra sûrement. Aussi, sa décision est prise et il relâche la main de son petit frère, se baissant à sa hauteur avant de l'attraper par les épaules.
― Tu restes à l'entrée de la ruelle, je vais l'aider. Tu n'interviens sous aucun prétexte, tu te fais le plus discret possible, d'accord ?
Izuku hoche la tête et Touya le relâche avec une crainte au cœur qui pèse sur sa poitrine. Il a peur de ne pas retrouver son petit frère dès qu'il aura réglé le problème. Ça le bouffe ; est-ce que c'est ce qu'un grand frère doit ressentir, ou sa vie dans les bas-fonds de la société l'a rendu paranoïaque ?
Il est de toute façon trop tard pour réellement y penser ; il a une femme à sauver.
.
.
