Bonsoiiiir !

AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.

AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya

Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi


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- Acte 1 : Attraper ses rêves -

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Scène 16

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― À demain, Hikari !

Touya est toujours surpris de l'attitude amicale de ses camarades à son égard, alors qu'il a débarqué en classe bien trois semaines après la rentrée. Il s'attendait à du mépris, ou alors un certain dédain de leur part. Quand bien même il n'a pas l'intention de faire ami-ami avec eux, ce n'est pas pour autant que ce n'est pas agréable. Il se surprend même à rendre sa salutation à l'un de ses collègues, Tokuda, qui lui sourit avant de filer.

L'école lui a manqué plus qu'il ne l'imaginait, en fait.

C'est en chantonnant une musique passant ces derniers temps à la radio qu'il prend le chemin de l'école d'Izuku. C'est vendredi, aussi se réjouit-il du week-end en sa compagnie qui l'attend. Maintenant que Katsuki le protège en classe et aux intercours, son petit frère est moins souvent embêté, quand bien même son ami ne peut pas le protéger de la discrimination constante des professeurs. Au moins, Izuku n'est plus seul.

Touya se demande s'ils verront des héros en action sur le chemin du retour. Il a déjà l'intention de passer près du rassemblement de sans-domiciles fixes près du pont ; la dernière tempête a mis à terre leurs cahutes de tôles et de bâches, alors il compte leur donner un coup de main. Ce sont surtout des petits vieux et vieilles qui n'ont plus personne pour s'occuper d'eux et qui n'avaient pas les moyens de garder un appartement.

Auparavant, quand il était dans la même situation qu'eux, il ne leur aurait pas accordé une seconde. Maintenant, il se sentirait coupable de ne rien faire, sachant à quel point la vie à la rue est difficile. Certains ne passeront pas l'hiver, il le sait, et il se demande pourquoi rien n'est fait pour aider ces personnes-là.

S'il ne l'avouerait jamais à voix haute, il pense pourtant que la paie des héros, surtout ceux en haut du classement - Endeavor, à tout hasard - pourrait être un peu plus faible. Certes, ils mettent leur vie en jeu, mais n'est-ce pas aussi le cas des pompiers, des policiers, des secouristes, du personnel soignant qui sont les fourmis invisibles essentielles à la société ?

Qu'est-ce que les héros ont de plus que les autres ?

À part des privilèges, s'entend. Touya est bien trop conscient de ce qu'on laisse passer aux héros qui ne serait jamais accepté pour un civil ; il est une victime du système. Combien d'entre eux sont broyés par une mâchoire aveugle aux crimes des héros ? Si Endeavor existe, combien d'autres héros cachent du sang sous les gants de leur costume ?

Touya voudrait bien le savoir tout en restant ignorant.

Un soupir lui échappe, alors qu'il arrive au pont. Il bifurque, s'engageant dans une ruelle sombre qui forme un coude et il sait qu'elle se termine en impasse. C'est un coin tranquille, discret ; il comprend le choix de l'emplacement, tout comme il comprend les regards mauvais qu'on lui lance lorsqu'il s'approche du regroupement de sans-abris.

― Qu'est-ce que tu veux, gamin ? lui lance un des retraités, pointant sa canne vers lui comme une arme.

Il y a encore des tôles à terre, des bâches écroulées au sol. Touya ne peut pas faire marche arrière et faire comme s'il n'avait rien vu.

― Donner un coup de main pour remettre tout ça d'aplomb. La météo a dit qu'il allait pleuvoir cette nuit.

― On veut pas ta pitié !

― Si tu tiens à aider, viens par ici, l'interpelle une mamie.

― Mais Kyosu-

― Tais-toi, on va pas cracher sur une paire de bras supplémentaire ! Et s'il voulait nous attirer des ennuis, il s'y serait pris autrement !

Touya se retrouve bien vite à remettre bâches et tôles d'aplomb, au son grésillant d'une vieille radio. Les discussions se font rares, sans doute à cause de sa présence, mais cela ne le dérange pas. Il n'est pas spécialement bavard, après tout. Il se retrouve à sourire malgré lui en travaillant, presque serein alors qu'il aide les retraités sans domicile à recréer leur coin d'habitation précaire, quand bien même des questions peu joyeuses le hantent.

Pourquoi personne n'investit pour les reloger ? Pourquoi tout le monde semble fermer les yeux sur leur existence, pourquoi aucun héros n'est-il venu les aider avant lui ? Ces questions ont un goût amer dans la bouche de l'adolescent.

Est-ce que c'est parce qu'ils sont sans Alter ?

La réflexion lui vient alors qu'il se rend compte qu'aucune des personnes qui l'entoure ne semble utiliser son Alter. Et s'il devine bien, il comprend mieux pourquoi la société ne fait rien. Le goût amer dans sa bouche s'accentue, avant de sursauter quand une voix qui n'appartient pas à ceux qu'il aide résonne dans l'impasse, depuis les toits.

― Je vois que vous avez trouvé de la main d'œuvre pour vous aider. Vous ne l'avez pas menacé avec vos cannes, au moins ?

― Eraserhead, vous êtes une mauvaise langue, réplique la grand-mère de tout à l'heure. Le petit nous a offert ses bras de jeune homme fringuant !

Eraserhead ? Touya connaît ce nom de héros. Il lève les yeux vers les toits et son sourire s'agrandit alors qu'il aperçoit en contre-jour une silhouette qu'il reconnaît, béni soit Izuku et ses analyses sur tous les héros dont il entend parler. C'est actuellement l'un de ses préférés, parce qu'il se bat quasiment sans Alter - pour ne pas dire uniquement à mains nues - et l'adolescent l'a déjà entendu soupirer du manque de produits dérivés au nom et à l'effigie du héros.

Touya a ses cahiers de cours sur lui. Il peut bien sacrifier une page ou deux pour un autographe. Cependant, le temps de récupérer son sac et le héros est déjà parti. Tant pis pour ce soir, il trouvera bien une autre occasion, maintenant qu'il sait qu'Eraserhead passe dans le coin de temps en temps.

― Merci pour ton aide, p'tit gars, on a même pas eu besoin de demander à Eraser !

Quelqu'un le tape dans le dos, amicalement, et Touya se tend brusquement, avant de se forcer à faire mine de rien. Il n'aime pas ce genre de contact brusque, surtout venant d'un étranger. C'est plus fort que lui, cela allume une alarme dans sa tête, quand bien même il sait qu'il n'est pas en danger. Ce ne sont que des petits vieux maltraités par la vie.

― De rien. C'était un plaisir. Je passe par là pour rentrer après les cours, si jamais vous avez encore besoin de bras.

― T'as d'meilleures choses à faire que de t'occuper de nous, allez, file et rentre chez toi !

Touya grogne, avant d'admettre sa défaite et de s'esquiver pour aujourd'hui. Mais il a bien l'intention de venir les saluer tous les jours et, au passage, voir si Eraserhead a des rondes régulières ou non. Il a des étoiles à allumer dans les yeux de son petit frère, après tout !

Il sifflote doucement alors qu'il reprend la route jusqu'à l'école d'Izuku. Lorsqu'il arrive, l'enfant l'attend devant le portail, seul, sans Katsuki à ses basques. Il n'y a au moins pas d'autres élèves pour l'embêter et c'est avec un soupir soulagé que Touya s'approche, souriant à son petit frère qui le salue chaleureusement en l'apercevant. Mais l'adolescent a à peine le temps d'inspirer qu'Izuku se rue sur lui pour un câlin, volontiers accordé.

― Katsuki n'est pas avec toi ?

― Il s'est fait punir avec d'autres garçons de ma classe. Ils se sont battus dans les couloirs.

― À cause de… son changement de comportement envers toi ? devine Touya.

― Oui et non. Ils l'ont traité de lâche. Il leur a sauté à la gorge.

Touya n'est même pas surpris. Katsuki est trop fier pour laisser passer une telle insulte, comme il est trop fier pour s'excuser envers Izuku ; mais il n'a pas mauvais fond et, maintenant qu'il sait qu'il a mal agi, il se rattrape avec plus de brio que l'adolescent ne veut bien l'admettre.

― Je vois. Tu penses qu'on devrait l'inviter à dîner à la maison, si maman est d'accord ?

― Avec Tante Mitsuki et Oncle Masaru ? Ça serait génial ! Il faut que tu les rencontres, en plus, on demandera à maman dès qu'on rentre !

Touya se demande dans quoi il s'est fourré avec ses paroles irréfléchies. Il n'est pas certain d'apprécier la rencontre avec les parents de Katsuki, qui risquent de poser bien plus de questions sur lui que l'enfant. Enfin, il aurait dû le voir venir à partir du moment où il a tendu le bâton pour se faire battre. Un soupir amusé lui échappe, tandis qu'il se saisit de la main d'Izuku.

― Dans ce cas, allons-y !

Izuku lui offre un magnifique sourire avant de lui raconter sa journée, les yeux brillants. Touya l'écoute avec attention, alors qu'il l'observe pour vérifier s'il est sorti indemne de l'école. Et c'est visiblement le cas ; cela lui réchauffe le cœur de voir son petit frère en aussi bonne forme. C'est peut-être même la première fois qu'il le voit aussi heureux après une journée de cours.

Cependant, le babillage de l'enfant s'éteint alors qu'ils arrivent à un croisement. Un autre enfant est déjà là, sans uniforme d'école et les cheveux violets partant en tous sens ; il semble chercher sa route, le nez en l'air, une peluche de phoque sous le bras et des chaussons aux pieds. Une alarme se déclenche dans le crâne de Touya, encore, alors qu'il s'arrête à quelques pas de lui pour ne pas l'effrayer. Izuku vient s'accrocher à son pantalon, hésitant à intervenir.

L'adolescent ébouriffe les cheveux de son petit frère, avant de siffler doucement pour attirer l'attention de ce qui lui a tout l'air d'être un enfant perdu. Voire pire.

― Tu t'es perdu ? Tu as besoin d'aide ?

Le petit tressaille violemment, avant de se tourner dans sa direction. Il y a un air si méfiant sur son visage que Touya sent son cœur se pincer, tandis qu'il attend patiemment sa réponse. Le môme a des yeux aussi violets que ses cheveux et, un bref instant, leur forme et leur couleur lui rappelle les yeux de Giran, bien que ces derniers soient d'une teinte plus claire.

― Est-ce qu'on peut dire que je suis perdu si je sais où je veux pas aller ?

― C'est... une façon de voir les choses.

Touya lui concède ce point, un goût de cendres dans sa bouche. Il aurait pu dire ça, à un moment dans sa vie, lorsque Shoto l'a remplacé. L'adolescent a juste envie de prendre le gamin avec lui et de lui promettre qu'il ne retournera pas chez lui. Mais peut-être est-ce quelque chose d'exceptionnel ? Un caprice de gamin qui a tourné en eau de boudin, la fatigue d'un parent célibataire qui se ronge actuellement les sangs, ou que sait-il encore ? Peut-être devrait-il l'emmener au poste de police le plus proche ?

Un soupir lui échappe. Peut-être doit-il d'abord déterminer quelle est exactement la situation de l'enfant.

― Où tu veux pas aller ?

― Mon oncle, il m'a dit de pas parler aux étrangers.

― Tu vis avec ton oncle ?

― Je devrais pas vous parler, s'entête l'enfant.

Touya n'ose pas lui répliquer que c'est exactement ce qu'il est en train de faire ; il ne veut pas non plus briser toute chance de s'attirer sa confiance et en savoir plus. Mais c'est étrange que l'enfant ne cite pas ses parents. Est-il sous la tutelle de son oncle ? Est-ce que ses géniteurs sont morts ou ont été déchus de leurs droits ?

La situation quelque peu exceptionnelle ne l'aide pas vraiment à en saisir toutes les implications. Il ne sait pas ce que c'est, d'avoir un oncle ou une tante. Comment il peut pousser le môme à baisser ses barrières ? Il sort de ses pensées lorsqu'une main tire sur son pantalon ; Izuku le regarde comme s'il avait une idée, désignant d'un geste de la tête l'enfant perdu, avant de s'avancer vers lui.

― Moi, c'est Izuku, et voici mon frère Hikari Midoriya. Enchanté de te rencontrer ! Comment on peut t'appeler ? Et si on allait manger une glace ? À moins que ça soit au glacier que tu veuilles pas aller ?

― … Tu vas m'dire qu't'es plus un étranger comme tu t'es présenté, hein ?

Il y a un sourire dans la voix de l'enfant, alors même qu'il reste impassible, alors qu'il resserre sa prise sur sa peluche. Il étouffe un léger rire dedans, avant de pencher la tête sur le côté, comme pour les jauger. Il y a un long instant de silence et pour la première fois depuis longtemps, peut-être même pour la première fois de sa vie, Touya se retrouve à prier pour un inconnu.

S'il y a des dieux qui les entourent, qu'ils daignent protéger cet enfant perdu, qui semble avoir oublié comment se comporter comme tel.

Si les dieux existent, alors qu'ils enlèvent la lassitude dans le regard améthyste.

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