Bonsoiiiir !
AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.
AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya
Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi
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- Acte 1 : Attraper ses rêves -
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Scène 14
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Ce n'est qu'une date sur le papier glacé du calendrier dans l'entrée. Sur l'écran gelé de son portable. Dans la bouche des journalistes à la radio, à la télévision. Touya a tout éteint, le cœur au bord des lèvres depuis le début de la journée. Aujourd'hui, Lady Nagant a dit qu'elle passerait voir sa mère. Aujourd'hui, c'est aussi l'anniversaire de Rei et l'adolescent n'arrive pas à mettre des mots sur ses émotions qui menacent de l'engloutir, comme un raz-de-marée. Il a l'impression d'être perdu dans une tempête, balloté par les flots de ses sentiments à l'égard de celle qui l'a mise au monde et qu'il peine pourtant à appeler encore « Mère », quand bien même elle le mériterait sans doute.
Un sanglot lui échappe et il se déteste d'être si faible. Il enfouit sa tête sous son oreiller, préférant oublier l'heure qui le nargue sur son réveil et qui lui rappelle que la réalité risque de le rattraper bientôt. Est-ce qu'Inko accepterait l'aide de Lady Nagant, ou sera-t-elle comme Rei, trop fière pour cela ? Un haut-le-cœur le secoue et il roule sur son lit pour se mettre dos contre le mur froid, tentant de se raccrocher à la réalité par le contact glacé.
Touya ne comprend pas pourquoi il se sent si mal juste pour une date et un rendez-vous. Pourtant, il sait que c'est bien plus que ça, en quelque sorte. Il le sait, mais il n'arrive pas à nommer ce qui le rend malade à ce point. Devrait-il déranger Inko ? D'ici, il l'entend chantonner, alors qu'elle est sans doute en train de replier le linge ou de ranger un peu la maison. Sa nausée empire à l'idée de l'interrompre dans une tâche, comme une culpabilité lâche qu'il ne connaît que trop bien.
C'est facile de fermer les yeux et de nier les actes des autres jusqu'à les ignorer, jusqu'à ne penser qu'à soi-même. Mais il sait combien cela peut être destructeur. Combien de fois a-t-il refusé la main tendue de Rei, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus la force de le faire ? Quand a-t-il cessé de lui rendre l'amour qu'elle lui portait ? Quand a-t-il cessé de l'appeler « Maman » et de la voir comme autre chose qu'un outil dans les mains de l'Autre ?
Touya est terrifié à l'idée de recommencer ses erreurs. Il ne veut pas être un mauvais fils, pas une seconde fois, alors qu'Inko a patiemment recollé ses morceaux pour qu'il avance de nouveau. Est-ce que ce n'est pas trop égoïste, d'accepter l'offre de Nagant ? Est-ce qu'Inko sera déçue en apprenant ce qu'il s'est passé derrière son dos ? Est-ce qu'elle se mettra en colère depuis la première fois qu'il la connaît ? Est-ce qu'elle le détestera d'avoir trouvé une solution pour son avenir sans la mettre immédiatement au courant ?
Bien évidemment qu'il ne brise pas par là sa promesse – jamais il n'aurait osé ! – mais il a l'impression de tricher, de ne pas faire exactement ce qu'elle attend de lui. Et il sait que cela finit toujours mal, lorsqu'il ose dévier du chemin que d'autres ont tracé pour lui. Il a du mal à respirer, mais aucune larme ne veut tomber, comme s'il n'en avait pas le droit. Il est fautif dans cette histoire, après tout ; les coupables ne pleurent pas.
La sonnette d'entrée retentit ; la chanson de sa mère s'arrête et Touya a l'impression que son cœur aussi. Il pose sa tête sous son oreiller, son rythme cardiaque s'emballant dans ses oreilles à mesure que les secondes s'écoulent et s'allongent, comme étirées par son mal-être. Quelqu'un frappe à la porte de sa chambre, et bien évidemment que cela ne peut être Inko, qui rentre alors que l'absence de réponse devient pesante.
— Hikari ? Lady Nagant est là et... Oh, bordel.
C'est peut-être bien la première fois que Touya entend Inko jurer. Il pressent qu'il a des ennuis, si sa mère sort tant de son comportement habituel et un sanglot lui échappe. Pourtant, ni cris, ni menaces ou ultimatums ne s'échappent de la bouche d'Inko. Il la sent s'asseoir sur le lit, à ses côtés, avant qu'une main douce ne vienne frotter son dos, comme pour le rassurer. Mais c'est impossible, n'est-ce pas ?
— Tu n'as pas rencontré cette héroïne de manière innocente, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu ne veux pas croiser mon regard ?
Touya n'ose pas répondre. Il n'y arrive pas, plutôt. Ses mots et ses excuses restent coincés dans sa gorge, comme un poisson-globe effrayé qui plante ses pics dans sa chair.
— Je ne suis pas en colère. Je cherche juste à comprendre, tu sais.
— J'ai mis Izuku en danger !
Touya se redresse d'un coup pour observer sa mère dans les yeux et pour entendre les cris et les remontrances dont il a l'habitude. Il ne connaît pas ce calme presque olympien, cette absence de colère alors même qu'il vient d'avouer avoir mis le plus jeune en danger. L'Autre se serait énervé pour bien moins. Il s'est emporté pour bien moins, dès lors qu'il s'approchait d'un peu trop près de Shoto, après son coup de sang où il l'avait attaqué. Ce n'était qu'un bébé innocent et la boule de culpabilité grossit, encore et encore, comme pour l'engloutir.
— Hikari. Tu as bravé un typhon pour le ramener à l'abri alors même que tu ne faisais pas encore partie de cette famille. Je ne t'imagine pas un instant le mettre en danger à dessein. Est-ce ce que tu l'as fait ?
— ... Non.
— Alors je n'ai pas de raison d'être en colère, tu ne penses pas ?
Inko lui sourit doucement, avant de remonter sa main pour la glisser dans ses cheveux et le rapprocher vers elle, l'enlaçant sans sembler attendre de réponse. Touya hésite à peine avant d'enfouir son visage dans son épaule, ses mains s'accrochant à sa chemise dans son dos, comme un enfant. Et peut-être est-ce ce qu'il est, finalement. Un enfant qui n'a jamais eu le temps de l'être sous les directives de l'Autre et qui ne s'attend plus qu'aux punitions. Un enfant qui se sent protégé dans les bras qui l'entoure et la boule dans sa gorge se fait moins oppressante.
Il n'y a pas de ressentiment, seulement de l'inquiétude dans les deux yeux verts qui restent fixés sur lui, et la langue de Touya se délie comme par miracle.
— Je voulais aller voir les étoiles. J'arrivais pas à dormir. Sauf que j'ai réveillé Izuku et il a voulu me suivre. J'ai préféré qu'il vienne avec moi plutôt qu'il me suive sans que je l'ai sous les yeux, je savais qu'il changerait pas d'avis.
— Tu as bien fait. Izuku est encore trop jeune pour comprendre qu'il peut s'exposer au danger en te suivant, mais nous savons tous les deux qu'il t'aurait accompagné que tu le veuilles ou non.
— J'aurais pu essayer de le faire changer d'avis.
— Tout est dans le mot « essayer ».
Inko hausse les épaules avec un sourire et Touya sent ses propres lèvres s'incurver sous la plaisanterie. Pourtant, son cœur est toujours aussi lourd lorsqu'il explique les événements de la nuit où il a rencontré Lady Nagant et son ombre de sourire disparaît bien vite. Sa mère ne cesse pas un seul instant de lui caresser les cheveux pour le rassurer, ni perd son calme. Au contraire, elle vient même déposer un baiser tendre sur son front, avant de lui donner une légère pichenette, un air d'une immense douceur sur son visage.
— Personne n'a été blessé. Il y a eu plus de peur de mal, c'est tout ce qui compte, non ? Je te mentirai si je te disais que je n'aurais pas eu peur pour vous si je m'étais rendue compte de votre absence, et peut-être que je vous aurais crié dessus d'inquiétude. Mais tu as réagi du mieux que tu as pu, d'accord ? Je suis fière de toi, tu sais. Izuku n'a pas perdu son sourire malgré tout.
— Mais si je n'avais pas voulu sortir...
— Tu as le droit de souhaiter des choses et je sais très bien que cela doit être compliqué de te tenir entre quatre murs alors que tu as l'habitude d'avoir toute la mégalopole comme terrain de jeu. Je pense qu'une discussion avec Izuku s'impose et j'aimerai beaucoup que tu veilles à prendre le moins de risque possible, mais pour moi, cette discussion est close. Tu n'as rien fait de mal et je ne suis pas en colère contre toi. Je ne t'en veux pas.
Un sanglot. Touya s'accroche un peu plus à sa mère et enfouit sa tête contre son cou alors qu'elle resserre son étreinte. Il ne pleure pas ; l'envie a disparu, balayée par les mots doux et rassurants d'Inko. Elle ne lui en veut pas et c'est plus qu'il ne l'a jamais imaginé. Il ne lui a pas dit pour les blessures qu'il s'est faites et peut-être s'en doute-t-elle tout en sachant qu'il ne serait pas bon d'en parler maintenant. Ou peut-être ne s'en doute-t-elle pas et réfléchit-il trop ? Peut-être. Les Midoriya ont un don pour ébranler ses plus terribles certitudes, il devrait le savoir depuis le temps.
— Toute la mégalopole comme terrain de jeu ? Serais-je trop indiscrète si je vous demandais depuis combien de temps vous connaissez Hikari, Madame Midoriya ?
La voix de Nagant. Touya se tend entre les bras de sa mère, qui lui embrasse de nouveau le crâne pour le rassurer, avant de se redresser en direction de l'héroïne. Est-ce que cette dernière risque de retirer sa proposition après l'avoir vu dans un tel état de faiblesse ? Est-ce qu'elle lui en voudra de lui avoir dissimulé son adoption ? Inko resserre son étreinte sur lui et il a presque l'impression qu'elle défit l'héroïne du regard, au cas où elle aurait envie de critiquer son comportement.
— Cela fait presque un an, désormais. Hikari était à la rue, auparavant. Je l'ai recueilli et adopté récemment.
— Il vous a fait part de son envie d'être un héros ?
— Bien évidemment ! Même si je tiens à vous signaler que je souhaite que ses brûlures soient soignées avant qu'il ne songe à entrer dans un tel cursus.
Lady Nagant hoche la tête. Touya peut la voir prendre un air pensif, son regard rose passant de sa mère à lui, avant de s'attarder sur le reste de la chambre. Ses lèvres se pincent, avant que l'héroïne ne reprenne la parole, d'un ton doux et mesuré.
— Sans vouloir vous offenser... Avez-vous réellement les moyens de le soigner et de lui offrir la meilleure éducation qu'il soit ?
— J'ai eu un boulot qui payait bien avant de devenir mère au foyer. Mais je me doute que vous n'êtes pas venue pour parler des actes de mon fils cette nuit-là, ou il y aurait sans doute un policier avec vous et ces questions ne rimeraient pas à grand-chose. Que lui voulez-vous ?
— J'aurais aimé le recommander à Yuei. Maintenant, si vous souhaitez qu'il soit soigné avant, j'ai une autre idée... Hikari ?
Touya tressaille à l'entente de son prénom et il se retourne vers l'héroïne, sans lâcher sa mère. Sa présence est rassurante. Sa peur est partie au loin, avec ses souvenirs de disputes ; il pressent désormais qu'il a son soutien inconditionnel. Quoi qu'il choisisse, tant qu'il respecte sa promesse, elle le laissera faire ce qu'il souhaite. Il ne mérite pas une mère aussi compréhensive. Il ne mérite pas une mère aussi bonne, mais il sait pourtant qu'il ne serait pas là sans elle.
Il ne la mérite pas, cependant il a besoin d'elle et de son amour inconditionnel pour changer. Il a besoin de cette affection dans son regard émeraude lorsqu'elle le regarde, loin de la peur, de l'agacement ou de la tristesse qu'il obtenait dans les yeux des Todoroki.
— Oui ? chuchote-t-il finalement.
— Tu te sens capable de passer en classe Héroïque en gagnant le Championnat ?
— Que voulez-vous dire ? s'étonne-t-il.
— Même si tu commences les soins tout de suite, tu ne seras jamais guéri à temps pour les examens d'entrée. Aussi, je te propose d'entrer en Générale avec mon soutien, ce qui te permettrait de suivre les cours tout en faisant ta rééducation. Et au Championnat, tu rafles la première place, conclut l'héroïne avec un petit sourire.
— Et si je n'y arrives pas ?
L'objection passe ses lèvres sans que Touya n'arrive à la retenir. Il a encore en tête les mots de l'Autre. Qui est-il pour songer que les mots du héros N°2 valent moins que ceux de la n°3 ? Qui est-il pour espérer que son géniteur ait tort, finalement ?
— Tu as trois essais, un par an, réfute Nagant. Dans le pire des cas, je te prendrais en tant qu'apprenti à la sortie. Mais je sais que je n'aurais pas à en arriver jusque-là.
— C'est beaucoup de confiance dans un inconnu comme moi, réplique Touya.
En apprentissage, vraiment ? Mais s'il échoue trois fois au Championnat, n'est-ce pas le signe qu'il n'est pas fait pour la carrière de héros ? N'est-ce pas signe que son pouvoir et ses capacités
— Tu oublies les tests que tu as passés, s'amuse Nagant. Ils sont plus révélateurs que tu ne le penses. Le Championnat de Yuei, c'est en grande partie le concours de qui a l'Alter le plus puissant. Des Alters plus intéressants mais moins spectaculaires peuvent passer inaperçus. Je pense que tu en as l'étoffe ; passer par Yuei, même uniquement en Générale, te permettra de retomber sur tes pieds quoi qu'il advienne.
Lady Nagant hésite un instant, mais son air légèrement triste n'échappe pas à Touya. L'adolescent fronce les sourcils, alors qu'elle ajoute avec un ton étrange, qu'il n'identifie pas :
— Je ne veux pas non plus que tu t'enfermes dans une seule voie par manque d'option. Tu pourrais aussi changer d'avis en grandissant ou décider que tu veux faire autre chose. Je ne connais rien de plus toxique que de ne pas avoir le choix.
Touya grogne, plus par habitude que réellement par agacement. Mais il doit reconnaitre que les mots font mouche. Il ne compte pas échouer, mais savoir qu'il a une porte de sortie, contrairement à ce que lui a donné à penser l'Autre, est plus rassurant qu'il ne l'avouerait jamais à haute voix. Est-ce qu'elle se doute qu'il a grandi en pensant qu'il devait devenir un héros, que c'était ou il ne serait rien, ou se base-t-elle sur d'autres histoires, peut-être même la sienne ? Est-ce qu'elle s'est sentie poussée dans une voie qui ne lui convenait pas ? Est-ce qu'elle regrette aujourd'hui d'être une héroïne ?
Non. Nagant ne peut pas regretter, n'est-ce pas ? Les héros ne peuvent pas regretter la voie qu'ils ont choisie, non ?
Le rire doux d'Inko résonne à ses oreilles et le sort de ses pensées. Elle lui ébouriffe les cheveux avec affection, quand bien même son visage est un peu plus fermé alors qu'elle se tourne vers l'héroïne. L'adolescent peut presque voir les rouages s'enclencher dans l'esprit de sa mère. Il ignore à quoi elle réfléchit exactement, mais il se doute que Nagant n'est pas préparée à ça. C'est Inko, après tout, et sa mère cache bien son passée d'avocate sous ses traits doux et tranquilles.
— Je veux un contrat écrit avec les attentes des deux parties et une possibilité de rétractation. Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à mon fils, mais comprenez que je protégerai toujours ses intérêts en premier.
— Je comprends tout à fait.
Il y a une lueur rassurée dans les yeux de Nagant, comme si les mots de sa mère modifient l'opinion première que l'héroïne a d'elle. Elle hoche la tête, avant de désigner d'un mouvement de tête le salon.
— Je vous propose que nous en parlions autour d'une tasse de thé ? Laissons votre fils se reposer, le temps que nous élaborions une ébauche de contrat. Hikari pourra le regarder plus tard s'il veut y apporter des modifications et, une fois renvoyé, je le transmettrais à mon service juridique pour faire cela de manière officielle. Cela vous conviendrait-il ?
— Je vous suis, se contente de répondre Inko.
Nagant acquiesce, avant de sortir. Inko embrasse une dernière fois Touya, avant de le pousser à se rallonger. Elle rabat les draps sur lui, l'observant d'un regard doux avant de murmurer :
— Je t'aime, mon fils. Repose-toi, ça a dû être difficile à gérer pour toi. Je suis sûre qu'Izuku préférerait te voir en forme lorsqu'il rentrera.
— C'est petit d'utiliser Izuku contre moi ! boude Touya.
— Mais ça marche, je n'en ai aucune honte, au moins je suis certaine que tu m'écouteras.
— Hey !
Inko éclate de rire et même Touya esquisse un sourire alors que ses bras se referment sur son oreiller. Sa mère passe de nouveau sa main dans ses cheveux et il songe à les laisser pousser un petit peu plus, maintenant qu'il peut les entretenir. Peut-être pourrait-il continuer à les teindre en vert ? Il aime beaucoup l'idée de ressembler un peu plus à sa famille de cœur. Et puis, avec ses yeux déjà bien trop reconnaissables, il ne peut pas garder ses cheveux blancs. Peut-être devrait-il investir dans des lunettes légèrement teintées ?
Si Touya devient un héros, il a intérêt à avoir une apparence à des lieux d'Endeavor, car il ne veut pas être comme lui. Jamais. Il ne veut même pas être comparé à lui, quand bien même il sait ce rêve utopique. Au moins, Nagant lui donne sa chance et pas parce qu'il est le fils d'Endeavor, mais parce qu'elle a vu du potentiel en lui.
L'adolescent ne veut plus être une étoile filante, qui brûle intensément pour se faire remarquer, avant de mourir dans les ténèbres et l'indifférence. Il veut être le soleil comme Izuku, qui irradie et illumine la vie des autres. Il veut être le feu qui réchauffe et plus jamais celui qui détruit et réduit tout en cendres, jusqu'aux liens familiaux.
Touya ne gâchera pas cette seconde chance.
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